L'AVIS DE L'EXPERT EUROPEEN 46
valerie.haupert
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Transcript
L'AVIS DE L'EXPERT EUROPEEN
En effet, les textes européens sur l’environnement sont extrêmement nombreux mais leur effectivité reste très souvent aléatoire en raison de l’absence de sanction. Une première directive en date du 19 novembre 2008 s’était emparée du sujet mais son application s’était révélée très faible dans la quasi-totalité des pays européens. C’est en tout cas le constat que fait le rapport publié en octobre 2020 qui met en lumière les lacunes considérables d’application de la législation. En France, ce texte était carrément resté inappliqué. La Commission européenne a donc formulé une proposition législative en décembre 2021 qui a fait l’objet d’un trilogue concluant le 16 novembre 2023, permettant un vote par le Parlement européen en février 2024, par le Conseil de l’Union européenne en mars. La Directive a été publiée au Journal officiel de l’Union le 30 avril 2024. Les Etats disposent d’un délai de deux ans pour transposer ce texte qui améliore la situation sans la révolutionner et dont on peut imaginer que la transposition en droit interne n’aura que des effets assez limités. La première innovation de la Directive est d’élargir la liste des infractions. Alors qu’il n’en existait que neuf en 2008, la liste comporte aujourd’hui pas moins de vingt délits énumérés à l’article 3 de la Directive qui concerne les rejets et émissions dans tous les milieux. Pour qu’il y ait un délit, trois conditions doivent être remplies. Le comportement doit tout d’abord avoir des conséquences dommageables substantielles, avec la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la nature. Ensuite, les autorités doivent prendre en compte certains éléments liés au comportement, ce qui conduit à poser la question de l’existence préalable d’une autorisation administrative et de son caractère exonératoire. En effet, l’existence d’une telle autorisation rend le comportement illicite, sauf si cette autorisation est obtenue de manière frauduleuse ou par la corruption. N’est pas précisé le cas d’une autorisation devenue illicite du fait de son absence de mise à jour. Enfin, le seuil de gravité doit être défini afin que ne soient pas pénalisées les atteintes mineures. Si certains domaines tels que l’air et le climat devront être revus, voire créés, pour les autres infractions, le droit pénal français actuel contient déjà la plupart des incriminations et des niveaux de répressions suffisants. La partie la plus originale du texte est peut-être le dispositif visant à assurer l’effectivité du droit pénal de l’environnement. L’article 21 de la Directive fixe en effet un délai au 22 mai 2027 pour que les Etats membres adoptent une stratégie nationale fixant les objectifs et priorités des politiques pénales, les rôles et responsabilités des autorités impliquées et le renforcement de la spécialisation des agents et enquêteurs. De plus, le rôle de la société civile est très renforcé avec une extension des droits d’agir, de se constituer partie civile et d’accès aux systèmes d’information. Parallèlement, l’accent est mis sur l’amélioration de la formation des juges et du personnel de police et de justice de même que sur la mise en œuvre d’outils, d’enquêtes efficaces et proportionnées pour les enquêtes et les poursuites. En dernier lieu, les Etats membres doivent recueillir et publier les données statistiques sur les infractions pénales. Quel impact sur le droit français ? La criminalité environnementale est très mal réprimée en France malgré des progrès institutionnels récents. La dispersion des textes dans de très nombreux codes, la faible formation des magistrats, le petit nombre de magistrats susceptibles de traiter les sujets expliquent pour partie cette situation. Ce nouveau texte est-il de nature à changer la donne ? Tout dépendra bien entendu de la transcription en droit interne. Mais ce texte vise surtout à unifier le droit pénal européen et à renforcer les actions des atteintes à l’environnement, introduisant la notion d’écocide déjà entrée dans le droit français depuis la Loi climat et résilience du 22 août 2021. Les questions de corruption sont largement traitées mais elles ne concernent pas particulièrement notre pays. Il faut également souligner le traitement spécifique consacré à la criminalité organisée, qui est bienvenu dans la mesure où la criminalité environnementale est la troisième source de profit pour celle-ci après la drogue et le trafic des êtres humains. Les peines vont jusqu’à un maximum de dix ans, nous connaissons déjà ce niveau dans le droit français. On citera néanmoins la place faite aux peines accessoires avec l’obligation d’établir des mécanismes de diligences raisonnables et la possibilité de suspendre l’installation qui peuvent faire évaluer évoluer notre droit. Dans le contexte un peu chaotique de l’arrivée du nouveau Parlement et de la nouvelle Commission, il faut se réjouir que ce texte important ait pu être voté au préalable, permettant d’envisager que la criminalité environnementale qui est un véritable fléau puisse enfin être réprimée convenablement.
LIENS UTILES
- Directive (UE) 2024/1203 du 11 avril 2024
- Directive 2008/99/CE du 19 novembre 2008 ;
- Rapport d’évaluation de la directive 2008/99/CE (résumé exécutif) ;
- Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.