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L'AVIS DE L'EXPERT EUROPEEN
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L'AVIS DE L'EXPERT EUROPEEN

Ce texte, qualifié de fourre-tout par certains Sénateurs, achève, entre autres, la transposition en France de la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires – dite « directive C ». Un contexte d’urgence législative La directive précitée devait être transposée au plus tard le 27 novembre 2016. Le Gouvernement français ne s’étant pas correctement exécuté, il a été mis en demeure par la Commission en 2021 de faire le nécessaire. Celle-ci estimait que certaines des dispositions du Code de procédure pénale étaient contraires à la Directive C, notamment concernant les conditions dans lesquelles il est possible pour les officiers de police judiciaire de procéder à l’audition d’une personne gardée à vue sans l’assistance de son avocat. Faute de réaction satisfaisante, la mise en œuvre d’un recours en manquement a été brandie par les institutions européennes en septembre 2023. C’est dans ces conditions qu’une réforme de la garde à vue – via la procédure accéléré – devait avoir lieu, provoquant l’ire des Sénateurs qui estimaient que le Gouvernement avait tenu le Parlement éloigné de débats cruciaux pour finalement le placer devant le fait accompli. Un espoir de renforcement du droit à l’avocat et donc des droits de la défense… En synthèse, la Directive C apportait trois évolutions susceptibles de compléter notre droit national : •la faculté pour la personne gardée à vue de faire prévenir toute personne de la mesure au lieu de la seule personne avec laquelle elle habite ou ses parents en ligne directe, •la suppression du délai de carence à l’issue duquel, en l’absence d’avocat, la personne peut être entendue, •par voie de conséquence, l’impossibilité pour la police d’entendre le gardé à vue en l’absence de son avocat, sauf circonstances exceptionnelles. Le projet de loi déposé le 15 novembre 2023 était plutôt prometteur en ce qu’il prévoyait un mécanisme consistant, en cas de carence de l’avocat choisi, en la désignation d’un avocat commis d’office par le Bâtonnier. Dans cette attente, le mis en cause ne pouvait être entendu hors la présence de l’avocat. … rapidement balayé par la réécriture du texte déposé par le Gouvernement Le projet d’origine a été remanié par le Sénat, à la fois courroucé par l’empressement gouvernemental et attentif à un « risque de [dégradation] sans cause sérieuse [des] capacités d’enquête des parquets et des officiers de police judiciaire qui, partout en France, ont découvert le projet de loi avec inquiétude et stupéfaction ». En réalité, les Sénateurs se faisaient l’écho des doléances de plusieurs syndicats de police et de magistrats. Ainsi, le texte définitif prévoit que l’avocat doit se présenter « sans retard indu ». Cette exigence ne ressort pas de la directive qui, en fait, imposait aux Etats de donner accès à l’avocat sans retard indu. Ce transfert d’obligation surprend et revient à restaurer un délai de carence – si ce n’est qu’il est ici indéterminé. De même, l’audition du mis en cause peut se faire sans avocat « pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale ». Là encore, le Sénat, approuvé par la Commission mixte paritaire, a apporté une restriction qu’il tire de la directive sans en conserver les nuances. S’ajoute l’exception tirée de l’éloignement géographique de l’avocat qui condamne le droit à l’avocat dans les territoires étendus – on peut penser à l’Outre-Mer par exemple. Au final, nous constatons une transposition dégradée plutôt qu’une réforme pertinente. Faute de véritable ambition pour la garde à vue, le texte final n’est pas d’une limpide clarté ce qui va à contre-courant de la simplification appelée des voeux du Ministère de la Justice. De ce fait, nul doute que les nouvelles dispositions seront contestées risquant d’engorger encore davantage les juridictions.

LIENS UTILES

  • Directive 2013/48/UE
  • Les travaux parlementaires en France

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