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Transcript
Reinhard DAMMANN
La transposition française de la directive 2019/1023/UE : un changement de paradigme pour les praticiens
Avocat au Barreau de Paris, Professeur affilié à l’Ecole de droit de Sciences Po
N°25 Mars 2022
Attendue avec beaucoup d’intérêt de la part des praticiens français, la transposition de la directive 2019/1023/UE dite « restructuration et insolvabilité » (ci-après la « directive ») devra permettre à la France de rester attractive sur le marché européen et international. En effet, la France, qui dispose d’un des meilleurs systèmes de procédures de restructuration préventives avec la conciliation et le mandat ad hoc, se devait, pour rester compétitive, d’adapter sa phase d’arrêté des plans aux standards internationaux. Mission accomplie avec l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 et son décret d’application n° 2021-1218 du 23 septembre 2021 qui introduisent en droit français de nouveaux principes et concepts d’inspiration anglo-saxonne, bouleversant ainsi le droit de la restructuration financière des grandes entreprises. Transposée au niveau de la sauvegarde accélérée, la réforme prévoit le remplacement des comités de créanciers par des parties affectées, sélectionnées par le concepteur du plan sur la base de critères objectifs et vérifiables. Ces parties affectées sont ensuite réparties en classes, en fonction du rang de leur créance, les détenteurs de capitaux constituant une ou plusieurs classes à part. Ce nouveau système qui bouleverse nos habitudes est toutefois limité aux restructurations financières d’envergure, la mise en place de classes de parties affectées n’étant obligatoire en sauvegarde de droit commun et en redressement judiciaire qu’au-delà de certains seuils (250 salariés et 20 M€ de CA ou 40 M€ de CA). Les débiteurs en deçà de ces seuils continueront de recourir à la consultation individuelle des créanciers. Après la constitution des classes vient la phase d’arrêté du plan pour laquelle la directive a opéré un changement de paradigme des plus spectaculaires. Le nouvel article L. 626-32, I, du code de commerce prévoit désormais la possibilité pour le tribunal d’adopter le plan de restructuration en dépit de l’opposition d’une ou plusieurs classes de créanciers grâce au mécanisme du cross-class cram-down. Toutefois, le tribunal devra veiller à ce que le plan de restructuration arrêté protège individuellement et collectivement les intérêts des parties affectées. En effet, en vertu du test du meilleur intérêt des créanciers, le créancier dissident devra, dans le cadre du plan, être mieux traité qu’en cas de scénario alternatif ou d’absence de plan (L. 626-31, 4°, c.com). La plus-value du plan devra aussi être répartie selon la règle de la priorité absolue, c’est-à-dire en fonction des rangs des créances des classes de parties affectées, sauf dérogations nécessaires pour atteindre les objectifs du plan (L. 626-32, I, 3° et II, c.com). Ainsi, il n’est désormais plus possible pour un plan de favoriser l’actionnaire, qui ne pourra être traité que comme un créancier de dernier rang. Le législateur français a également mis fin à la possibilité pour les entreprises de taille importante de demander au tribunal d’arrêter un plan de rééchelonnement des dettes sur dix ans, empêchant des restructurations comme Rallye de se répéter. Le tribunal pourra aussi imposer, sous respect de certaines conditions, une conversion des créances en capital (debt-to-equity swap), obligeant ainsi l’actionnaire à rendre les clefs aux créanciers. En transposant la directive, la France rompt avec son approche pro-débiteur pour adopter une vision plus financière, en harmonie avec les réglementations des autres Etats membres en matière de restructuration et d’insolvabilité. Il revient maintenant aux praticiens et à la jurisprudence de s’adapter à ce changement de paradigme et d’apprivoiser les nouveaux outils juridiques mis à leur disposition.
- R. Dammann, T. Bos, « Le nouveau droit de la restructuration financière : les classes de parties affectées », Recueil Dalloz, octobre 2021, n°37, pp. 1931-1940
- Future recommandation (2ème semestre 2022) sur le droit de l’insolvabilité : accroître la convergence des législations nationales afin d’encourager les investissements transfrontières
- Guide législatif sur le droit de l’insolvabilité de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, 2004-2019
C’est le nombre d’Etats membres à avoir transposé la directive 2019/1023/UE.
- La directive 2019/1023/UE relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes
- L’ordonnance n°2021-1193 portant modification du livre VI du code de commerce
- Le décret n° 2021-1218 portant modification du livre VI du code de commerce
Pour aller plus loin