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Les années de plomb représentent une période complexe et tumultueuse qui a marqué l'histoire contemporaine du XXe siècle. Caractérisées par des crises socio-économiques, une instabilité politique accrue et des tensions internationales, ces années ont laissé une empreinte indélébile sur de nombreux pays. Pour une compréhension approfondie, nous allons explorer les définitions, le contexte historique, les facteurs socio-économiques, l'instabilité politique et le contexte international qui ont défini les années de plomb.

Les années de plomb sont une période de l'histoire contemporaine marquée par une intensification des tensions politiques, sociales et économiques dans de nombreux pays à travers le monde, principalement dans les années 1960 à 1980. L'expression tire son origine de l'Italie, où elle est apparue pour la première fois dans les années 1970 en référence à la violence et à l'instabilité politique qui ont caractérisé cette période. Ces années ont été marquées par une série d'actes terroristes, d'enlèvements, d'assassinats politiques et de conflits sociaux d'une ampleur sans précédent. Cependant, bien que l'expression soit née en Italie, le phénomène des années de plomb n'était pas limité à ce pays, mais s'est propagé à d'autres régions du monde, notamment en Amérique latine, en Europe et au Moyen-Orient.

Les années de plomb étaient le résultat de plusieurs facteurs complexes et interconnectés. Sur le plan socio-économique, de nombreux pays ont connu une période de profonde transformation économique, marquée par l'urbanisation rapide,

I- Contexte: c’est quoi les années de plomb ?

Quotidien italien La Stampa relatant de l'assassinat d'Aldo Morro

l'industrialisation et des changements dans la structure sociale. Cette modernisation rapide a souvent engendré des tensions et des déséquilibres sociaux, avec l'émergence de nouvelles classes sociales, de disparités de richesse croissantes et de frustrations parmi les populations marginalisées et défavorisées. Le chômage, la pauvreté et l'insatisfaction économique ont été des éléments déclencheurs de mécontentement et de révoltes sociales.

II- La course aux années de plomb

Les années de plomb ont été fortement influencées par des facteurs socio-économiques qui ont exacerbé les tensions au sein des sociétés. L'inégalité économique, amplifiée par une croissance économique inégale, a créé un fossé entre les classes sociales, alimentant un sentiment d'injustice parmi les classes défavorisées et favorisant la contestation sociale. Le chômage massif, résultant de la crise économique, a touché particulièrement les jeunes, entraînant un mécontentement accru et une mobilisation plus intense de la jeunesse dans les mouvements sociaux. Ces groupes ont exigé des réformes économiques et une plus grande participation à la prise de décision. De plus, les disparités éducatives ont joué un rôle crucial, avec un accès inégal à l'éducation qui a renforcé les inégalités existantes et exacerbé les tensions sociales. Les mouvements sociaux ont souvent revendiqué une éducation équitable pour tous, soulignant son importance pour l'égalité des opportunités et la stabilité sociale.

Taux de chômage corrigé des variations saisonnières en France métropolitaine. Calculs de l'Insee basés sur la définition du bureau international du travail (BIT), à partir de l'enquête emploi et des données de l'ANPE.

Pendant les années de plomb, l'instabilité politique reflétait des divisions idéologiques profondes et une polarisation croissante. Les gouvernements ont souvent échoué à répondre aux demandes sociales croissantes, alimentant un mécontentement généralisé. Les mouvements politiques radicaux, de gauche comme de droite, ont émergé pour contester l'ordre établi. Les tensions ethniques et culturelles ont exacerbé les divergences idéologiques, souvent exploitées à des fins politiques, générant des cycles de violence. Les régions avec une diversité ethnique ou religieuse ont été particulièrement touchées par des conflits internes, aggravés par des politiques discriminatoires. Les gouvernements ont souvent opté pour une répression brutale, imposant des lois d'exception, censurant les médias et utilisant les forces de sécurité pour étouffer les manifestations. Cependant, ces mesures répressives ont souvent alimenté la résistance populaire, engendrant des cycles de protestation et de répression.

Se méfier de la police. Tract du Parti radical, 1976, Archivio Centrale dello Stato, Rome, publication autorisée par le ministère des Affaires culturelles (no 1403/2016)

Le contexte international des années de plomb a été fortement influencé par la guerre froide, une période de rivalités idéologiques et géopolitiques entre les blocs de l'Est et de l'Ouest. Les pays étaient souvent divisés entre des alliancz

alliances pro-occidentales et pro-soviétiques, et cette polarisation internationale a contribué à la déstabilisation de nombreux gouvernements. Les ingérences étrangères ont également joué un rôle significatif. Les grandes puissances ont parfois soutenu des régimes autoritaires alliés pour contrer les mouvements progressistes, tandis que d'autres ont soutenu des groupes révolutionnaires pour affaiblir les gouvernements jugés trop proches de l'ennemi idéologique. Ces jeux d'influence ont souvent conduit à des conflits locaux, exacerbant les tensions internes.

III- Mécanisme de déclenchement des années de plomb

Afin d’étudier les diverses causes de la naissance de ces années de plomb, nous allons nous intéresser précisément au cas le plus intéressant, celui d'Italie, le sujet étant trop vaste pour être abordé de manière correcte dans d’autres pays du monde.

Au lendemain de l’offensive anti-terroriste, l’Italie retrouvée avec 4 087 activistes de gauche appartenant à des « associations subversives » ou « bandes armées » condamnés pour des « faits liés à des tentatives de subversion de l’ordre constitutionnel ». Une contestation globale semble alors naître au même moment (de la part des étudiants, femmes, ouvriers…). Le passage de l’acceptation abstraite de la violence a été précipité par l’attentat de la Piazza Fontana. Cet attentat a alimenté la crainte d’une évolution autoritaire du pays. Lors de la cérémonie funéraire, les autorités de l’État sont huées, signe d’une véritable « crise institutionnelle » , et marque d’une vertigineuse perte de confiance envers la classe politique accusée de faire obstacle à l’émergence de la vérité, entretenue ensuite par les associations de victimes du terrorisme. Il inaugure

Le 12 décembre 1969, sur la Piazza Fontana à Milan, une bombe explose à l'intérieur de la Banca Nazionale dell'Agricoltura. Le bilan est dramatique: 17 victimes et 88 blessés.

inaugure une longue série de « massacres d’État » ainsi appelés en raison de la collusion d’une partie des services secrets avec les groupes d’extrême droite.

Les années de plomb se caractérisent par un grand nombre de procès qui ont placé la magistrature au centre des débats. Vers la fin des années 1970, un type de procès probablement inédit est né en Italie, constitué de la poursuite judiciaire contre le mouvement extra-institutionnel « Autonomia Operaia ». Ce procès pénal, connu sous le nom de procès 7 aprile, représente l’aboutissement d’une longue gestation durant laquelle certaines pratiques judiciaires spéciales se précisent, d’abord utilisées pour contrecarrer la violence politique des mouvements extra institutionnels, puis afin de poursuivre certains groupes d’individus considérés comme les meneurs de tout le mouvement subversif des années 1970. Le phénomène de « gouvernement des juges » ou de « parti des juges » fait alors son apparition. On constate également la naissance de la« stratégie de la tension » et du terrorisme dit « rouge ». Ces années de plomb naissent au sein d’un contexte de guerre froide, le contexte anxiogène constitue alors un facteur important de radicalisation. La méfiance est présentée comme un dernier recours face à un risque politique imminent.

La vitalité des mouvements contestataires en Italie et la conflictualité croissante qui les accompagne contribuent à renouveler un sentiment d’anticommunisme viscéral. La gauche extraparlementaire amplifie ces craintes, en étendant le spectre de la défiance à l’État tout entier, accusé de couvrir des dérives fascistes et terroristes.

Enfin, la « stratégie de la tension » ne se limite pas aux tentatives ou aux mises en scène de coups d’État, mais s’incarne surtout dans une série d’attentats à la bombe qualifiés de massacres , perpétrés par des militants néofascistes dans le but de « déstabiliser pour stabiliser». À partir de 1975, la violence politique gagne en intensité avec l’augmentation du nombre d’attentats ciblés et la montée en puissance de la lutte armée se réclamant du marxisme-léninisme, qui s’accompagne également d’une forte visibilité médiatique.

Manifestation des ouvriers de la FIAT, en 1969 (membre du le mouvement extra-institutionnel << Autonomia Operaia)

Attentat de la Piazza Fontana : Attentat à Fontana dans le centre de Milan le 12 décembre 1969 faisant 16 morts et 88 blessés.Autonomia Operaia: Le « mouvement autonome » défend une conception léniniste de l'Autonomie ouvrière qui prône la création d'un « Parti autonome ». Le principe est le suivant, " Être autonomes, c'est refuser de laisser un autre penser et décider à sa place ».Contexte international: Les interactions et les influences entre les différents pays et acteurs internationaux qui façonnent les événements et les développements à l'échelle mondiale. Dans le contexte des années de plomb, la guerre froide et les rivalités géopolitiques entre les blocs de l'Est et de l'Ouest ont joué un rôle majeur, ainsi que les ingérences étrangères et les alliances internationales.Dérives fascistes et terroristes: Système politique autoritaire qui associe populisme, nationalisme et totalitarisme au nom d'un idéal collectif suprême (fascisme) et un système pratiquant des actes de violence (attentats, destructions, prises d'otages) (terrorisme).Facteurs socio-économiques: Les conditions sociales et économiques qui contribuent à façonner la dynamique d'une société, notamment l'urbanisation rapide, l'industrialisation, les inégalités économiques, le chômage, la pauvreté et les disparités éducatives.Guerre froide: Longue épreuve de force qui s'est engagée, au lendemain de la capitulation de l'Allemagne hitlérienne, entre les États-Unis et l'Union soviétique (12 mars 1947-25 déc. 1991).Instabilité politique: Une situation où les gouvernements et les institutions politiques d'un pays rencontrent des difficultés à maintenir un ordre stable et cohérent en raison de divisions idéologiques profondes, de la polarisation croissante de la société et de l'incapacité à répondre efficacement aux demandes sociales.Marxisme-léninisme: Politique élaborée par Lénine, à partir de l'analyse scientifique d'une situation concrète (la Russie pendant la période révolutionnaire) et développant la doctrine de Marx (menant une analyse « matérialiste » de l'évolution de l'histoire).Mouvements politiques radicaux: Des groupes ou des organisations politiques qui adoptent des idéologies extrêmes et qui cherchent à renverser l'ordre politique et social établi.Radicalisation: Ici, cela signifie l'acceptation de méthodes de lutte politique de plus en plus violentes.Stratégie de la tension: Expression qui renvoie à une série d'attentats à la bombe dans des lieux publics dans le but d'en faire porter, au moins dans un premier temps, la culpabilité aux mouvements révolutionnaires, et dont l'objectif ultime est de provoquer un tournant répressif et autoritaire.Terrorisme rouge: Pratique terroriste qui procède par attentats ciblés contre des individus identifiés comme des ennemis (juges, policiers ou gendarmes, journalistes, politiciens, chefs d'entreprise), et relève donc d'une forme d'intimidation spécifique."Gouvernement des juges" ou de "parti des juges” : L'apparition d'un véritable pouvoir et par le rôle politique autonome d'une partie de la magistrature, tout particulièrement celle chargée de l'instruction des enquêtes. Marquant l'existence d'une nouvelle dimension politique de l'action judiciaire.

Document 1: Tract du Parti radical

Se méfier de la police. Tract du Parti radical, 1976, Archivio Centrale dello Stato, Rome, publication autorisée par le ministère des Affaires culturelles (n° 1403/2016)

1. Présenter le document2. Exprimer votre interprétation personnelle du document.3. A l’aide de vos connaissances et de votre interprétation du document ci-dessous, expliquez en quoi la méfiance peut-elle être considérée telle une arme du contrôle démocratique.

Document 2:

1. Présentez le document.2. Quel est le ton adopté par Pierre Gaxotte dans cet article ? Comment cela influence-t-il la perception des événements des années de plomb ?3. Selon l'auteur, quels sont les principaux dangers auxquels l'Italie est confrontée en raison de l'instabilité politique et sociale ? En quoi ces dangers menacent-ils l'ordre établi ?4. Quelle critique Pierre Gaxotte adresse-t-il aux démocraties occidentales, en particulier à l'Italie, et comment cela reflète-t-il les tensions politiques et idéologiques de l'époque ?

Pierre Gaxotte, «Les barbares sont-ils déjà là ?»«...Ne voit-on pas que les bases mêmes de l'ordre sont minées et que, petit à petit, à force d'indulgence pour le crime, d'indifférence pour les victimes, de publicité pour la violence, nous risquons de tomber dans cette anarchie mortelle où est en train de sombrer l'Italie ? L'enlèvement de M. Moro, artisan de l'accord entre les démocrates-chrétiens et le parti communiste, le jeu affreux des «Brigades rouges» le contraignant à écrire des lettres déshonorantes pour le régime, annonçant sa mort, s'amusant avec son cadavre véritable ou supposé, ne voit-on pas là la preuve que l'État italien est impuissant, aussi impuissant qu'en 1922 quand la nation fit de Mussolini son sauveur ? (...) Les démocraties ont tous les moyens de défense nécessaires (...) Mais l'accusation de fascisme lancée à tort et à travers a émasculé les démocraties : c'est comme cela qu'elles vont à la dictature.»Le Figaro (France), 7 mai 1978

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Éditorial«...À son grand honneur, le gouvernement italien est resté absolument ferme dans son refus de négocier avec les terroristes. Malgré l'issue sanglante, cette décision était la bonne. D'autres gouvernements européens ont essayé de conclure des accords dans d'autres cas, et presque toujours ils l'ont regretté amèrement. Mais aujourd'hui, le temps est venu de répondre aux Brigades rouges. Elles ont dit aux Italiens que le seul choix était entre une démocratie inefficace et le totalitarisme des radicaux. La plupart des Italiens ont parfaitement compris qu'il s'agit d'un faux choix. Mais la manifestation exige un gouvernement capable non seulement de maîtriser les tireurs, mais aussi de protéger et de promouvoir les intérêts généraux de ses citoyens. M. Moro a consacré sa vie à la défense de la tradition démocratique en Italie. Renforcer et élargir cette tradition est la commémoration que sa mort effroyable exige.»The Washington Post (États-Unis), 10 mai 1978.

« L’horreur que nous ressentons n’est pas due seulement aux terribles, aux tragiques conséquences de ces attentats criminels, mais aussi à une sensation précise qu’à travers ces bombes, ces attentats et ces victimes, on a voulu susciter une alarme et un désespoir, une exaspération qui porte à une crise et à un écroulement des institutions démocratiques. Nous comprenons que ceux qui ont posé ces bombes, ceux qui ont calculé froidement, cyniquement ces morts, ce sang, ces victimes, voulaient, chers collègues, diffuser la méfiance envers notre régime de liberté, détruire notre confiance en notre capacité de vivre et de transformer ce pays dans la liberté et dans la tolérance. »article tiré du journal communiste L’Unità, rapportant les paroles du député Ingrao à l’Assemblée (le 14 décembre 1969)

Document 3:

Document 4:

1. Présentez le document.2. Quelle est la position du gouvernement italien, telle que décrite dans l'éditorial du Washington Post ? En quoi cette position est-elle considérée comme importante dans la lutte contre le terrorisme ?3. Comment l'éditorialiste présente-t-il le dilemme entre démocratie inefficace et totalitarisme radical ? Quel est son point de vue sur cette question ?4. En quoi l'éditorial souligne-t-il l'importance de renforcer et d'élargir la tradition démocratique en Italie après l'assassinat de M. Moro ? Quels sont les enjeux politiques et sociaux sous-jacents à cette affirmation ?

1. Présenter le document2. Quel effet ou conséquence ce document est-il en train de souligner/ mettre en valeur ?3. Quelle hypothèse peut-on émettre sur l’image de l’« opinion publique » reflétée par ces rapports ?