Accueil des publics en situation d'illettrisme (PLP)

Plp & illettrisme

Pistes de réflexion et d'action pour accueillir les personnes en situation d'illettrisme en Plateforme Linguistique de Proximité

PARLERA

AFI / ECRIT69

EDITO

Cet outil a été initié par le centre ressources illettrisme du Rhône, AFI/ECRIT69, et a été proposé, retravaillé et expérimenté par le réseau des 11 Plateformes Linguistiques de Proximité (PLP) du Rhône.

Les PLP du Rhône sont portées par des structures diverses dans leurs missions, nature, ancrages professionnels, décliant ainsi les pratiques de manière un peu différente pour chacune des plateformes. Cet outil est issu de ce travail de mutualisation et d'échanges de pratiques Inter-PLP, et s'inscrit dans une démarche d'amorce de modélisation du travail des Plateformes.

Les 11 Plateformes Linguistiques de Proximité du Rhône : Lyon 3/7, Lyon 5/9, Lyon 8, Meyzieu, Rillieux-la-Pape, Saint-Fons, Saint-Priest, Sud-Ouest Lyonnais, Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Villeurbanne

De la même manière qu’on parle d’illettrismeS (au pluriel), on parlera donc d’accompagnementS au pluriel, selon l'expérience et les pratiques des animateurs des PLP, et selon le vécu des usagers qui se présentent. Gardons à l'esprit que certaines personnes relevant du Français Langue Etrangère sont en situation d'illettrisme dans leur propre langue... : cet outil peut donc tout à fait être transférable et adapté à d'autres situations langagières.

Le travail mené par les PLP doit faire preuve d’agilité, entre fonctions orientative, diagnostique, remobilisatrice...

Préambule

L’entretien en tant que tel peut déjà être une étape formative. Même s’il ne débouche pas sur une proposition de formation, il peut permettre une prise de conscience et constituer une étape dans un processus parfois long.

Les objectifs peuvent donc être divers :

> Proposer une orientation effective vers une formation > Proposer une piste de réflexion sur une entrée en formation à moyen ou plus long terme > Proposer une alternative à la formation en tant que telle en identifiant une activité personnelle permettant à la personne de : - rester en action - avoir un prétexte concret d'être recontactée - accompagner les processus de remobilisation qui parfois doivent se faire en étape - prendre conscience que malgré les difficultés, on a un niveau suffisant pour tel ou tel projet / action du quotidien : amorcer une démarche pour quitter la posture d'auto-censure.

L'objectif de cet outil est de mutualiser les manières de faire des Plateformes... sans être la bible du « Bon accompagnateur des situations d’illettrismes ».

Les lignes directrices adaptées à l’accueil des personnes en situation d’illettrisme (PSI)

Gérer les stratégies de contournement & composer avec les stratégies d’adaptation

• Une personne en difficulté n’a pas toujours envie d’être transparente et utilise parfois des stratégies d’adaptation ou de protection (voir INDICES)

A éviter à tout prix : “Ah vous avez une entorse au poignet, je sais ce que c’est moi aussi j’en ai eu une”

• Garder une flexibilité par rapport à ce qui est dit

Une personne pourra dans un premier temps déclarer lire régulièrement le journal et ensuite aborder des problèmes de lecture ultérieurement “C’est ce qu’on se dit aujourd’hui, c’est pour cela que je mets la date” “N’hésitez pas à m’appeler si vous avez une autre idée” “Si j’ai bien compris... (reformulation par hypothèse)”

• En cas de doute, faire appel à un tiers fictif

“Une personne que j’ai déjà vue en entretien m’avait dit que...”

• Être à l'écoute mais rester dans la posture professionnelle d'orienteur.

Pour les PSI, la vie privée passe souvent par des intermédiaires, ce qui peut perturber la perception de l'intimité. Si la personne semble ressentir le besoin d'échanger : prendre le temps d'écouter ce qu'elle choisit de déposer lors de l'entretien, et l'orienter vers les relais adéquats en tenant compte de la globalité de la situation, si les sujets dépassent notre champ de compétences.

Les lignes directrices adaptées à l’accueil des personnes en situation d’illettrisme (PSI)

Expliquer à la personne pourquoi il faut parfois écrire en même temps que l’échange oral

• Par exemple, pour éviter des réactions de méfiance

• Prendre le temps de systématiser à voix haute ce qui va être écrit en spécifiant l’objectif :

“C’est pour que je me souvienne de ce qu’on s’est dit lorsqu’on se reverra” “C’est pour transmettre à votre conseiller” “C’est pour que vous puissiez le relire avec quelqu’un si vous le souhaitez”

• Proposer de relire ce qui est écrit

Propositions d'action selon les situations

La personne exprime une demande claire

La personne n’exprime ni demande, ni désir

"Je veux avoir une formation en français" "J’ai besoin d’apprendre pour avoir un métier"

Evaluation

"Je suis ici parce qu’au sinon on m’enlève mes allocs" "J’ai pas besoin de cours de français, je me débrouille très bien" "Je sais pas ce qu’ils me veulent"

Clarification

"Mon fils m’a dit que j’écris mal" "Mon conseiller Pôle Emploi m’a dit de venir" "J’ai une amie qui est déjà venue vous voir"

La personne demande via un tiers

Remobilisation

1. La personne n'exprime ni demande, ni désir

Pour certaines PSI, affirmer venir sous la contrainte, peut être une stratégie d’adaptation (difficulté à assumer sa situation d’illettrisme) Pour d'autres, le déni est une manière de sauvegarder leur dignité et leur réelle capacité à gérer leur vie correctement avec des stratégies adaptées à un contexte qu'elles pensent immuable.

• Si la personne exprime clairement qu’elle vient uniquement sous la contrainte ou qu’elle n’en a pas besoin :

- Ne pas passer de temps à la persuader du bien-fondé mais enchainer sur la phase de test ou de compte-rendu

Ok, alors, on fait directement ces tests ou bien vous auriez quelque chose qu’il faudrait que je sache avant ?

• Si la personne refuse toute activité lors de l'entretien :

- Proposer directement la rédaction du compte-rendu éventuellement en ne le complétant que par du déclaratif

Monsieur ne souhaite pas envisager une formation en soulignant son besoin impératif de travailler.

• Si sous cette manière de ne pas oser exprimer de demande, vous décelez surtout une grande souffrance :

- C’est l’occasion de sortir les chiffres de l’ANLCI !

Votre orienteur a pensé que vous étiez comme toutes ces personnes qui ont des difficultés pour écrire. Vous savez que dans un groupe de 10 personnes, il y en a environ une qui n’écrira pas même si elle en a envie ?

1. La personne n'exprime ni demande, ni désir > Clarification

ACTE DE CLARIFICATIONProposer des activités informelles permettant à la personne de savoir où elle en est réellement dans l'acquisition des savoirs de base ; s'appuyer aussi sur le déclaratif de la personne dans ses usages de l'écrit

• Insister sur la restitution des activités et de tout ce qu’on a observé pendant que la personne les faisait

• S’en faire une alliée

J’ai vu que vous aviez réfléchi avant d’écrire le « s », ça m’intéresse de savoir ce que vous avez pensé à ce moment là Comment vous avez trouvé tous ces tests, est ce qu’il y aurait une modification à y apporter pour qu’ils soient mieux ?

• Si on a décelé une envie ténue :

- Proposer une action à réaliser au quotidien

Et de toutes manières, puisque pour le compte-rendu il faut écrire quelque chose, pourquoi ne pas se mettre d’accord sur lire les panneaux de stations dans le bus ?

• Si la personne n’a vraiment envie de rien :

- Soigner le compte-rendu pour que l’orienteur se rende bien compte que la personne n’était dans aucune demande et que la personne a besoin d’être remobilisée

Proposer de travailler ensemble sur la remobilisation : par exemple entretien à 3...

+ Proposer à la personne comme à l'orienteur de la recevoir à nouveau plus tard,car elle n'est peut-être pas prête à l'instant-T

2. La personne demande via un tiers

Pour certaines PSI, cela peut signifier que le projet de formation n’est pas encore vraiment intériorisé. Parfois, c'est l'expression d'une contrainte, mais aussi une aide pour les personnes se sentant illégitimes à demander une formation. La personne peut aussi avoir recours au tiers fictif pour éviter les déceptions (stratégie d’adaptation - ne pas insister sur l’identité de la personne tierce).

• Recentrer sur la personne

"Ah, votre amie suit des cours, qu’est-ce qui vous plait dans ce qu’elle vous dit de ces cours ?" "C’est votre référent qui vous en a parlé, c’est en lien avec un projet que vous avez ?" "Pourquoi pensez-vous qu’il souhaite que vous veniez me voir ? Qu’est -ce qu’il attend ?" "Est-ce vous avez parlé avec lui de la formation que vous pourriez faire ?"

• S’il nous semble que la personne met en avant la nécessité de rendre des comptes à son orienteur :

"Nous allons donc faire le point pour lui donner les informations, mais n’hésitez pas à me dire aussi ce que vous pensez des tests que je vais vous proposer..." "Ca vous dirait qu’on profite de ce temps pour trouver les informations qu’il demande, mais aussi pour voir ce qui vous intéresse plus vous-même ?"

• S’il nous semble que la personne est dans une difficulté à assumer sa propre envie de formation :

- Lui proposer quelques supports très adaptés. Dans ce type de situation, il est commun de privilégier les apprentissages réussis et de mettre l’accent sur la transférabilité de cette réussite.C’est aussi le genre de situation où le témoignage de pairs ou bien les chiffres dédramatisent la situation. - Etablir avec la personne quelques objectifs (micro mais dans la perspective de macro-objectifs).

"Ces mots là, ça va bien, mais pour lire le journal, il faudrait savoir en lire d’autres, vous pourriez commencer par les mots du sport" "Les formulaires comme celui -la ça marche, mais si on vous demande les noms des enfants, c’est plus compliqués, ça pourrait être une première chose à travailler, qu’en pensez-vous ?"

2. La personne demande via un tiers > Remobilisation

ACTE DE REMOBILISATIONPartir d'activités simples adaptées à la personne (écrire quelques mots, lire les affiches de la salle...) pour mettre en évidence les compétences déjà acquises parfois de manière non-formelle

• Si une formation existe :

- La proposer - Prendre le temps de tout expliquer - Proposer un délai assez court - Indiquer qu’on sera présent à chaque étape pour le suivi

• Si aucune formation n’existe actuellement :

- Proposer une activité personnelle en insistant sur l’aspect "pré-formation" de celle-ci.Ce ne sera pas toujours facile car la personne aurait plutôt envie d’être soutenue dans une démarche difficile à assumer

Si dans votre vie personnelle, vous souhaitez suivre un cours pour mieux communiquer par écrit et que par manque de solution ou de place, on vous oriente vers un atelier "peinture", le prendriez-vous bien ?

- S’assurer que cette proposition fait sens pour la personne, la décrire concrètement dans le compte-rendu... Etablir un petit contrat et mettre en valeur la fonction "savoirs de base" de la proposition

Dans l’exemple de l'atelier peiture à la place ou en attente d'un atelier d'écriture, formuler un objectif en lien avec la demande initiale, par exemple : "travailler le geste graphique"...

3. La personne exprime une demande claire

Pour certaines PSI, formuler une demande claire de formation peut être une hyper-adaptation afin de satisfaire les accompagnants.

• Contextualiser la demande

"Qu’avez-vous envie de savoir mieux faire que maintenant ?" "Qu’est-ce qui vous donne cette envie maintenant ?" "Quel est le projet spécifique que vous avez ?"

• S’il y a un projet professionnel, s’assurer qu’il a été déjà validé par le référent d’insertion professionnel

• Demander à la personne quels sont ses besoins : en gardant en tête qu’il ne nous appartient pas de juger si ce sont des besoins ressentis ou réels.

• Cerner la faisabilité du projet : un indice de l’illettrisme est la distorsion entre un projet (formatif ou professionnel) et la situation actuelle

Une jeune personne de 18 ans qui n’a pas le brevet et qui veut passer le concours d’infirmière dans 1 mois : "Avec qui avez-vous déjà parlé de ce projet / de cette envie ?"

Un point est fait avec la personne ou son orienteur sur les écarts, les prérequis ou les voies d'accès aux formations ou aux métiers.

3. La personne exprime une demande claire > Evaluation

ACTE D’EVALUATION Proposer des tests formels d’évaluation en fonction du niveau de la personne et du projet (entrée en formation, évaluation des pré-requis afin d’envisager une entrée en formation qualifiante, évolution du poste de travail...) > voir un exemple d'outil d'évaluation ici

• Si une formation existe et nous semble adaptée dans le contenu, dans les modalités et l’objectif :

- Travailler sur l’entrée en formation en la rendant concrète et en détaillant les étapes

"Comment imaginez-vous la formation qui vous conviendrait le mieux ? Quand est-ce que vous êtes disponible pour vous former ? Comment allez-vous vous rendre à la formation ? Qui va garder les enfants ? Votre employeur peut-il adapter vos horaires de travail ?..."

• Si une formation existe mais on cerne une inadéquation entre le rêve et la réalité :

- Travailler sur les freins (formation en groupe / formation intensive / mobilité…). Éventuellement visualiser par une balance le pour et le contre

"Malheureusement, cela n’existe pas comme ça, mais on peut voir ensemble ce qu’il faudrait pour que vous vous sentiez à l’aise" "Puisqu’on n’a pas trop le choix, qu’est ce qui est le plus important pour vous ? près de chez vous ? en individuel ?"

- Donner un délai de réflexion (mais assez court)

"Voilà c’est une piste, je vous rappelle semaine prochaine pour savoir ce que vous en pensez ?"

- Rédiger ensemble le compte-rendu

Mr XX pense trop difficile/inadéquat pour lui de rentrer en formation dans un groupe... (en général, les personnes re-réfléchissent alors à leur position)

• Si aucune formation n’existe actuellement :

- Proposer d’élaborer ensemble une activité "d’attente" : - Assurer du suivi par des rappels ou inciter la personne à rappeler/mailer elle-même pour faire des points d’étape...

CONTACT

Dominique Genty

dominique.genty@afi3.fr - 06 43 86 44 76

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