Politiques sociales: Le logement (revu)
Introduction
Le logement est un enjeu central des politiques sociales en France. Face à la crise du logement et à la précarité grandissante, l’État et les collectivités territoriales déploient des dispositifs variés pour garantir à chacun un toit. Les Techniciens de l’Intervention Sociale et Familiale (TISF), en première ligne auprès des familles en difficulté, doivent comprendre ce cadre politique et opérationnel.
Cet exposé vise à présenter de manière pédagogique les politiques du logement actuelles, en alliant points juridiques essentiels et aspects pratiques. Nous aborderons le cadre général (rôle des acteurs publics, lois SRU et DALO, plans nationaux), les différents types de logements à vocation sociale, les droits desusagers, les acteurs clés impliqués, les dispositifs concrets d’aide au logement, le rôle spécifique des TISF, ainsi qu’une attention particulière aux publics vulnérables.
Cadre général des politiques du logement
Compétence partagée : L’État définit le cadre législatif, réglementaire et financier tandis que les collectivités locales (communes, départements, régions) mettent en œuvre les politiques sur le terrain. Le Code de la construction et de l’habitation consacre les collectivités comme acteurs majeurs du droit au logement, leur rôle s’étant accru au fil des réformes. L’État garantit les droits (droit au logement opposable, etc.) et apporte des financements, mais communes et intercommunalités planifient et réalisent concrètement les actions (urbanisme, parc social...).
Gouvernance multi-acteurs : Des instances de coordination existent (par ex. Comités de pilotage logement État-département). Les politiques nationales sont déclinées localement via des plans locaux d’habitat (PLH) et des plans départementaux dédiés (voir PDALHPD). Le partenariat État-collectivités est donc au cœur du dispositif.
Lois Besson (1990 et 2000)
Loi Besson du 31 mai 1990 : renforce le principe du droit au logement comme « devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». Elle affirme que toute personne démunie doit, en théorie, pouvoir être aidée par la collectivité pour se loger. En pratique, ce droit est resté longtemps symbolique, sans garantie concrète jusqu’en 2007 (DALO).
Loi Besson du 5 juillet 2000 : impose aux collectivités d’organiser l’accueil des gens du voyage. Chaque département doit adopter un schéma d’accueil précisant les communes devant aménager des aires d’accueil pour les résidences mobiles. Les communes de plus de 5 000 habitants, notamment, ont l’obligation de prévoir et financer des aires d’accueil sous l’autorité du préfet. Cette loi (dite “seconde loi Besson”) vise à pallier le manque de terrains pour ce public nomade.
Loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains, 2000)
Objectif de 25 % de logements sociaux : La loi SRU impose à chaque commune de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France) faisant partie d’une agglomération >50 000 hab. d’atteindre 25 % de logements sociaux d’ici 2025 (20 % pour certaines communes en croissance démographique). Sanctions en cas de non-respect : Plus de 1 100 communes étaient déficitaires en logements sociaux ces dernières années. L’État peut infliger des amendes proportionnelles au nombre de logements manquants. Depuis 2023-2024, le préfet peut se substituer aux communes carencées (ex. exercer le droit de préemption pour construire du logement social).
Mixité sociale : L’esprit de SRU est de répartir le parc social pour éviter les ghettos et les villes refusant leur part de logements abordables. Beaucoup de communes ont accru leur parc HLM, même si certaines préfèrent payer des pénalités plutôt que construire, ce qui reste un défi persistant pour l’État.
Loi DALO (Droit au logement opposable, 2007)
Droit au logement effectif : La loi DALO consacre le droit opposable au logement pour les plus démunis, passant l’obligation de l’État d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. Désormais, toute personne résidant régulièrement en France qui ne parvient pas à obtenir un logement décent par ses propres moyens peut exercer un recours DALO.
Recours et critères : Un formulaire de recours est déposé auprès d’une commission de médiation départementale qui examine la situation. Sont reconnus prioritaires les demandeurs sans domicile, menacés d’expulsion sans relogement, logés dans un logement insalubre ou sur-occupé, ou attendant un HLM anormalement longtemps. Si le demandeur est jugé prioritaire, la commission lui reconnaît un droit à un logement.
Obligation de résultat de l’État : Le préfet doit alors faire une proposition de logement dans un délai de 3 à 6 mois (selon les départements). À défaut, le bénéficiaire peut saisir le tribunal administratif, qui pourra condamner l’État (astreintes) pour non-exécution. Impact concret : Grâce au DALO, des familles auparavant “invisibles” sur liste d’attente HLM obtiennent un logement. Exemple : une famille de 5 personnes vivant dans un studio insalubre voit son recours DALO reconnu prioritaire et obtient, via le contingent préfectoral, un logement HLM adapté en quelques mois (alors qu’elle attendait depuis 5 ans).
Politique de la Ville et rénovation urbaine
Renouvellement des quartiers : En parallèle des politiques logement stricto sensu, la Politique de la Ville et les programmes de rénovation urbaine (ANRU) améliorent l’accès au logement en rénovant les quartiers populaires dégradés (démolition de barres insalubres, reconstruction de logements, mixité fonctionnelle). Ces projets visent à désenclaver les cités et à attirer une mixité de populations, ce qui indirectement facilite le logement des ménages modestes dans un meilleur environnement.
Cohésion territoriale : Ces actions s’articulent avec l’aménagement du territoire pour éviter les ghettos urbains et les déserts ruraux. Par exemple, l’ANRU (2003) a investi massivement dans la rénovation de grands ensembles HLM des années 60-70, améliorant le cadre de vie de millions d’habitants (meilleure isolation, destruction des tours les plus insalubres, etc.).
PDALHPD (Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées)
Planification locale : Chaque département élabore un PDALHPD pour coordonner l’État, le Conseil départemental et les acteurs locaux autour du logement des plus démunis. Ce plan, mis à jour tous les 5/6 ans, définit les priorités locales (développement du logement très social, prévention des expulsions, accompagnement des publics vulnérables, etc.) et mobilise des financements dédiés (par ex. crédits du FSL).
Outil de pilotage : Le PDALHPD identifie les besoins spécifiques du territoire et les engagements de chacun. Par exemple, un département peut mettre l’accent sur le logement des jeunes ou créer des places en pensions de famille. Utilité pour le TISF : Connaître le PDALHPD de son secteur permet au TISF d’identifier les dispositifs locaux disponibles et les priorités d’action (ex : tel département finance un service d’accompagnement logement jeune, tel autre renforce l’aide aux familles monoparentales). Le PDALHPD est une boussole locale pour orienter efficacement les familles.
Plan “Logement d’abord” (2018–2023)
Nouvelle approche contre le sans-abrisme : Lancé en 2018, le plan Logement d’abord vise à loger directement les personnes sans domicile au lieu de les maintenir dans un circuit de structures temporaires. Inspiré du Housing First, il s’agit de donner un logement pérenne d’emblée, assorti d’un accompagnement social, plutôt que de faire transiter les personnes par de multiples hébergements d’urgence. Mise en œuvre : Des territoires pilotes (villes ou départements) ont été désignés pour innover via des partenariats entre bailleurs sociaux, SIAO, associations, etc.. Le plan a encouragé le développement de pensions de famille, de résidences accueil, d’intermédiation locative et d’équipes mobiles allant vers les sans-abri.
Résultats : Grâce au Logement d’abord, les attributions de logements sociaux aux sans-abri ont fortement augmenté (par ex. +50 % en 2022 par rapport à 2017). L’État a labellisé et financé des associations pour louer massivement des logements privés et y loger des sans-abri. Changement de pratique : Pour les travailleurs sociaux dont les TISF, cela modifie l’intervention : on peut se retrouver à accompagner directement dans un logement une personne qui vivait à la rue la semaine précédente. Il faut être très présent au début (ameublement, apprentissage des bases de la vie “entre quatre murs”, lien avec les voisins et les services médicaux…) afin de sécuriser ce passage brutal de la rue au logement.
Logement social (HLM) : principes généraux
Définition : Le logement social (HLM) est un logement à loyer modéré, construit avec l’aide de l’État et géré par un bailleur social (office public de l’habitat rattaché à une collectivité, entreprise sociale pour l’habitat type SA HLM, coopérative HLM, etc.). Les loyers y sont inférieurs au marché et l’attribution se fait sous conditions de ressources. Objectif social : Fournir un logement pérenne, de qualité, à coût abordable pour des ménages modestes, afin de favoriser leur stabilité résidentielle et l’insertion (emploi, scolarité des enfants…). Le parc HLM est un filet de sécurité pour des millions de familles à revenus modestes ou précaires (5,2 millions de ménages y habitent en 2023).
Attribution : Les demandes sont centralisées via un numéro unique départemental. Les logements sont attribués par des commissions au sein de chaque organisme HLM, en fonction de critères sociaux et de la situation du demandeur. Une partie des logements est réservée à certains contingents (préfet pour les DALO, commune, employeurs) ce qui permet de prioriser certains publics. Rôle du TISF : En cas d’accès à un HLM pour une famille suivie, le TISF aide à l’installation (ouverture des compteurs, assurance habitation, appropriation des lieux) et peut travailler sur la vie quotidienne (budget, entretien, voisinage) pour pérenniser le relogement.
Logement social : typologies et financement (PLUS/PLAI)
PLUS et PLAI : Il existe plusieurs sous-catégories de HLM selon le financement initial. Les logements PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) sont les HLM “classiques” – ils forment près de 90 % du parc social, destinés aux ménages modestes. Les logements PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) sont des HLM “très sociaux” conçus pour les ménages en grande précarité (revenus très faibles, souvent allocataires de minima sociaux ou sortant d’hébergement). Les PLAI ont des loyers encore plus bas et ouvrent droit à des aides plus fortes. Exemple : Une mère isolée avec 2 enfants vivant du RSA pourra obtenir un PLAI, plus abordable qu’un PLUS. Ce type de logement très social lui permet de payer un loyer minime (ex : 100 € de reste à charge si 500 € d’APL pour 600 € de loyer).
Attribution et priorités : Les ménages en difficulté grave (DALO, handicap, violences conjugales…) sont prioritaires pour l’accès au parc social. Les bailleurs doivent réserver une part des logements aux publics prioritaires (décisions DALO, relogements d’urgence, etc.). Un TISF peut accompagner la famille dans ces démarches (constitution du dossier, préparation de l’entretien en commission). Contingents réservataires : L’État (préfet) et les communes disposent de contingents de logements HLM qu’ils peuvent attribuer en priorité à certains publics (public DALO pour le préfet, habitants locaux pour la mairie, salariés pour Action Logement, etc.). Cela permet d’orienter vers le logement social les publics ciblés par les politiques (ex : reloger des habitants d’un quartier insalubre via le contingent préfectoral).
Logement intermédiaire
Public cible : le logement intermédiaire vise les ménages “trop riches” pour un HLM mais “trop pauvres” pour se loger sur le marché privé dans les zones chères. Il s’adresse surtout aux classes moyennes (jeunes actifs, travailleurs essentiels…) dans les zones tendues à loyers élevés. Caractéristiques : Financé via des prêts spécifiques (PLS – Prêt Locatif Social, PLI – Prêt Locatif Intermédiaire), il propose un loyer intermédiaire, généralement ~15 % en dessous du privé local. Les plafonds de revenus sont plus élevés que pour le HLM.
Impact : Le logement intermédiaire évite l’effet de falaise où un ménage légèrement au-dessus des critères HLM se retrouve sans solution abordable. Il fluidifie le parcours résidentiel en offrant une étape aux ménages dont les revenus augmentent, avant le secteur privé. Exemple : Un jeune couple d’infirmiers débutants, dépassant de peu le plafond HLM, peut louer un logement intermédiaire en ville à loyer modéré plutôt que de s’endetter dans le privé.
Résidences sociales (logement temporaire accompagné)
Définition : Une résidence sociale est une formule de logement temporaire “accompagné”, relevant du statut de logement-foyer. Elle propose de petits logements meublés individuels (studios ou chambres) avec des espaces communs (cuisine collective, salle commune) et un gestionnaire agréé sur place. Les résidents signent un contrat d’occupation et paient une redevance ouvrant droit à l’APL. Publics visés : Personnes ayant des difficultés d’accès au logement ordinaire mais une certaine autonomie, pour une durée limitée (quelques mois à 2 ans, renouvelable). Ex : jeunes en insertion professionnelle, travailleurs précaires en mobilité, personnes sortant d’hébergement d’urgence ou de CHRS sans encore pouvoir vivre seules.
Encadrement léger : Une résidence sociale offre un logement transitoire sécurisé, évitant la rue ou l’hôtel, avec un accompagnement socio-éducatif minimal (présence d’un référent, aide administrative). Elle se distingue des pensions de famille par le fait que le séjour est temporaire et non pérenne. Exemples : Les Foyers de Jeunes Travailleurs (FJT) sont un type de résidence sociale dédié aux 16-25 ans, avec un encadrement adapté pour les aider à démarrer dans la vie active. De même, d’anciens foyers de travailleurs migrants ont été transformés en résidences sociales ouvertes à un public isolé plus large.
Pensions de famille (maisons-relais)
Principe : Les pensions de famille sont de petites structures (en général 15 à 25 logements/studios) destinées à des personnes très isolées et fragiles pour qui la vie en logement complètement autonome est difficile. Contrairement aux résidences sociales, les pensions de famille offrent un hébergement à durée illimitée (vocation de long séjour, voire permanent). Fonctionnement : Un hôte ou responsable est présent au quotidien pour animer la vie collective, organiser des activités et aider dans les démarches. Les résidents ont leur chambre ou studio meublé et partagent des espaces communs (cuisine, salon), créant une ambiance proche d’un foyer familial.
Objectif social : Financé en PLAI avec une aide à l’accompagnement spécifique, ce dispositif fournit un “chez-soi” durable à d’anciens sans-abri ou personnes en errance au long cours (souvent avec troubles psychiques ou addictions stabilisées). L’absence d’exigence de résultats immédiats (pas d’obligation de soins ou d’insertion) permet à ces personnes de se reconstruire à leur rythme dans un cadre bienveillant. Exemple : Jacques, 55 ans, a vécu 10 ans dans la rue. Depuis 2 ans en pension de famille, il dispose de son studio et partage les repas communs, ce qui l’a aidé à reprendre confiance et stabilité.
Intermédiation locative (IML)
Concept : L’intermédiation locative n’est pas un type de logement mais un mode d’accès au parc privé via un intermédiaire social. Une association ou un organisme agréé sert de tiers locataire : elle prend à bail un logement auprès d’un propriétaire privé, puis le sous-loue ou le met à disposition d’un ménage précaire, tout en assurant le suivi social et la gestion locative. Avantages : Pour le propriétaire, c’est la garantie de toucher son loyer et d’avoir un logement entretenu (l’association apporte garanties et gère les éventuels dégâts). Pour le ménage, c’est la possibilité d’accéder à un logement normal du parc privé qu’il n’aurait pu obtenir seul (absence de garant, faibles revenus, etc.).
Dispositifs existants : On connaît divers programmes d’IML : par ex. Solibail en Île-de-France, ou les Agences Immobilières à Vocation Sociale (AIVS) présentes dans plusieurs départements. L’IML vise principalement les familles en hébergement d’urgence ou en CHRS pour accélérer leur sortie vers un logement pérenne. La prise en charge est généralement temporaire (1 à 2 ans), après quoi le bail peut être transféré au ménage si tout se passe bien. Accompagnement : Ce mécanisme s’accompagne d’un suivi social type AVDL. L’État encourage l’IML via des subventions et incitations fiscales (dispositif « Loc’Avantages » remplaçant Louer Abordable).
Parcours d’insertion logement : du provisoire au durable
Chaîne du logement social : L’éventail va de l’hébergement d’urgence (mise à l’abri immédiate, précaire) aux logements sociaux ou intermédiaires ordinaires (bail classique à durée indéterminée), en passant par toute une gamme de solutions temporaires ou accompagnées. Chaque type correspond à un niveau d’autonomie et d’accompagnement. Parcours classique : Une personne sans domicile peut traditionnellement passer par plusieurs étapes : 115/hébergement d’urgence → CHRS → résidence sociale → logement HLM. À chaque étape, l’autonomie augmente et l’encadrement diminue. Exemple : une famille sans-abri peut être orientée du 115 vers un CHU, puis un CHRS pour travailler son insertion, ensuite une résidence sociale pour la transition, avant d’obtenir un logement social stable.
Effet du Logement d’abord : Aujourd’hui, ce parcours peut être écourté : on cherche à “sauter des étapes” en allant directement du sans-abri au logement avec accompagnement, lorsque c’est possible. Cela évite la valse des hébergements temporaires. Adaptation de l’accompagnement : Le TISF doit adapter son intervention selon l’étape du parcours. On n’accompagne pas de la même façon une famille en CHRS (structure avec suivi éducatif quotidien et règlement strict) et une famille en HLM (où le TISF est souvent le seul intervenant régulier). En CHRS, le TISF travaillera en lien avec l’équipe du centre, tandis qu’en logement autonome il interviendra directement au domicile en soutien individuel.
Droits des usagers – Droit au logement
Reconnaissance légale : Le droit au logement est affirmé dès 1982 (loi Quilliot) comme droit fondamental, puis renforcé en 1990 par la loi Besson comme « devoir de solidarité nationale ». Toutefois, jusqu’en 2007 ce droit est resté théorique, sans moyen de recours effectif. DALO (2007) : Depuis la loi DALO, ce droit est opposable – toute personne sans solution de logement stable peut faire valoir son droit à être logée par l’État. Les publics éligibles sont ceux prioritaires définis par la commission DALO (absence de domicile, menacé d’expulsion, logement indécent ou sur-occupé, attente HLM anormalement longue…).
Logement décent et maintien dans les lieux : Tout locataire a le droit d’exiger que son logement respecte les normes de décence (surface minimale, sécurité sanitaire…). En cas de logement indigne (insalubrité, infestation), le locataire peut alerter la mairie ou la préfecture pour faire constater et imposer des travaux, voire obtenir la réquisition du logement par l’État. De plus, un locataire de bonne foi a en principe le droit de se maintenir dans les lieux tant qu’aucune solution de relogement n’est proposée – ce principe guide les politiques anti-expulsion (loi MOLLE 2009). “Droit à la ville” : Au-delà du logement lui-même, existe le concept de droit à la ville (Lefebvre) : l’accès pour tous à un habitat dans un environnement urbain de qualité, avec mixité sociale. Des lois récentes (ex : loi Égalité et Citoyenneté 2017) promeuvent la mixité sociale et la mobilité résidentielle pour ne pas cantonner les ménages modestes à certains quartiers seulement.
Recours DALO : mise en œuvre pratique
Procédure : Le recours DALO est gratuit. Le demandeur remplit un dossier (formulaire Cerfa) qu’il adresse à la commission de médiation de son département. Il peut se faire aider par un travailleur social, une association ou la préfecture. Décision : Si la commission reconnaît le caractère prioritaire et urgent de la demande (cf. critères légaux), le ménage obtient une décision favorable DALO – c’est en quelque sorte un “passe-droit” prioritaire pour un logement social. La notification précise le délai dans lequel un logement doit être proposé.
Suites : Le préfet dispose alors de 3 à 6 mois pour orienter la personne vers un logement (variable selon la tension du département). En cas d’inaction, le ménage peut saisir le tribunal administratif. L’État encourt des condamnations et doit payer des astreintes si le droit n’est pas respecté (d’où plusieurs condamnations par la CEDH pour non-exécution).
Droit à l’hébergement d’urgence (accueil inconditionnel)
Principe légal : Toute personne en détresse sans abri a droit à un hébergement d’urgence inconditionnel. L’article L.345-2-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles garantit qu’une personne sans abri, en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, doit être accueillie dans une structure d’hébergement, quelles que soient ses circonstances (y compris étrangère en situation irrégulière). Ce droit vaut tant qu’une solution stable ne lui est pas proposée. Le Conseil d’État a confirmé qu’il s’agit d’une liberté fondamentale.
115 et places d’urgence : Ce droit se traduit par le numéro 115 (Samu social) joignable 24h/24, qui oriente vers les places disponibles en hébergement d’urgence (centres d’hébergement d’urgence – CHU, ou nuitées d’hôtel en cas de saturation). Ce principe est dit d’“accueil inconditionnel”. NB : Dans les faits, le 115 est saturé en permanence dans les grandes villes, et de nombreuses demandes chaque soir ne trouvent pas de place (voir limites). Volet “DAHO” : La loi DALO comporte un volet hébergement opposable (souvent appelé DAHO). Une personne qui a demandé un hébergement ou logement temporaire et n’a obtenu aucune réponse peut, elle aussi, saisir la commission DALO. Si elle est jugée prioritaire à l’hébergement, le préfet doit lui proposer une place dans les 6 semaines sous peine de recours.
Réalité et recours : En pratique, l’offre d’hébergement est saturée dans de nombreux départements ; l’État est souvent en défaut de places malgré l’obligation légale. Des familles avec enfants passent des nuits à l’hôtel faute de mieux, ou restent très longtemps en CHU. Connaître ce droit permet au travailleur social de faire pression : écrire au préfet en rappelant l’obligation, saisir le juge en référé si une famille est à la rue. Certains départements ont mis en place des cellules d’urgence pour trouver une solution aux familles à la rue, dans l’esprit de ce droit.
Prévention des expulsions locatives
Principe : La loi rappelle qu’aucune expulsion locative ne doit laisser des personnes à la rue sans solution (principe du relogement préalable) – même si ce principe n’est pas absolu, il guide les politiques publiques depuis la loi MOLLE 2009. La procédure d’expulsion est strictement encadrée : commandement de payer, décision de justice, commandement de quitter les lieux, possibilité de recours… Trêve hivernale : Du 1ᵉʳ novembre au 31 mars, les expulsions locatives sont suspendues (sauf exceptions rares). Cette trêve hivernale offre un répit aux locataires en difficulté durant les mois les plus froids.
Dispositifs de prévention : Dans chaque département, une CCAPEX (Commission de coordination des actions de prévention des expulsions) réunit préfet, services sociaux, bailleurs, pour examiner les situations d’impayés et trouver des solutions avant le stade de l’expulsion. Le FSL maintien (voir FSL) peut éponger des loyers impayés si un plan d’apurement est mis en place. Le PDALHPD fixe également des objectifs de prévention des expulsions. Rôle du TISF : Le TISF est souvent au front pour éviter l’expulsion d’une famille qu’il accompagne. Il doit détecter rapidement les impayés de loyer, aider à monter un dossier FSL, négocier avec le bailleur un échéancier, éventuellement orienter vers un procédure de surendettement pour geler la situation. Son action de médiation peut permettre de maintenir la famille dans les lieux le temps qu’une solution de relogement soit trouvée, évitant ainsi un drame social.
Rôle de l’État et des collectivités
État (préfet, DDETS) : L’État, via le Ministère du Logement et les préfets, pilote la politique d’hébergement et veille au droit au logement. Le préfet préside la commission DALO, copilotage du PDALHPD, et peut réquisitionner des logements vacants ou se substituer aux maires défaillants (loi 3DS 2022). L’État apporte des financements (aides à la pierre pour le logement social, subventions aux associations d’hébergement) et assure la garantie des droits (opposabilité du DALO, etc.).
Collectivités territoriales : Les communes et intercommunalités élaborent des Plans Locaux de l’Habitat (PLH) fixant les objectifs de construction de logements (sociaux, intermédiaires…). Elles délivrent les permis de construire et peuvent avoir des bailleurs sociaux propres (ex : Paris Habitat). Les communes disposent d’un contingent de logements sociaux pour loger leurs administrés en difficulté (via le CCAS). Les départements gèrent les dispositifs d’accompagnement (ASE, insertion RSA) et le FSL. En résumé, les collectivités planifient, financent localement et mettent en œuvre la politique du logement sur le terrain.
Action Logement (1% logement) : Organisme paritaire financé par les employeurs, acteur majeur du logement : collecte la Participation des Employeurs à l’Effort de Construction (ex-“1% patronal”) et propose des prêts ou garanties pour faciliter l’accès au logement des salariés et demandeurs d’emploi. Ex : garantie Visale, avance Loca-Pass, subventions Mobili-Jeune, etc. Un TISF doit avoir le réflexe d’orienter vers Action Logement pour toute question de caution, déménagement lié à l’emploi, aide pour alternants, etc.
Bailleurs sociaux (organismes HLM)
Qui sont-ils ? Les bailleurs sociaux (offices publics de l’habitat, ESH, coopératives…) construisent et gèrent le parc de logements sociaux. Ils entretiennent le patrimoine HLM et veillent à son bon usage. Ce sont de véritables entreprises sociales dont la mission est de loger les ménages modestes. Relation avec les locataires : Les bailleurs assurent un suivi social et contentieux : service de médiation pour les locataires en difficulté, plans d’apurement de dettes, travaux d’adaptation du logement si besoin (handicap). En cas de problèmes (insalubrité, troubles de voisinage, impayés), le bailleur est un interlocuteur clé.
Partenaire du TISF : Pour un TISF, le bailleur social est souvent un allié de terrain. Par exemple, si une famille accompagnée vit dans un logement dégradé, le TISF contacte le bailleur pour demander des travaux. Si une famille a des dettes de loyer, le TISF peut rencontrer le chargé de gestion locative pour trouver un arrangement (échelonnement, saisine du FSL). Certains bailleurs ont même des référents sociaux qui travaillent en lien étroit avec les intervenants sociaux externes. Logements réservés : Les bailleurs doivent réserver une partie de leurs logements aux publics prioritaires (quota DALO notamment). Ils participent ainsi directement à la mise en œuvre du droit au logement.
Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO)
Rôle : Le SIAO est la plateforme départementale de l’hébergement et du logement d’insertion. Créés en 2010, les SIAO centralisent les demandes des personnes sans domicile ou mal-logées, évaluent les situations et orientent vers la structure la plus adaptée. Il y a normalement un SIAO Urgence (115) et un SIAO Insertion par département (parfois fusionnés). Fonctionnement : Le SIAO gère le 115 pour l’urgence (accès nuit par nuit aux CHU), tient à jour la liste unique de demandes d’hébergement, et coordonne l’occupation de toutes les places disponibles (CHU, CHRS, résidences sociales, logements temporaires…). Il travaille en lien avec les associations gestionnaires, les travailleurs sociaux référents (qui transmettent des dossiers via un logiciel SIAO) et même les bailleurs sociaux quand il s’agit de proposer un logement à un ménage sans-abri.
“Tour de contrôle” : Le SIAO est en quelque sorte le chef d’orchestre local de l’hébergement/logement d’insertion. Il joue un rôle central dans la mise en œuvre du Logement d’abord en identifiant les ménages qui peuvent passer rapidement de l’hébergement au logement. Pour le TISF : Le SIAO est un interlocuteur indispensable. Si un TISF accompagne une famille à l’hôtel reconnue prioritaire pour un logement, il devra travailler avec le SIAO Insertion pour défendre le dossier de la famille, fournir les éléments sociaux, et suivre l’orientation (vers un logement social ou une solution d’intermédiation). De même, face à une situation d’urgence extrême (ex : femme enceinte à la rue), le TISF contacte le 115/SIAO Urgence pour déclencher un hébergement immédiat. Une bonne collaboration TISF–SIAO peut faire la différence pour éviter qu’une famille ne dorme dehors.
Services sociaux départementaux (MDS)
Missions générales : Au niveau local, les Maisons Départementales de la Solidarité (MDS) (appelées UTPAS, CMS… selon les territoires) regroupent les services sociaux polyvalents du département. Les travailleurs sociaux (assistants sociaux, éducateurs spécialisés, conseillers en économie sociale et familiale, etc.) y accueillent le public en difficulté, évaluent les situations et montent les dossiers d’aide. En matière de logement, le service social départemental est très impliqué.
Logement et insertion : Les équipes départementales interviennent sur la prévention des expulsions (dès qu’un locataire a des impayés : contact, plan d’apurement, saisine du FSL), le suivi des familles hébergées (beaucoup de départements ont des travailleurs sociaux dédiés au suivi des familles à l’hôtel ou en CHRS), et l’insertion des allocataires du RSA (dont l’accès ou le maintien dans le logement fait partie du parcours vers l’autonomie). Le Conseil départemental copilote le PDALHPD avec l’État et finance des mesures comme l’AVDL (Accompagnement Vers et Dans le Logement) et le FSL.
CCAS (Centres Communaux d’Action Sociale)
Action de proximité : Le CCAS de la commune complète l’action du département au niveau local. Il peut octroyer des aides d’urgence ponctuelles (payer quelques nuits d’hôtel, régler une facture énergétique pour éviter une coupure, acheter du mobilier de première nécessité lors d’une installation). Lien avec le logement : Le CCAS aide souvent à instruire les demandes de logement social (dépôt du dossier, pièces justificatives). Dans certaines villes, il gère un service logement communal qui attribue les logements sociaux de la commune et éventuellement un parc de logements d’urgence municipaux (studios temporaires pour familles expulsées ou en transit).
Accompagnement par le TISF : Un TISF peut accompagner une famille au CCAS pour déposer un dossier de logement social ou demander une aide financière. Le CCAS est souvent la porte d’entrée pour les familles en difficulté sur la commune (il oriente vers les structures appropriées : SIAO, associations, etc.). Ressource locale : Selon la commune, le CCAS propose diverses actions utiles aux mal-logés (épicerie sociale, chèques énergie, aide au paiement de cantine ou transports qui allègent le budget logement…). Pour un TISF, bien connaître les aides du CCAS local est primordial afin de ne pas passer à côté d’un coup de pouce possible pour la famille.
Pôle emploi et Missions Locales (lien emploi-logement)
Mobilité géographique : Pôle emploi peut soutenir les demandeurs d’emploi qui doivent déménager pour un travail. Par exemple, via Action Logement il existe des aides au déménagement ou au double loyer en cas de reprise d’emploi loin du domicile. Les conseillers Pôle emploi identifient souvent le logement comme un frein à l’emploi : pas d’adresse stable = difficulté à trouver/maintenir un travail. Inversement, un emploi facilite l’accès au logement (revenus stables). Action Logement : Comme évoqué, Action Logement propose plusieurs aides ciblées “emploi-logement” : la garantie Visale pour couvrir les loyers impayés, l’aide Mobili-Pass (frais de mobilité professionnelle), l’aide Mobili-Jeune (prise en charge d’une partie du loyer pour les apprentis). Pôle emploi peut orienter vers Action Logement les chômeurs qui ont besoin d’une caution ou d’une subvention pour se loger près du travail.
Missions Locales : Pour les jeunes 16-25 ans, les Missions locales apportent un accompagnement global vers l’insertion, incluant le logement. Elles pilotent le dispositif Garantie Jeunes (accompagnement intensif + allocation pendant 1 an) et disposent parfois de solutions de logement temporaire pour les jeunes en formation (financement de foyers de jeunes travailleurs, colocations solidaires, etc.). Pour le TISF : Travaillant avec un public jeune, le TISF doit savoir que Pôle emploi/Missions locales peuvent fournir des aides financières liées au logement (participation au loyer, caution Visale, titre de transport) pour faciliter un projet professionnel. De plus, ces organismes sont sensibles à la situation de logement des jeunes : un TISF peut informer le conseiller qu’un jeune ne peut suivre sa formation faute de logement, afin de déclencher une recherche de solution concertée.
Associations et organismes spécialisés
Les associations locales agréées en intermédiation locative ou maîtrise d’ouvrage d’insertion : par ex. SOLIHA (habitat rénové), FAPIL (réseau d’agences immobilières sociales). Elles achètent, réhabilitent ou gèrent des logements à destination des publics précaires. Les ADIL (Agences Départementales d’Information sur le Logement), souvent constituées en associations avec l’État et les collectivités, apportent un conseil juridique et financier neutre sur le logement (droit locatif, surendettement, copropriété…). Elles peuvent aider un TISF à éclaircir une situation complexe (loyer impayé, insalubrité) ou former les professionnels.
Les UDAF (Unions Départementales des Associations Familiales) qui gèrent parfois des services tutélaires (mandataires pour les personnes sous protection) ou des logements pour familles (appartements d’accueil). Les associations de locataires (CNL, CLCV…) qui défendent les droits des habitants dans le parc HLM, participent aux conseils d’administration des bailleurs et aux commissions d’attribution. Des associations “publics spécifiques” : par ex. les associations d’aide aux femmes victimes de violences (gestion de centres d’hébergement sécurisés), associations s’occupant des gens du voyage (médiation, aires d’accueil), associations de réfugiés (accompagnement vers le logement), etc..
Les limites actuelles des politiques du logement
Bien que le droit au logement soit reconnu comme droit fondamental (loi Besson 1990) et opposable (loi DALO 2007), la réalité du mal-logement reste alarmante. Environ 12 millions de personnes vivent en situation de mal-logement ou de fragilité de logement, et près de 300 000 personnes sont sans domicile en France. Ce décalage entre le droit proclamé et les faits est régulièrement dénoncé par la Fondation Abbé Pierre et le Défenseur des droits.
Limites structurelles – Déséquilibres territoriaux
Tension vs vacance : La crise du logement prend des formes opposées selon les territoires. Dans les zones tendues (grandes métropoles, Île-de-France), il y a pénurie de logements, loyers très élevés et surpeuplement de nombreux logements familiaux. À l’inverse, dans certaines zones rurales ou villes moyennes, on observe une vacance importante : ~3 millions de logements vides, dont 1,1 million vacants depuis plus de 2 ans. Ce stock vacant, mal réparti géographiquement, constitue un gâchis.
Communes carencées : Malgré la loi SRU, beaucoup de communes n’atteignent toujours pas le quota de HLM requis. Plus de 1 100 communes sont en déficit de logements sociaux et ont été déclarées carencées par l’État. Cela reflète un déséquilibre territorial : certains bassins d’emploi n’offrent pas assez de logements abordables, tandis que des logements restent inoccupés ailleurs. Conséquences : Les ménages modestes migrent vers la périphérie ou les zones moins chères, loin de l’emploi (coût transport, précarité énergétique…). Dans les zones tendues, la concurrence pour le logement aggrave l’exclusion (classes moyennes chassées des centres, quartiers populaires saturés). Dans les zones détendues, la vacance entraîne la dévitalisation des centres-bourgs.
Production insuffisante de logements sociaux
Demande supérieure à l’offre : En 2025, environ 5,2 millions de ménages vivent en HLM, mais 2,7 millions de ménages sont toujours en attente d’un logement social. Les délais d’attente atteignent plus de 5 ans en moyenne dans les zones tendues, et jusqu’à 10 ans en Île-de-France. Chute de la construction : Le nombre de nouveaux logements sociaux financés annuellement est en baisse. Seulement 82 000 logements sociaux ont été financés en 2024, le plus bas niveau depuis 20 ans. Divers facteurs : contraintes budgétaires, raréfaction du foncier abordable, complexité des normes, etc.
Renouvellement du parc : Le parc social existant vieillit et doit être rénové (isolation, accessibilité). Or, les opérations de démolition-reconstruction (ANRU, etc.) peinent à reconstruire autant de logements qu’elles en démolissent, provoquant des pertes nettes de logements accessibles dans certains territoires. Conséquences : Des millions de ménages éligibles restent dans le parc privé cher ou indigne faute de logement social disponible. Les délais d’attente fragilisent la crédibilité du droit au logement opposable (un DALO prioritaire peut rester des années sans offre). La faible production alimente la hausse des loyers dans le privé par manque d’alternative.
Financement fragilisé du secteur
Coupe dans les aides : Les politiques récentes ont réduit les soutiens financiers. En 2017, l’APL a été baissée de 5 € par mois pour tous les allocataires, puis désindexée, ce qui a rogné le pouvoir d’aide au logement. Parallèlement, l’État a ponctionné une partie des ressources d’Action Logement (ex : prélèvement exceptionnel sur le “1% logement”). RLS : La mise en place de la Réduction de Loyer de Solidarité (RLS) en 2018 oblige les bailleurs sociaux à réduire les loyers pour les locataires APL, l’État baissant d’autant l’APL. Cette mesure s’est traduite par une perte sèche de recettes pour les bailleurs (plusieurs centaines de millions €/an).
Impact bailleurs : Fragilisés financièrement, les organismes HLM ont dû freiner leurs investissements. Beaucoup ont réduit ou reporté des projets de construction et de réhabilitation. Ils empruntent moins, par manque d’autofinancement, ce qui ralentit le renouvellement du parc. Certains petits bailleurs ont dû fusionner pour survivre. Conséquences sociales : Moins de constructions = plus d’attente pour les ménages modestes. De plus, certains bailleurs en difficulté augmentent plus fortement les loyers HLM (dans la limite règlementaire) ou sélectionnent des profils de locataires plus solvables, ce qui peut exclure les plus précaires – contournant ainsi la vocation sociale.
Freins institutionnels
Gouvernance éclatée : La multiplicité d’acteurs (État, communes, départements, bailleurs, associations, intercommunalités) dilue les responsabilités et peut entraîner un pilotage morcelé. Ex : l’État peut lancer un plan national, mais son exécution dépend du volontarisme des maires, de la coordination avec les conseils départementaux (pour l’action sociale), etc. Il manque parfois une vision unifiée et contraignante. Lenteurs administratives : Les procédures d’urbanisme (plans locaux d’urbanisme, enquêtes publiques) et les recours juridiques contre les permis de construire rallongent les délais de réalisation de logements sociaux. Construire un foyer ou un HLM peut prendre 5 à 10 ans entre l’idée et la livraison.
Oppositions locales : Le syndrome NIMBY (“pas dans mon jardin”) freine de nombreux projets. Des riverains ou élus s’opposent à l’ouverture d’un centre d’hébergement, d’une pension de famille ou même de nouveaux HLM, par crainte d’une dévalorisation ou de problèmes de voisinage. Ces oppositions retardent ou annulent certains projets pourtant financés. Manque de coordination sociale/logement : Le cloisonnement entre le secteur du logement et du social peut être un frein. Par exemple, l’attribution d’un logement à une personne sans abri ne suffit pas si l’accompagnement social ne suit pas ; or, l’enveloppe budgétaire de l’accompagnement (État via DDETS) est souvent dissociée de celle du logement (préfet/USH).
Politiques sociales: Le logement (revu)
jonathan.prunier
Created on September 14, 2025
Start designing with a free template
Discover more than 1500 professional designs like these:
View
Practical Presentation
View
Smart Presentation
View
Essential Presentation
View
Akihabara Presentation
View
Pastel Color Presentation
View
Modern Presentation
View
Relaxing Presentation
Explore all templates
Transcript
Politiques sociales: Le logement (revu)
Introduction
Le logement est un enjeu central des politiques sociales en France. Face à la crise du logement et à la précarité grandissante, l’État et les collectivités territoriales déploient des dispositifs variés pour garantir à chacun un toit. Les Techniciens de l’Intervention Sociale et Familiale (TISF), en première ligne auprès des familles en difficulté, doivent comprendre ce cadre politique et opérationnel.
Cet exposé vise à présenter de manière pédagogique les politiques du logement actuelles, en alliant points juridiques essentiels et aspects pratiques. Nous aborderons le cadre général (rôle des acteurs publics, lois SRU et DALO, plans nationaux), les différents types de logements à vocation sociale, les droits desusagers, les acteurs clés impliqués, les dispositifs concrets d’aide au logement, le rôle spécifique des TISF, ainsi qu’une attention particulière aux publics vulnérables.
Cadre général des politiques du logement
Compétence partagée : L’État définit le cadre législatif, réglementaire et financier tandis que les collectivités locales (communes, départements, régions) mettent en œuvre les politiques sur le terrain. Le Code de la construction et de l’habitation consacre les collectivités comme acteurs majeurs du droit au logement, leur rôle s’étant accru au fil des réformes. L’État garantit les droits (droit au logement opposable, etc.) et apporte des financements, mais communes et intercommunalités planifient et réalisent concrètement les actions (urbanisme, parc social...).
Gouvernance multi-acteurs : Des instances de coordination existent (par ex. Comités de pilotage logement État-département). Les politiques nationales sont déclinées localement via des plans locaux d’habitat (PLH) et des plans départementaux dédiés (voir PDALHPD). Le partenariat État-collectivités est donc au cœur du dispositif.
Lois Besson (1990 et 2000)
Loi Besson du 31 mai 1990 : renforce le principe du droit au logement comme « devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». Elle affirme que toute personne démunie doit, en théorie, pouvoir être aidée par la collectivité pour se loger. En pratique, ce droit est resté longtemps symbolique, sans garantie concrète jusqu’en 2007 (DALO).
Loi Besson du 5 juillet 2000 : impose aux collectivités d’organiser l’accueil des gens du voyage. Chaque département doit adopter un schéma d’accueil précisant les communes devant aménager des aires d’accueil pour les résidences mobiles. Les communes de plus de 5 000 habitants, notamment, ont l’obligation de prévoir et financer des aires d’accueil sous l’autorité du préfet. Cette loi (dite “seconde loi Besson”) vise à pallier le manque de terrains pour ce public nomade.
Loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains, 2000)
Objectif de 25 % de logements sociaux : La loi SRU impose à chaque commune de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France) faisant partie d’une agglomération >50 000 hab. d’atteindre 25 % de logements sociaux d’ici 2025 (20 % pour certaines communes en croissance démographique). Sanctions en cas de non-respect : Plus de 1 100 communes étaient déficitaires en logements sociaux ces dernières années. L’État peut infliger des amendes proportionnelles au nombre de logements manquants. Depuis 2023-2024, le préfet peut se substituer aux communes carencées (ex. exercer le droit de préemption pour construire du logement social).
Mixité sociale : L’esprit de SRU est de répartir le parc social pour éviter les ghettos et les villes refusant leur part de logements abordables. Beaucoup de communes ont accru leur parc HLM, même si certaines préfèrent payer des pénalités plutôt que construire, ce qui reste un défi persistant pour l’État.
Loi DALO (Droit au logement opposable, 2007)
Droit au logement effectif : La loi DALO consacre le droit opposable au logement pour les plus démunis, passant l’obligation de l’État d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. Désormais, toute personne résidant régulièrement en France qui ne parvient pas à obtenir un logement décent par ses propres moyens peut exercer un recours DALO.
Recours et critères : Un formulaire de recours est déposé auprès d’une commission de médiation départementale qui examine la situation. Sont reconnus prioritaires les demandeurs sans domicile, menacés d’expulsion sans relogement, logés dans un logement insalubre ou sur-occupé, ou attendant un HLM anormalement longtemps. Si le demandeur est jugé prioritaire, la commission lui reconnaît un droit à un logement.
Obligation de résultat de l’État : Le préfet doit alors faire une proposition de logement dans un délai de 3 à 6 mois (selon les départements). À défaut, le bénéficiaire peut saisir le tribunal administratif, qui pourra condamner l’État (astreintes) pour non-exécution. Impact concret : Grâce au DALO, des familles auparavant “invisibles” sur liste d’attente HLM obtiennent un logement. Exemple : une famille de 5 personnes vivant dans un studio insalubre voit son recours DALO reconnu prioritaire et obtient, via le contingent préfectoral, un logement HLM adapté en quelques mois (alors qu’elle attendait depuis 5 ans).
Politique de la Ville et rénovation urbaine
Renouvellement des quartiers : En parallèle des politiques logement stricto sensu, la Politique de la Ville et les programmes de rénovation urbaine (ANRU) améliorent l’accès au logement en rénovant les quartiers populaires dégradés (démolition de barres insalubres, reconstruction de logements, mixité fonctionnelle). Ces projets visent à désenclaver les cités et à attirer une mixité de populations, ce qui indirectement facilite le logement des ménages modestes dans un meilleur environnement.
Cohésion territoriale : Ces actions s’articulent avec l’aménagement du territoire pour éviter les ghettos urbains et les déserts ruraux. Par exemple, l’ANRU (2003) a investi massivement dans la rénovation de grands ensembles HLM des années 60-70, améliorant le cadre de vie de millions d’habitants (meilleure isolation, destruction des tours les plus insalubres, etc.).
PDALHPD (Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées)
Planification locale : Chaque département élabore un PDALHPD pour coordonner l’État, le Conseil départemental et les acteurs locaux autour du logement des plus démunis. Ce plan, mis à jour tous les 5/6 ans, définit les priorités locales (développement du logement très social, prévention des expulsions, accompagnement des publics vulnérables, etc.) et mobilise des financements dédiés (par ex. crédits du FSL).
Outil de pilotage : Le PDALHPD identifie les besoins spécifiques du territoire et les engagements de chacun. Par exemple, un département peut mettre l’accent sur le logement des jeunes ou créer des places en pensions de famille. Utilité pour le TISF : Connaître le PDALHPD de son secteur permet au TISF d’identifier les dispositifs locaux disponibles et les priorités d’action (ex : tel département finance un service d’accompagnement logement jeune, tel autre renforce l’aide aux familles monoparentales). Le PDALHPD est une boussole locale pour orienter efficacement les familles.
Plan “Logement d’abord” (2018–2023)
Nouvelle approche contre le sans-abrisme : Lancé en 2018, le plan Logement d’abord vise à loger directement les personnes sans domicile au lieu de les maintenir dans un circuit de structures temporaires. Inspiré du Housing First, il s’agit de donner un logement pérenne d’emblée, assorti d’un accompagnement social, plutôt que de faire transiter les personnes par de multiples hébergements d’urgence. Mise en œuvre : Des territoires pilotes (villes ou départements) ont été désignés pour innover via des partenariats entre bailleurs sociaux, SIAO, associations, etc.. Le plan a encouragé le développement de pensions de famille, de résidences accueil, d’intermédiation locative et d’équipes mobiles allant vers les sans-abri.
Résultats : Grâce au Logement d’abord, les attributions de logements sociaux aux sans-abri ont fortement augmenté (par ex. +50 % en 2022 par rapport à 2017). L’État a labellisé et financé des associations pour louer massivement des logements privés et y loger des sans-abri. Changement de pratique : Pour les travailleurs sociaux dont les TISF, cela modifie l’intervention : on peut se retrouver à accompagner directement dans un logement une personne qui vivait à la rue la semaine précédente. Il faut être très présent au début (ameublement, apprentissage des bases de la vie “entre quatre murs”, lien avec les voisins et les services médicaux…) afin de sécuriser ce passage brutal de la rue au logement.
Logement social (HLM) : principes généraux
Définition : Le logement social (HLM) est un logement à loyer modéré, construit avec l’aide de l’État et géré par un bailleur social (office public de l’habitat rattaché à une collectivité, entreprise sociale pour l’habitat type SA HLM, coopérative HLM, etc.). Les loyers y sont inférieurs au marché et l’attribution se fait sous conditions de ressources. Objectif social : Fournir un logement pérenne, de qualité, à coût abordable pour des ménages modestes, afin de favoriser leur stabilité résidentielle et l’insertion (emploi, scolarité des enfants…). Le parc HLM est un filet de sécurité pour des millions de familles à revenus modestes ou précaires (5,2 millions de ménages y habitent en 2023).
Attribution : Les demandes sont centralisées via un numéro unique départemental. Les logements sont attribués par des commissions au sein de chaque organisme HLM, en fonction de critères sociaux et de la situation du demandeur. Une partie des logements est réservée à certains contingents (préfet pour les DALO, commune, employeurs) ce qui permet de prioriser certains publics. Rôle du TISF : En cas d’accès à un HLM pour une famille suivie, le TISF aide à l’installation (ouverture des compteurs, assurance habitation, appropriation des lieux) et peut travailler sur la vie quotidienne (budget, entretien, voisinage) pour pérenniser le relogement.
Logement social : typologies et financement (PLUS/PLAI)
PLUS et PLAI : Il existe plusieurs sous-catégories de HLM selon le financement initial. Les logements PLUS (Prêt Locatif à Usage Social) sont les HLM “classiques” – ils forment près de 90 % du parc social, destinés aux ménages modestes. Les logements PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration) sont des HLM “très sociaux” conçus pour les ménages en grande précarité (revenus très faibles, souvent allocataires de minima sociaux ou sortant d’hébergement). Les PLAI ont des loyers encore plus bas et ouvrent droit à des aides plus fortes. Exemple : Une mère isolée avec 2 enfants vivant du RSA pourra obtenir un PLAI, plus abordable qu’un PLUS. Ce type de logement très social lui permet de payer un loyer minime (ex : 100 € de reste à charge si 500 € d’APL pour 600 € de loyer).
Attribution et priorités : Les ménages en difficulté grave (DALO, handicap, violences conjugales…) sont prioritaires pour l’accès au parc social. Les bailleurs doivent réserver une part des logements aux publics prioritaires (décisions DALO, relogements d’urgence, etc.). Un TISF peut accompagner la famille dans ces démarches (constitution du dossier, préparation de l’entretien en commission). Contingents réservataires : L’État (préfet) et les communes disposent de contingents de logements HLM qu’ils peuvent attribuer en priorité à certains publics (public DALO pour le préfet, habitants locaux pour la mairie, salariés pour Action Logement, etc.). Cela permet d’orienter vers le logement social les publics ciblés par les politiques (ex : reloger des habitants d’un quartier insalubre via le contingent préfectoral).
Logement intermédiaire
Public cible : le logement intermédiaire vise les ménages “trop riches” pour un HLM mais “trop pauvres” pour se loger sur le marché privé dans les zones chères. Il s’adresse surtout aux classes moyennes (jeunes actifs, travailleurs essentiels…) dans les zones tendues à loyers élevés. Caractéristiques : Financé via des prêts spécifiques (PLS – Prêt Locatif Social, PLI – Prêt Locatif Intermédiaire), il propose un loyer intermédiaire, généralement ~15 % en dessous du privé local. Les plafonds de revenus sont plus élevés que pour le HLM.
Impact : Le logement intermédiaire évite l’effet de falaise où un ménage légèrement au-dessus des critères HLM se retrouve sans solution abordable. Il fluidifie le parcours résidentiel en offrant une étape aux ménages dont les revenus augmentent, avant le secteur privé. Exemple : Un jeune couple d’infirmiers débutants, dépassant de peu le plafond HLM, peut louer un logement intermédiaire en ville à loyer modéré plutôt que de s’endetter dans le privé.
Résidences sociales (logement temporaire accompagné)
Définition : Une résidence sociale est une formule de logement temporaire “accompagné”, relevant du statut de logement-foyer. Elle propose de petits logements meublés individuels (studios ou chambres) avec des espaces communs (cuisine collective, salle commune) et un gestionnaire agréé sur place. Les résidents signent un contrat d’occupation et paient une redevance ouvrant droit à l’APL. Publics visés : Personnes ayant des difficultés d’accès au logement ordinaire mais une certaine autonomie, pour une durée limitée (quelques mois à 2 ans, renouvelable). Ex : jeunes en insertion professionnelle, travailleurs précaires en mobilité, personnes sortant d’hébergement d’urgence ou de CHRS sans encore pouvoir vivre seules.
Encadrement léger : Une résidence sociale offre un logement transitoire sécurisé, évitant la rue ou l’hôtel, avec un accompagnement socio-éducatif minimal (présence d’un référent, aide administrative). Elle se distingue des pensions de famille par le fait que le séjour est temporaire et non pérenne. Exemples : Les Foyers de Jeunes Travailleurs (FJT) sont un type de résidence sociale dédié aux 16-25 ans, avec un encadrement adapté pour les aider à démarrer dans la vie active. De même, d’anciens foyers de travailleurs migrants ont été transformés en résidences sociales ouvertes à un public isolé plus large.
Pensions de famille (maisons-relais)
Principe : Les pensions de famille sont de petites structures (en général 15 à 25 logements/studios) destinées à des personnes très isolées et fragiles pour qui la vie en logement complètement autonome est difficile. Contrairement aux résidences sociales, les pensions de famille offrent un hébergement à durée illimitée (vocation de long séjour, voire permanent). Fonctionnement : Un hôte ou responsable est présent au quotidien pour animer la vie collective, organiser des activités et aider dans les démarches. Les résidents ont leur chambre ou studio meublé et partagent des espaces communs (cuisine, salon), créant une ambiance proche d’un foyer familial.
Objectif social : Financé en PLAI avec une aide à l’accompagnement spécifique, ce dispositif fournit un “chez-soi” durable à d’anciens sans-abri ou personnes en errance au long cours (souvent avec troubles psychiques ou addictions stabilisées). L’absence d’exigence de résultats immédiats (pas d’obligation de soins ou d’insertion) permet à ces personnes de se reconstruire à leur rythme dans un cadre bienveillant. Exemple : Jacques, 55 ans, a vécu 10 ans dans la rue. Depuis 2 ans en pension de famille, il dispose de son studio et partage les repas communs, ce qui l’a aidé à reprendre confiance et stabilité.
Intermédiation locative (IML)
Concept : L’intermédiation locative n’est pas un type de logement mais un mode d’accès au parc privé via un intermédiaire social. Une association ou un organisme agréé sert de tiers locataire : elle prend à bail un logement auprès d’un propriétaire privé, puis le sous-loue ou le met à disposition d’un ménage précaire, tout en assurant le suivi social et la gestion locative. Avantages : Pour le propriétaire, c’est la garantie de toucher son loyer et d’avoir un logement entretenu (l’association apporte garanties et gère les éventuels dégâts). Pour le ménage, c’est la possibilité d’accéder à un logement normal du parc privé qu’il n’aurait pu obtenir seul (absence de garant, faibles revenus, etc.).
Dispositifs existants : On connaît divers programmes d’IML : par ex. Solibail en Île-de-France, ou les Agences Immobilières à Vocation Sociale (AIVS) présentes dans plusieurs départements. L’IML vise principalement les familles en hébergement d’urgence ou en CHRS pour accélérer leur sortie vers un logement pérenne. La prise en charge est généralement temporaire (1 à 2 ans), après quoi le bail peut être transféré au ménage si tout se passe bien. Accompagnement : Ce mécanisme s’accompagne d’un suivi social type AVDL. L’État encourage l’IML via des subventions et incitations fiscales (dispositif « Loc’Avantages » remplaçant Louer Abordable).
Parcours d’insertion logement : du provisoire au durable
Chaîne du logement social : L’éventail va de l’hébergement d’urgence (mise à l’abri immédiate, précaire) aux logements sociaux ou intermédiaires ordinaires (bail classique à durée indéterminée), en passant par toute une gamme de solutions temporaires ou accompagnées. Chaque type correspond à un niveau d’autonomie et d’accompagnement. Parcours classique : Une personne sans domicile peut traditionnellement passer par plusieurs étapes : 115/hébergement d’urgence → CHRS → résidence sociale → logement HLM. À chaque étape, l’autonomie augmente et l’encadrement diminue. Exemple : une famille sans-abri peut être orientée du 115 vers un CHU, puis un CHRS pour travailler son insertion, ensuite une résidence sociale pour la transition, avant d’obtenir un logement social stable.
Effet du Logement d’abord : Aujourd’hui, ce parcours peut être écourté : on cherche à “sauter des étapes” en allant directement du sans-abri au logement avec accompagnement, lorsque c’est possible. Cela évite la valse des hébergements temporaires. Adaptation de l’accompagnement : Le TISF doit adapter son intervention selon l’étape du parcours. On n’accompagne pas de la même façon une famille en CHRS (structure avec suivi éducatif quotidien et règlement strict) et une famille en HLM (où le TISF est souvent le seul intervenant régulier). En CHRS, le TISF travaillera en lien avec l’équipe du centre, tandis qu’en logement autonome il interviendra directement au domicile en soutien individuel.
Droits des usagers – Droit au logement
Reconnaissance légale : Le droit au logement est affirmé dès 1982 (loi Quilliot) comme droit fondamental, puis renforcé en 1990 par la loi Besson comme « devoir de solidarité nationale ». Toutefois, jusqu’en 2007 ce droit est resté théorique, sans moyen de recours effectif. DALO (2007) : Depuis la loi DALO, ce droit est opposable – toute personne sans solution de logement stable peut faire valoir son droit à être logée par l’État. Les publics éligibles sont ceux prioritaires définis par la commission DALO (absence de domicile, menacé d’expulsion, logement indécent ou sur-occupé, attente HLM anormalement longue…).
Logement décent et maintien dans les lieux : Tout locataire a le droit d’exiger que son logement respecte les normes de décence (surface minimale, sécurité sanitaire…). En cas de logement indigne (insalubrité, infestation), le locataire peut alerter la mairie ou la préfecture pour faire constater et imposer des travaux, voire obtenir la réquisition du logement par l’État. De plus, un locataire de bonne foi a en principe le droit de se maintenir dans les lieux tant qu’aucune solution de relogement n’est proposée – ce principe guide les politiques anti-expulsion (loi MOLLE 2009). “Droit à la ville” : Au-delà du logement lui-même, existe le concept de droit à la ville (Lefebvre) : l’accès pour tous à un habitat dans un environnement urbain de qualité, avec mixité sociale. Des lois récentes (ex : loi Égalité et Citoyenneté 2017) promeuvent la mixité sociale et la mobilité résidentielle pour ne pas cantonner les ménages modestes à certains quartiers seulement.
Recours DALO : mise en œuvre pratique
Procédure : Le recours DALO est gratuit. Le demandeur remplit un dossier (formulaire Cerfa) qu’il adresse à la commission de médiation de son département. Il peut se faire aider par un travailleur social, une association ou la préfecture. Décision : Si la commission reconnaît le caractère prioritaire et urgent de la demande (cf. critères légaux), le ménage obtient une décision favorable DALO – c’est en quelque sorte un “passe-droit” prioritaire pour un logement social. La notification précise le délai dans lequel un logement doit être proposé.
Suites : Le préfet dispose alors de 3 à 6 mois pour orienter la personne vers un logement (variable selon la tension du département). En cas d’inaction, le ménage peut saisir le tribunal administratif. L’État encourt des condamnations et doit payer des astreintes si le droit n’est pas respecté (d’où plusieurs condamnations par la CEDH pour non-exécution).
Droit à l’hébergement d’urgence (accueil inconditionnel)
Principe légal : Toute personne en détresse sans abri a droit à un hébergement d’urgence inconditionnel. L’article L.345-2-2 du Code de l’Action Sociale et des Familles garantit qu’une personne sans abri, en situation de détresse médicale, psychique ou sociale, doit être accueillie dans une structure d’hébergement, quelles que soient ses circonstances (y compris étrangère en situation irrégulière). Ce droit vaut tant qu’une solution stable ne lui est pas proposée. Le Conseil d’État a confirmé qu’il s’agit d’une liberté fondamentale.
115 et places d’urgence : Ce droit se traduit par le numéro 115 (Samu social) joignable 24h/24, qui oriente vers les places disponibles en hébergement d’urgence (centres d’hébergement d’urgence – CHU, ou nuitées d’hôtel en cas de saturation). Ce principe est dit d’“accueil inconditionnel”. NB : Dans les faits, le 115 est saturé en permanence dans les grandes villes, et de nombreuses demandes chaque soir ne trouvent pas de place (voir limites). Volet “DAHO” : La loi DALO comporte un volet hébergement opposable (souvent appelé DAHO). Une personne qui a demandé un hébergement ou logement temporaire et n’a obtenu aucune réponse peut, elle aussi, saisir la commission DALO. Si elle est jugée prioritaire à l’hébergement, le préfet doit lui proposer une place dans les 6 semaines sous peine de recours.
Réalité et recours : En pratique, l’offre d’hébergement est saturée dans de nombreux départements ; l’État est souvent en défaut de places malgré l’obligation légale. Des familles avec enfants passent des nuits à l’hôtel faute de mieux, ou restent très longtemps en CHU. Connaître ce droit permet au travailleur social de faire pression : écrire au préfet en rappelant l’obligation, saisir le juge en référé si une famille est à la rue. Certains départements ont mis en place des cellules d’urgence pour trouver une solution aux familles à la rue, dans l’esprit de ce droit.
Prévention des expulsions locatives
Principe : La loi rappelle qu’aucune expulsion locative ne doit laisser des personnes à la rue sans solution (principe du relogement préalable) – même si ce principe n’est pas absolu, il guide les politiques publiques depuis la loi MOLLE 2009. La procédure d’expulsion est strictement encadrée : commandement de payer, décision de justice, commandement de quitter les lieux, possibilité de recours… Trêve hivernale : Du 1ᵉʳ novembre au 31 mars, les expulsions locatives sont suspendues (sauf exceptions rares). Cette trêve hivernale offre un répit aux locataires en difficulté durant les mois les plus froids.
Dispositifs de prévention : Dans chaque département, une CCAPEX (Commission de coordination des actions de prévention des expulsions) réunit préfet, services sociaux, bailleurs, pour examiner les situations d’impayés et trouver des solutions avant le stade de l’expulsion. Le FSL maintien (voir FSL) peut éponger des loyers impayés si un plan d’apurement est mis en place. Le PDALHPD fixe également des objectifs de prévention des expulsions. Rôle du TISF : Le TISF est souvent au front pour éviter l’expulsion d’une famille qu’il accompagne. Il doit détecter rapidement les impayés de loyer, aider à monter un dossier FSL, négocier avec le bailleur un échéancier, éventuellement orienter vers un procédure de surendettement pour geler la situation. Son action de médiation peut permettre de maintenir la famille dans les lieux le temps qu’une solution de relogement soit trouvée, évitant ainsi un drame social.
Rôle de l’État et des collectivités
État (préfet, DDETS) : L’État, via le Ministère du Logement et les préfets, pilote la politique d’hébergement et veille au droit au logement. Le préfet préside la commission DALO, copilotage du PDALHPD, et peut réquisitionner des logements vacants ou se substituer aux maires défaillants (loi 3DS 2022). L’État apporte des financements (aides à la pierre pour le logement social, subventions aux associations d’hébergement) et assure la garantie des droits (opposabilité du DALO, etc.).
Collectivités territoriales : Les communes et intercommunalités élaborent des Plans Locaux de l’Habitat (PLH) fixant les objectifs de construction de logements (sociaux, intermédiaires…). Elles délivrent les permis de construire et peuvent avoir des bailleurs sociaux propres (ex : Paris Habitat). Les communes disposent d’un contingent de logements sociaux pour loger leurs administrés en difficulté (via le CCAS). Les départements gèrent les dispositifs d’accompagnement (ASE, insertion RSA) et le FSL. En résumé, les collectivités planifient, financent localement et mettent en œuvre la politique du logement sur le terrain.
Action Logement (1% logement) : Organisme paritaire financé par les employeurs, acteur majeur du logement : collecte la Participation des Employeurs à l’Effort de Construction (ex-“1% patronal”) et propose des prêts ou garanties pour faciliter l’accès au logement des salariés et demandeurs d’emploi. Ex : garantie Visale, avance Loca-Pass, subventions Mobili-Jeune, etc. Un TISF doit avoir le réflexe d’orienter vers Action Logement pour toute question de caution, déménagement lié à l’emploi, aide pour alternants, etc.
Bailleurs sociaux (organismes HLM)
Qui sont-ils ? Les bailleurs sociaux (offices publics de l’habitat, ESH, coopératives…) construisent et gèrent le parc de logements sociaux. Ils entretiennent le patrimoine HLM et veillent à son bon usage. Ce sont de véritables entreprises sociales dont la mission est de loger les ménages modestes. Relation avec les locataires : Les bailleurs assurent un suivi social et contentieux : service de médiation pour les locataires en difficulté, plans d’apurement de dettes, travaux d’adaptation du logement si besoin (handicap). En cas de problèmes (insalubrité, troubles de voisinage, impayés), le bailleur est un interlocuteur clé.
Partenaire du TISF : Pour un TISF, le bailleur social est souvent un allié de terrain. Par exemple, si une famille accompagnée vit dans un logement dégradé, le TISF contacte le bailleur pour demander des travaux. Si une famille a des dettes de loyer, le TISF peut rencontrer le chargé de gestion locative pour trouver un arrangement (échelonnement, saisine du FSL). Certains bailleurs ont même des référents sociaux qui travaillent en lien étroit avec les intervenants sociaux externes. Logements réservés : Les bailleurs doivent réserver une partie de leurs logements aux publics prioritaires (quota DALO notamment). Ils participent ainsi directement à la mise en œuvre du droit au logement.
Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO)
Rôle : Le SIAO est la plateforme départementale de l’hébergement et du logement d’insertion. Créés en 2010, les SIAO centralisent les demandes des personnes sans domicile ou mal-logées, évaluent les situations et orientent vers la structure la plus adaptée. Il y a normalement un SIAO Urgence (115) et un SIAO Insertion par département (parfois fusionnés). Fonctionnement : Le SIAO gère le 115 pour l’urgence (accès nuit par nuit aux CHU), tient à jour la liste unique de demandes d’hébergement, et coordonne l’occupation de toutes les places disponibles (CHU, CHRS, résidences sociales, logements temporaires…). Il travaille en lien avec les associations gestionnaires, les travailleurs sociaux référents (qui transmettent des dossiers via un logiciel SIAO) et même les bailleurs sociaux quand il s’agit de proposer un logement à un ménage sans-abri.
“Tour de contrôle” : Le SIAO est en quelque sorte le chef d’orchestre local de l’hébergement/logement d’insertion. Il joue un rôle central dans la mise en œuvre du Logement d’abord en identifiant les ménages qui peuvent passer rapidement de l’hébergement au logement. Pour le TISF : Le SIAO est un interlocuteur indispensable. Si un TISF accompagne une famille à l’hôtel reconnue prioritaire pour un logement, il devra travailler avec le SIAO Insertion pour défendre le dossier de la famille, fournir les éléments sociaux, et suivre l’orientation (vers un logement social ou une solution d’intermédiation). De même, face à une situation d’urgence extrême (ex : femme enceinte à la rue), le TISF contacte le 115/SIAO Urgence pour déclencher un hébergement immédiat. Une bonne collaboration TISF–SIAO peut faire la différence pour éviter qu’une famille ne dorme dehors.
Services sociaux départementaux (MDS)
Missions générales : Au niveau local, les Maisons Départementales de la Solidarité (MDS) (appelées UTPAS, CMS… selon les territoires) regroupent les services sociaux polyvalents du département. Les travailleurs sociaux (assistants sociaux, éducateurs spécialisés, conseillers en économie sociale et familiale, etc.) y accueillent le public en difficulté, évaluent les situations et montent les dossiers d’aide. En matière de logement, le service social départemental est très impliqué.
Logement et insertion : Les équipes départementales interviennent sur la prévention des expulsions (dès qu’un locataire a des impayés : contact, plan d’apurement, saisine du FSL), le suivi des familles hébergées (beaucoup de départements ont des travailleurs sociaux dédiés au suivi des familles à l’hôtel ou en CHRS), et l’insertion des allocataires du RSA (dont l’accès ou le maintien dans le logement fait partie du parcours vers l’autonomie). Le Conseil départemental copilote le PDALHPD avec l’État et finance des mesures comme l’AVDL (Accompagnement Vers et Dans le Logement) et le FSL.
CCAS (Centres Communaux d’Action Sociale)
Action de proximité : Le CCAS de la commune complète l’action du département au niveau local. Il peut octroyer des aides d’urgence ponctuelles (payer quelques nuits d’hôtel, régler une facture énergétique pour éviter une coupure, acheter du mobilier de première nécessité lors d’une installation). Lien avec le logement : Le CCAS aide souvent à instruire les demandes de logement social (dépôt du dossier, pièces justificatives). Dans certaines villes, il gère un service logement communal qui attribue les logements sociaux de la commune et éventuellement un parc de logements d’urgence municipaux (studios temporaires pour familles expulsées ou en transit).
Accompagnement par le TISF : Un TISF peut accompagner une famille au CCAS pour déposer un dossier de logement social ou demander une aide financière. Le CCAS est souvent la porte d’entrée pour les familles en difficulté sur la commune (il oriente vers les structures appropriées : SIAO, associations, etc.). Ressource locale : Selon la commune, le CCAS propose diverses actions utiles aux mal-logés (épicerie sociale, chèques énergie, aide au paiement de cantine ou transports qui allègent le budget logement…). Pour un TISF, bien connaître les aides du CCAS local est primordial afin de ne pas passer à côté d’un coup de pouce possible pour la famille.
Pôle emploi et Missions Locales (lien emploi-logement)
Mobilité géographique : Pôle emploi peut soutenir les demandeurs d’emploi qui doivent déménager pour un travail. Par exemple, via Action Logement il existe des aides au déménagement ou au double loyer en cas de reprise d’emploi loin du domicile. Les conseillers Pôle emploi identifient souvent le logement comme un frein à l’emploi : pas d’adresse stable = difficulté à trouver/maintenir un travail. Inversement, un emploi facilite l’accès au logement (revenus stables). Action Logement : Comme évoqué, Action Logement propose plusieurs aides ciblées “emploi-logement” : la garantie Visale pour couvrir les loyers impayés, l’aide Mobili-Pass (frais de mobilité professionnelle), l’aide Mobili-Jeune (prise en charge d’une partie du loyer pour les apprentis). Pôle emploi peut orienter vers Action Logement les chômeurs qui ont besoin d’une caution ou d’une subvention pour se loger près du travail.
Missions Locales : Pour les jeunes 16-25 ans, les Missions locales apportent un accompagnement global vers l’insertion, incluant le logement. Elles pilotent le dispositif Garantie Jeunes (accompagnement intensif + allocation pendant 1 an) et disposent parfois de solutions de logement temporaire pour les jeunes en formation (financement de foyers de jeunes travailleurs, colocations solidaires, etc.). Pour le TISF : Travaillant avec un public jeune, le TISF doit savoir que Pôle emploi/Missions locales peuvent fournir des aides financières liées au logement (participation au loyer, caution Visale, titre de transport) pour faciliter un projet professionnel. De plus, ces organismes sont sensibles à la situation de logement des jeunes : un TISF peut informer le conseiller qu’un jeune ne peut suivre sa formation faute de logement, afin de déclencher une recherche de solution concertée.
Associations et organismes spécialisés
Les associations locales agréées en intermédiation locative ou maîtrise d’ouvrage d’insertion : par ex. SOLIHA (habitat rénové), FAPIL (réseau d’agences immobilières sociales). Elles achètent, réhabilitent ou gèrent des logements à destination des publics précaires. Les ADIL (Agences Départementales d’Information sur le Logement), souvent constituées en associations avec l’État et les collectivités, apportent un conseil juridique et financier neutre sur le logement (droit locatif, surendettement, copropriété…). Elles peuvent aider un TISF à éclaircir une situation complexe (loyer impayé, insalubrité) ou former les professionnels.
Les UDAF (Unions Départementales des Associations Familiales) qui gèrent parfois des services tutélaires (mandataires pour les personnes sous protection) ou des logements pour familles (appartements d’accueil). Les associations de locataires (CNL, CLCV…) qui défendent les droits des habitants dans le parc HLM, participent aux conseils d’administration des bailleurs et aux commissions d’attribution. Des associations “publics spécifiques” : par ex. les associations d’aide aux femmes victimes de violences (gestion de centres d’hébergement sécurisés), associations s’occupant des gens du voyage (médiation, aires d’accueil), associations de réfugiés (accompagnement vers le logement), etc..
Les limites actuelles des politiques du logement
Bien que le droit au logement soit reconnu comme droit fondamental (loi Besson 1990) et opposable (loi DALO 2007), la réalité du mal-logement reste alarmante. Environ 12 millions de personnes vivent en situation de mal-logement ou de fragilité de logement, et près de 300 000 personnes sont sans domicile en France. Ce décalage entre le droit proclamé et les faits est régulièrement dénoncé par la Fondation Abbé Pierre et le Défenseur des droits.
Limites structurelles – Déséquilibres territoriaux
Tension vs vacance : La crise du logement prend des formes opposées selon les territoires. Dans les zones tendues (grandes métropoles, Île-de-France), il y a pénurie de logements, loyers très élevés et surpeuplement de nombreux logements familiaux. À l’inverse, dans certaines zones rurales ou villes moyennes, on observe une vacance importante : ~3 millions de logements vides, dont 1,1 million vacants depuis plus de 2 ans. Ce stock vacant, mal réparti géographiquement, constitue un gâchis.
Communes carencées : Malgré la loi SRU, beaucoup de communes n’atteignent toujours pas le quota de HLM requis. Plus de 1 100 communes sont en déficit de logements sociaux et ont été déclarées carencées par l’État. Cela reflète un déséquilibre territorial : certains bassins d’emploi n’offrent pas assez de logements abordables, tandis que des logements restent inoccupés ailleurs. Conséquences : Les ménages modestes migrent vers la périphérie ou les zones moins chères, loin de l’emploi (coût transport, précarité énergétique…). Dans les zones tendues, la concurrence pour le logement aggrave l’exclusion (classes moyennes chassées des centres, quartiers populaires saturés). Dans les zones détendues, la vacance entraîne la dévitalisation des centres-bourgs.
Production insuffisante de logements sociaux
Demande supérieure à l’offre : En 2025, environ 5,2 millions de ménages vivent en HLM, mais 2,7 millions de ménages sont toujours en attente d’un logement social. Les délais d’attente atteignent plus de 5 ans en moyenne dans les zones tendues, et jusqu’à 10 ans en Île-de-France. Chute de la construction : Le nombre de nouveaux logements sociaux financés annuellement est en baisse. Seulement 82 000 logements sociaux ont été financés en 2024, le plus bas niveau depuis 20 ans. Divers facteurs : contraintes budgétaires, raréfaction du foncier abordable, complexité des normes, etc.
Renouvellement du parc : Le parc social existant vieillit et doit être rénové (isolation, accessibilité). Or, les opérations de démolition-reconstruction (ANRU, etc.) peinent à reconstruire autant de logements qu’elles en démolissent, provoquant des pertes nettes de logements accessibles dans certains territoires. Conséquences : Des millions de ménages éligibles restent dans le parc privé cher ou indigne faute de logement social disponible. Les délais d’attente fragilisent la crédibilité du droit au logement opposable (un DALO prioritaire peut rester des années sans offre). La faible production alimente la hausse des loyers dans le privé par manque d’alternative.
Financement fragilisé du secteur
Coupe dans les aides : Les politiques récentes ont réduit les soutiens financiers. En 2017, l’APL a été baissée de 5 € par mois pour tous les allocataires, puis désindexée, ce qui a rogné le pouvoir d’aide au logement. Parallèlement, l’État a ponctionné une partie des ressources d’Action Logement (ex : prélèvement exceptionnel sur le “1% logement”). RLS : La mise en place de la Réduction de Loyer de Solidarité (RLS) en 2018 oblige les bailleurs sociaux à réduire les loyers pour les locataires APL, l’État baissant d’autant l’APL. Cette mesure s’est traduite par une perte sèche de recettes pour les bailleurs (plusieurs centaines de millions €/an).
Impact bailleurs : Fragilisés financièrement, les organismes HLM ont dû freiner leurs investissements. Beaucoup ont réduit ou reporté des projets de construction et de réhabilitation. Ils empruntent moins, par manque d’autofinancement, ce qui ralentit le renouvellement du parc. Certains petits bailleurs ont dû fusionner pour survivre. Conséquences sociales : Moins de constructions = plus d’attente pour les ménages modestes. De plus, certains bailleurs en difficulté augmentent plus fortement les loyers HLM (dans la limite règlementaire) ou sélectionnent des profils de locataires plus solvables, ce qui peut exclure les plus précaires – contournant ainsi la vocation sociale.
Freins institutionnels
Gouvernance éclatée : La multiplicité d’acteurs (État, communes, départements, bailleurs, associations, intercommunalités) dilue les responsabilités et peut entraîner un pilotage morcelé. Ex : l’État peut lancer un plan national, mais son exécution dépend du volontarisme des maires, de la coordination avec les conseils départementaux (pour l’action sociale), etc. Il manque parfois une vision unifiée et contraignante. Lenteurs administratives : Les procédures d’urbanisme (plans locaux d’urbanisme, enquêtes publiques) et les recours juridiques contre les permis de construire rallongent les délais de réalisation de logements sociaux. Construire un foyer ou un HLM peut prendre 5 à 10 ans entre l’idée et la livraison.
Oppositions locales : Le syndrome NIMBY (“pas dans mon jardin”) freine de nombreux projets. Des riverains ou élus s’opposent à l’ouverture d’un centre d’hébergement, d’une pension de famille ou même de nouveaux HLM, par crainte d’une dévalorisation ou de problèmes de voisinage. Ces oppositions retardent ou annulent certains projets pourtant financés. Manque de coordination sociale/logement : Le cloisonnement entre le secteur du logement et du social peut être un frein. Par exemple, l’attribution d’un logement à une personne sans abri ne suffit pas si l’accompagnement social ne suit pas ; or, l’enveloppe budgétaire de l’accompagnement (État via DDETS) est souvent dissociée de celle du logement (préfet/USH).