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Philippe REBULET
Agence CHOT
Created on September 8, 2025
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Transcript
Philippe REBULET
UN GENTLEMAN DRIVER
Préambule : une vie de challenges
En consultant les réseaux sociaux dédiés aux sports motonautiques, je retrouve, à plusieurs reprises, le nom de Philippe Rebulet associé à l’évocation des 6 heures motonautiques de Paris, et singulièrement, bien sûr, à l’édition de 1988 au cours de laquelle il a perdu la vie. Je lance son nom sur les moteurs de recherche, même constat, le pilote, mais avec lui l’homme, le mari, le père, l’ami voit sa vie résumée à ce terrible fait divers, comme enfermé dans un destin étriqué et étouffant. Récemment encore, sur le groupe Facebook « Nos Années Motonautisme", je découvre la publication de Jean-Claude Arnold - fils du fondateur du team Arnold, sponsor et mécène du sport automobile des années 60 et 70 - recherchant des précisions sur les circonstances de l’accident de son ami Philippe Rebulet, aux 6 Heures de Paris 1988.
Parmi les premiers commentaires, une seconde requête :
« Bonjour, je suis le petit-fils de votre ami, n’ayant jamais eu la chance de le connaître, je serais ravi d’en apprendre un peu plus sur lui et de récupérer des archives... »
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
SIGNÉ ELLIOT REBULET
Cette demande me touche et elle confirme le constat précédent.
Préambule : Une vie de challenges
Elle me rappelle également celle que la fille de François Salabert avait lancée, comme une bouteille à la mer, sur la page YouTube de la vidéo du tragique accident de son père, en 1990. Elle voulait comprendre pourquoi il avait perdu la vie dans cette courbe rapide des docks de Bristol, en Angleterre. Je pense qu’elle n’a jamais eu de réponse satisfaisante, il n’en existe pas. Elle me rappelle aussi le regard sérieux et profond d’Anne Rebulet, fille de Philipe que je rencontre quelques mois après le décès de son père. Trop sérieux, trop profond, elle n’a que six ans… L’absence du père se lit en elle et, sans doute, pour longtemps.
On le sait, la compétition motonautique est un sport passionnant mais dangereux, elle est de ces passions dévorantes pour les pilotes qui peuvent, en une seconde, devenir dévastatrices pour leurs proches. Comment justifier auprès d’un enfant la motivation égoïste d’un pilote, cette fascination pour la vitesse, l’excitation d’un départ de course et de l’affrontement entre concurrents, ce sentiment de maîtriser la puissance de son bateau et d’en repousser sans cesse les limites, cette adrénaline qui stimule ce dépassement de soi comme une drogue trop addictive dont on attend avec impatience la prochaine dose… A cela s’ajoute l’aventure, plus collective mais exaltante aussi, d’un groupe d'amis pour constituer une équipe, un "team" autour d’un même projet, la course, la victoire. Chacun y contribue avec ses compétences et se créé, ainsi, des souvenirs et des liens pour la vie.
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
Préambule : Une vie de challenges
Je reprends contact avec Frédérique, l’épouse de Philippe Rebulet pour lui faire part de ce constat. 37 années ont passé et elle me confirme la réalité du séisme, chacun ayant traversé cette épreuve avec sa sensibilité, sa résilience, son âge. Il était le pilier d’une famille heureuse qui s’est brisée sur la Seine ce premier dimanche de novembre. Nathalie, sa fille aînée, reconnaît qu’aujourd’hui encore, il ne se passe pas une journée sans qu’elle ait une pensée pour lui. Anne est maintenant une professionnelle reconnue dans le secteur des nouvelles technologies. C’est une jeune femme dynamique, enjouée, que rien ne distingue d’une autre jeune femme de sa génération, à part, peut-être, ce petit catamaran qu’elle porte autour du cou... Hubert, son fils, était son coéquipier pour ces 6 heures de Paris. À son chagrin immense a dû s’ajouter la culpabilité de n’avoir rien pu éviter.
Philippe avait prévu d’arrêter la compétition, son entreprise considérant les risques encourus incompatibles avec ses responsabilités professionnellles. Participer à cette dernière et prestigieuse épreuve parisienne avec son fils était pour lui la plus belle façon de clôturer 20 ans d’engagement dans les sports mécaniques.
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
Et ce jour-là, la course s’est arrêtée
À 11h, ce 6 novembre, 66 catamarans sont alignés, en silence, le long des quais de la Seine, face à la Tour Eiffel. Au signal du starter, tous démarrent dans un bruit assourdissant. Hubert est au volant. Forts de la récente victoire de Philippe aux 6 heures d'Avignon et, ici même, pour l’édition 86, les « Rebulet » font figure de favoris dans leur catégorie. À 12h30, au ravitaillement, Hubert termine le premier relais et passe le volant à son père avec de brèves consignes sur le comportement du bateau et l’état du plan d’eau. Leurs regards viennent de se croiser pour la dernière fois. Vers 13h20, à l’autre extrémité du circuit, le pilote néerlandais Ian de Vreng perd son embase. Sa F3000, devenu incontrôlable, percute, à haute vitesse, le bateau de Philippe Rebulet.
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
Une histoire de passion...
Avec Frédérique, nous avons choisi de raconter l’histoire de cette passion pour que ceux qui l‘ont connu, côtoyé, apprécié, la découvrent dans son intégralité, et pour ses petits enfants qui en ignorent l’essentiel. Ils doivent savoir que leur grand-père nous a laissé l’image d’un « gentleman driver », un pilote amateur talentueux, respectueux de son sport comme de ses adversaires. La conclusion du journaliste Philippe Leblond dans son article au soir de l’accident résume très justement ce portrait :
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
« ...Cet excellent pilote français, élégant, sympathique et très aimé… »
La compétition automobile
20 ans plus tôt, à Illzach près de Mulhouse, Philippe Rebulet est déjà accro aux sports mécaniques. À 26 ans, il est de cette génération subjuguée par la saga de la jeune écurie Matra ou les exploits de Renault avec Alpine, sur piste et en Rallye. Il veut en être, mais les places sont chères et puis, il est marié, père d’une petite fille, avec une carrière professionnelle à construire. Nous sommes au cœur des « 30 Glorieuses » et l’âge d’or du sport automobile vient de commencer. Après quelques tentatives encourageantes en slaloms, courses de côtes et autres rallyes locaux où il martyrise sa Peugeot 204 « de ville », Il est rapidement frustré par les limites de sa voiture et c’est, avant même la fin de la saison 1968, qu’il fait l’acquisition d’une R8 Gordini 1300 cm³. C’est la star de l’époque, elle est performante et économique, mais, avec un tel succès, la concurrence sera féroce. Il se fait aussitôt remarquer avec cette nouvelle monture, d’abord parce qu’elle n’est pas Bleu de France avec 2 bandes blanches, comme la plupart des Gordini, mais totalement blanche. Côté performances, ensuite, sa côte de pilote local progresse, il a rejoint l’écurie Lorraine où il est approché par Hugues Kirschhoffer, pilote lui-même, mais surtout directeur sportif du Team Arnold évoqué plus tôt.
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
La compétition automobile
Kirschhoffer le veut dans le Team. Il s’engage à ses côtés comme navigateur au Rallye des « 500 Nocturnes », une classique vosgienne qui propose 500 Km de spéciales entièrement de nuit. Dans les Vosges, cette nuit-là, il y a beaucoup de verglas et les difficultés de pilotage sont extrêmes. L’équipage Rebulet-Kirschhoffer s’impose au classement général ! Le lendemain, la presse régionale s’enflamme :
Hugues Kirshhoffer, qui a maintenant 84 ans, se souvient de Philippe avec une certaine émotion :
« C’était un excellent pilote, mais aussi un très chic type, d’ailleurs, je l’appelais affectueusement mon grand rouquin »
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
« Pas rouquin, mais blond vénitien ! »
aurait corrigé Frédérique, si elle avait entendu la conversation. Jean-Claude Arnold, qui l’a aussi très bien connu dès son entrée dans le Team, nous confie :
« ...Philippe Rebulet a confirmé ses grandes qualités, il est, sans conteste, le meilleur espoir alsacien… »
« Philippe n’avait aucune ambition de devenir pilote professionnel, contrairement à beaucoup d’autres, il ne voulait que piloter, gagner des courses, son plaisir était là, un amateur au sens premier du terme. Sur le plan humain, il impressionnait beaucoup le jeune homme que j’étais, on avait envie d’être son ami ».
Il vient simultanément de gagner sa place au sein du Team Arnold où il rejoint des grands noms du sport automobile comme Jacques Henry, double champion de France des rallyes, Jean-Pierre Jaussaud, pilote de Formule 2 et futur double vainqueur des 24 H du Mans, et des jeunes pilotes F3 ou F2 comme Beltoise, Jarier, Reggazoni, de futures légendes de la Formule 1.
La compétition automobile
La saison 68 n’est pas encore terminée. En octobre, le pilote nancéien Gérard Regrigny organise le 1er Rallye de Nancy – il créera l’ASA Nancy l’année suivante pour pérenniser l’événement - Philippe Rebulet engage sa Gordini et empoche le classement général devant l’Escort RS 1600 de Gérard Sainpy et une Alpine 1300S. Et de deux. Le palmarès s’étoffe. En février 1969, il s’engage au Rallye de Printemps, en Lorraine, toujours avec Hugues Kirschhoffer. Cette fois-ci, il neige, énormément. À nouveau les conditions sont extrêmes et cela lui convient bien, mais une petite sortie de route, dont les spectateurs le sortiront rapidement, va, sans doute, lui coûter la victoire. Ce sera son compagnon du Team Arnold, François Godichard, qui s’imposera au général. Il se classe également 9ème du groupe 1 sur la course de côte internationale de Turckeim-Trois Epis. Il n’est devancé que par de plus grosses cylindrées comme la Chevrolet Camaro et la Ford Cortina Lotus ou par des pilotes chevronnés et futurs champions comme Christian Debias ou Dany Snobeck. Pas moins de 25 Gordini sont inscrites au départ car la coupe Gordini 69 passe par Turckeim. Au printemps 69, c’est le Rallye de Franche-Comté avec un nouveau navigateur, Patrick Moroni. Le classement général « Inter » sera remporté par Jacques Henry, sur Alpine, mais Philippe gagne le Groupe 1 National pour la 1ère fois de sa carrière sur un rallye de belle réputation et sur le « sec ». L’espoir alsacien prend du grade.
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
La compétition automobile
De 1968 à 1988, Philippe Rebulet a probablement pris le départ d’une centaine de courses automobiles, des slaloms et courses de côtes, très populaires à cette époque, aux Rallyes, en passant par les épreuves sur circuit comme le Tour de France, les coupes FORD Escort Mexico, NSU 1200TTS ou R5 Gordini et, enfin, les compétitions motonautiques. Chaque changement de catégorie ou de championnat constituait un nouveau défi. Changer de voiture, de catégorie, passer d’une propulsion à une traction ou d’un rallye à un championnat sur circuit, c’est se remettre en question. Il faut apprendre, comprendre, commettre des erreurs, retrouver ses automatismes, ça n’est jamais le chemin de la facilité.
Pour son palmarès automobile, nous n’en avons reconstitué qu’une partie, les archives numérisées sont encore très incomplètes sur internet. Nous n’évoquerons donc que les résultats validés ou très probables et laissons aux générations suivantes le soin de compléter. 1970 se présente sous de bons augures, il maîtrise parfaitement sa nouvelle Gordini, elle est maintenant bleue, comme tout le monde…
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
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En fin de saison 1968, le Team Arnold réunit ses pilotes autour d'une Ferrari F1 312 qui a remporté deux Grands Prix avec le champion du monde John Surtess il y a seulement deux ans, en 66.Debout de gauche à droite, Hugues Kirschhoffer, François Godichard, Philippe Rebulet (bras croisés) et Jacques Henry (avant dernier). Au volant de la monoplace, hilare, Jean-Pierre Jaussaud et, assis sur la roue arrière droite, Jean-Pierre Beltoise, qui semble regarder avec intérêt ce fameux moteur V12. Cette F1 serait un véritable collector aujourd'hui, premier modèle Ferrari avec un moteur 3 litres, sans doute le dernier sans ailerons aérodynamiques et pilotée, de surcroît, par John Surtess. Elle a été achetée par Marcel Arnold pour "décorer" son magasin ! Une autre époque.
À suivre...
2 ème partie : Sa plus belle victoire, l’aventure des Coupes de marque, une Alpine 1600S et le motonautisme.
PHILIPPE REBULET, UN GENTLEMAN DRIVER
Ce dimanche 22 mars 1970, à Phalsbourg, c'est la fête, une grande cérémonie populaire est organisée pour l'inauguration du "Grand Passage du Meuble" des magasins Arnold.Fanfare, majorettes, exposition des voitures de courses du Team Arnold avec leurs pilotes, séance d'autographes, et même un futur 1er ministre, le député de Moselle Pierre Messmer, sont au programme des festivités. Monsieur Messmer félicitera personnellement Philippe Rebulet pour sa récente victoire sur le "Lyon Charbonnières", la première du Team Arnold cette saison.
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