mÉmoires
autres passÉs sensibles en suisse
commencer
Depuis les années 2010, le mouvement Black Lives Matter a conduit à une vague mondiale de déboulonnagede monuments dédiés aux grandes figures de l’esclavage et de la colonisation, alors que le mouvement #MeToo dénonce, entre autres, la prépondérance des représentations masculines dans l’espace public. L’Espagne ou le Chili voient également émerger des initiatives citoyennes de « recuperación de la memoria histórica », et initient des actions de réparation envers les victimes des régimes dictatoriaux.
Ces différentes mobilisations montrent l’ampleur d’un phénomène qui place les sociétés et leurs institutions à l’épreuve de leur passé. La contestation de l’attribution du doctorat honoris causa à Mussolini par l’UNIL en est un exemple, et il ne s’agit pas du seul cas en Suisse soulevant de nombreuses questions.
Les autorités politiques et les milieux institutionnels sont-ils les seuls à pouvoir décider de ce qui est honoré publiquement ?
Quelles places pour les oublié·es et les vaincu·es de l’histoire ?
Comment les institutions réagissent-elles aux demandes et actions des milieux citoyens et militants ?
Une classe de 3e année de maturité du Gymnase de Burier s’est penchée sur ces questions au printemps 2024. Après avoir étudié les distinctions entre histoire et mémoire et les enjeux des déboulonnages et d’autres types de contestations, les étudiant·es ont approfondi sept conflits mémoriaux de l’histoire contemporaine suisse. Leur travail a été présenté dans l’une des parties de l’exposition Docteur Mussolini, un passé sensible, qui s’est tenue sur le campus de l’UNIL du 13 novembre 2024 au 21 septembre 2025. Ce dossier interactif reprend cette partie de l’exposition, intitulée « Autres passés sensibles en Suisse ».
Quels sont les apports de ces démarches critiques pour la société ?
Qui mérite d’être célébré·e dans l’espace public ?
L’Agassizhorn : l’histoire d’une montagne qui dérange
L’Agassizhorn est une montagne nommée d’après le célèbre glaciologue et naturaliste suisse Louis Agassiz (1807-1873). Celui-ci a écrit plusieurs thèses raciales qui ont impacté la politique de ségrégation aux États-Unis. Le comité « Démonter Louis Agassiz », fondé en 2007 par l’historien Hans Fässler, dénonce ce fait et plusieurs démarches ont été entreprises pour débaptiser la montagne. Une pétition a été lancée par le comité afin que les autorités fédérales et cantonales changent le nom de l’Agassizhorn en Rentyhorn, du nom d’un homme réduit en esclavage et photographié par Agassiz. Sans succès.
Par: Mia Bühlmann
Elisa Humery
Yuna Salzmann
Balthus : la sexualisation des jeunes filles
Le tableau Thérèse rêvant (1838) montre une jeune fille de 12-13 ans peinte par Balthus (1908-2001) dans une pose provocatrice. En 1988, Linda Nochlin a critiqué et mis en avant l'aspect pédophile des œuvres de Balthus.Dans le cadre du mouvement #MeToo, une visiteuse du Metropolitan Museum of Art de New York, choquée par cette représentation, lance une pétition en 2018 afin que le tableau soit retiré ou, au minimum, contextualisé. Malgré la collecte de 10'000 signatures, le MET n’a pas répondu à la pétition et est resté passif.
Par: Lise Allenbach Alix Billieux Lou Sémon
Cliquez sur les images pour voir les liens
Alfred Escher : fondateur de la Suisse moderne financée par la sueur des esclaves
135 ans après sa mort, on découvre qu’Alfred Escher (1819-1882), figure politique et économique majeure de la Suisse moderne, fondateur du Crédit Suisse, aurait eu de nombreux liens avec l’esclavage. Son grand-père a financé au moins un navire négrier, alors que son oncle est propriétaire de la plantation de café Buen Retiro, à Cuba, employant plus de 80 personnes réduites en esclavage. Ces révélations posent question sur son héritage et sa glorification. En conséquence, la célébration du 200e anniversaire de sa naissance a été mise entre parenthèses et l’avenir de sa statue devant la gare à Zurich reconsidéré.
Par: Charles Delarive Marc-Olivier Niklaus Valian Schorderet
Cliquez sur les images pour voir les liens
Auguste Forel : racisme à 1000 balles
Le buste d’Auguste Forel (1848-1931), acheté pour un montant de 3’000 francs à l’occasion du Dies academicus de l’Université de Zürich en 1932, est placé dans l’entrée principale du bâtiment. Ce buste, tout comme l’ancien billet de 1000 francs à son effigie, embarrasse les étudiant·es de l’Université de Zurich dès les années 2000. Choqué·es du passé eugéniste et raciste de Forel, elles et ils ont fermement contesté les propos du scientifique lors d’un séminaire sur les pratiques aliénistes en 2003 et ont demandé le retrait du buste. Celui-ci est retiré quelques années plus tard et placé dans un entrepôt.
Par: Zoé Blanc Julia Tauxe Carolina Tozzi
Un rocher pour se rappeler
Un massacre en 1932 à Genève, un évènement oublié et un monument de 5 tonnes posé au milieu de la place de Plainpalais. Ces trois éléments sont la conséquence d’une contre-manifestation antifasciste qui a tourné au carnage lorsque l’armée a ouvert le feu sur la foule. Armée qui n’a jamais été inquiétée pour ses actions. Les 13 morts et 65 blessés ont été commémorés 50 ans plus tard, lorsque trois militants décident d’ériger, sans autorisation, un monument en pleine journée sur la place de Plainpalais à Genève. Ce bloc de granit a finalement été accepté par les autorités et la population et fait, à présent, partie intégrante du patrimoine culturel et militant genevois.
Par: Ethan Costantini Achille D’Antino Antony Salerno
Un monument, plusieurs combats
Dans les années 1920, le fascisme trouve de plus en plus d’adeptes dans le canton de Vaud. Ses nombreux partisans s’approprient l’espace public, provoquant la réaction de groupes antifascistes. Dans ce cadre-là, le monument de Montoie honorant les morts italiens de la Première Guerre mondiale devient un point de rassemblement fasciste. En réponse à cela, trois jeunes ouvriers tessinois, Antonio Canonica, Onorato Ghezzi et Jean Nesa, peignent des symboles communistes et antifascistes sur le monument. Cet acte est considéré comme du vandalisme par les autorités. Les trois militants écopent d’une peine de 75 jours de prison et de 5 ans de suspension de leurs droits civiques.
Par: Sienna Morrison Naëlle Ruiz Rafael Spichiger
John Sutter : un mythe suisse controversé
Les statues de John Sutter sont l’objet de nombreuses controverses. D’origine suisse, John Sutter est considéré comme un héros aux yeux de son pays natal. En juin 2020, son mythe est contesté à travers plusieurs actions symboliques sur ses statues. La première, située à Sacramento en Californie, est recouverte de jets de peinture et se fait déboulonner. Celle située à Rünenberg, dans le canton de Bâle-Campagne, a été recouverte d’un drap blanc et peint en rouge par des jeunes socialistes. Ces derniers proposent la mise en place de deux panneaux explicatifs mettant ainsi en avant le passé controversé de John Sutter.
Par: Raman Ahmad Thomas Huber Eva Lheriau Mathilde Nicolier
L’étude de différents cas en Suisse et ailleurs permet de faire émerger plusieurs pistes d’action. Dans les faits, chaque cas est traité dans toute sa particularité et les solutions proposées sont parfois adaptées ou utilisées de manière complémentaire.
Le jeu de discussion pour les classes
Les résultats dans l'exposition
Photographie du Monument aux Morts italiens de Montoie,
novembre 1932. Archives fédérales.
Passez votre souris sur chaque section pour découvrir les chiffres exacts, sur un total de 4601 cartes de vote.
Un jeu de discussion vous est proposé pour débattre autour de deux cas de conflits mémoriels, à télécharger et imprimer pour jouer en classe.
L’attribution d’un doctorat honoris causa à Benito Mussolini par l’Université de Lausanne en 1937 La statue équestre de Léopold II à Bruxelles
Monument commémoratif devant Uni Mail. CC BY-SA 4.0
Photographie du Monument aux Morts italiens de Montoie,
novembre 1932. Archives fédérales.
L'artiste Sasha Huber réalise en 2008 une performance où elle rebaptise l'Agassizhorn en Rentyhorn. Voici ses propos: "As a member of the Transatlantic Committee “De-mounting Louis Agassiz”, I made the following intervention. I carried a metal plaque bearing a graphic representation of the slave Renty to the top of an Alpine peak, the Agassizhorn (3946 metres), on the borders of the Swiss cantons of Berne and Valais. In so doing, I took the first step towards renaming the mountain. This act commemorates the fact that the Swiss-born naturalist and glaciologist Louis Agassiz (1807-1873) was an influential racist and pioneering thinker of apartheid, and that the Agassizhorn should be renamed the “Rentyhorn” in honour of the Congolese-born enslaved Renty, and of those who met similar fates. Agassiz ordered Renty to be photographed on a South Carolina plantation, “to prove the inferiority of the black race”.
Découvrir le projet sur le site de Sasha Huber
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autres passÉs sensibles en suisse
commencer
Depuis les années 2010, le mouvement Black Lives Matter a conduit à une vague mondiale de déboulonnagede monuments dédiés aux grandes figures de l’esclavage et de la colonisation, alors que le mouvement #MeToo dénonce, entre autres, la prépondérance des représentations masculines dans l’espace public. L’Espagne ou le Chili voient également émerger des initiatives citoyennes de « recuperación de la memoria histórica », et initient des actions de réparation envers les victimes des régimes dictatoriaux. Ces différentes mobilisations montrent l’ampleur d’un phénomène qui place les sociétés et leurs institutions à l’épreuve de leur passé. La contestation de l’attribution du doctorat honoris causa à Mussolini par l’UNIL en est un exemple, et il ne s’agit pas du seul cas en Suisse soulevant de nombreuses questions.
Les autorités politiques et les milieux institutionnels sont-ils les seuls à pouvoir décider de ce qui est honoré publiquement ?
Quelles places pour les oublié·es et les vaincu·es de l’histoire ?
Comment les institutions réagissent-elles aux demandes et actions des milieux citoyens et militants ?
Une classe de 3e année de maturité du Gymnase de Burier s’est penchée sur ces questions au printemps 2024. Après avoir étudié les distinctions entre histoire et mémoire et les enjeux des déboulonnages et d’autres types de contestations, les étudiant·es ont approfondi sept conflits mémoriaux de l’histoire contemporaine suisse. Leur travail a été présenté dans l’une des parties de l’exposition Docteur Mussolini, un passé sensible, qui s’est tenue sur le campus de l’UNIL du 13 novembre 2024 au 21 septembre 2025. Ce dossier interactif reprend cette partie de l’exposition, intitulée « Autres passés sensibles en Suisse ».
Quels sont les apports de ces démarches critiques pour la société ?
Qui mérite d’être célébré·e dans l’espace public ?
L’Agassizhorn : l’histoire d’une montagne qui dérange
L’Agassizhorn est une montagne nommée d’après le célèbre glaciologue et naturaliste suisse Louis Agassiz (1807-1873). Celui-ci a écrit plusieurs thèses raciales qui ont impacté la politique de ségrégation aux États-Unis. Le comité « Démonter Louis Agassiz », fondé en 2007 par l’historien Hans Fässler, dénonce ce fait et plusieurs démarches ont été entreprises pour débaptiser la montagne. Une pétition a été lancée par le comité afin que les autorités fédérales et cantonales changent le nom de l’Agassizhorn en Rentyhorn, du nom d’un homme réduit en esclavage et photographié par Agassiz. Sans succès.
Par: Mia Bühlmann Elisa Humery Yuna Salzmann
Balthus : la sexualisation des jeunes filles
Le tableau Thérèse rêvant (1838) montre une jeune fille de 12-13 ans peinte par Balthus (1908-2001) dans une pose provocatrice. En 1988, Linda Nochlin a critiqué et mis en avant l'aspect pédophile des œuvres de Balthus.Dans le cadre du mouvement #MeToo, une visiteuse du Metropolitan Museum of Art de New York, choquée par cette représentation, lance une pétition en 2018 afin que le tableau soit retiré ou, au minimum, contextualisé. Malgré la collecte de 10'000 signatures, le MET n’a pas répondu à la pétition et est resté passif.
Par: Lise Allenbach Alix Billieux Lou Sémon
Cliquez sur les images pour voir les liens
Alfred Escher : fondateur de la Suisse moderne financée par la sueur des esclaves
135 ans après sa mort, on découvre qu’Alfred Escher (1819-1882), figure politique et économique majeure de la Suisse moderne, fondateur du Crédit Suisse, aurait eu de nombreux liens avec l’esclavage. Son grand-père a financé au moins un navire négrier, alors que son oncle est propriétaire de la plantation de café Buen Retiro, à Cuba, employant plus de 80 personnes réduites en esclavage. Ces révélations posent question sur son héritage et sa glorification. En conséquence, la célébration du 200e anniversaire de sa naissance a été mise entre parenthèses et l’avenir de sa statue devant la gare à Zurich reconsidéré.
Par: Charles Delarive Marc-Olivier Niklaus Valian Schorderet
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Auguste Forel : racisme à 1000 balles
Le buste d’Auguste Forel (1848-1931), acheté pour un montant de 3’000 francs à l’occasion du Dies academicus de l’Université de Zürich en 1932, est placé dans l’entrée principale du bâtiment. Ce buste, tout comme l’ancien billet de 1000 francs à son effigie, embarrasse les étudiant·es de l’Université de Zurich dès les années 2000. Choqué·es du passé eugéniste et raciste de Forel, elles et ils ont fermement contesté les propos du scientifique lors d’un séminaire sur les pratiques aliénistes en 2003 et ont demandé le retrait du buste. Celui-ci est retiré quelques années plus tard et placé dans un entrepôt.
Par: Zoé Blanc Julia Tauxe Carolina Tozzi
Un rocher pour se rappeler
Un massacre en 1932 à Genève, un évènement oublié et un monument de 5 tonnes posé au milieu de la place de Plainpalais. Ces trois éléments sont la conséquence d’une contre-manifestation antifasciste qui a tourné au carnage lorsque l’armée a ouvert le feu sur la foule. Armée qui n’a jamais été inquiétée pour ses actions. Les 13 morts et 65 blessés ont été commémorés 50 ans plus tard, lorsque trois militants décident d’ériger, sans autorisation, un monument en pleine journée sur la place de Plainpalais à Genève. Ce bloc de granit a finalement été accepté par les autorités et la population et fait, à présent, partie intégrante du patrimoine culturel et militant genevois.
Par: Ethan Costantini Achille D’Antino Antony Salerno
Un monument, plusieurs combats
Dans les années 1920, le fascisme trouve de plus en plus d’adeptes dans le canton de Vaud. Ses nombreux partisans s’approprient l’espace public, provoquant la réaction de groupes antifascistes. Dans ce cadre-là, le monument de Montoie honorant les morts italiens de la Première Guerre mondiale devient un point de rassemblement fasciste. En réponse à cela, trois jeunes ouvriers tessinois, Antonio Canonica, Onorato Ghezzi et Jean Nesa, peignent des symboles communistes et antifascistes sur le monument. Cet acte est considéré comme du vandalisme par les autorités. Les trois militants écopent d’une peine de 75 jours de prison et de 5 ans de suspension de leurs droits civiques.
Par: Sienna Morrison Naëlle Ruiz Rafael Spichiger
John Sutter : un mythe suisse controversé
Les statues de John Sutter sont l’objet de nombreuses controverses. D’origine suisse, John Sutter est considéré comme un héros aux yeux de son pays natal. En juin 2020, son mythe est contesté à travers plusieurs actions symboliques sur ses statues. La première, située à Sacramento en Californie, est recouverte de jets de peinture et se fait déboulonner. Celle située à Rünenberg, dans le canton de Bâle-Campagne, a été recouverte d’un drap blanc et peint en rouge par des jeunes socialistes. Ces derniers proposent la mise en place de deux panneaux explicatifs mettant ainsi en avant le passé controversé de John Sutter.
Par: Raman Ahmad Thomas Huber Eva Lheriau Mathilde Nicolier
L’étude de différents cas en Suisse et ailleurs permet de faire émerger plusieurs pistes d’action. Dans les faits, chaque cas est traité dans toute sa particularité et les solutions proposées sont parfois adaptées ou utilisées de manière complémentaire.
Le jeu de discussion pour les classes
Les résultats dans l'exposition
Photographie du Monument aux Morts italiens de Montoie, novembre 1932. Archives fédérales.
Passez votre souris sur chaque section pour découvrir les chiffres exacts, sur un total de 4601 cartes de vote.
Un jeu de discussion vous est proposé pour débattre autour de deux cas de conflits mémoriels, à télécharger et imprimer pour jouer en classe.
L’attribution d’un doctorat honoris causa à Benito Mussolini par l’Université de Lausanne en 1937 La statue équestre de Léopold II à Bruxelles
Monument commémoratif devant Uni Mail. CC BY-SA 4.0
Photographie du Monument aux Morts italiens de Montoie, novembre 1932. Archives fédérales.
L'artiste Sasha Huber réalise en 2008 une performance où elle rebaptise l'Agassizhorn en Rentyhorn. Voici ses propos: "As a member of the Transatlantic Committee “De-mounting Louis Agassiz”, I made the following intervention. I carried a metal plaque bearing a graphic representation of the slave Renty to the top of an Alpine peak, the Agassizhorn (3946 metres), on the borders of the Swiss cantons of Berne and Valais. In so doing, I took the first step towards renaming the mountain. This act commemorates the fact that the Swiss-born naturalist and glaciologist Louis Agassiz (1807-1873) was an influential racist and pioneering thinker of apartheid, and that the Agassizhorn should be renamed the “Rentyhorn” in honour of the Congolese-born enslaved Renty, and of those who met similar fates. Agassiz ordered Renty to be photographed on a South Carolina plantation, “to prove the inferiority of the black race”.
Découvrir le projet sur le site de Sasha Huber