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Essai: la science GH
Lycée Berthelot
Created on March 9, 2025
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Transcript
Dossier documentaire
Un essai sur la science
Vous répondrez à cette question en prenant appui sur les documents du dossier et sur le roman de Jules Verne que vous avez étudié.
Consignes détaillées
Documents d'appui pour bâtir votre réflexion
La foi en la science est-elle dangereuse ?
a. Consultez le dossier documentaire. b. Au brouillon, problématisez le sujet et rédigez une thèse pour chaque axe. c. Notez les idées que vous pensez utiliser pour y répondre. Proposez au moins quatre arguments (deux pour chaque partie). d. Illustrez chaque argument par au moins un exemple. Pour cela, appuyez-vous explicitement sur des documents du dossier et sur des passages de Vingt mille lieues sous les mers. e. Toujours au brouillon, préparez une introduction qui lance le sujet et présente votre thèse. f. Préparez aussi une brève conclusion mettant en relief votre opinion. g. Dans votre journal de culture, écrivez, en guise de titre, « Un essai sur la science ». h. Rédigez votre travail. Consacrez un paragraphe à l'introduction, un paragraphe à chaque argument, un paragraphe à la conclusion. i. Pensez à mentionner votre source à chaque fois que vous donnez un exemple.
2. Vous devrez rédiger une écriture personnelle pour traiter ce sujet.
La foi en la science est-elle dangereuse ?
Documents d'appui pour bâtir votre réflexion
1. Vous traiterez le sujet suivant:
Consignes
- Michel Serre, L'homme décapité, 2012.
- Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1866.
- Lucrèce, De la nature des choses, Ier siècle av. J.-C.
Cliquez sur les titres pour lire un extrait.
- Isaac Asimov, Les Robots, 1950
- Jean Giono, « Il est évident », in La Chasse au bonheur, Chroniques 1966-1970
- Jean Rostand, Discours du 24 décembre 1968
- Emile Zola, Le Docteur Pascal, 1893
Littérature
Une définition utile
Dossier documentaire (1)
Vidéo
Articles
Dossier documentaire (2)
Cliquez sur les titres pour lire un extrait.
- Michel Serres, Petite Poucette, 2012
- René Barjavel, « Pensons à Icare ! La faim du tigre », Essais, 1966
- Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, 1939
Littérature
- Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1866
Dossier documentaire (3)
Les choses se transforment sous nos yeux avec une extraordinaire vitesse. Et on ne peut pas toujours prétendre que cette transformation soit un progrès. Nos « belles » créations se comptent sur les doigts de la main, nos « destructions » sont innombrables. Telle prairie, telle forêt, telle colline sont la proie de bulldozers et autres engins ; on aplanit, on rectifie, on utilise ; mais on utilise toujours dans le sens matériel, qui est forcément le plus bas. Telle vallée, on la barre, tel fleuve, on le canalise, telle eau, on la turbine. On fait du papier journal avec des cèdres dont les Croisés ont ramené les graines dans leurs poches. Pour rendre les routes « roulantes » on met à bas les alignements d’arbres de Sully. Pour créer des parkings, on démolit des chapelles romanes, des hôtels du XVIIème, de vieilles halles. Les autoroutes flagellent de leur lente ondulation des paysages vierges. Des combinats de raffineries de pétrole s’installent sur des étangs romains. On veut tout faire fonctionner. Le mot « fonctionnel » a fait plus de mal qu’Attila ; c’est vraiment après son passage que l’herbe ne repousse plus. On a tellement foi en la science (qui elle-même n’a foi en rien, même pas en elle-même), qu’on rejette avec un dégoût qu’on ne va pas tarder à payer très cher tout ce qui, jusqu’ici, faisait le bonheur des hommes. Cette façon de faire est déterminée par quoi ? Le noble élan vers le progrès ? Non : le besoin de gagner de l’argent. Écoutez les discours politiques, lisez les journaux : on ne parle que de prix « compétitifs », de rendement, de marges bénéficiaires, etc. Il faudrait à la fin se rendre compte, si on en est fermement sur le chapitre de l’argent, qu’il ne se gagne pas qu’avec de la betterave, du beurre, du pétrole ou de l’acier. Qu’il y a des créations artistiques qui rapportent plus que des puits de pétrole et que tous les hauts fourneaux de la Florence rapporte plus à la ville, à la région, aux Florentins de la cité et des cités environnantes que toutes les industries groupées dans cette région, plus que si toutes ces industries étaient multipliées par mille.
2. Nues : nuages
1. Faix: fardeau
Le poète décrit l'action du philosophe Épicure, présentée comme une victoire sur la superstition et le poids des insitutions religieuses. Jadis, quand on voyait les hommes traîner une vie rampante sous le faix1 honteux de la superstition, et que la tête du monstre leur apparaissant à la cime des nues2, les accablait de son regard épouvantable, un Grec, un simple mortel osa enfin lever les yeux, osa enfin lui résister en face. Rien ne l’arrête, ni la renommée des dieux, ni la foudre, ni les menaces du ciel qui gronde ; loin d’ébranler son courage, les obstacles l’irritent, et il n’en est que plus ardent à rompre les barrières étroites de la nature. Aussi en vient-il à bout par son infatigable génie : il s’élance loin des bornes enflammées du monde, il parcourt l’infini sur les ailes de la pensée, il triomphe, et revient nous apprendre ce qui peut ou ne peut pas naître, et d’où vient que la puissance des corps est bornée et qu’il y a pour tous un terme infranchissable. La superstition fut donc abattue et foulée aux pieds à son tour, et sa défaite nous égala aux dieux.
1. Décollation: décapitation
Petite Poucette ouvre son ordinateur. Si elle ne se souvient pas de [la] légende [de saint Denis], elle considère toutefois, devant elle et dans ses mains, sa tête elle‐même, bien pleine en raison de la réserve énorme d’informations, mais aussi bien faite, puisque des moteurs de recherche y activent, à l’envi, textes et images, et que, mieux encore, dix logiciels peuvent y traiter d’innombrables données, plus vite qu’elle ne le pourrait. Elle tient là, hors d’elle, sa cognition jadis interne, comme saint Denis tint son chef hors du cou. Imagine‐t-on Petite Poucette décapitée ? Miracle ? Récemment, nous devînmes tous des saints Denis, comme elle. De notre tête osseuse et neuronale, notre tête intelligente sortit. Entre nos mains, la boite-ordinateur contient et fait fonctionner, en effet, ce que nous appelions jadis nos « facultés » : une mémoire, plus puissante mille fois que la nôtre ; une imagination garnie d’icônes par millions ; une raison aussi, puisque autant de logiciels peuvent résoudre cent problèmes que nous n’eussions pas résolus seuls. Notre tête est jetée devant nous, en cette boîte cognitive objectivée. Passé la décollation, que reste‐t-il sur nos épaules ? L’intuition novatrice et vivace. Tombé dans la boîte, l’apprentissage nous laisse la joie incandescente d’inventer. Feu : sommes‐nous condamnés à devenir intelligents ?
En somme, le docteur Pascal n’avait qu’une croyance, la croyance à la vie. La vie était l’unique manifestation divine. La vie, c’était Dieu, le grand moteur, l’âme de l’univers. Et la vie n’avait d’autre instrument que l’hérédité, l’hérédité faisait le monde ; de sorte que, si l’on avait pu la connaître, la capter pour disposer d’elle, on aurait fait le monde à son gré. Chez lui, qui avait vu de près la maladie, la souffrance et la mort, une pitié militante de médecin s’éveillait. Ah ! ne plus être malade, ne plus souffrir, mourir le moins possible ! Son rêve aboutissait à cette pensée qu’on pourrait hâter le bonheur universel, la cité future de perfection et de félicité, en intervenant, en assurant de la santé à tous. Lorsque tous seraient sains, forts, intelligents, il n’y aurait plus qu’un peuple supérieur, infiniment sage et heureux. Dans l’Inde, est-ce qu’en sept générations, on ne faisait pas d’un soudra un brahmane, haussant ainsi expérimentalement le dernier des misérables au type humain le plus achevé ? Et, comme, dans son étude sur la phtisie, il avait conclu qu’elle n’était pas héréditaire, mais que tout enfant de phtisique apportait un terrain dégénéré où la phtisie se développait avec une facilité rare, il ne songeait plus qu’à enrichir ce terrain appauvri par l’hérédité, pour lui donner la force de résister aux parasites, ou plutôt aux ferments destructeurs qu’il soupçonnait dans l’organisme, longtemps avant la théorie des microbes. Donner de la force, tout le problème était là; et donner de la force, c’était aussi donner de la volonté, élargir le cerveau en consolidant les autres organes.
Voici un extrait de la préface du recueil de nouvelles Les Robots. Dans les années 1930, je devins lecteur de science-fiction et je me lassai rapidement de cette histoire inlassablement répétée. Puisque je m’intéressais à la science, je me rebellai contre cette interprétation purement faustienne de la science. Le savoir a ses dangers, sans doute, mais faut-il pour autant fuir la connaissance ? Sommes-nous prêts à remonter à l’anthropoïde ancestral et à renier l’essence même de l’humanité ? La connaissance doit-elle être au contraire utilisée comme une barrière contre le danger qu’elle suscite ? En d’autres termes, Faust doit affronter Méphistophélès, mais il ne doit pas nécessairement être vaincu par lui. On munit le couteau d’un manche pour pouvoir le manipuler sans crainte, on adjoint une rambarde à l’escalier, on isole le fil électrique, on pourvoit l’autocuiseur de sa soupape de sureté – dans tout ce qu’il crée, l’homme cherche à réduire le danger. Il arrive que la sécurité obtenue reste insuffisante en raison des limitations imposées par la nature de l’univers ou celle de l’esprit humain. Néanmoins, l’effort a été fait. Considérons le robot simplement comme un dispositif de plus. Il ne constitue pas une invasion sacrilège du domaine du Tout-Puissant, ni plus ni moins que le premier appareil venu. En tant que machine, un robot comportera sans doute des dispositifs de sécurité aussi complets que possible. Si les robots sont si perfectionnés qu’ils peuvent imiter le processus de la pensée humaine, c’est que la nature de ce processus aura été conçus par des ingénieurs humains qui y auront incorporés des dispositifs de sécurité. Celle-ci ne sera peut-être pas parfaite. (Mais la perfection est-elle de ce monde ?) Cependant elle sera aussi complète que les hommes pourront la réaliser.
SERRES L’homme décapité, 2012 Petite Poucette ouvre son ordinateur. Si elle ne se souvient pas de cette légende, elle considère toutefois, devant elle et dans ses mains, sa tête elle‐même, bien pleine en raison de la réserve énorme d'informations, mais aussi bien faite, puisque des moteurs de recherche y activent, à l'envi, textes et images, et que, mieux encore, dix logiciels peuvent y traiter d'innombrables données, plus vite qu'elle ne le pourrait. Elle tient là, hors d'elle, sa cognition jadis interne, comme saint Denis tint son chef hors du cou. Imagine‐t-on Petite Poucette décapitée ? Miracle ? Récemment, nous devînmes tous des saints Denis, comme elle. De notre tête osseuse et neuronale, notre tête intelligente sortit. Entre nos mains, la boite-ordinateur contient et fait fonctionner, en effet, ce que nous appelions jadis nos «facultés» : une mémoire, plus puissante mille fois que la nôtre ; une imagination garnie d'icônes par millions ; une raison aussi, puisque autant de logiciels peuvent résoudre cent problèmes que nous n'eussions pas résolus seuls. Notre tête est jetée devant nous, en cette boîte cognitive objectivée. Passé la décollation, que reste‐t-il sur nos épaules ? L'intuition novatrice et vivace. Tombé dans la boîte, l'apprentissage nous laisse la joie incandescente d'inventer. Feu : sommes‐nous condamnés à devenir intelligents ?
L’usage d’un instrument savant n’a pas fait de toi un technicien sec. Il me semble qu’ils confondent but et moyen ceux qui s’effraient par trop de nos progrès techniques. Quiconque lutte dans l’unique espoir de biens matériels, en effet, ne récolte rien qui vaille de vivre. Mais la machine n’est pas un but. L’avion n’est pas un but : c’est un outil. Un outil comme la charrue. Si nous croyons que la machine abîme l’homme c’est que, peut-être, nous manquons un peu de recul pour juger les effets de transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que sont les cent années de l’histoire de la machine en regard des deux cent mille années de l’histoire de l’homme ? C’est à peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales électriques. C’est à peine si nous commençons d’habiter cette maison nouvelle, que nous n’avons même pas achevé de bâtir. Tout a changé si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes. Notre psychologie elle-même a été bousculée dans ses bases les plus intimes. Les notions de séparation, d’absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurés les mêmes, ne contiennent plus les mêmes réalités. Pour saisir le monde d’aujourd’hui, nous usons d’un langage qui fut établi pour le monde d’hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à notre nature, pour la seule raison qu’elle répond mieux à notre langage. Chaque progrès nous a chassés un peu plus loin hors d’habitudes que nous avions à peine acquises, et nous sommes véritablement des émigrants qui n’ont pas fondé encore leur patrie. Nous sommes tous de jeunes barbares que nos jouets neufs émerveillent encore […] Notre maison se fera sans doute, peu à peu, plus humaine. La machine elle-même, plus elle se perfectionne, plus elle s’efface derrière son rôle. Il semble que tout l’effort industriel de l’homme, tous ses calculs, toutes ses nuits de veille sur les épures, n’aboutissent, comme signes visibles, qu’à la seule simplicité, comme s’il fallait l’expérience de plusieurs générations pour dégager peu à peu la courbe d’une colonne, d’une carène, ou d’un d’avion, jusqu’à leur rendre la pureté élémentaire de la courbe d’un sein ou d’une épaule. Il semble que le travail des ingénieurs, des dessinateurs, des calculateurs du bureau d’études ne soit ainsi, en apparence, que de polir et d’effacer, d’alléger ce raccord, d’équilibrer cette aile, jusqu’à ce qu’on ne la remarque plus, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une aile accrochée à un fuselage, mais une forme parfaitement épanouie, enfin dégagée de sa gangue, une sorte d’ensemble spontané, mystérieusement lié, et de la même qualité que celle du poème. Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter, mais quand il n’y a plus rien à retrancher. Au terme de son évolution, la machine se dissimule.
Trois hommes, depuis trois jours, tournent autour de la Lune. Je ne veux pas savoir si ce sont des Américains ou des Russes : ce sont des hommes. Qui n’éprouverait de prime abord un sentiment d’enthousiasme en songeant à la féérique prouesse qui est en train de s’accomplir ?...Qui n’admirerait le courage, la résolution, la hardiesse de ces violateurs d’un azur vierge, de ces voyageurs sans devanciers ? Et comment, à travers eux, ne voudrait-on rendre hommage aux savants, aux ingénieurs, aux techniciens, qui, par la rigueur de leurs calculs, par le soin et l’ingéniosité de leurs préparatifs, par la qualité de l’outillage qu’ils ont créé, ont redu possible l’incroyable aventure? Mais, au risque de scandaliser quelques-uns, je ne cacherai pas que, pour ma part, je me sens obligé de mettre une sourdine à mon applaudissement. Car on doit quand même se demander si vraiment c’est à bon escient que les plus précieuses qualités morales et intellectuelles de l’homme ont été mobilisées pour la réussite d’un tel exploit [...]. Je tiens que le fabuleux, que le merveilleux effort prodigué pour aboutir au voyage circumlunaire est hors de proportion avec les conséquences qu’on peut en attendre. Je tiens qu’il y a, sur notre Terre, une foule de choses à faire qui eussent mérité d’avoir la priorité sur ce qu’on appelle orgueilleusement l’exploration du cosmos. Tant que nous restons désarmés contre le cancer, tant que les maladies sont à vaincre, tant qu’une majorité de Terriens souffrent de la misère, de la faim, et restent plongés dans l’ignorance, tant que nous n’aurons pas résolu les problèmes de la surpopulation et du sous-développement, tant que des vieillards et des infirmes, partout, manqueront du nécessaire, tant que notre petit globe ne sera pas habitable pour tous, tant que règneront l’injustice sociale, la violence, le racisme, le fanatisme, dans un monde mesquinement divisé en patries, tant qu’un gouvernement mondial n’aura pas été institué qui prévienne les risques de guerre et nous garantisse contre le génocide atomique, je penserai que tourner autour de la Lune est un luxe qui pouvait attendre, et que c’est là, comme Chamfort, avoir des dentelles avant d’avoir des chemises.
Les Travailleurs de la mer de V Hugo 1866L'homme est un rongeur. Tout sous lui se modifie et s'altère, soit pour le mieux, soit pour le pire. Ici, il défigure, là il transfigure. (…) L'homme, ce vivant à brève échéance, ce perpétuel mourant, entreprend l'infini... Tout borne l'homme, mais rien ne l'arrête. Il réplique à la limite par l'enjambée. L'impossible est une frontière toujours reculante. (…) Il dérange, déplace, supprime, abat, rase, mine, sape, creuse, fouille, casse, pulvérise, efface cela, abolit ceci, et reconstruit avec de la destruction... Pourtant ne nous exagérons pas notre puissance, quoique l'homme fasse, les grandes lignes de la création persistent ... Il peut sur le détail, non sur l’ensemble (…) Ce que nous faisons ne va pas au-delà de la surface. L'homme habille ou déshabille la terre ; un déboisement est un vêtement qu'on ôte. Mais ralentir la rotation du globe sur son axe, accélérer la course du globe dans son orbite...jamais. L'homme peut changer le climat, non la saison. Faites donc rouler la lune ailleurs que dans l'écliptique !
Nous vivons dans notre temps. Nous ne l’avons pas choisi, nous y sommes. Il est superbe et complètement dingue, extravagant, merveilleux et odieux. Il nous mène dans la Lune, nous ouvre les portes de l’espace infini et nous entasse dans les tours qui ressemblent à des tronçons de cierges creusés par des fourmis. Il nous asphyxie, nous empoisonne et nous soulage, nous rend malades et nous guérit, et finit par nous tuer, bien sûr, comme le temps de tous les temps, mais après nous avoir secoué les os et les tripes et nous avoir mis des feux d’artifice dans les yeux. Nous sommes de notre temps, il faut le vivre, il n’y a pas de deuxième solution. Et la meilleure façon de vivre, c’est d’en accepter les risques en même temps que les avantages. Nous devons certes exiger plus et plus encore de précautions, mais savoir qu’à chaque danger conjuré succédera un autre plus grand. Un jour le gaz, vieille bougie du XIXe siècle, fermera ses vannes et ses conduits vides ne feront plus mourir personne. Il sera remplacé partout par l’électricité atomique. Mais la première centrale au plutonium qui sautera fera cent mille morts. Cent mille morts, statistiquement, ce ne sera pas grave, car il y aura alors quatre-vingts millions de Français en France, dont un millier se tuera chaque semaine sur les routes ou dans les airs. Les centrales atomiques ne sauteront pas ? Si, bien sûr. Pas toutes, évidemment, mais une par-ci par-là. C’est une question de nombre, de statistique. Des usines à gaz ont sauté, des raffineries ont brûlé, des avions tombent, des trains déraillent, des immeubles s’écroulent, des barrages s’émiettent, des centrales sauteront. Plus les hommes sont nombreux et leurs énergies puissantes, plus les catastrophes sont mortelles. Désastreuses pour les individus, mais sans aucune importance pour l’espèce proliférante. Le risque de vivre est plus grand en notre temps qu’il ne l’a jamais été, mais quel temps extraordinaire ! Nous sommes à une époque de transition où tout change à une vitesse fantastique, nous avons les doigts coincés dans la charnière, les pieds englués dans Cro-Magnon et les épaules déjà emportées par les ailes d’Apollo. Si nous décollons, pensons à Icare. Mais alors, quelle joie irremplaçable dans chaque seconde de vol !
L’homme est un rongeur. Tout sous lui se modifie et s’altère, soit pour le mieux, soit pour le pire. Ici, il défigure, là il transfigure. […] L’homme, ce vivant à brève échéance, ce perpétuel mourant, entreprend l’infini... Tout borne l’homme, mais rien ne l’arrête. Il réplique à la limite par l’enjambée. L’impossible est une frontière toujours reculante. […] Il dérange, déplace, supprime, abat, rase, mine, sape, creuse, fouille, casse, pulvérise, efface cela, abolit ceci, et reconstruit avec de la destruction... Pourtant ne nous exagérons pas notre puissance, quoique l’homme fasse, les grandes lignes de la création persistent ... Il peut sur le détail, non sur l’ensemble […] Ce que nous faisons ne va pas au-delà de la surface. L’homme habille ou déshabille la terre ; un déboisement est un vêtement qu’on ôte. Mais ralentir la rotation du globe sur son axe, accélérer la course du globe dans son orbite... jamais. L’homme peut changer le climat, non la saison. Faites donc rouler la lune ailleurs que dans l’écliptique !