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Résister pendant la 2nde Guerre mondiale : L'itinétaire de Denise Jacob

Vous vous appelez Denise Jacob. Vous êtes née dans une famille juive non pratiquante en 1924. Vous habitez avec vos parents, vos deux sœurs : Madeleine et Simone et votre frère Jean. Votre famille est juive mais n'est absolument pas pratiquante. Vous habitez Nice. En 1941, vous avez 17 ans et vous allez au lycée. Chez vous, vous écoutez alors en secret la radio anglaise, la BBC et rapportez ce que vous avez entendu à vos camarades. C'est votre 1er acte de résistance !Ce sont souvent des messages codés qui permettent aux résistants présents à Londres de communiquer des informations à ceux qui résistent sur le sol français. En juillet-août 1942 les rafles pour arrêter les étrangers juifs s'intensifient. Vous aidez alors des enfants juifs à se cacher. Au début de septembre 1943 vous participez à un camp de cheftaines au sein du mouvement scout des Eclaireuses. Vous suivez alors le conseil de votre père de ne pas retourner à Nice dans votre famille vous rejoignez une amie scout dans l'Isère. C'est le début de la clandestinité !

Chez votre amie scout, vous rencontrez un autre ami, qui vous propose de rejoindre la résistance en tant qu'agent de liaison. Vous prenez alors le pseudonyme de « Miarka » et devenez agent de liaison du mouvement de résistance Franc-tireur à Lyon. D'ailleurs aujourd'hui, vous êtes attendue. Dépêchez vous !

Ah voici la ruelle!

Un code à quatre chiffres?? Voyons voir, à quelle date en 1940 De Gaulle a appelé à se battre et à résister ?

Non ce n'est visiblement pas cela!

Bonjour Miarka, tu es en retard !

Dès le début de l’Occupation allemande, des journaux de résistance comme Le Franc Tireur ou La Voix du Nord furent composés et diffusés clandestinement dans le but de contrer la propagande officielle, sensibiliser les populations et réveiller leur sentiment patriotique. Ils portent souvent le même nom que le mouvement de résistance auquel ils sont associés. Etre arrêté par la Gestapo ou la Milice en possession d'un journal ou d'un tractvous conduisait en prison ou vous êtiez interrogé voire torturé, puis emprisonné.

Depuis plusieurs mois, les grands réseaux de la région : Franc Tireur, Combat et Libération ont fusionné pour créer les MUR, les Mouvements unis de résistance, tout en conservant leurs identités propres. L’artisan de cette unité, Jean Moulin, représentant personnel du général de Gaulle, a été arrêté le 21 juin à Caluire (quartier de Lyon) par la gestapo. Parmi ceux qui connaissaient son existence, nul ne sait ce qu’il est devenu. On soupçonne que la gestapo l'a torturé. Il n'a pas trahi ses camarades mais est-il encore en vie ?

Allez Miarka, ne lambine pas. Livre ces journaux au plus vite et sois prudente ! N'oublie pas de descendre du tram en marche pour vérifier que tu n'es pas suivie !

Henri Mazuir (1919-1943) intègre la Résistance en 1942, d’abord à Saint-Étienne, puis à Lyon, sa ville natale. Sous le pseudonyme de « Riquet »,, il devient responsable pour la région de l’impression et de la diffusion du journal Le Franc-Tireur. Le 28 octobre 1943, il est arrêté dans les locaux de l’imprimerie Percet & Amouroux. Victime de tortures, interné à la prison de Montluc, il est condamné à mort par le tribunal militaire allemand. Le 21 décembre 1943, il est fusillé à Villeurbanne, sur le stand de tir du camp militaire de la Doua.

L’action de Franc-Tireur se déploie selon trois axes principaux : faux papiers, renseignement, information de la population pour contrer la propagande nazie et collaborationniste.

Pour conduire son activité clandestine et assurer la sécurité de ses agents, chaque mouvement de résistance se dote d’un service de faux papiers.Les faux papiers sont également fabriqués et fournis aux réfractaires au Service du Travail obligatoire en Allemagne et aux Juifs menacés par la déportation.

Entre Saône et Rhône, à pied ou à bicyclette, vous êtes constamment en mouvement. Franc Tireur vous a fourni des faux papiers. Ils sont établis sous le faux nom de Jacqueline Rosset.

Pendant vos trajets d'agent de liaison, vous remarquez parfois des actes de résistance : - ici un graffiti : une croix de lorraine associée à la date de 1918 ( date symbole de la défaite allemande) - là des affiches dénonçant l'arrestation de simples passants qui avaient lu une affiche placardée par la Résistance - ou encore un petit air siffloté discrètement

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes Montez de la mine, descendez des collines, camarades Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite Ohé, saboteur, attention à ton fardeau, dynamite C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines

Simone, moi et Madeleine

Moi, Maman, Jean, Simone et Madeleinequand nous étions enfants

Papa et Maman

Nous sommes en février 1944, cela fait 7 mois que vous êtes à Lyon et on vous conseille, par prudence, de quitter cette ville. Le 18 mars 1944, vous retournez à Nice où vous retrouvez vos parents pour les 21 ans de votre sœur Madeleine. Vous ne le savez pas mais c'est votre dernière réunion de famille, car 10 jours plus tard vos parents, vos soeurs et vote frère sont arrêtés - parce que juifs - et déportés à Auschwitz-Birkenau. Seules Madeleine et Simone survivront à la déportation.

La nouvelle de l'arrestation de votre famille vous désespère. Vous revenez à Lyon et retournez au service de Franc Tireur bien déterminée à lutter contre les nazis.Les Mouvements Unis de Résistance (les MUR) sont appelés à coordonner la Résistance de toute la région. La direction régionale des MUR a besoin d'un agent de liaison à Annecy avec les maquis. Vous vous proposez. « Miarka » devient désormais « Annie » au printemps 1944.Les maquis constituent la branche armée de la Résistance. Ils vivent cachés dans les forêts ou les zones montagneuses.

Nous sommes en juin 1944, les Alliés ont organisé un parachutage d'armes, d'argent, de vêtements et de 2 postes émetteurs radio en Saône et Loire près de Saint Bonnet de Joux.On vous demande d'aller récuper ce matériel et de le ramener à Annecy.

Une liaison radio clandestine permet d’échanger des messages codés entre un émetteur- situé en territoire libre (le plus souvent en Angleterre), et un émetteur-récepteur mobile situé en France. Elle permet la transmission de renseignements sur les forces ennemies ou l'organisation de parachutages de matériels.

Un contact radio clandestin suit une procédure très précise.L’opérateur doit respecter un horaire précis. Il arrive quelques minutes avant le rendez-vous pour préparer le matériel : dérouler le fil d’antenne, relier la valise à une prise de courant ou sur une batterie, enficher le quartz fixant la longueur d’onde prévue et régler l’appareil.Au moment prévu pour le contact, l’opérateur lance son indicatif d’appel 5 ou 6 fois. Dès que la centrale de Londres le reçoit, elle vérifie l’identité de l’opérateur avant de confirmer la réception. La transmission des données peut alors commencer.Cette activité est extrêmement dangereuse. L’Abwehr (les services secrets allemands) dispose de récepteurs qui détectent les liaisons. Une règle dite « règle des 3/3 », permet de limiter les risques : ne pas transmettre plus de 3 minutes consécutives, ne pas transmettre plus de 3 fois du même endroit, ne pas être radio plus de 3 mois d’affilée afin d’éviter des erreurs causées par la routine. L'espérance de vie de ces résistants est celle qui est la plus courte.

Le 18 juin 1944, vous récupérez la marchandise en Bourgogne. Le 19 juin 1944, vous êtes arrêtée par les Allemands sur le chemin du retour.Vous êtes interrogée le même jour par la gestapo, place Bellecour à Lyon. Vous êtes alors soumise à la torture, notamment le supplice de la « baignoire » Vous n'avez jamais livré de noms, alors que la vie de plusieurs résistants était entre vos mains, dont le chef politique régional de la Résistance (Ostier) qui a tellement foi en vous que ni sa boite aux lettres ni son surnom n'ont été changés, ce qu'il aurait dû faire par prudence. Tous avaient la conviction que vous ne parleriez pas. Vous êtes internée à la prison Montluc du 20 au 30 juin 1944 puis déportée en camp de concentration en juillet 1944.

Les nazis ignorent heureusement que vous êtes juive. Vous êtes déportée en tant que résistante au camp de concentration de Ravensbrück.Là, vous poursuivez vos actes de résistance notamment en prenant régulièrement la place de camarades polonaises trop affaiblies par les « expérimentations médicales » que leur impose des médecins nazis.

Le 2 mars 1945 vous partez pour Mauthausen avec 2.000 femmes destinées à être exterminées en chambre à gaz. Le 21 avril 1945 une délégation de la Croix-Rouge internationale arrive au camp de Mauthausen pour tenter d'extraire du camp toutes les déportées. Le responsable SS vous laisse partir avec vos camarades. Voyant arriver la fin de la guerre et la défaite des nazis, il espère ainsi obtenir l'indulgence des Alliés. Vous rejoignez la Suisse puis Annecy au moment où la guerre se termine. En 1947, vous épousez Alain Weill dit Alain Vernay (1918-2015), résistant, journaliste, conseiller économique, avec qui vous avez trois enfants et sept petits-enfants. Jusqu'à la fin de votre vie en 2013, vous témoignerez de ce que vous avez vécu pendant la 2nde Guerre mondiale, notamment aux côté de votre soeur Simone, devenue Simone Veil ...