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Maison Albert-Londres
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Transcript
Au Bagne
Tu diras tout ! Tout ! Pour que ça change un peu ! »
Albert Londres écrit pour Le Petit Parisien. Il vient de quitter avec fracas Le Quotidien. Son reportage sur la Ruhr n’était pas « dans la ligne du journal » n’a été publié : « Messieurs, déclara-t-il, vous apprendrez à vos dépens qu’un reporter ne connaît qu’une seule ligne : celle du chemin de fer »
St Nazaire-Cayenne
A bord du « Biskra » qui, appareille le 16 mai 1923 pour 21 jours de mer, Albert Londres part pour la Guyane française où il passera un mois pour « voir ce qui s’y passe»
Caricatures d’un auteur anonyme qui connaissait très bien l'institution, les dossiers des condamnés et aussi les personnalités Cayennaises.
Albert Londres part à la rencontre de ces figures.
Le voyage d’Albert LONDRES
Il va, il voit, il décrit,il rapporte la condition impensable de ces hommes. Seuls son ton vif et son humour rendent le récit supportable.
Albert Londres tout au long de son voyage prend de nombreuses notes, accompagné d’un photographe, il fait saisir les scènes qu’il va décrire dans ses articles.
Les carnets de voyages d’Albert LONDRES
Les carnets fourmillent d’anecdotes, qu’il reprendra pour écrire ses articles.
« Le Biskra avait mouillé assez loin de la terre, car, selon les années le port s’envase. On arrivait. J’ai pu voir bien des ports miteux, mais Cayenne passa numéro 1 dans ma collection. Ni quai, ni rien, et si vous n’aviez les mains des forçats pour vous tirer de la barque au bon moment, vous pourriez toujours essayer de mettre pied sur la terre ferme ! Il paraît que nous n’avons pas encore eu le temps de travailler, depuis soixante ans que le bagne est en Guyane. »
C’était Cayenne
Les îles du salut –photo Julie et Nolwenn – 2011 -
« L’après-midi, j’allai au camp. Il faut vous dire que nous nous trompons en France. Quand quelqu’un - de notre connaissance parfois - est envoyé en travaux forcés, on dit : il va à Cayenne. Le bagne n’est plus à Cayenne mais à Saint-Laurent-du Maroni d’abord et aux Iles du Salut ensuite. Je demande en passant, que l’on débaptise ces îles. Ce n’est pas le salut, là-bas, mais le châtiment. La loi nous permet de couper la tête des assassins, non de nous la payer. »
Le camp
Les îles du salut –photo Julie et Nolwenn – 2011 -
« L’après-midi, j’allai au camp. Il faut vous dire que nous nous trompons en France. Quand quelqu’un - de notre connaissance parfois - est envoyé en travaux forcés, on dit : il va à Cayenne. Le bagne n’est plus à Cayenne mais à Saint-Laurent-du Maroni d’abord et aux Iles du Salut ensuite. Je demande en passant, que l’on débaptise ces îles. Ce n’est pas le salut, là-bas, mais le châtiment. La loi nous permet de couper la tête des assassins, non de nous la payer. »
Le camp
Le bagne guyanais existe alors depuis plus de 60 ans, il compte près de 7000 condamnés, surveillés par 600 fonctionnaires.
La Guyane…un bagne à ciel ouvert !
Guyane-1923
C’est le bagne
« Enfin, me voici au camp ; là, c’est le bagne.Le bagne n’est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C’est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c’est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. […]Il y a la discipline incertaine mais implacable. Selon l’humeur, un vilain tour ne coûtera rien à son auteur ; le lendemain, l’homme ramassera une mangue, don de la nature au passant : ce sera le blockhaus. Un réflexe, ici, est souvent un crime. »
[...] Ils se préparaient pour leur nuit. Cela grouillait dans le local. De cinq heures du soir à cinq heures du matin ils sont libres – dans leur cage Ils n’ont le droit de rien faire, ils font tout ! »
Parmi les misérables
« On me conduisit dans les locaux. D'abord je fis un pas en arrière. C'est la nouveauté du fait qui me suffoquait. Je n'avais encore jamais vu d'hommes en cage par cinquantaine.
Dans les cages
« La nuit, ils jouent aux cartes, à la ‘Marseillaise’. Ce n’est pas pour passer le temps, c’est pour gagner de l’argent. Ils n’ont pas le droit d’avoir de l’argent, ils en ont. Ils le portent dans leur ventre. Papiers et monnaies sont tassés dans un tube appelé plan (planquer). Ce tube se promène dans leurs intestins. Quand ils le veulent ils…s’accroupissent. Tous ont des couteaux. Il n’est pas de forçat sans plan ni couteau. Le matin, quand on ouvre la cage, on trouve un homme le ventre ouvert. Qui l’a tué ? On ne sait jamais. C’est leur loi d’honneur de ne pas se dénoncer. La case entière passerait plutôt à la guillotine plutôt que d’ouvrir le bec. »
« Il a fini sa peine, et pendant son doublage , s’est installé restaurateur.
Le doublage ? Quand un homme est condamné de cinq à sept ans de travaux forcés, cette peine achevée, il doit rester un même nombre d’années en Guyane. S’il est condamné à plus de sept ans, c’est la résidence perpétuelle. Combien de jurés savent cela ? […]Le but de la loi était noble : amendement et colonisation, le résultat est pitoyable. Et ici, voici la formule : le bagne commence à la libération.
Tant qu’ils sont en cours de peine, on les nourrit (mal), on les couche (mal), on les habille (mal). Brillant minimum quand on voit la suite. Leurs cinq ou sept ans achevés, on les met à la porte du camp. »
Chez bel-Ami
D’abord, ils ne mangent pas à leur faim.[…] Ensuite, ils sont pieds nus, c’est-à-dire sur le flanc, leurs pieds ne les portant plus : chiques, araignées des criques, pian-bois (plaies ulcéreuses). C’est affreux à voir… On met, pour ouvrir la route, des misérables qui ne peuvent plus marcher ! »
La route coloniale N° 1
Si c’est pour faire crever des individus, ne changez rien, tout va bien ! Si c’est pour faire une route…
«Comme elle n’existe pas nous la baptisons Numéro Zéro.[…] Quelle magnifique route ! Elle doit traverser toutes les Guyanes. On n’a pas ménagé les cadavres. On y travaille depuis plus de cinquante ans… Elle a vingt-quatre kilomètres !
« Au centre, l’île Royale qui domine, est le fléau. Saint-Joseph d’un côté, le Diable de l’autre, sont les plateaux. Dernière balance de la justice, telles apparaissent les îles du Salut. A vue d’œil, c’est ravissant. […] Décor pour femmes élégantes et leurs ombrelles ! Les îles sont la terreur des forçats. On interne aux îles les sujets à surveiller, les coupables de plusieurs évasions, les fortes têtes, les meneurs. C’est le fin fond du bagne, les oubliettes de la transportation. »
Les iles du salut
« L’île Saint-Joseph n’est pas plus grande qu’une pochette de dame. Les locaux disciplinaires et le silence l’écrasent. Ici, morts vivants, dans des cercueils – je veux dire dans des cellules - des hommes expient, solitairement. La peine de cachot est infligée pour les fautes commises au bagne. A la première évasion, généralement, on acquitte. La seconde coûte de deux à cinq ans. Ils passent vingt jours du mois dans un cachot complètement noir et dix jours – autrement ils deviendraient aveugles – dans un cachot demi-clair. »
Les Morts vivants
- Ouvrez !
- Ouvrez !
- Ouvrez !
- Ouvrez !
Ouvrez ! dit le commandant au porte-clefs.
L’homme me fixa et ne dit rien. - Avez-vous quelque chose à me dire ?
- Rien.
- Vous avez frappé, pourtant.
- Ce n’est pas à nous de dire, c’est à vous de voir.
Il me semblait que j’étais dans un cimetière étrange et que j’allais déposer sinon des fleurs, mais un paquet de tabac sur chaque tombe.
L’écho répéta les derniers mots du surveillant. De l’intérieur des cachots, pour réponse on frappa à plusieurs portes .
« Quelqu’un est là, qui vient de Paris ; il entendra librement ceux qui ont quelque chose à dire !
Ouvrez !
Hespel le chacal
« Cet autre jour, comme je passais dans les couloirs – ces couloirs qui donnent la chair de poule-- des locaux disciplinaires du camp de Cayenne., je vis, […] ces trois mots «A surveiller étroitement » - Qui est-ce ? - Ah ! C’est Hespel, C’est l’ancien bourreau du bagne, une célébrité. - Pouvez-vous me faire ouvrir ? Un judas éclairait misérablement la cellule. Une planche, munie de la barre de justice – la manille -, deux récipients à terre, l’un pour l’eau, l’autre pour la vidange. - Voilà le cloaque où, depuis sept mois, comme un pourceau de la sorcière Circé, je me roule dans la fange de l’iniquité. »
L’expiation d’Ullmo
« C’était Ullmo, ex-enseigne de vaisseau de la marine française. Il avait quitté le Diable (l’île du Diable) depuis cinq semaines. Quinze ans ! Il était resté quinze ans sur le Rocher-Noir, dont huit ans tout seul, tout seul. - Vous logiez dans la case en haut ? - Pas tout de suite. Elle n’était pas bâtie. Je suis resté un an dans la case à Dreyfus, face à la mer.
- Le tintamarre infernal des lames ne vous a pas rendu sourd ?
- Non ? Mais je connaissais tous les requins »
« L’évasion, leur seul espoir, est difficile. Il y faut du courage. Dieudonné de la bande à Bonnot, est parti sur deux troncs de bananiers, mer terrible et requins à la surface. Le courant mit trois jours pour l’apporter sur la Grande Terre. Il marcha vers le Vénézuela, mais ne connaissant pas la route, tomba dans le camp Charvein. Il se jeta lui-même dans le piège, tête baissée ».
A la porte d’une cellule, un nom : Dieudonné. - Il est ici ?
La belle
« L’évasion, leur seul espoir, est difficile. Il y faut du courage. Dieudonné de la bande à Bonnot, est parti sur deux troncs de bananiers, mer terrible et requins à la surface. Le courant mit trois jours pour l’apporter sur la Grande Terre. Il marcha vers le Vénézuela, mais ne connaissant pas la route, tomba dans le camp Charvein. Il se jeta lui-même dans le piège, tête baissée ».
A la porte d’une cellule, un nom : Dieudonné. - Il est ici ?
La belle
Albert londres enquête…
[…] Chaque nuit, ils s’en vont sur une barque invisible de jour. Le jour ils l’immergent, jamais au même endroit ; le soir, la repêchent et à nous l’oubli ! Ils se rendent au village chinois de Saint-Laurent. Et là, ils jouent, boivent et reboivent. »
« Cette petite île a l’air d’un jouet. Pour préserver son teint du soleil, vingt arbres, au-dessus d’elle, ont ouvert leurs branches comme vingt parasols. Une quinzaine de maisons miniatures sont blotties dans l’ombrage. C’est l’îlet Saint-Louis des lépreux. La barque nous attend. Le surveillant n’est pas gracieux. L’îlet se surveille de la rive seulement. - Vous voulez y aller quand même ?
Chez les lépreux
« Le Maroni est un émouvant chemin. Il conduit vers l’or, il amène au bagne.[…] Saint-Laurent est la fourmilière du bagne. C’est là que les coupables désespèrent en masse. […] Là, on fait le doublage, et là demeurent à perpétuité (mais meurent bien avant !) les forçats condamnés à huit ans et plus et qui ont achevé leur peine. Que font-ils ? D’abord ils font pitié. Ensuite, ils ne font rien. Qu’ils travaillent ! Où ça ? Ils ont une concurrence qu’ils ne peuvent battre : celle des forçats en cours de peine».
La capitale du crime
« Cela est un tout petit peu fort. Cela, c’est deux camps qui s’appellent chacun : le nouveau camp. L’un est pour la relégation, l’autre pour la transportation. Quatre cent cinquante chiens dans le premier, quatre cent cinquante dans le second. Au vrai ce ne sont pas des chiens, ce sont des hommes ! Mais ces hommes ne sont plus que des animaux galeux, morveux, pelés, anxieux et abandonnés. Quand figé par le spectacle, on a tourné une heure dans ces deux honteux manèges, il ne vous reste qu’un étonnement : que ces misérables ne marchent pas à quatre pattes. Il vous en reste un second : que ces hommes vous parlent quand vous les interrogez, et n’aboient pas.»
La cour des miracles
« Dans ces deux camps, on se croirait revenu à l’époque des barbares de l’humanité, au temps sans médecins, ni pharmaciens. Rien, rien à donner à neuf cents malades de toutes maladies. […]
L’hôpital du camp
Voici le docteur Brenques, un forçat. - Regardez autour de vous. Mais regardez donc ! Moi je subis ici une peine que j’appellerai « la peine de l’ironie ». Docteur, on m’a mis au milieu de moribonds pour que je les regarde expirer, impuissant ».
« Est-ce bien travaux forcés que l’on devrait dire quand on parle de la peine du bagne ? Surveillés forcés. Maigreur forcée. Exil forcé. Maladie forcée, oui. Travaux forcés ? Pas autant !
Dans tous ces camps, l’homme travaille de cinq heures à midi. Pendant ces sept heures, il doit faire le stère. Après, il rentre à sa case, mange, dort, est libre jusqu’au lendemain cinq heures. Il est libre à l’intérieur du camp. Il cultive son petit jardin et « fait de la camelote ».
Les travaux forcés
En visite à la case commune une nuit à l’Ile royale, Albert Londres avait surpris ces mots échangés par deux bagnards à propos de la venue du journaliste : « Tu crois qu’il y fera quelque chose ? »
Au retour
« Voilà ! je rêve encore chaque nuit de ce voyage au bagne. C’est un temps que j’ai passé hors la vie. Pendant un mois, j’ai regardé les cent spectacles de cet enfer et maintenant ce sont eux qui me regardent. Je les revois devant mes yeux, un par un, et subitement, tous se rassemblent et grouillent de nouveau comme un affreux nid de serpents »
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE MINISTRE DES COLONIES
Monsieur le Ministre, J’ai fini.Au gouvernement de commencer. […]
Vous voilà, monsieur le ministre, devant une reconstruction. Comme le terrain n’est pas libre, vous vous trouverez du même coup en face d’une démolition. Il faudra passer sur le corps de l’administration pénitentiaire. Vous aurez beau câbler au gouverneur qu’il a toute autorité sur le directeur, cela n’empêchera pas le directeur d’être le gérant absolu des quatorze millions que vous lui envoyez chaque année pour ses bagnards. Le gouverneur aura peut-être l’autorité, mais le directeur aura l’argent. L’administration pénitentiaire est un corps trop étroit, vivant sur lui-même, recruté, en partie, sur place, avançant sur place. Le directeur est un roi trop autonome et, sinon vous, du moins vos prédécesseurs ont pu voir des directeurs faire sauter des gouverneurs. Le remède ? Il en est plusieurs : fondre le corps de la Pénitentiaire avec celui des administrateurs coloniaux. Du même coup, l’administrateur en chef tomberait dans la main du gouverneur, c’est-à-dire dans la vôtre. D’autres proposent de donner le bagne aux militaires. Le passé plaide en faveur de leur thèse. La Guyane n’a travaillé que lorsqu’un colonel dirigeait tout. Cette idée vous paraîtra peut-être fort réactionnaire si toutefois aller de l’avant peut s’appeler revenir en arrière ! Et voici les hommes modernes : — Affermez le bagne à un gros industriel, à un homme d’affaires d’envergure. Et vous verrez le rendement. Vous avez le choix, monsieur le ministre et peut-être aussi votre idée. Nous l’attendons. Je voudrais vous signaler deux cas : 1° Celui des Grecs condamnés par le Conseil de guerre de Salonique. Il ne vous est pas inconnu, vous avez déjà grâcié plusieurs d’entre eux : Papagermanos, Stefo Risto, Ismaïl, Kiasini, Vessel… Il en reste encore onze ou douze. Ce n’est pas parce qu’ils m’ont dit : Tipota : « Je n’ai rien fait », que je m’occupe d’eux, mais je connais la Macédoine. Sont-ils Grecs, Serbes, Bulgares, Turcs, ils n’en savent rien, nous non plus. C’était la lutte, l’époque où un soupçon était déjà une preuve. On ne contrôlait guère. Il y avait certainement, dans nos rafles, beaucoup plus de vieux bergers ahuris que d’espions. Leurs dossiers sont loin d’être lumineux. Ils ont bien payé, même ceux qui n’ont rien fait ! Renvoyez-les dans leur montagne. La France ne gagne rien à les retenir. La guerre est finie. 2° Le cas des frères Gonzalez, Espagnols, internés à l’île Royale, pour intelligences avec l’ennemi. Les autorités de la pénitentiaire leur ont bien accordé de petits postes de faveur. C’est peu quand on demande, comme ils le font, la mort ou la réhabilitation, leur affaire n’est pas claire. La Justice ne réclame que des coupables, et non des innocents, même s’ils sont étrangers. Voilà, monsieur le ministre. Et croyez que, si l’enquête présente pêche sur un point, ce n’est pas pour avoir ajouté, mais oublié des choses.… Albert Londres
Monsieur le Ministre, J’ai fini.Au gouvernement de commencer. Vous êtes un grand voyageur, M. Sarraut. Peut-être un jour irez-vous à la Guyane. Et je vois d’ici l’homme qui, en Indochine, a fait ce que vous avez fait. Vous lèverez les bras au ciel, et d’un mot bien senti, vous laisserez, du premier coup, tomber votre réprobation. Ce n’est pas des réformes qu’il faut en Guyane, c’est un chambardement général. Pour ce qui est bagne, quatre mesures s’imposent, immédiatement : 1° La sélection. Ce qui se passe aujourd’hui est immoral pour un État. Aucune différence entre le condamné primaire et la fripouille la plus opiniâtre. Quand un convoi arrive : allez ! tous au chenil, et que les plus pourris pourrissent les autres. Le résultat est obtenu, monsieur le ministre. Il n’y faut pas un an. 2° Ne pas livrer les transportés à la maladie. Et cela pour deux raisons. D’abord par humanité, ensuite par intérêt. La première raison intéresse le bon renom de la France, et la deuxième l’avenir de la colonie. Vous envoyez de la main-d’œuvre à la colonie et vous faites périr cette main-d’œuvre. Ne serait-ce que pour la logique, qui est l’une des manières de raisonner les plus appréciées de notre génie, il faut éloigner du bagne les fléaux physiques. Rendre la quinine obligatoire. Inventer un modèle de chaussures (puisqu’ils vendaient jadis celles qu’on leur donnait), chaussures qui seront sans doute infamantes, mais salutaires. Nourrir l’homme non pour satisfaire à un règlement, mais pour apaiser un estomac. Tous vos médecins coloniaux vous diront que c’est là le premier pas. 3° Rétribution du travail. Pour faire travailler un homme qui est nourri (peut-être cela changera-t-il au vingt-cinquième siècle, mais nous ne sommes qu’au vingtième), il faut au moins trois choses : l’appât d’une récompense, la crainte d’un châtiment exemplaire ou l’espoir d’améliorer sa situation. Pour ce qui est châtiment, nous ne pouvons mieux faire. Ce moyen, dans cette société-là, n’est donc pas efficace. Il vous reste les deux autres. Ainsi procèdent les bagnes américains. Le résultat est favorable. 4° Suppression du doublage et de la résidence perpétuelle comme peines accessoires. Si je ne vous ai pas prouvé, monsieur le ministre, que les buts du législateur n’ont pas été atteints, tout vous le prouvera. Le libéré ne s’amende pas, il se dégrade. La colonie ne profite pas de lui, elle en meurt. J’ai dit pourquoi. Vous le savez. À autre chose. La main-d’œuvre ayant été remise en état, l’essentiel manquera encore : un plan de colonisation. La Guyane est un Eldorado, mais on dirait que nous venons d’y débarquer. Depuis soixante ans, nous tournons autour d’une coquille qui renferme un trésor et nous n’osons briser cette coquille. Il y a de l’or en quantité, et les plus précieuses essences d’arbres. Il y avait du balata. Il y aura peut-être du bali. Il n’y aurait qu’à se baisser ou qu’à monter aux arbres. On boit un punch et l’on se croise les bras. Pourquoi ? Le pays n’est pas équipé. Le pays n’est pas équipé, parce que le directeur qui vient détruit le travail du directeur qui s’en va. Les colonies ne sont pas faites pour MM. les fonctionnaires, si honorables soient-ils. Une fois votre plan établi, monsieur le ministre, vous direz à l’homme que vous aurez élu : Partez ! Si cet homme meurt, tombe malade ou en pâmoison, vous direz au successeur que vous lui donnerez : Partez ! Les grands intérêts de la nation doivent être au-dessus des hasards qui souvent président au choix des exécutants. Il y a le conseil général de la Guyane ! Je sais ! Le conseil général de la Guyane est prêt à acclamer celui qui, à sa tête, marchera à la découverte de son pays. Du moins il faut le penser, sinon…
Au bagne eut un retentissement extraordinaire en métropole lors de sa publication dans le Petit Parisien en août et septembre 1923.
Au bagne
Dans sa Lettre ouverte au Ministre des Colonies, Albert Londres dénonce, crie. Il se démène tant et si bien qu’il obtient la fermeture du Bagne - ou en tout cas ses cachots, supprimés dès 1924 par Edouard Herriot. Il obtient la libération de Roussenq. En 1927, il part à la recherche de Dieudonné qui s’est évadé, il le retrouve au Brésil et parvient à rentrer avec lui à Paris. Il faut attendre 1937 pour l’abolition complète du bagne. Les derniers bagnards de Guyane, eux, ne seront rapatriés qu’en 1953…
Présentation réalisée par l’association Réagir avec :
- des textes et photos d’Albert Londres parues dans le petit parisien en août et septembre 1923 – Source Gallica -
- des dessins fournis par Franck Sénateur et l’association Fatalitas
- des photos prises en 2011 par Julie Crenn et Nolwenn Leboyer lors de leur périple autour du Monde sur les pas d’Albert Londres.
- des clichés des Archives Nle d’Outre- Mer
- des illustrations du bagne de F-Lagrange Collection Zoummeroff http://www.collection-privee.org
- Les portraits d’Albert Londres ( famille Martinet)
- Les toiles : ‘le bagnard’ de Lucette Bernard et l’îlet de l’enfant perdu’ de Josiane Flotte de l’Atelier Mermet.
- Avec la voix de Jacqueline Laubépin
- Pauline Colobert et Alexa Guerrero, étudiante sen licence multimédia au Pôle Lardy Vichy
La belle !
Paroles d’Albert Londres
Le Loire a quitté La Palice, Maintenant tout est bien fini.On s’en va vers le Maroni Où les requins font la police.On est sans nom, on n’est plus rien. La loi nous chasse de la ville. On n’est plus qu’un bateau de chiens Qu’on mène crever dans les îles. Mais alors apparaît la Belle, La faim, la lèpre, le cachot, Le coup de poing des pays chauds.Rien ne sera trop beau pour elle. Pour la liberté, les requins Auront notre chair de coquins.Et dans la forêt solennelle Où la mort sonne à chaque pas.Même lorsque tu ne viens pas. C’est toi qu’on adore, la Belle !