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Calendrier de l'Avent 2023

Joëlle Desfontaines

Created on November 11, 2024

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Lire, c’est momentanément se séparer de soi et laisser un être de fiction, ou le “je” de l’écrivain, occuper complètement notre espace intérieur, nous entraîner vers son destin, nous émouvoir. C’est accepter qu’une voix fasse effraction dans la conscience et se substitue à la nôtre. C’est accepter aussi d’être dérangé, bousculé et, au final, transformé. Je t'invite à me suivre pour une balade de 24 jours... A livre ouvert.

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QUE DIRais-tu D'UNE FUGUE, UNE RENCONTRE CHAQUE JOUR ?

Je te propose ici d'interroger ton rapport au sauvage, de faire une plongée saisissante dans la vie pastorale moderne. Voici un roman sensuel, immersif et tellurique, célébrant la beauté de la montagne sans taire sa violence. Gaspard, un berger pyrénéen, s'apprête à remonter en estive avec ses brebis, hanté par l'accident tragique survenu la saison précédente. Dans le même temps, Alma, une jeune éthologue, rejoint le Centre national pour la biodiversité, pour étudier le comportement des ours et élaborer des réponses adaptées à la prédation. Sur les hauteurs, les deux trentenaires se croisent de loin en loin, totalement dévoués à leurs missions respectives. Mais bientôt les attaques d'une ourse les confrontent à leurs failles. Les audaces de la bête ravivent les peurs archaïques, révélant la crise du pastoralisme et cristallisant des visions irréconciliables de la montagne : elle devient l'ennemie à abattre. Sur ces terres où l'homme et l'animal sont intimement liés, l'histoire d'un jeune montreur d'ours parti faire fortune à New York, un siècle plus tôt, résonne tragiquement avec le présent. Un livre puissant, qui mêle poésie, éthologie, biologie, description de la majesté de la montagne, de l'immuable force de la nature, de sa supériorité face à l'Homme, et qui t'emportera, comme le vent du titre.

Passer une nuit au musée Picasso pour questionner le milieu artistique et ses institutions, comprendre comment s'est constitué son rapport à la culture... voici un huit clos décrit comme un gigantesque tombeau mais aussi comme une église, entourée par le sacré et le sublime, où l'on ressent une anxiété croissante et une intimidation. Comment partager et s’approprier une œuvre, comment développer une réflexion sur l’art et ses dérives ? Dans la solitude de ce musée désert, tu iras à la rencontre du désespoir et de l’impuissance de Giacometti qui n'aura cessé de marcher avec bienveillance, modestie et exigence vers une perfection impossible. L'art d'échouer est-il la condition de la création ? Cette nuit au musée est sans nul doute une expérience métaphysique et une confrontation inattendue avec la mort, comme si "l’homme qui marche" nous indiquait la destination finale. Voyons s'il est possible que l’art puisse rendre meilleur...

Les mots procurent ici le plaisir premier de ressentir de fines bulles de bonheur, mais aussi celui de nous ouvrir à la conscience de la beauté cachée du quotidien. Nul besoin de grandes évasions : le bonheur est dans le "près", juste ici. Il dépend de notre capacité à le goûter, comme l'essence première d'un parfum fort et subtil. Une évocation délicate de sensations fugitives au charme profond, qui se fondent sur de légères oscillations du présent, celles qui pourraient nous échapper si l'on n'y prêtait attention. Un livre comme une respiration, une épiphanie du quotidien, pour trouver le merveilleux qui se cache derrière l'ordinaire, pour arrêter le temps... Un récit simple pour une réalité sensible et sensorielle, des mots posés sur ces instants fugaces où le bonheur de vivre surgit. Tu deviendras ici un enfant qui observe, un sage qui s'arrête, rendu complice, comme en confidence, de moments soyeux et délicieusement intemporels. Une Madeleine de Proust...

Une histoire vraie, horrible, incompréhensible, un livre prenant, dur, violent, atroce, qui donne presque la nausée et dont le titre annonce la couleur. Il raconte sans atténuation et avec une précision redoutable chaque étape d'un des faits les plus honteux de l'histoire du XIXème siècle en France. Une descente en enfer subie par un malheureux bouc émissaire livré à la vindicte populaire, qui ne s'arrête que lorsque l'épouvantable est commis, et que la foule semble se réveiller de sa démence. Une centaine de pages qui résonnent comme un avertissement. Comment l’hystérie collective peut conduire à torturer un innocent, un ami, un voisin... Comment la foule dégage chaque individualité de sa responsabilité, comment il est difficile de lutter seul contre la masse... Un rappel qui nous permet de réfléchir sur notre rôle personnel, sur nos prises de positions responsables, sur nos silences parfois lâches. Effroyable mais vrai. Si ton âme est sensible... abstiens-toi !

Je t'emmène trouver ton épicentre en Frasquita Carasco. Avec elle, grâce à elle, les tissus s'assemblent, les hommes se réparent, les chairs se recousent, les cœurs se raccommodent. De sa mère, Frasquita hérite d'étranges prières et d'une mystérieuse boite, dont la gestation de neuf mois mettra au monde des fils et des aiguilles, mais aussi le don de s'en servir pour changer tant l'univers qui l'entoure que les êtres qui l'habitent. Nous sommes dans un village fictif de l'Espagne du XIXème siècle, au creux des montagnes, isolés : un microcosme dense, tourné sur lui-même et ses superstitions. Marqué de réalisme magique, Le cœur cousu est de ces récits qui se déroulent de façon faussement linéaire, naissant là où ils meurent, s'enroulant sur eux-mêmes dans un dédale de détails et de scènes flamboyantes et contrastées. Fantômes, incantations, malédictions, alimentent la tragédie, dans un parcours jalonné de sacré et de profane, d'amours douloureuses et de folie. Le fabuleux est tissé là dans un univers rude, terreux, impitoyable, décrit d'une plume poétique, lyrique et imagée qui semble traductrice d'une oralité ancestrale. Un voyage initiatique, un chant, paré de couleurs vives, de soleil, de sang, de larmes et de silences bruyants. Un livre comme un long fil doré, parsemé de nœuds où s'accrochent l'imaginaire et la langue de l'infini.

Info

Je t'entraîne au musée... Antoine est professeur aux Beaux-Arts de Lyon. Du jour au lendemain, il décide de tout quitter pour devenir gardien de salle au Musée d’Orsay. Personne ne connaît les raisons de cette reconversion. Pour survivre, cet homme, qui fuit tout contact social, n’a trouvé qu’un remède : se tourner vers la beauté. Mathilde, DRH du Musée, est rapidement frappée par la personnalité de cet homme taciturne, mystérieux, spécialiste de Modigliani, qui a choisi de s’effacer dans une fonction qui ne correspond pas à ses compétences reconnues. Antoine est affecté à la salle des Modigliani, et Mathilde le surprend parfois à parler à mi-voix au portrait de Jeanne Hébuterne, la fiancée du peintre au destin tragique. Un roman tantôt pudique, tantôt violent, qui bouscule autant qu'il réconforte, qui parle de culpabilité, de souffrance, de reconstruction et de résilience, où le tourment et la noirceur des âmes côtoient art pictural, grâce et couleurs.

Un petit tour dans l'univers de la BD ? Je t'offre ici un roman graphique. 376 pages d'émotion pure... Cinquante ans qu'un homme vit ici, sur ce caillou, dans son vaisseau de granit, un phare en haute mer, bateau immobile qui ne l'emmène nulle part et qui ne rejoindra jamais aucun port... Avec pour seule compagnie son poisson rouge et son dictionnaire, il n'a d'autres occupations que de pêcher et de rêver... Au fil des pages du dictionnaire sur lesquelles il tombe par hasard, il s'imagine tout un monde selon le mot qui s'affiche devant lui. Et pourquoi quitter ce lieu alors que le monde au-delà de la ligne d'horizon fait si peur ? Comment combattre la solitude et empêcher que le silence ne devienne assourdissant ?... Cette histoire prend immédiatement aux tripes. Le travail de la lumière est graphiquement exceptionnel. Un album où se côtoient onirisme et quotidien, et où s'enchevêtrent sensibilité, tendresse et humour. Ce livre intrigue, passionne même, tellement, qu’on a parfois l’impression d’être aux côtés de cet homme. Ses encrages en noir et blanc, un style qui lui est propre, sont irréprochables de spontanéité. Tout seul s’impose comme l’un des meilleurs titres de Chabouté. Une lecture hors du temps où l’émotion te saisit pour ne te relâcher qu’une fois le livre terminé. Beau comme l'océan infini, comme un paysage tranquille et loin de tout. Indispensable.

Et si nous partagions encore un moment... Vieillir est ce que l’on en fait : un oubli des autres ou de nous-mêmes... à nous de choisir. À 102 ans, la curiosité d'Edgar Morin pour le monde et l'humain reste incomparablement vive et communicative. Ce n’est pas banalement qu’il faut plonger dans ce livre : il peut aussi bien faire l’éloge du lit que rendre hommage aux femmes de Téhéran, réfléchir à la mission de l’intellectuel que s’émerveiller de l’élégance de l’hirondelle, raconter les objets de la pensée que questionner le rôle de l'humanisme de Montaigne dans notre civilisation. Dire que ce livre est aisé à lire n’est pas exact car, pour questionner la complexité du réel et penser l'avenir de notre société humaine, nombre de ses cheminements demandent une constante réflexion... mais le brio de l’auteur se mérite et ses dix-huit chapitres sont un exercice aussi sportif qu’éclatant.

Dans ton quotidien comme dans l'espace public, la colère affiche de multiples visages... Largement discréditée, elle ne cesse pourtant de gronder et nous redoutons son tumulte. Que faire de nos colères quand on nous incite à les étouffer ? Adopter une attitude docile, c'est s'habituer au renoncement et au silence. Pour garantir notre liberté et faire face aux agressions intimes et politiques, pourquoi ne pas aller puiser dans ces colères créatrices, celles des artistes et des minorités, en lutte pour leur liberté ? Ces colères sont en nous – encore faut-il apprendre à les habiter. En disséquant cette émotion défendue, comment construire une philosophie émancipatrice pour affronter l’intolérable ? La colère peut-elle être la clé de notre vitalité ? Un changement de regard complet qui dénonce l'empire du bonheur obligatoire et de la fausse bienveillance.

Lecture fabuleuse, dans tous les sens du terme : densité, émotion, humanité, alors même que Dieu, le temps, les anges, sont pleinement des personnages de ce roman sans propos réellement religieux, plutôt spirituel, qui nous raconte le monde visible autant que le monde invisible, avec, en miroir, ce jeu de labyrinthes, situé "au milieu de l'univers", où l'on progresse vers des mondes de plus en plus vastes, comme si on les observait depuis l'infini. Cette chronique peut paraître celle d'un livre complexe. Il l'est en profondeur, certainement, sans toutefois poser difficulté à la lecture, bien ancrée dans le réel, mais pour autant empreinte de magie et de mystères. Les plus beaux personnages de ce livre sont, à mon avis, les femmes : elles sont les plus fortes, celles sur qui tout repose. Elles sont celles qui, tenant parfois plus longtemps que leurs maisons, contiennent à elles seules toute la mémoire d’Antan, village fictif de Pologne où le destin n’est pas clément. Une plume magnifique, un roman bien construit, où tu oscilleras entre rêverie et réflexion morale, esthétique, politique, religieuse, ésotérique, métaphysique... magique.

En ces temps où l'évidence nihiliste des uns croise l'exaltation fondamentaliste des autres, je te propose ici une recherche qui ouvre la voie d'une réflexion sur l'histoire et la philosophie de la croyance. Flirtant avec la question de Dieu, cet ouvrage n’est pas théologique, mais bien une enquête philosophique. Si croire suppose de ne pas vraiment ou de ne pas encore savoir, si la croyance a rapport avec la question de la vérité, elle en a donc un avec celui de la raison qui la poursuit et du doute qu’elle suscite. À tâtons, tu tireras ici le fil des idées, qui va de l'agnosticisme contemporain au doux scepticisme de Montaigne, "foi faible et doute faible", en passant par le cogito de Descartes, "foi forte et doute fort", le "Dieu est mort" de Nietzsche et la pensée sartrienne. Un livre qui s’adresse, sur un fond d’athéisme commun, autant à l’incroyant qu’au croyant, comme étant "les deux reflets d’une même époque"  : celle où l’évidence est de ne pas croire… ce qui n’empêche pas, bien au contraire, l’explosion des crédulités les plus débridées. Que l’on consone ou non avec cet essai, il faut lui reconnaître de la profondeur et de la sincérité. En philosophie, les questions sont plus essentielles que les réponses...

Un des plus grands ouvrages de réflexion historique ? Malgré nos avancées, l'humanité tremble, traverse une de ses plus graves périodes de crise, incapable d’empêcher les conflits et les violences. Comment en est-on arrivé là et qu’adviendra-t-il d'elle à la fin de ces affrontements économique, militaire et idéologique ? Cet essai retrace les aventures de quatre grandes nations en décortiquant l’histoire de chacune, afin de nous aider à mieux comprendre leurs motivations et leurs préoccupations. À travers le Japon, la Russie, la Chine et les États-Unis, nous remontons aux origines de cet affrontement entre l’Occident et ses adversaires. Un livre brillant, érudit, mais toujours très agréable à lire et qui nous aide à comprendre les dynamiques globales du monde d’aujourd’hui. Amin Maalouf, sans perdre espoir, y endosse autant le rôle de l’historien que celui du conteur, et parvient à tirer les fils entre les pays pour dresser une narration globale. Une boussole indispensable à qui veut comprendre les grands enjeux du monde contemporain, une ode à l’éducation qui nous rappelle que pour regarder vers le futur, il nous faut d’abord connaître et profondément comprendre notre passé.

Je te propose ici de te pencher sur l'histoire de migrants, dans un texte conçu comme un long poème en vers libres. Tout en s'interrogeant sur le destin des siens, l'auteure suit le parcours de son trisaïeul paternel, parti d'Inde en 1872 avec femme et enfants pour travailler sur une plantation de l’île Maurice. Faute de témoignages suffisamment précis sur l'engagisme indien, elle construit un récit comme "délavé", un peu à l'image de ses ancêtres peu à peu effacés par le temps. Les figures mouvantes que dessine le vol des étourneaux dont l'auteure écoute les murmures constituent une jolie métaphore d'un livre pétri de piété filiale. Les secrets que son enquête dévoile la conduisent avant tout sur les pas de ses grands-parents dont le statut de dominés, cruellement déshumanisés et condamnés à se soumettre, la révolte. Ce récit autobiographique assurément sensible, un peu frêle et flottant, oscille entre le témoignage et une quête fébrile des origines. Un très beau roman, essentiel.

Si je devais conseiller un roman de la rentrée littéraire, ce serait celui-ci. Une très jeune autrice de 21 ans, un premier roman magistral, magique, époustouflant, bouleversant... une véritable pépite. L'histoire nous envoûte. Isor est une enfant étrange, loin de la normalité, loin du stéréotype. Elle ne communique pas, ne sait ni lire ni écrire. Malgré tous les examens, rien de négatif n'en ressort. Ses parents décident de la garder avec eux... deux êtres opposés, une mère aimante qui ferait tout pour sa fille, et un père détestable. Enfant surprotégée, Isor va faire la connaissance de Lucien, âgé de 70 ans, et sa vie va totalement changer. Deux êtres qui étaient faits pour se rencontrer, un rituel qui va vite s'installer, apportant une source de bonheur. La conception du livre est intense. On navigue entre les pensées de la mère et du père, le relationnel avec Lucien et une nouvelle vision d'Isor. La plume de l'auteure est hypnotisante, subtile, sensible, poétique et fluide, à tel point qu'il est difficile de poser son livre pour le reprendre plus tard... Un roman qui remue, émeut et chamboule, où chaque mot est placé avec justesse. Une histoire qui perdurera dans les mémoires.

A lire aussi et du même auteur : La Dernière Reine. Un chef d'oeuvre, un vrai coup de coeur ! Un récit graphique d'une grande force, puissant hymne à la nature et à l'amour. Une ode à l'art, sans contexte...

Revenons dans l'univers de la bande dessinée... Voici un face à face impeccable entre deux compagnons, frères et ennemis, de longue route : l’homme et le loup. Une fable fascinante aux dessins bruts chargés d’émotions, et servie par une mise en couleur atmosphérique. Une confrontation épique entre un loup blanc et un berger solitaire, en plein cœur du massif des Ecrins, qui signe un récit d’une beauté sauvage, entre violence et humanité et qui pose une question, toujours d’actualité : celle de la cohabitation entre l’homme et l’animal. Une portée hautement symbolique, qui invite à penser dans toute sa complexité notre inscription dans notre environnement, à vibrer à la lecture d’une histoire qui a quelque chose d’intemporel et peut-être à percevoir le monde différemment : un récit à saisir par le cœur, la beauté et la dureté de la vie – injuste, souvent cruelle, toujours renaissante et fascinante – dans un même mouvement. Rien n’est binaire, ici. Le propos est plus complexe. Loin de nous infliger une leçon de morale, la narration prend le visage d’une fable émouvante.

Au travers du déclin d'une femme, ce livre nous amène à réfléchir sur la vieillesse et la maladie, sur nos rapports aux personnes âgées et à la mort, mais aussi sur l'expérience du vieillissement. Il interroge également sur les conditions de l'accueil des personnes dépendantes. Il montre que si l'expérience du vieillissement nous est très difficile à penser, c'est parce qu'il s'agit d'une expérience-limite dans la philosophie occidentale, dont l'ensemble des concepts semblent se fonder sur une exclusion de la vieillesse. Eribon reparcourt ici la vie de sa mère, et notamment les périodes où elle était femme de ménage, ouvrière puis retraitée, la saisissant dans toute sa complexité, de sa participation aux grèves à son racisme obsessionnel. Il conclut sa démarche en faisant de la vieillesse le point d'appui d'une réflexion sur la politique : comment pourraient se mobiliser des personnes qui n'ont plus de mobilité ni de capacité à prendre la parole et donc à dire "nous" ? Les personnes âgées peuvent-elles parler si personne ne parle pour elles, pour faire entendre leur voix ?

Que serions-nous sans nos passions ? Romans et poèmes, films et séries, chansons et opéras : toutes les productions artistiques sont emplies et nourries du désir amoureux. "All you need is love" n'est pas seulement le titre d'une chanson légendaire, mais une maxime largement partagée. Pour autant, les philosophes lui opposent un rejet quasi unanime. Illusion, promesse de souffrance, le désir amoureux est présenté par de nombreux sages comme une grave menace pesant sur notre existence. Les philosophes ont beau nous alerter, rien n'y fait. On aime, on veut aimer, on veut vibrer ! Devrions-nous les écouter ? Tomber amoureux, est-ce bel et bien perdre la raison et faudrait-il dès lors s'en garder ? Ou bien faut-il considérer, à l'inverse, que vivre sans cette folie ne serait pas si sage ? Cet essai choisit son camp : l'affirmation du désir amoureux, pour le meilleur et pour le pire ! Pour cela, il faudra tordre le coup à quelques préjugés. Il faudra aussi apprendre à reconnaître et à aimer, dans les élans tumultueux du désir parfois sublimes, parfois douloureux, l'essence même de la vie...

Voici un livre qui contient toute la mer, les vagues et la liberté... Et la vie d’un pêcheur qui part très tôt le matin et rentre le dernier au port où décharger ce que la mer lui a donné de poissons. Enfant, on l’appelait Rature à cause de ses difficultés d’apprentissage de l’écriture. C’est maintenant le nom de son bateau. Il va sur l’eau, large et profonde, tous les jours ou presque. Peu de paroles, des gestes surtout, toujours les mêmes, et une manière d’appréhender le monde, de lire le ciel, les nuages, les étoiles. On entend presque les oiseaux, on voit briller les écailles des poissons... Les illustrations, qui incarnent magnifiquement la sensibilité du récit, entrent dans le texte comme les vagues abordent les bateaux. Elles traduisent le froid, le manque, la tristesse mais aussi l’amour, la force des liens, la transmission, la joie de la complicité. Un conte de Noël contemporain où les dessins donnent une profondeur au texte, un livre âpre, tendre et pudique, où se rencontrent une inébranlable force et une émotion aux aguets.

C'est un nuancier aussi riche de noirs que l’œuvre de Soulages ou de Goya que je vous propose ici... Une funeste noirceur qui se décline en amertume, en mécontentement ou en aigreur, et qui n’épargne personne. Voici un essai sur le ressentiment, ce poison mental individuel et collectif, étudié ici avec des perspectives psychanalytiques, philosophiques, historiques et qui trace un chemin, pour le surmonter. On se sent immédiatement en pays de connaissance. Le tableau clinique dressé là entre en résonance avec de nombreux comportements collectifs ou individuels que chacun peut observer dans son entourage personnel, professionnel et, plus largement, dans la société tout entière. Il met en lumière la réalité de la souffrance qui en est l'arrière-plan. Un plaidoyer pour que la culture engendre une résilience face au déploiement des haines. Un livre dense, érudit, riche, très riche, dont la lecture est facilitée par une écriture élégante et limpide.

Juin 1940. La France des côtes normandes se retrouve jetée sur les routes de l’exode pour échapper au pire, et quelques trois mille enfants, venant notamment du Havre et de Saint-Nazaire, sont évacués en Algérie. Cette fresque puissante met en scène des personnages dont les vies s’entremêlent à la grande Histoire, et nous rappelle qu’on ne sait jamais quelles forces guident les hommes dans l’adversité. Ici chacun raconte sa guerre dans des chapitres courts qui s'entrecroisent. La peur, la colère, la résistance, la séparation, la maladie, les drames, l'espoir... on est bousculé, chamboulé. On vibre, on pleure, on soupire. Sans juger, ce livre dissèque avec beaucoup de compassion et de mansuétude les raisons ou les circonstances exceptionnelles qui amènent des gens ordinaires à faire des choix qui les engagent et peuvent les mettre en péril. On s’interroge sur les angles morts de nos vies qui nous poussent ou à renoncer ou au contraire à combattre. La charge émotionnelle de ce roman est aussi puissante que sa portée humaniste pour mieux penser le présent quand, dans notre pays, la guerre n’est plus une notion du passé mais celle, hélas, d’un possible futur. Un livre à la force tremblante et fiévreuse, toujours au bord de la chute et du désespoir, et dont la véracité t'emmènera au plus intime de tes peurs et de tes ressources.

C'est une histoire à trois voix, un triangle artistique, un triptyque que l’on découvre sur les murs lisses d’une galerie, ou dans les allées d’un musée. Trois noms pour scinder le récit comme trois temps d’une vie qui va se raconter. En redonnant chair à ce qui l'a influencé, voici une invitation à plonger dans l’œuvre de Monet, dans une reconstitution à la fois érudite et poétique. Un éclairage subtil sur ce qu'une œuvre raconte d'une vie, pour découvrir l’homme derrière la toile, dans une langue élégante qui te guidera pas à pas dans l'intimité du peintre. Un très bel hommage à Claude Monet, qui nous fait partager son élan créateur. Un livre où les mots remplacent les couleurs. C’est avec le sourire que tu termineras ce roman...

Ce roman poétique en forme de vanité est un fil ténu tendu entre deux temporalités  : celle de la séparation, de la mort, qui survient dans nos vies singulières, et celle de la vie qui se prolonge indéfiniment comme un flux, dont parlaient déjà les philosophes présocratiques, une génération continuée par-delà la corruption. Un roman éblouissant qui explore les mystères de l’amour et de la création et qui, sur fond d’un XVIIème siècle vibrant de fureur et de musique, te contera l’histoire d’amour qui lia une jeune instrumentiste scandinave, au musicien Hatten, maître du théorbe, ravivant ici une passion légendaire. Un roman où il est donc question d'amour et de mer... On y joue beaucoup, de la musique et des cartes, on y vit, on lit, on s’y perd, on s’aime, on s’y dissimule et on plonge très passionnément. Une réflexion sur la passion, l’art, le temps, d’une poésie merveilleuse où rutilent le froid, le vent qui "échevelle les cheveux" et la "nuit inarrêtable qui couche les corps sur terre comme une vague immense".

Il arrive que les pierres aient un coeur, des oreilles et des yeux ; il est miraculeux qu'elles écrivent… c'est pourtant le cas ici, dans un ouvrage aussi bouleversant que remarquable. S’adapter te racontera les bouleversements causés par la naissance d’un enfant handicapé au sein d’une fratrie - l’aîné, la cadette et le petit dernier - la façon dont chacun des trois enfants devra composer avec l’existence de cet enfant aveugle et immobile, qui ne dispose que de l’ouïe et du toucher pour être au monde. Trois points de vue d’une narration assumée par les vieilles pierres d’un muret de la cour de cette maison nichée au creux des montagnes cévenoles : se soutenant les unes les autres dans leur différence millénaire, les pierres seront témoins de cette histoire familiale. Derrière la destinée de cet enfant handicapé, c’est la fratrie qui est le véritable thème du roman, le noyau dur qui gravite autour de cet enfant différent. Voici un roman d'une grande beauté, un témoignage très fort sur le rapport à la différence, un récit très intime, à la fois cruel et lumineux, empreint d'une extrême sensibilité, à lire et relire lorsque nos petites misères nous dépassent alors que l'on pourrait s'y adapter. N'hésite pas à te glisser entre les pierres, d'intenses moments de lecture t'y attendent...

Joëlle

Joyeux noël à toi... avec, qui sait, peut-être un livre au pied du sapin ? Je t'embrasse.

24 décembre... 24 partages, et voici le temps de te faire découvrir un dernier conte, débordant de poésie, de tendresse et de tristesse. Le soir de Noël, dans son appartement parisien, une vieille dame s’apprête à réveillonner. Seule. Elle glisse qu’"à Noël dernier, mes enfants, ils sont presque tous déjà grands-parents, sont passés me faire coucou avant de rejoindre leurs propres enfants qui donnaient une fête je ne sais plus où. Moi, je n’ai pas eu le cœur de me joindre à eux. Ils ne me l’ont du reste pas proposé. Je me suis donc retrouvée seule chez moi". Elle dit encore qu’elle ne sait quoi faire... Alors, après s’être couchée et avoir tenté de dormir, elle se relève, enfile sa robe de chambre et se glisse dans sa cheminée. La vieille dame confesse : "Cette balade était la plus belle balade que je pouvais faire seule une nuit de Noël, puisque celui que j’ai aimé, et que j’aime encore, et qui m’a quittée, n’est plus là pour m’accompagner". Quelques minutes plus tard, la vieille dame y rencontre le Père Noël. Un texte qui t'emmènera entre Pitchik et Pitchouk, deux contrées aussi improbables qu’imaginaires. On y apprend le secret d’un conte à déguster, chaud ou froid, à Pâques ou à Roch Hachana ; on aimerait savourer un thé au citron ou un verre de vodka, seul ou avec la terre entière... Délicatement poétique et follement grave...