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EL 7 - acte III scène 3

Camille Déruelle

Created on October 1, 2024

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Transcript

Explication linéaire n°7

Acte III, scène 3 : « Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? »

On ne badine pas avec l'amour, Alfred de Musset

Entrée dans l'extrait par la mise en scène

Le texte

[…] PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende. — Je t’aime, Rosette ! toi seule au monde tu n’as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n’est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton cœur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. ROSETTE. — Vous me donnez votre chaîne d’or ? Il lui pose sa chaîne sur le cou. PERDICAN. — Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l’un sur l’autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s’effacer. (Il jette sa bague dans l’eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage : regarde ! c’était une bague que m’avait donnée Camille.

CAMILLE, à part. — Il a jeté ma bague dans l’eau.PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est-ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ; on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ? ROSETTE. — Hélas ! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai. PERDICAN. — Oui, comme tu pourras ; et tu m’aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l’atmosphère humide de leurs cellules. […] A. DE MUSSET, On ne badine pas avec l’amour, 1834, acte III, scène 3

Questions d'introduction
3) Quel est l'intérêt des objets dans cette scène ? Comment le motif de l'eau est-il utilisé ?
1) Montrez que les paroles de Perdican sont en fait destinées à Camille.
2) En quoi le portrait de Rosette repose-t-il sur la négation de celui de Camille ?
4) En quoi Perdican apparaît-il ici comme un metteur en scène ?
5) Quelle image de l'amour est donnée par Perdican ? Quelle en est la "divinité", le garant, le symbole ?
6) En quoi la réplique de Rosette montre-t-elle que son union avec Perdican ne sera jamais possible ?

Introduction

Eléments biographiques à propos d'Alfred de Musset et présentation de la pièce
Place occupée par le texte étudié dans la pièce et thème
Annonce du projet de lecture et des mouvements

Mouvements du texte & projet de lecture

Projet de lecture :
En quoi la double énonciation de cette déclaration d'amour condamne-t-elle les personnages à un badinage tragique ?

2e mouvement

3e mouvement

1er mouvement

La fausse déclaration d'amour avec témoin

Le jeu cruel avec la bague et la métaphore de l'eau

La réflexion de Perdican sur l'amour

texte

texte

texte

analyse

analyse

analyse

1er mouvement : La fausse déclaration d'amour avec témoin

[…] PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende. — Je t’aime, Rosette ! toi seule au monde tu n’as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n’est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton cœur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. Il lui pose sa chaîne sur le cou.ROSETTE. — Vous me donnez votre chaîne d’or ?

Analyse du premier mouvement

[…] PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende. — Je t’aime, Rosette ! toi seule au monde tu n’as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n’est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton cœur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour

Idée : Un cruel stratagème qui blesse deux femmes.
La didascalie annonce que les paroles de Perdican vont être mises en scène et fausses puisqu'il va volontairement forcer le volume de sa voix et que l'on précise la vraie intetion de la déclaration qu'il s'apprête à prononcer : être entendu par Camille, cachée, pour la blesser et ainsi jouer avec la double énonciation. Scène de théâtre dans le théâtre. Perdican va tenir discours amoureux faux et mensonger en apparence adressé à Rosette mais en réalité dirigé contre Camille qu’il sait présente et cachée puisque c’est lui qui l’a conviée.
La déclaration va donc être démesurée et mensongère. Affirme sans détour son amour pour Rosette avec un présent de VG et une tournure exclamative associée à l'adresse directe avec la mention du prénom. Le but est de blesser Camille qui apprend alors que P en aime une autre qu'elle. P. va célébrer non pas les qualités personnelles de Rosette mais ce qui la différencie des autres (et surtout de C !) avec un jeu sur l'anaphore du pronom+adj associée à une hyperbole. Le ton est ainsi exagéré et artificiel. On remarque un jeu sur les pronoms personnels avec une omniprésence des marques de 2e personne du sg qui vont devenir une marque de 1ere du pluriel pour donner officiellement naissance au couple qui n'existe en réalité qu'à travers les paroles mensongères de P. Ambiguïté de "nos beaux jours passés" : le "nous" désigne également C qui a partagé leur enfance !

P. loue chez R. ce dont C. a été incapable : se souvenir du passé révolu (forme négative partielle) de l'enfance heureuse, sa déclaration ne repose que sur la nostalgie avec la litote reprise par une phrase de sens identique à la forme affirmative qui permet l'insistance. C. qui entend tout se sait directement visée.L'emploi d'impératifs montre que P dirige la scène manipulant les deux femmes. Le "couple" repose déjà sur un déséquilibre puisqu'alors que R doit céder tout son coeur, elle ne recevra en échange qu'une part de la vie de Perdican.

Analyse du premier mouvement

[…] PERDICAN. — voilà le gage de notre amour. Il lui pose sa chaîne sur le cou.ROSETTE. — Vous me donnez votre chaîne d’or ?

Idée : Un cadeau lourd de significations.
Les paroles ne semblant pas suffisantes, P annonce avec un présentatif offrir une preuve, un cadeau qui scelle artificiellement l’union mais la chaîne (décrite par son matériau et donc sa valeur monétaire) représente le lien sous l’angle de la contrainte. Le but est toujours de blesser C qui observe.

La réaction de Rosette montre la différence de statut social entre eux : elle le vouvoie alors qu'il la tutoie, la modalité interrogative dans une tounure familière (déclarative + ? sans inversion sujet-verbe) montre qu'elle ne maîtrise pas les codes du langage soutenu et donc celui de la parole sédutrice alors que P. est un expert. Il manipule Rosette l'ingénue tout en blessant Camille en témoin caché : cette scène le présente comme faisant preuve d'une grande cruauté. Cette forme interrogative traduit également la surprise de R, simple paysanne, face à la valeur de cet objet précieux et renforce l'artificialité de cette scène.

2e mouvement : Le jeu cruel avec la bague et la métaphore de l'eau

PERDICAN. — Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l’un sur l’autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s’effacer. (Il jette sa bague dans l’eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage : regarde ! c’était une bague que m’avait donnée Camille.CAMILLE, à part. — Il a jeté ma bague dans l’eau.

Analyse du deuxième mouvement

PERDICAN. — Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l’un sur l’autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s’effacer. (Il jette sa bague dans l’eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage :

Idée : L'eau de la fontaine comme miroir déformant du couple artificiel.
Nouvelle longue réplique de P qui ignore la question de R, il monopolise la parole et dirige la scène comme en témoigne la présence de nombreux verbes à l'impératif. Il convoque un nouvel accessoire pour parfaire son jeu, celui qui symbolise traditionnellement l’union : une bague. L'objet et le cadre traditionnel et idyllique de la fontaine et la Nature laisse à penser qu'il s'apprête à la demander en mariage (il lui a demandé de se lever !), ce qui est renforcé par l'image des mains liées. Il insiste sur leur proximité physique qui traduit complicité et unité. En réalité, sa réplique repose sur le regard (regarde x2, vois-tu x2, yeux, distingue) afin de décrire la scène pour C qui, cachée, ne peut distinguer tous les détails et se retrouve interrogée avec la rhétorique "vois-tu" et interpellée avec l'impératif "regarde".
Perdican invite Rosette à observer dans le reflet de l'eau de la fontaine l'image de leur couple uni mais coup de théâtre, geste dramatique : la bague est jetée à l'eau et non enfilée au doigt de R. Ce jeu de disparition et réapparition de l'image du couple uni dans l'eau s'exprime à travers des antithèses et est métaphorique : la bague représente Camille qui perturbe le reflet du couple soudé mais que P veut présenter comme incapable de les séparer puisque cette image revient et retrouve un "équilibre" qui évoque à nouveau l'union avec l'image des bras MAIS leur couple n’est qu’une image, une représentation, une apparence d’union et d’amour, il n’existe pas et est très facilement effaçable. La description se fait au présent pour que C puisse en être témoin en même temps qu'eux et ne manque rien de ce spectacle douloureux.
Ainsi Perdican badine, inconscient du fait que C et lui vont provoquer la mort de R. Ce reflet a malgré tout un aspect inquiétant avec la mention des cercles noirs et des rides associées à une négation partielle : la fin tragique de R est déjà annoncée.

Analyse du deuxième mouvement

PERDICAN. — regarde ! c’était une bague que m’avait donnée Camille.CAMILLE, à part. — Il a jeté ma bague dans l’eau.

Idée : La bague ne permet pas à Perdican de sceller son union avec Rosette mais de rompre définitivement celle avec Camille.

La fin de la réplique de Perdican apparaît comme une chute et une nouvelle attaque envers Camille puisqu'il précise l'origine de la bague : un cadeau de Camille, un objet qui le liait symboliquement à elle. La fin de leur union est marquée par l'emploi d'un plus-que-parfait qui évoque une période révolue ainsi que le renvoi du prénom à la toute fin de cette phrase, le plus loin possible de lui. Camille réagit dans un aparté, à voix haute, choquée, blessée par ce geste lourd de signification.

3e mouvement : La réflexion de Perdican sur l'amour

PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est-ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ; on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ?ROSETTE. — Hélas ! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai. PERDICAN. — Oui, comme tu pourras ; et tu m’aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l’atmosphère humide de leurs cellules.

Analyse du troisième mouvement

PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est-ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ; on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ?

Idée : Une deuxième déclaration d'amour qui prend la Nature pour témoin
Question rhétorique adressée à R identique au début et à la fin de la réplique (épanadiplose) : P entend définir l'amour pour l'enseigner à R. Image romantique de l'amour avec exaltation du sentiment amoureux, et invitation à prêter attention à la nature, déifiée (personnification), qui en est le témoin, le garant pour jurer faussement son amour à R. Dans le courant romantique, les sentiments sont le reflet des mouvements de la nature qui partage sa vision de l’amour. P fait du soleil la métaphore de l'amour, avec la périphrase il l'oppose ainsi au Ciel divin célébré par les nonnes qu'il méprise puisqu'elles l'ont privé de la femme qu'il aime. Il évoque la nature au petit matin (début d'une relation ?) en faisant référence à la rosée (cf prénom par paronomase) séchée par le soleil qui incarne la vie et l'amour : ainsi l'auteur sous-entend que cet amour pourrait bien être fatal à R.
Répète explicitement son amour à R avec le présentatif qui prend le soleil à témoin et la forme exclamative et conclut les raisons qui le motivent à avouer son amour : c’est le cadre idyllique qui le pousse vers ces sentiments rien ne correspond à Rosette. Interrogation directe qui montre fausse modestie de P qui demeure dans la mise en scène et le mensonge mais surtout fait référence à son rejet par Camille, insistance avec "n'est-ce pas" et va débuter le portrait de Rosette qui n'est en fait que la négation de ce qu'est Camille.

Analyse du troisième mouvement

PERDICAN. — On n’a pas flétri ta jeunesse ; on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ?

Idée : Rosette est décrite comme le parfait opposé de Camille et c'est là son seul intérêt.
Perdican continue à justifier faussement l'amour qu'il ressent pour R en la présentant comme le parfait opposé de Camille : ainsi plus qu'une déclaration d'amour, la double énonciation lui permet de se venger de Camille et de signifier officiellement leur séparation définitive. Les négations totales listent ce qu'il reproche à C pour mettre en valeur son absence chez R qui n'est célébrée qu'à travers ses différences avec C à laquelle elle est opposée à travers un jeu d'antithèses en parallélisme. Rosette est présentée comme une jeune fille proche de la nature qui n’a pas été pervertie par l’éducation religieuse qui est ouvertement critiquée comme responsable de la corruption de l’esprit et du vieillissement prématuré des jeunes filles. Le pronom indéfini « on » renvoie aux religieuses que le jeune homme rend coupables de ce qu’est devenue Camille et ainsi de leur séparation. Perdican insiste sur le fait que Rosette est plus à même de comprendre ce qu’est l’amour que Camille parce qu’elle est proche de la nature (cf son prénom), il évoque sa jeunesse et l’invite à en profiter immédiatement et à ne pas gâcher ce potentiel comme le fait Camille. Pourtant c'est bien la méconnaissance de l'amour, de son langage, de ses jeux et son manque total d'expérience qui ne permet pas à Rosette de voir la duplicité de Perdican à qui elle fait confiance jusqu'à en perdre la vie.

Analyse du troisième mouvement

ROSETTE. — Hélas ! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai.PERDICAN. — Oui, comme tu pourras ; et tu m’aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l’atmosphère humide de leurs cellules.

Idée : La réaffirmation d'un amour ne servant qu'à condamner l'impossibilité d'un autre.
La réponse de Rosette est empreinte de modestie et de soumission avec la lamentation pathétique qui montre une jeune femme bien consciente de son inexpérience et de son incapacité à aimer cet homme si différent d'elle. Dans la circonstancielle de comparaison, le verbe "aimer" au futur et tout de suite nuancé par le modalisateur "pouvoir". Leur décalage de classe sociale est également rapellée par l'adresse solennelle qui rappelle le statut de Perdican et confère à la réplique un caractère ridicule. Rosette répond de manière simple et sincère à un homme manipulateur et double dont l'amour est faux.
Perdican réaffirme son amour mensonger en répondant par un adverbe affirmatif et en reprenant les termes employés par Rosette et en la confortant dans sa capacité à aimer et en mettant sur un pied d'égalité grâce à une circonstancielle de comparaison et à une structure en parallélisme leurs deux statuts si différents. Toutefois, comme précédemment, le seul intérêt de cette déclaration n'est pas de rassurer Rosette mais d'attaquer Camille en sous-entendant que R pourra réussir là où C a échoué. Le responsable est à nouveau l'éducation religieuse dont les pratiques et les buts sont condamnés dans un registre polémique. Le couvent fabrique des femmes insensibles, froides, dépourvues de tout sentiment et présentées comme des monstres.

Conclusion

Réponse directe au projet de lecture.
Proposition d'ouverture.
L'extrait se situe au début du dernier acte de la pièce. Perdican a intercepté une lettre de Camille destinée à sa soeur de couvent dans laquelle elle affirme avoir dégoûté Perdican d'elle et lui avoir brisé le coeur. Piqué dans son orgueil, Perdican promet alors de se venger : " tu sauras que j’en aime une autre avant de partir d’ici". Il met au point un plan cruel : il fait venir Camille près de la fontaine symbolique de leur enfance pour y déclarer son amour à Rosette en sa présence et lui demander de l'épouser. En réalité, Perdican blesse les deux femmes et sa déclaration à Rosette n'est que la négation du portrait de sa cousine. (Acte III, scène 6 : CAMILLE. - Il a lu ma lettre, cela est certain ; sa scène du bois est une vengeance, comme son amour pour Rosette. Il a voulu me prouver qu'il en aimait une autre que moi, et jouer l'indifférent malgré son dépit.)

On peut voir le rapprochement avec III, 6 lorsqu'à son tour Camille deviendra metteuse en scène pour orchestrer une scène de vengeance en poussant Perdican à lui avouer ses sentiments devant Rosette dont il ignore la présence. La souffrance de Camille rappelle également celle de Cyrano de Bergerac qui assiste au rapprochement physique entre Christian, qu'il a aidé à avoir une parole séductrice et Roxanne la femme qu'il aime pendant qu'il demeure caché dans l'ombre, impuissant.

Alfred de Musset est un auteur du XIXe s. représentant du romantisme et qui s'est illustré tant en poésie qu'avec le roman. Il invente également la notion de "fauteuil dans un théâtre", des pièces destinées exclusivement à la lecture et non à la scène après l'échec de plusieurs de ses représentations. Il connaîtra avec l'auteur George Sand une relation amoureuse tumultueuse qui aura une influence importante sur nombre de ses oeuvres et notamment la pièce dont provient notre extrait : On ne badine pas avec l'amour, publiée en 1834. Cette pièce à la croisée du proverbe littéraire et du drame romantique narre en trois actes l'histoire de Camille et Perdican qui se sont vus séparés au profit d'une éducation religieuse pour l'une et universitaire pour l'autre. Le père de Perdican, oncle de Camille a pour projet de les marier mais leur amour rencontrera de nombreux obstacles et connaîtra une fin tragique faisant de Rosette une victime collatérale de leurs jeux d'orgueils.

[…] PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende. — Je t’aime, Rosette ! toi seule au monde tu n’as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n’est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton cœur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. Il lui pose sa chaîne sur le cou.ROSETTE. — Vous me donnez votre chaîne d’or ? PERDICAN. — Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l’un sur l’autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s’effacer. (Il jette sa bague dans l’eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage : regarde ! c’était une bague que m’avait donnée Camille. CAMILLE, à part. — Il a jeté ma bague dans l’eau. PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est-ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ; on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ? ROSETTE. — Hélas ! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai. PERDICAN. — Oui, comme tu pourras ; et tu m’aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l’atmosphère humide de leurs cellules.

[…] PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende. — Je t’aime, Rosette ! toi seule au monde tu n’as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n’est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton cœur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. Il lui pose sa chaîne sur le cou. ROSETTE. — Vous me donnez votre chaîne d’or ? PERDICAN. — Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l’un sur l’autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s’effacer. (Il jette sa bague dans l’eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage : regarde ! c’était une bague que m’avait donnée Camille. CAMILLE, à part. — Il a jeté ma bague dans l’eau. PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est-ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ; on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ? ROSETTE. — Hélas ! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai. PERDICAN. — Oui, comme tu pourras ; et tu m’aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l’atmosphère humide de leurs cellules.

Dans cette scène, Perdican artisan de sa vengeance se fait à la fois acteur et metteur en scène. Ses paroles sont à double sens : il s’adresse moins à Rosette pour la séduire qu’à Camille pour la blesser et se venger d’elle manipulant ainsi deux femmes. Il apparaît ainsi comme particulièrement cruel en transformant un badinage léger avec Rosette en promesse qu'il ne pourra pas tenir. Son stratagème pervers aura des conséquences tragiques. En effet, à la scène 6 de l'acte III, Camille voudra à son auteur piéger Perdican par une mise en scène et Rosette se retrouvera à nouveau leur "appât", leur "jouet". Musset annonce déjà la fin tragique de la pièce en montrant ce qu'il se passe lorsque la parole, mensongère, joue avec le coeur.

[…] PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l’entende. — Je t’aime, Rosette ! toi seule au monde tu n’as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n’est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donne-moi ton cœur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour. Il lui pose sa chaîne sur le cou.ROSETTE. — Vous me donnez votre chaîne d’or ? PERDICAN. — Regarde à présent cette bague. Lève-toi et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l’un sur l’autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s’effacer. (Il jette sa bague dans l’eau.) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l’eau qui s’était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n’y aura plus une ride sur ton joli visage : regarde ! c’était une bague que m’avait donnée Camille. CAMILLE, à part. — Il a jeté ma bague dans l’eau. PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que l’amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime ! Tu veux bien de moi, n’est-ce pas ? On n’a pas flétri ta jeunesse ; on n’a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d’un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d’un jeune homme. Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c’est que l’amour ? ROSETTE. — Hélas ! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai. PERDICAN. — Oui, comme tu pourras ; et tu m’aimeras mieux, tout docteur que je suis et toute paysanne que tu es, que ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, et qui sortent des cloîtres pour venir répandre dans la vie l’atmosphère humide de leurs cellules.