Want to create interactive content? It’s easy in Genially!

Get started free

EL 5 - acte II scène 5

Camille Déruelle

Created on October 1, 2024

Start designing with a free template

Discover more than 1500 professional designs like these:

Transcript

Explication linéaire n°6

Acte II, scène 5 : « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. »

On ne badine pas avec l'amour, Alfred de Musset

Entrée dans l'extrait par la mise en scène

Le texte

CAMILLE.— Ni pour moi, n’est-ce pas ? PERDICAN. — Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » (Il sort.) A. DE MUSSET, On ne badine pas avec l’amour, 1834, acte II, scène 5

[…] PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que des nonnes, malheureuse fille ? Elles qui te représentent l’amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu’il y a pis encore, le mensonge de l’amour divin ? Savent-elles que c’est un crime qu’elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme ? Ah ! comme elles t’ont fait la leçon ! Comme j’avais prévu tout cela quand tu t’es arrêtée devant le portrait de notre vieille tante ! Tu voulais partir sans me serrer la main ; tu ne voulais revoir ni ce bois, ni cette pauvre petite fontaine qui nous regarde tout en larmes ; tu reniais les jours de ton enfance, et le masque de plâtre que les nonnes t’ont plaqué sur les joues, me refusait un baiser de frère ; mais ton cœur a battu ; il a oublié sa leçon, lui qui ne sait pas lire, et tu es revenue t’asseoir sur l’herbe où nous voilà. Eh bien ! Camille, ces femmes ont bien parlé ; elles t’ont mise dans le vrai chemin ; il pourra m’en coûter le bonheur de ma vie ; mais dis-leur cela de ma part : le ciel n’est pas pour elles.

Questions d'introduction

Proposez plusieurs mouvements pour ce texte en leur associant un titre. Proposez une problématique.

Introduction

Eléments biographiques à propos d'Alfred de Musset et présentation de la pièce
Place occupée par le texte étudié dans la pièce et thème
Annonce du projet de lecture et des mouvements

Mouvements du texte & projet de lecture

Projet de lecture :
En quoi dans cet extrait la condamnation de l'éducation religieuse permet-elle la célébration de l'amour humain ?

1er mouvement

2e mouvement

La condamnation d'une éducation religieuse qui dénature.

L'amour, seule valeur capable de dépasser la noirceur humaine

texte

texte

analyse

analyse

1er mouvement : La condamnation d'une éducation religieuse qui dénature.

[…] PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que des nonnes, malheureuse fille ? Elles qui te représentent l’amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu’il y a pis encore, le mensonge de l’amour divin ? Savent-elles que c’est un crime qu’elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme ? Ah ! comme elles t’ont fait la leçon ! Comme j’avais prévu tout cela quand tu t’es arrêtée devant le portrait de notre vieille tante ! Tu voulais partir sans me serrer la main ; tu ne voulais revoir ni ce bois, ni cette pauvre petite fontaine qui nous regarde tout en larmes ; tu reniais les jours de ton enfance, et le masque de plâtre que les nonnes t’ont plaqué sur les joues, me refusait un baiser de frère ; mais ton cœur a battu ; il a oublié sa leçon, lui qui ne sait pas lire, et tu es revenue t’asseoir sur l’herbe où nous voilà. Eh bien ! Camille, ces femmes ont bien parlé ; elles t’ont mise dans le vrai chemin ; il pourra m’en coûter le bonheur de ma vie ; mais dis-leur cela de ma part : le ciel n’est pas pour elles.CAMILLE.— Ni pour moi, n’est-ce pas ?

Analyse du premier mouvement

PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que des nonnes, malheureuse fille ? Elles qui te représentent l’amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu’il y a pis encore, le mensonge de l’amour divin ? Savent-elles que c’est un crime qu’elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme ?

Idée :
Condamnation de la vision religieuse de l'amour
Perdican, excédé par les réponses de Camille qui a été formatée par les nonnes à condamner l’amour qu’elle n’a pourtant jamais expérimenté, multiplie les questions rhétoriques afin de dénoncer l’endoctrinement mensonger qu’elles font subir aux jeunes filles.
Il utilise un polyptote du verbe « savoir », d’abord adressé à Camille qu’il tutoie alors qu’elle conserve le vouvoiement, puis désignant les nonnes au pluriel. Montre ignorance de Camille mais surtout des nonnes qui répandent des mensonges odieux. Introduit le domaine de la connaissance que Perdican maîtrise puisque son niveau d'éducation le lui permet et présente son idée comme juste.

Il présente Camille comme une victime de cette éducation avec l'expression pathétique reprise par « vierge » pour la présenter comme jeune et innocente ce qui renforce l’idée qu’elle a été manipulée par des femmes viles. Vierge = innocence, inexpérimentée vs. femme (= plus vieille et expérimentée, a connu l’amour).

Il oppose dans un parallélisme l’amour profane des hommes à l’amour divin sacré en les liant par le substantif « mensonge » qui permet de les mettre en comparaison mais surtout en opposition avec l'adverbe.

Le verbe « chuchoter » associé à « venir » montre une action insidieuse, malsaine (presque des sorcières avec des formules magiques), cela rappelle aussi l’idée que les prières se font souvent en chuchotant. Elles ne font donc pas appel à la raison des jeunes filles mais les endoctrinent sournoisement. La colère de Perdican se traduit par l'emploi d'une hyperbole pour désigner la manipulation de ces femmes. Par leurs discours elles empêchent les jeunes filles de vivre leurs expériences et les influencent.

Analyse du premier mouvement

Idée :

Ah ! comme elles t’ont fait la leçon ! Comme j’avais prévu tout cela quand tu t’es arrêtée devant le portrait de notre vieille tante ! Tu voulais partir sans me serrer la main ; tu ne voulais revoir ni ce bois, ni cette pauvre petite fontaine qui nous regarde tout en larmes ; tu reniais les jours de ton enfance, et le masque de plâtre que les nonnes t’ont plaqué sur les joues, me refusait un baiser de frère ;

Faire prendre conscience à Camille que son éducation lui fait renier le bonheur de l'enfance

Aux questions rhétoriques succèdent une modalité exclamative et une longue énumération qui fait le constat des effets de cette « leçon », cette éducation fallacieuse : Camille est méconnaissable, aliénée, déconnectée de sa vraie nature au point de renier son enfance. Perdican l'avait pressenti dès leurs retrouvailles et fait référence à ce passage en I,2.

Il débute une longue énumération avec l’anaphore de « tu » qui pointe du doigt, à l’imparfait, les actions de Camille depuis son retour, il la présente comme un pantin qui agit guidé par son éducation. On retrouve de très nombreuses formes négatives syntaxiques et lexicales qui donnent l’impression qu’elle n’a cessé de renier son passé effacé par une éducation religieuse qui l’a poussée à rejeter tout le reste. Elle apparaît alors comme quelqu’un qui refuse la vie et vit dans le déni.
Ces négations contrastent avec les gestes d’affection évoqués par Perdican et la douceur des lieux de son enfance à forte connotation lyrique puisque la Nature est un thème cher aux écrivains romantiques. Elle est associée à l’âge d’or de l’enfance qui semble complètement renié par Camille. Perdican pousse le registre pathétique jusqu’à prendre le paysage à témoin du changement de Camille et à personnifier la fontaine, attristée de ce passé révolu dont elle était autrefois l’heureux témoin, de cette innocence de l’enfance perdue. Tout le monde est touché exceptée Camille.

La métaphore du « masque de plâtre », renforcée par la construction de la phrase plaçant le COD en tête de proposition, fait référence à la dissimulation, à ce qui fige les expressions en une seule et même : le mensonge mais aussi l’illusion. Cette expression fait également référence au masque de théâtre antique. Camille jouerait ainsi le rôle que lui ont assigné les nonnes, un rôle établi sur des mensonges.

Analyse du premier mouvement

Idée :
Le coeur de Camille n'a pas oublié ce qu'elle ressent pour Perdican

mais ton cœur a battu ; il a oublié sa leçon, lui qui ne sait pas lire, et tu es revenue t’asseoir sur l’herbe où nous voilà. Eh bien ! Camille, ces femmes ont bien parlé ; elles t’ont mise dans le vrai chemin ; il pourra m’en coûter le bonheur de ma vie ; mais dis-leur cela de ma part : le ciel n’est pas pour elles. CAMILLE.— Ni pour moi, n’est-ce pas ?

Le retour de Camille dans sa ville natale et les retrouvailles avec Perdican ont fissuré le masque de plâtre dessiné par les religieuses puisqu'elle a sollicité une entrevue avec lui près du lieu de leur enfance. Ce changement est signalé par l'emploi de la conjonction de coordinationd'opposition. Il évoque le retour de ses sentiments à travers la métaphore du cœur battant, comme s’il avait cessé de battre depuis qu’elle était chez les religieuses (morte quand elle est au couvent, renaît lorsqu’elle retrouve la terre de l’enfance et P). Le coeur est ensuite personnifié pour montrer qu'il ne réagit qu'aux sentiments, et non à la leçon, à l'éducation fallacieuse que l'on a imprimé à son esprit. Symboliquement, le retour sur l'herbe, dans le lieu de leur enfance, renvoie au fait qu'elle renoue avec ses sentiments pour Perdican comme le confirme la 1ére occurence du pronom qui les rassemble « nous ».

Après avoir interpellé son interlocutrice, Perdican, furieux, achève sa réplique par de l’ironie avec les antiphrases dénonçant l’effet des agissements néfastes et déloyaux des nonnes. Il les condamne, elles et Camille, à la pire des punitions pour une religieuse : ne pas accéder au paradis. Cet idéal est repris par la métaphore du ciel et encadré par une négation totale qui ne leur laisse aucun espoir de l’atteindre un jour. Il dénonce une attitude contraire au message que délivre la religion puisque ces nonnes condamnent et divisent les hommes.

Enfin, la réponse brève de Camille qui reprend la forme négative de Perdican et demande une confirmation avec une interro-négative montre qu’elle a compris être incluse dans cette condamnation à ne jamais obtenir le salut de Dieu puisque leur foi est bâtie sur le mensonge, la haine et la division. => Dans cette fin d’acte, amour divin et amour profane s’opposent. Perdican se fait le porte-parole de l’amour qui unit les êtres par opposition à celui qui exclut.

2e mouvement : L'amour, seule valeur capable de dépasser la noirceur humaine

PERDICAN. — Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte etsublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » Il sort.

Analyse du deuxième mouvement

Idée :
Une communication impossible qui pousse Perdican à quitter Camille pour toujours.

PERDICAN. — Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire :

Perdican ignore la question de Camille et met définitivement fin à leur échange en lui souhaitant « Adieu », la formule est ironique après la diatribe contre la religion qu’il vient de dresser et permet de piquer Camille une dernière fois puisqu’elle a décidé de s’en remettre exclusivement à Dieu. Ainsi, il la renvoie au couvent. Il l’invite toutefois Camille à réfléchir aux idées qu’il vient de lui exposer et à les répéter comme en témoigne l’impératif précédent « dis » et « réponds ». Au lieu de suivre aveuglément les paroles des nonnes qui ont abusé de son innocence de jeune fille comme le rappelle l’hyperbole et la métaphore du « poison », elle doit leur opposer le point de vue de Perdican sur l’amour qu’il va détailler.

Analyse du deuxième mouvement

Idée :
Homme et femme sont deux créatures abjectes évoluant dans un monde abominable.

A travers deux énumérations en parallélisme d’adjectifs péjoratifs des défauts des masculins et féminins, Perdican entreprend une généralisation (avec hyperbole du déterminant en anaphore + emploi d’un présent de VG) et brosse des portraits stéréotypés et dévalorisants des deux sexes à travers deux énumérations. Le parallélisme est inégal puisqu’il accumule 9 défauts chez les hommes contre 5 pour les femmes, il met surtout en avant l’infidélité des hommes et à la vanité des femmes. Il propose ainsi une vision particulièrement sombre et pessimiste de la nature humaine.

Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ;

Les deux êtres abominables dont Perdican fait le portrait évoluent dans un monde à leur image, répugnant et insalubre, il tisse ainsi la métaphore filée de l’immondice et du monstrueux dans la fin de sa réplique. Il le décrit à travers un attribut du sujet et une négation restrictive qui ne laissent aucune nuance, ni espoir et qui se voit renforcé par l’hyperbole « sans fond ». Cette première métaphore de leur environnement se poursuit par une subordonnée relative introduite par « où »qui évoque ses habitants, déshumanisés, animalisés, représentés en animaux peu gracieux avec un superlatif aggravant davantage leur monstruosité. Ils sont associés à des verbes qui évoquent des mouvements dérangeants, monstrueux provoquant le dégoût. L’image culmine dans l’hyperbole « montagnes » au pluriel associée au complément du nom « fange ».Cette représentation étrange et effrayante de la bassesse morale et physique de l'Homme est caractérisitque du romantisme.

Analyse du deuxième mouvement

Idée :
L'amour est douloureux mais il est le seul élément capable de relier ces deux créatures.

mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit :

La conjonction de coordination adversative vient renverser ce tableau désespérant de l’Homme en introduisant la seule valeur capable d’engendrer du positif : l’amour, désigné par la périphrase au rythme binaire ayant recours au vocabulaire religieux. L'amour est la seule chose sacrée aux yeux de Perdican qui ne croit pas en Dieu et donc à l'amour divin, sa religion est l'amour profane et humain. L'amour est à nouveau désigné par une périphrase binaire antithétique avec la précédente, il y expose la force de ce sentiment par la transformation qu'il opère : deux êtres caractérisés par leur nature mauvaise avec deux adjectifs péjoratifs renforcés par un adverbe d'intensité deviennent sacrés par la plénitude qu'apporte leur (ré)union : mythe de l'androgyne par Platon. L’amour transforme le grotesque en sublime (notion chère aux romantiques).

Il poursuit la généralisation avec une énumération ternaire en ayant recours à un pronom indéfini et à la répétition anaphorique de l’adverbe « souvent », qui introduit trois adjectifs évoquant la souffrance évoquant les risques liés au sentiment amoureux. Enfin, cette souffrance est immédiatement atténuée par une nouvelle occurrence de « mais » qui érige l’amour en valeur suprême avec un emploi absolu, un sentiment qui justifie cette souffrance.

Dans une circonstancielle de temps, Perdican loue l’amour en faisant de ce sentiment la seule raison de vivre dont on se souviendra jusqu'au jour de sa mort (suggéré par la métaphore du CCL « sur le bord de sa tombe », redondant avec la métaphore « se retourner pour regarder en arrière »). Sa voix se fait universelle lorsqu'elle rapporte les paroles des personnes sur le point de mourir.

Analyse du deuxième mouvement

Idée :
L'amour est présenté comme la seule raison de vivre pleinement.

« J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » Il sort.

Les deux dernières phrases font entendre une voix au discours direct, qui efface le pronom indéfini "on" au profit de l'emploi d'une 1e personne du singulier : le général devient particulier. Il s'agit à la fois de la voix de Perdican qui se voit célébrer l’amour au soir de sa mort mais aussi de George Sand dans la mesure où l'utilisation des guillemets s'explique aussi par le fait que cette phrase est extraite d’une lettre qu'elle a adressé à Musset en date du 12 mai 1833, reprise à l’identique.

Il reprend des termes utilisés précédemment dans une structure très similaire avec une énumération évoquant la souffrance immédiatement nuancée par l’emploi de la conjonction de coordination « mais ». Il présente l’amour comme l’enjeu principal d’une vie. Aimer, c’est accepter de souffrir et son imperfection humaine, cette conception de l’amour est celle des romantiques.

Dans la dernière phrase, il évoque l’idée que l’homme n’est vrai que dans l’amour. Il substitue « vivre » à « aimer » formulant un idéal : vivre c’est accepter l’amour même imparfait. L’affirmation d’une identité véritable avec le pronom « C’est moi qui » associé à une négation s’oppose à l’« être factice » fabriqué par « le mensonge de l’amour divin ». Les substantifs « orgueil » et « ennui » englobent dans la même critique les nonnes et Camille : ce n’est que par orgueil de perfection ou par frustration et dégoût qu’elles se retirent du monde. L’ennui renvoie également au mal du siècle : il s’agit d’un sentiment de nostalgie voire de mélancolie ressentie à une période de vide et où le monde est décevant. Ainsi prend fin le plaidoyer de Perdican en faveur de l’amour humain et profane. La didascalie finale indique que Perdican ne laisse aucune possibilité à Camille de répondre.

Conclusion

Réponse directe au projet de lecture.
Proposition d'ouverture.
Notre extrait se situe à la fin de la dernière scène du deuxième acte. Camille a donné rendez-vous à Perdican dans un lieu symbolique de leur enfance après avoir froidement refusé toutes ses gestes d’affection. Alors qu’elle vient de lui demander son opinion sur sa décision de devenir religieuse et après l’avoir interrogé sur sa vision des relations amoureuses, elle vante les mérites de l’amour divin provoquant la colère de Perdican. Il va alors condamner cette éducation religieuse qui place dans la tête des jeunes filles des idées fallacieuses sur l’amour. Enfin, Perdican glorifie l’amour humain qui, bien qu’imparfait, apparaît comme la seule raison de vivre.

Il peut être intéressant d'opposer la vision de l'amour présentée par Perdican à celle de Dom Juan dans la pièce de Molière en 1665, dans l'acte I, scène 2.

Quoi ? Tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d’un faux honneur d’être fidèle, de s’ensevelir pour toujours dans une passion, et d’être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non : la constance n’est bonne que pour des ridicules ; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu’elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J’ai beau être engagé, l’amour que j’ai pour une belle n’engage point mon âme à faire injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu’il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d’aimable ; et dès qu’un beau visage me le demande, si j’en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l’amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d’une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu’on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l’innocente pudeur d’une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu’elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu’on en est maître une fois, il n’y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d’un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d’une conquête à faire.

Musset fait ici référence au mythe de l'androgyne relaté par l'auteur antique Platon dans son oeuvre le Banquet. Selon le mythe, Zeus aurait séparé les êtres considérés parfaits, ceux qui étaient hommes (andros) et femmes (gyne) à la fois, pour créer deux êtres imparfaits, incomplets. Le but était de punir les êtres parfaits pour avoir tenté d’égaler les dieux dans leur perfection.

« D’abord il y avait trois espèces d’hommes, et non deux, comme aujourd’hui : le mâle, la femelle et une troisième, composée des deux autres. Le nom en reste, aujourd’hui, [mais] l’espèce a disparu : l’androgyne, qui avait la forme et le nom des deux autres. De plus, chaque homme était dans son ensemble de forme ronde […] quatre mains, quatre jambes, deux visages tout à fait pareil sur un cou rond […] Il marchait droit […] et, quand il se mettait à courir vite, il faisait comme les saltimbanques qui tournent en cercle et lancent leurs jambes en l’air; […] Ils étaient aussi d’une force et d’une vigueur extraordinaires, et comme ils avaient un grand courage, […] ils tentèrent d’escalader le ciel pour combattre les dieux. Alors Zeus délibéra avec les autres dieux sur le parti à prendre. Le cas était embarrassant : il ne se pouvaient se décider à tuer les hommes, à détruire la race humaine à coup de tonnerre, […] car c’était anéantir les hommages et les cultes que les hommes rendent aux dieux ; d’un autre côté, ils ne pouvaient pas non plus tolérer leur insolence. Enfin, Zeus, ayant trouvé, non sans peine, un expédient, prit la parole: « Je crois tenir le moyen de conserver les hommes tout en mettant terme à leur insolence ; c’est de les rendre plus faibles. Je vais immédiatement les couper en deux l’un après l’autre ; nous obtiendrons ainsi le double résultat de les affaiblir et de tirer d’eux davantage, puisqu’il seront plus nombreux. Ils marcheront droit sur leurs jambes. » Ayant ainsi parlé, il coupa les hommes en deux, […] comme on coupe un oeuf avec un cheveu. Et chaque fois qu’il en avait coupé un, il ordonnait à Apollon de retourner le visage et la moitié du cou du côté de la coupure, afin qu’en voyant sa coupure, l’homme devînt plus modeste, et il lui commandait de guérir le reste. Apollon retournait donc le visage […] et liait la peau au milieu du ventre ; c’est ce qu’on appelle le nombril […] en souvenir de l’antique châtiment. Or quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle ; et, s’embrassant et s’élançant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble, les hommes mouraient de faim et d’inaction, parce que ils ne voulaient rien faire les uns sans les autres ; […] Alors Zeus, touché de pitié, imagine un autre expédient […] c’est de ce moment-là que date l’amour […] l’amour recompose l’antique nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine ». (Platon, Le Banquet, trad. E. Chambry, 189d-193d)

On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime. __________________________________________ J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé.

Alfred de Musset est un auteur du XIXe s. représentant du romantisme et qui s'est illustré tant en poésie qu'avec le roman. Il invente également la notion de "fauteuil dans un théâtre", des pièces destinées exclusivement à la lecture et non à la scène après l'échec de plusieurs de ses représentations.Il connaîtra avec l'auteur George Sand une relation amoureuse tumultueuse qui aura une influence importante sur nombre de ses oeuvres et notamment la pièce dont provient notre extrait : On ne badine pas avec l'amour, publiée en 1834. Cette pièce à la croisée du proverbe littéraire et du drame romantique narre en trois actes l'histoire de Camille et Perdican qui se sont vus séparés au profit d'une éducation religieuse pour l'une et universitaire pour l'autre. Le père de Perdican, oncle de Camille a pour projet de les marier mais leur amour rencontrera de nombreux obstacles et connaîtra une fin tragique faisant de Rosette une victime collatérale de leurs jeux d'orgueils.

Ce moment clé de la pièce scelle les différences insurmontables entre Camille et Perdican. Perdican, apparaît comme un héros romantique emblématique : gouverné par ses émotions, il les exprime parce qu’elles établissent les valeurs qui guident sa vie, au risque de perdre Camille. Il condamne sans retenue l’éducation religieuse fallacieuse reçue par Camille pour magnifier l’amour humain, imparfait et douloureux mais sublime en le présentant comme la seule raison de vivre.

[…] PERDICAN. — Sais-tu ce que c’est que des nonnes, malheureuse fille ? Elles qui te représentent l’amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu’il y a pis encore, le mensonge de l’amour divin ? Savent-elles que c’est un crime qu’elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme ? Ah ! comme elles t’ont fait la leçon ! Comme j’avais prévu tout cela quand tu t’es arrêtée devant le portrait de notre vieille tante ! Tu voulais partir sans me serrer la main ; tu ne voulais revoir ni ce bois, ni cette pauvre petite fontaine qui nous regarde tout en larmes ; tu reniais les jours de ton enfance, et le masque de plâtre que les nonnes t’ont plaqué sur les joues, me refusait un baiser de frère ; mais ton cœur a battu ; il a oublié sa leçon, lui qui ne sait pas lire, et tu es revenue t’asseoir sur l’herbe où nous voilà. Eh bien ! Camille, ces femmes ont bien parlé ; elles t’ont mise dans le vrai chemin ; il pourra m’en coûter le bonheur de ma vie ; mais dis-leur cela de ma part : le ciel n’est pas pour elles.CAMILLE.— Ni pour moi, n’est-ce pas ?

PERDICAN. — Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte etsublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » Il sort.