Explorer le marronnage à Saint-Domingue
M. Chiavarino
Created on March 28, 2024
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Transcript
Une exploration du marronnage à Saint-Domingue à travers les Affiches Américaines de 1766
Marrons !
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Notre source principale
Le site « Le marronnage dans le monde atlantique : sources et trajectoires de vie » contient les annonces de fuites des esclaves et des listes de prison dans la presse coloniale anglophone et francophone au XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle essentiellement. Il existe environ 22 000 annonces. Les chercheurs et co-directeurs Jean-Pierre Le Glaunec et Léon Robichaud, de l'Université de Sherbrooke, au Canada, ont créé ce site à l’aide de plusieurs auxiliaires de recherche et d’une équipe technique. Nous avons utilisé « les Affiches américaines », journal publié à Saint-Domingue de 1766 à 1795, une ancienne colonie française, devenue Haïti, et pour laquelle il y a le plus d’annonces de fuite (10 772) et surtout de listes de prison (6 535). Les deux chercheurs ont décidé de créer ce site afin d’en faire la source principale de l’histoire du marronnage. Ces annonces de fuite sont dévalorisantes et racistes. On voit comment les esclaves sont traités comme des objets, de la marchandise, « des animaux égarés » sans aucune humanité ni considération. Cependant ces annonces et ces listes sont essentielles pour retracer l’histoire de milliers de personnes sur lesquelles il y a très peu de sources. Ainsi ces annonces permettent, malgré tout, d’approcher le phénomène du marronnage, une forme de résistance pratiquée avec régularité par les hommes et les femmes asservis dans les sociétés esclavagistes du monde atlantique à l’époque moderne. Un esclave qui marronne, qu'il fuie pour quelques jours ou pour toujours, « se réapproprie son corps et son temps, au moins temporairement, et se soustrait au pouvoir absolu de son maître ».
Notre Methode
Nous voulions nous approcher au plus près de la vie de ces esclaves en fuite. Nous souhaitons vous faire partager les résultats de notre rencontre avec celles et ceux à qui nous avons essayé de redonner un nom et une place dans l'Histoire.
Decouvrir l'annonce
Notre Méthode
Nous avons choisi d'explorer toutes les annonces de fuite (qui mentionnent plus de 260 Marrons) et toutes les listes de prison (qui mentionnent près de 650 Marrons) pour la seule année 1766. Après avoir rassemblé et classé ces annonces dans des tableaux, nous nous sommes posés de multiples questions. Qui étaient les Marrons ? Comment fuyaient-ils ? Quelles stratégies employaient-ils pour survivre ? Etaient-ils toujours rattrapés ? Pour y répondre, nous avons fait des statistiques, réalisé des cartes et des textes de synthèse en croisant plusieurs sources.
Nous avons choisi d'explorer toutes les annonces de fuite (qui mentionnent plus de 260 Marrons) et toutes les listes de prison (qui mentionnent près de 650 Marrons) pour la seule année 1766. Après avoir rassemblé et classé ces annonces dans des tableaux, nous nous sommes posés de multiples questions. Qui étaient les Marrons ? Comment fuyaient-ils ? Quelles stratégies employaient-ils pour survivre ? Et bien d'autres hypothèses construites au fur et à mesure de nos découvertes...Pour y répondre, nous avons fait des statistiques, réalisé des cartes et des textes de synthèse en croisant plusieurs sources.
Sur la page suivante, vous trouverez une annonce datant du 22 janvier 1766. Elle évoque Apollon, un Marron originaire du Congo.A partir de cette annonce, vous pourrez cliquer sur de nombreux éléments qui vous présenteront les résultats de nos recherches.
Les Créoles sont généralement des personnes ayant une ascendance à Saint-Domingue, nés sur l'île. On trouve aussi un créole de la Jamaïque (colonie britannique), deux autres de la Martinique, et un provenant de la Louisiane (deux colonies françaises à l'époque)
L'origine des Marrons
Les Mulâtres sont généralement des personnes nées de l'union, souvent forcée, d'un homme blanc avec une femme noire
En effet à Saint-Domingue, de nombreux mélanges ont lieu entre Blancs, Noirs et, dans une moindre mesure, Indiens. Chaque mélange porte un nom différent selon Moreau de Saint-Méry dans son livre Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle de Saint-Domingue. Avec ce livre on peut voir que les colons sont obsédés par la présence de sang noir chez les personnes métissées ce qui est très courant à Saint-Domingue. L'auteur propose de nombreuses descriptions racistes des différentes origines.
Origine des esclaves déclarés en fuite
Les Congos sont très présents à Saint-Domingue, et dans les listes de prison et les annonces de fuite. Selon Moreau de Saint-Méry ils viennent de la Côte de Congo et d’Angole c’est-à-dire Luanda et l’Angola actuels. Il est écrit qu’ils sont communs à St-Domingue et qu’ils sont « très prisés ». En effet, selon cet auteur, ils sont décrits de manière raciste comme « doux », d’« une gaieté excellente , aiment le chant, la danse », ils sont « intelligents, savent parler [très vite] le Créole », et ils ont une « figure enjouée ».
Les Aradas, Nagos, et Mandingues (2%) viennent à la Côte d’or et plus loin à l’intérieur des terres. « Ils méritent d’être préférés aux négres congo pour beaucoup des raisons. Ils aiment le travail et ils sont très attachés à leur femme et enfants. Ils sont aussi enclins au vol et au marronage ». D’après Moreau de Saint-Méry les Ibos (3%) (c’est-à-dire les Igbos du Delta du Niger) sont « portés au suicide » et ils faut les surveiller constamment.
Sans l'ensemble des annonces de fuite, nous trouvons 26 origines différentes. Ainsi, le marronnage en 1766 concerne l'ensemble des esclaves, quelle que soit leur origine.
De nombreuses annonces ou listes de prison mentionnent les prénoms des esclaves.
- Certains sont des prénoms chrétiens, qui sous-entendent que l'esclave a peut-être été baptisé : on trouve 6 Jean-Baptiste différents, par exemple, dans les annonces de fuite.
- On trouve aussi des surnoms qui montrent la dépersonnalisation des personnes réduites en esclavage. Les maîtres donnent des surnoms dégradants ou absurdes : Bougon, Crocroco, Sans-Chagrin, Tu m'aideras...
- Ou parfois inspirés de la mythologie : Minerve, Mercure...
- Dans les listes de prison, 26% des Marrons n'ont pas voulu (ou pas su) dire leur identité. Et 16% des Marrons sont identifiés explicitement comme des "nègres nouveaux"...
- Dans les annonces de fuite, nous ne connaissons pas les prénoms de près de 20% des marrons.
Ce que nous apprennent les prénoms...
Une autre explication possible...
Cacher son identité, une stratégie des marrons ?
Pourquoi ? Qui sont les Marrons dont on ne connaît pas le prénom ?
Lorsque les esclaves nouveaux arrivent à Saint-Domingue, en bateau dans des conditions abominables, ces derniers subissent le processus de « créolisation ». Il s’agit de l’adaptation d’un esclave nouveau au système d’habitation de Saint-Domingue : cela passe par l'apprentissage du travail et d'une nouvelle langue. De nombreux esclaves sont tombés malade de maladie mortelle provoqués par des changements alimentaires et d’autres, comme F. Régent le mentionne dans La France et ses Esclaves, "l’acclimatation des nègres nouveaux est toujours difficile et ils sont très nombreux à mourir dans les deux premières années de leurs présence sur leurs habitations ».De plus, en même temps que l’apprentissage du travail, ils sont obligés d’ apprendre la langue créole, « le respect des hiérarchies internes à la population, des maîtres et des blancs en général ». Ainsi, ces esclaves nouveaux mêlés par la « mélancolie, le désespoir et l’alcoolisme » provoqué par leurs créolisation forcées ou par leurs mauvaises conditions, fuient. Souvent, ils s'enfuient avant que le maître leur ait donné un surnom : ce qui peut expliquer que l'on retrouve de nombreux Marrons sans nom dans les listes. On peut faire l'hypothèse que de nombreux esclaves nouveaux fuient en groupe dès leur arrivée, et dont on connaît le nom : tels que Cottin et Sud-ouest, tous les deux Congo, où l’un est âgé de 22 ans et le second de 30 ans, qui sont des esclaves marrons depuis plus de 15 mois. On peut supposer que durant leur voyage terrible en bateau, les esclaves nouveaux se lient d’amitié pour ensuite fuir en groupe une fois arrivés.
Les "nègres nouveaux"
L'âge et le genre des Marrons
Nous pouvons remarquer qu'il y a en proportion plus d'hommes que de femmes esclaves en prison par rapport au nombre de Marrons déclarés en fuite.D'ailleurs, on ne trouve que des femmes de 30 à 39 ans dans les listes de prison. Pourquoi ?Les femmes plus âgées, de 40 à 50 ans, sont nombreuses à fuir.On peut également voir que la majorité des hommes prisonniers ont entre 20 et 29 ans. Dans notre étude, nous n'avons croisé aucun esclave marron qui aurait plus de 50 ans.
Au début de notre recherche, nous avions plusieurs hypothèses. Nous pensions que les Marrons dont les maîtres mentionnaient les métiers étaient déclarés en fuite plus rapidement, et qu'il pouvait y avoir une différence selon l'origine des Marrons. Nos recherches nous ont permis de comprendre que :
- La durée moyenne entre la fuite et la date de publication de l’annonce est de 42 jours pour les esclaves dont le métier est mentionné et 46 jours pour les personnes dont le métier n'est pas mentionné. Il n'y a donc pas de différence vraiment significative.
- Nous pouvons faire l'hypothèse que les maîtres attendent avant de déclarer le marronnage car ils possèdent peut-être beaucoup d'esclaves, ou qu'ils savent que certains marrons partent et finissent par revenir peu de temps après. Comme le dit l'historien Jean Fouchard dans Les Marrons de la Liberté : "Il est aussi bien connu que, fatigués d’errer dans les bois, affamés et sans aide, certains Marrons sont rentrés d’eux-mêmes, sous l’invitation de leur maître."
- Les Marrons qui sont accusés de vol sont déclarés plus rapidement, comme Cézar, qui est accusé de nombreux vols, et dont la fuite est déclarée seulement 3 jours après son départ, dans la nuit du 11 au 12 janvier.
La durée du marronnage (1)
La durée du marronnage (2)
- Dans une annonce du 25 novembre, on apprend qu'Etienne serait marron depuis plus de 10 ans !
- Il n'y a pas de différence significative selon l'origine des marrons : les Créoles sont déclarés en moyenne 47 jours après leur fuite, contre 48 jours pour les Congos.
- La première fois, il est déclaré être parti seul le 14 avril 1766.
- La deuxième fois il est déclaré en même temps que d'autres esclaves, Colas et Petit-Pierre, qui seraient partis le 20 octobre.
- Peut-être qu'il a été rattrapé ou qu'il est revenu de lui-même car il n'a pas réussi à survivre hors de l'habitation ;
- Peut-être qu'une fois revenu, il a réussi à convaincre d'autres esclaves de partir avec lui, pour avoir plus de chances de survie
Des corps marqués par l'esclavage
A la lecture des annonces, les traces de l’esclavage sur les corps des Marrons décrits sont nombreuses. Le marronnage lui-même entraîne parfois le marquage et le contrôle des corps.
L'Etampage : la marque des propriétaires
Les cicatrices et mutilations
LEs dispositifs de contrôle des corps
A Saint-Domingue, en 1766, les esclaves marrons qui portent des chaînes, de colliers ou des nabots sont trouvés en majorité dans les listes de prison plutôt que dans les annonces de fuite (13 annonces contre 3 pour les chaînes, 12 contre 3 pour les nabots et 7 contre 1 pour les colliers). Une chaîne est une suite d’anneau entrelacés. Par exemple, dans l’annonce de fuite qui a été diffusée le 29 janvier 1766, les esclaves Jean et Julien qui sont d'origine congo, se sont enfuis avec une chaîne en fer. C’est peut-être une punition pour une précédente fuite mais ils s’enfuient de nouveau quand même. Les nabots servent peut-être à ralentir les esclaves pour qu’ils n’arrivent plus à courir, rencontrant alors des difficultés pour marcher, et de s’enfuir puisque c’est plus lourd. Par exemple, Narcisse, congolaise, dans l’annonce de fuite du 7 mai 1766 a un nabot en fer attaché à un pied. Peut- être que Narcisse s’est déjà enfuie et qu’elle porte ce nabot pour empêcher une autre fuite. Quant aux colliers ils doivent aussi les empêcher de s’enfuir ou témoignent d’une punition peut être, comme Minerve/Suzanne d’origine Côte d’Or avec un collier de fer autour du cou, dans l’annonce de fuite du 8 octobre 1766. Pour exemple d’esclave avec un collier en tiges autrement appelé collier à trois branches, nous avons Louis, créole portant un collier à trois branches, le 27 août dans une liste de prison.
Les dispositifs de contrôle des corps (1)
On retrouve également d'autres types de punition, comme les entraves portées par les esclaves coupable notamment de s’être enfuis de la plantation, cette entrave empêche les esclaves de s’enfuir et les fatigue, tout en les rendant très visibles. C’est pourquoi peut- être ils étaient plus facilement repris par la milice. Ce sont des dispositifs techniques de persuasion et de contrôle pour fixer les esclaves dans la plantation ou chez leur propriétaire après s’être enfuis ou même avant de s’enfuir. Ceci montre alors les dangers pour les esclaves de s’enfuir mais aussi leur volonté de s’enfuir. Ainsi certaines personnes portent plusieurs entraves comme Jean esclave Sénégalais ayant un collier de fer et une chaîne et un nabot, ou encore Florentine, une Congolaise que l'on retrouve dans une liste de prison le 30 avril, qui elle porte un collier de fer et une chaîne, même liste et même date. Nous pouvons supposer que ces personnes en prison ont tenté de s’enfuir plusieurs fois et ont déjà été punies même avant leur fuite. Nous savons que les propriétaires n’aiment pas les chercher en prison car cela coûte de l’argent et préfèrent donc les empêcher de s’enfuir par des punitions et des entraves.
Les dispositifs de contrôle des corps (2)
Les esclaves marrons ont aussi des mutilations ou des cicatrices visibles qui montrent la dureté de leurs conditions de vie. Une mutilation est une dégradation ou une détérioration (d’un membre, d’une partie du corps) : Colas, esclave dont l’origine est inconnue, a une oreille coupée d’après une annonce de fuite publiée le 1er octobre 1766. Cela est peut-être dû au fait que le Code noir stipule que si un esclave s’enfuit il doit avoir une oreille sectionnée. Une cicatrice est une partie visible d’une lésion du derme après la réparation du tissu à la suite d’une blessure, ou une même au cours d’une opération.
- Fortuné esclave Congo a une cicatrice à la joue, d'après une annonce de fuite du 6 août 1766.
- Jeanne, griffe créole, qui a reçu des coups de fouet, d'après une annonce de fuite le 17 décembre.
- Benjamin, Poullar, a des cicatrices dues à des coups de sabre, même jour que Jeanne.
- Louis, d'origine fond, qui a peut être volé quelque chose et a donc reçu une mutilation : pouce et main droite coupés.
- Brouette, créole, ayant aussi la main droite coupée.
Les cicatrices et mutilations
A Saint-Domingue les esclaves sont étampés pour permettre aux propriétaires de reconnaître leurs esclaves. Saint-Domingue étant une île grande et montagneuse, les maîtres de Saint-Domingue avaient peur que les esclaves s’enfuient ou se fassent voler par les Espagnols, occupant l’autre partie de l’île. Dans la colonie française on pense que l’étampage n’a rien de douloureux mais au contraire, marquer la peau avec du fer rouge fait très mal. Ainsi, Crocroco un homme bambara est étampé deux fois, MAINGUET et EI , Mathurin un homme cauga âgé de 30 ans , est étampé trois fois, VATEL ST. M & RAULIN et CHAREIRON, du nom de ses propriétaires successifs et de la paroisse ST. M, c’est-à-dire Saint Marc, la ville où il habite . En effet ils sont parfois étampés à chaque fois qu’ils changent de propriétaire !Quand les esclaves s’enfuient certains se brûlent ou se scarifient pour rendre leurs étampes illisibles comme Marianne, en fuite depuis le 17 septembre ou Zabeau en prison depuis le 15 janvier. Les marques sont souvent situées au niveau de la poitrine. Les esclaves sont vus comme du bétail. Cela cause un grand inconvénient : les esclaves affranchis ne sont parfois pas considérés comme affranchis à cause de leurs marques. En effet, les policiers ne croient pas les affranchis, ils peuvent être pris pour des fugueurs et être emprisonnés.
L'étampage des esclaves
Les types de métiers qui reviennent dans les annonces sont : les cuisiniers (8), les perruquiers (5) et les postillons (4). On retrouve néanmoins une grande diversité de métiers :
- Les métiers de la maison : blanchisseuse, cuisinier, valet, musicien...
- Les métiers liés à la navigation : matelot, calfat (personne qui travaille dans les chantiers navals à la construction des bateaux)...
- Les métiers liés à la construction : menuisier, charpentier...
- Les métiers qui se pratiquent en ville : perruquier, tailleur...
- Les métiers qui supposent la mobilité des esclaves : postillon (conducteur d'attelage), cocher, marchand, matelot... Peut-être que ces métiers sont très représentés parce qu'ils facilitent le marronnage !
Une grande diversité de "métiers"
Dans notre recherche, nous avons pu rencontrer différentes stratégies des marrons pour échapper à la servitude :
- Les fuites individuelles : les marrons tentaient souvent de s’enfuir seuls, peut-être en utilisant la nuit comme couverture pour éviter d’être détectés par les maitres ou les autres esclaves. 52% des annonces de fuite mentionnent un seul esclave en fuite.
- Les fuites en groupe : certains marrons s'échappaient ensemble, peut-être pour augmenter leurs chances de survie. On peut déduire de certaines annonces que certains marrons partaient en famille : Jean-Baptiste et Dedé et leurs enfants Isidor et Charlote sont déclarés en fuite le 3 décembre 1766. Par ailleurs Jean-Baptiste (créole) et Dedé (congo) ont des origines différentes : nous pouvons comprendre que les origines différentes des esclaves ne leur empêchaient pas d'être solidaires et de s'aimer !
- Les fuites à cheval : des annonces mentionnent que le marronnage s'accompagne parfois du vol d'un cheval, peut-être pour que la fuite soit plus rapide, comme l'exemple de Valentin, le 1er janvier.
- Rejoindre des connaissances : certains marrons rejoignaient peut-être d'autres marrons qu'ils connaissaient, comme Crocroco déclaré en fuite le 17 septembre
Les stratégies des marrons (1)
- Se faire passer pour libre ? De nombreuses annonces des maîtres dénoncent les marrons qui se feraient "passer pour libres" parfois en utilisant un "faux billet de liberté". Quand les esclaves étaient affranchis, ils avaient souvent un document pour le prouver : peut-être que fabriquer un faux document était une stratégie efficace pour échapper à la servitude.
- Fuir vers les villes : il y a beaucoup de personnes noires de peau libres à Saint-Domingue. Peut-être que certains marrons ont plus de chances d'échapper à l'esclavage dans les villes, comme au Cap, où ils peuvent se fondre dans la population. Les Créoles ont peut-être un avantage, grâce à leur connaissance de la langue.
- Dans les prisons, refuser de dire son nom ou celui de son maître est une stratégie récurrente des Marrons. C'est peut-être un moyen pour ne pas être retrouvé par le maître, et espérer un meilleur sort... Une liste de prison du 29 janvier mentionne Nanon et Baptiste, qui ne veulent pas dire le nom de leur maître, et un marron mondongue, qui n'a dit ni son identité ni celle de son maître.
Retour aux prénoms
Les stratégies des marrons (2)
"Les esclaves de plantation partaient en direction des montagnes, vers les zones qui n’étaient pas encore déboisés.", Jean Fouchard, Les Marrons de la liberté, p. 280.
Les mobilités des Marrons
Les mobilités des Marrons (2)
Dans les listes de prison, la paroisse d'origine de certains esclaves marrons est mentionnée.A partir de notre étude, nous avons pu déduire que certains esclaves avaient parcouru de grandes distances et se trouvaient emprisonnés très loin de leur habitation d'origine. Des Marrons emprisonnés au Cap ou à Fort-Dauphin viennent de Léogane, dans le sud de l'île. On voit également que les Marrons emprisonnés à Port-au-Prince viennent de toute la partie française de l'île de Saint-Domingue ! Ainsi, alors que se déplacer était rare à l’époque, les annonces témoignent de l’importante mobilité des marrons, voulue ou forcée, à plusieurs échelles.
La plus grande prison de Saint Domingue est la prison du Cap. D’après Moreau de saint Mery dans son livre Description topographique (..) de la partie française de l’Isle de Saint-Domingue, elle est constituée de plusieurs bâtiments. Son enceinte est formée par des murs très hauts. Les prisonniers ne peuvent sortir que le matin et le soir. Les policiers sont assez doux avec les prisonniers, ce que dénonce l'auteur. Ainsi nous pouvons penser que finalement dans la prison, les esclaves sont peut-être plus libres que dans les champs.
Les Marrons emprisonnés
Voir Des cartes
Nous pensons que si les marrons ne sont pas trop mal traités c’est pour éviter les émeutes dans les prisons contre les gardes trop violents, sachant qu’ils sont moins nombreux que les esclaves. Les marrons sont aussi bien traités en prison pour que le Trésor royal, si les maîtres ne les récupèrent pas, puisse les vendre en bon état et à des prix très élevés. Selon Frédéric Régent, dans La France et ses esclaves, les marrons sont en effet revendus au bout de trois mois si les maîtres ne les réclament pas.
(c) Archives Nationales de l'Outre-Mer
Les cachots sont d’une « grande sûreté sans que des rébellions se créent ». Celui qui garde et prend soin des prisons est le geôlier.
D’après Moreau de Saint Mery, les esclaves sont donc plutôt bien traités. En effet, ils ont le droit de sortir dans les cours intérieurs pour prendre l’air, seulement le soir et le matin.
Les esclaves fugitifs sont pourchassés par la force de la police et en absence de la police ce sont les milices qui prennent leur place. Les milices sont des personnes normales, les colons, qui prennent les armes. En cas de troubles plus graves ils font appel aux troupes soldées c’est à dire à l’armée. Les fugitifs sont placés dans des prisons et les policiers, les miliciens ou les soldats publient des annonces dans la presse. Selon la justice royale (le Code noir de 1685) si les esclaves fugitifs s’enfuient et qu’ils reviennent ou qu’ils sont repris, ils doivent être punis par des mutilations telles que la coupe de l’oreille, du jarret, jusqu'à la peine de mort. Mais cette justice aussi est payante, donc les maîtres préfèrent chercher leurs esclaves eux-mêmes (annonces de fuite) et les punir eux-mêmes. Les archers de la maréchaussée se mettent sur leur piste surtout les dimanches et les fêtes, aux abords de la ville, et se cachent pour mieux attraper les fugitifs qui trouvent souvent refuge en ville.Mais, d’après Moreau de Saint Mery, ils prennent souvent de force ce qui leurs convient des objets modiques de la vente desquels les esclaves attendent leur subsistance et ils font disparaître les billets. Ils déclarent fugitifs des esclaves qui ne le sont pas. En effet, il y a des petites récompenses pour les esclaves fugitifs trouvés ce qui va enrichir le service de la maréchaussée
Les Marrons pourchassés dans les campagnes
(c) Archives Nationales de l'Outre-Mer
Le 11 février, un marron "indien" de 26 ans s'échappe de la plantation De Pardieu. Il a dû échapper aux casernes proches de la plantation.
Casernes du Terrier-Rouge, entre le Cap et Fort-Dauphin.
De nombreux esclaves en fuite partaient en ville, dans le but de se dissimuler parmi les affranchis, les libres de couleur. Comment la police s’occupait de pourchasser les esclaves en ville, dans les villes du Cap et de Port-au-Prince ?Au Cap, la police n’est pas très efficace. D’après le texte de Moreau de Saint-Méry, ils seraient censés être dix sergents au lieu de deux. Les policiers doivent surveiller la fermeture des cabarets mais ils n’y prêtent pas vraiment attention, donc les esclaves profitent de la nuit pour boire. Les esclaves ne sont pas recherchés par la police, ils arrivent à s’armer, à jouer, à tenir des assemblées, et les policiers sont des "spectateurs tranquilles" d’après Moreau de Saint MéryA Port-au-Prince, la police est mieux organisée. Elle vérifie que chaque esclave a son billet permettant de rester dehors, obtenu de son maitre. Un couvre-feu est mis en place à 21h30, où les cloches des églises sonnent durant 15 minutes, pour marquer le couvre-feu. Chaque personne noire de peau se trouvant dehors pendant le couvre-feu est directement emprisonnée. Alors les maîtres doivent payer pour récupérer leurs esclaves.
Les Marrons pourchassés dans les villes
(c) Archives Nationales de l'Outre-Mer
(c) Archives Nationales de l'Outre-Mer
Plan de la ville du Cap en 1780.
Plan de la ville de Port-au-Prince en 1785.
La promesse d'une récompense
Ce graphique représente le nombre d'annonces de fuite qui mentionnent la promesse d'une récompense à la capture d'un esclave marron. Certaines récompenses montent jusqu'à 500 livres ce qui représente environ 19% du prix d'un esclave qui est de 2600 livres d'après Frédéric Régent dans La France et ses esclaves. La récompense moyenne pour un esclave en fuite est de 120 livres.Il est parfois plus "rentable" de vendre l'esclave marron s'il est rattrapé. Les maîtres semblent prêts à payer des récompenses, plutôt que les frais de prison ou de justice. L'exemple d'Adonis dans une annonce du 21 mai, que son maître souhaite vendre "comme ce marronnage n'est occasionné que parce que ce Nègre habite les mornes depuis peu" montre que les maîtres peuvent chercher à se débarasser d'esclaves dont ils savent qu'il risque de souvent partir marrons.