Want to create interactive content? It’s easy in Genially!
Anthologie poétique
Thomas Munteanu
Created on November 24, 2023
Start designing with a free template
Discover more than 1500 professional designs like these:
View
Higher Education Presentation
View
Psychedelic Presentation
View
Vaporwave presentation
View
Geniaflix Presentation
View
Vintage Mosaic Presentation
View
Modern Zen Presentation
View
Newspaper Presentation
Transcript
Anthologie poétique :
Les tourments de l'amour
Munteanu Thomas et Mervan Ozdemir--Atan
Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), Orphée ramenant Eurydice des enfers, 1861, huile sur toile, 112 x 137 cm
Préface
La poésie est un art qui, à travers chaque siècle, a toujours eut atteinte à l'expression de la forme et des mots choisis, qui eux, s'attachent à évoquer une connotation plus profonde que leur sens courant. Elle est, d'une certaine manière, comme vous en avez la conscience vous-mêmes, chers lecteurs, l'expression qui par le seul mobile de langage, pénètre l'âme et y loge, s'il en est. Car du moins que l'on puisse dire, elle diffuse une euphorie de sentiments profonds et intimes, longs et sublimes, puis parfois même, s'il tient à en demeurer, perçants et poignants. En ce qui est de la pénétration, vous le savez autant bien que chacun, elle est de votre main. Choisissez en donc l'issue, qu'elle en soit telle l'entrée ! Lorsque nous regardons et lisons les poèmes de tous siècles, nous distinguons divers thèmes, nombreux autant que ce noble genre peut en contenir. Et dans cette introspection où se mêlent ces innombrables tonalités, résident l'amour, la joie, la vaillance, les sciences, la fuite du temps, les tourments, qui [Les tourments] étant un sujet récurrent du genre poétique, se doit de l'être aussi celui de l'anthologie qui est la suivante. Cependant, bien qu'un thème classique, nous avons pris le choix de le traiter de manière aussi originale qu'il se puisse faire. Et de ce fait, cette oeuvre regorge dix poèmes publiés du XVIe au XXe siècle, dont cinq de Pierre de Ronsard, le créateur d'une poésie nationale qui par ailleurs, a introduit le sonnet en France. Rangés dans l'ordre chronologique, elle permet donc de pouvoir comparer les point de vue des différentes époques, et de mieux comprendre l'évolution de la façon de penser des sociétés au cours des siècles ; ainsi que l'évolution de l'expression des sentiments profonds, en particulier les tourments, qui ont malencontreusement toujours rongé les poètes. Comme nous l'avons déjà indiqué, et comme dorénavant vous le savez fort bien, lecteurs, Ronsard s' affirme être le "créateur d'une poésie nationale" qui plus est une poésie du tourment et de la passion amoureuse. Poète humaniste et chef de file de la Pléiade, il tient son inspiration de ses muses (ses amantes) qui lui donnent la fureur poétique et causent son malheur, qui comme l'héliotrope -se tournant sans cesse vers le soleil- à longueur de journée le transperce. Ces calamités se manifestent notamment dans le poème "J'espère et crains, je me tais et supplie" où il se peint en Prométhée, un héros majeur de la mythologie grecque. En effet, après avoir volé le feu de l'Olympe pour ensuite le donner aux Hommes, le titan est condamner à un cruel supplice par Zeus, le dieu des dieux. Il se trouve attaché à un arbre attendant chaque matin qu'un aigle vienne lui dévorer le foie qui se réincarne durant la nuit. A travers cette figuration, Ronsard souhaite montrer à sa muse Cassandre ce qu'il endure pour elle et la souffrance qui l'accable du fait de sa cruauté. Néanmoins, le vate se montre également comme celui qui prodigue le feu aux Hommes, la poésie lyrique. Pour illustrer ce sonnet, nous avons choisi de le rattacher au tableau de Théodore Rambouts qui représente Prométhée subissant son supplice quotidien. En effet, de par les ombres crées par les roches et l'aigle, cette peinture nous montre les sombres sentiments éprouvés par le poète et la douleur qu'il éprouve à endurer ce supplice. Dans son autre sonnet "Si tôt que tu as bu quelque peu de rosée", Ronsard ne se sent plus en harmonie avec le rossignol, symbole habituel du poète car il se trouve malheureux trois mois dans l'an. Il pense être encore plus seul que lui, du fait qu'il soit toujours malheureux, et non seulement le quart de l'an. Se lamentant, il clôt son dernier tercet par une pointe suggérant au rossignol de le laisser seul dans son bocage, restant oublié de tous, excepté du tourment, qui reste écouter le triste son qu'il épand dans le bois. Ce poème est rattaché à l'aquarelle d'Eugène Lami "Souvenir", image du poète songeant au désespoir qu'il endure dans ce macabre sous-bois. Ensuite, dans le poème "Amour, si plus ma fièvre se renforce", le poète introduit une analogie entre la fièvre et la maladie d'amour qui le ronge montrant ainsi clairement le désespoir qu'il ressent et qui est si intense qu'il en souffre tel une véritable maladie. Cette métaphore est associée à la métamorphose du bois vert en poudre à canon, symbolisant le poète prêt à s'enflammer pour manifester son dévouement, même s'il n'a plus la force de vivre ainsi. Il place de cette manière implicitement sa muse comme l'unique remède à sa faiblesse. Cette élégie est liée au "Pauvre poète" de Carl Spitzweg, représentant, comme l'indique son titre, un pauvre auteur malade, allongé dans un lit, du papier à la main, la plume entre les lèvres, entouré de livres. Pensif, il semble méditer, tel Ronsard, aux vers qu'il écrit. Cette illustration nous montre donc le dévouement que conçoit un écrivain à l'écriture et, par conséquent, à la transmission de ses sentiments. Dans le sonnet "Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose", Ronsard rend hommage à Marie de Clèves, une de ses quatre muses, morte au jeune âge de vingt-et-un ans. La rose lui sert d'éloge funèbre et d'offrande poétique que la poésie lui permet d'invoquer, et de déposer au tombeau de la défunte. Cette élégie regorge d'une multitude de métaphores, toutes plus poignantes et plus profondes les unes que les autres, qui nous rappellent la complexité des sentiments qu'éprouve le poète désespéré. En effet, ce poème n'est pas seulement un hommage à une de ses muses, il s'agit également d'une double épitaphe : celui de Marie de Clèves mais aussi celui de Marie Dupin (son autre amante), morte tout aussi jeune, en, 1573, un an plus tôt. Le tableau "Orphée sur la tombe d'Eurydice" de Gustave Moreau traduit parfaitement le vers de Ronsard "Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs", par le personnage d'Orphée, qui est comparable au poète malheureux, ayant de même perdu sa muse qu'il sait qu'il ne retrouvera plus jamais.
Enfin, dans le dernier poème de Ronsard "Bien que ton oeil me fasse une dure escarmouche", le poète souffre depuis déjà trois ans de la cruauté de sa muse Marie. Pourtant, il ne s'abstient pas du lourd service d'amour qu'il continue d'assumer, quitte à en mourir. Car trépasser pour son amante le rendrait encore bienheureux ! Mélangeant divers motifs pétrarquistes dont il est fidèle, il y instaure même une allusion aux guerres de religion qui divisent alors la France, à travers le vers "Meurt bien sur le rempart d'une forte Rochelle.", rappellent la défaite catholique lors du siège de la Rochelle. Les deux tableaux "Vieil homme triste" de Vincent Van Gogh et "Saint Sébastien" par Le Sodoma caractérisent aussi bien qu'on puisse le faire, la situation morale de Ronsard. Malheureux, triste, exaspéré, tourmenté, il semble recevoir tous les traits, les flèches en lui, et demeurer ainsi tel un martyr de l'amour. Une fois avoir fait connaissance avec les différents poème de Ronsard recueillis, nous pouvons, cher lecteur, vous présenter la suite des oeuvres choisies et les comparer, dans les cas les plus pertinents, à ceux du Prince des poète. Tout d'abord, nous avons sélectionné le sonnet élégiaque de Louise Labé, une autrice du XVIe siècle "Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie". Dans ce poème, la poétesse se montre telle une femme transpercée par la cruauté de son amant. Suggéré par l'emploi démesuré de figures antithétiques, les contradiction longent le poème. De la souffrance physique dans les deux premiers quatrains, la souffrance devient morale et s'acharne sur la jeune femme qui tout à un coup, "sèche et verdoie". Vivant à la même époque que Ronsard, Louise Labé propose une inversion des représentation : cette fois, c'est la femme qui souffre de la cruauté de son amant et non le contraire, comme c'est le cas initialement. Le tableau "Vénus et Cupidon" par Tétien semble mettre en image le vers "Ainsi Amour inconstamment me mène". En effet, l'illustration montre Cupidon (Amour) plantant une flèche d'amour sur Vénus, et la tirant par le bras avec l'intention de l'emmener où il souhaite, comme nous l'indique la poétesse. Ensuite, suit une stance tirée du Cid, une pièce de théâtre écrite par le dramaturge Pierre Corneille. Il s'agit d'un monologue versifié où Don Rodrigue se trouve dans un dilemme cornélien : son père, offensé par celui de son amante Chimène, lui demande de le venger. en tuant son offenseur. Or, il sait qu'il n'a le choix et doit écouter son père et perdre ainsi une amante qu'il ne pouvait gagner. Tels sont les motifs retracés dans cette scène emblématique, mêlant à la fois métaphores et antithèses dans une subtilité sans semblable. Le tableau qui y est rattaché représente "Achille vainqueur d'Hector" par Peter Paul Rubens. Il forme une sorte d'analogie entre la stance et le mythe grec de la guerre de Troie. En effet, Don Rodrigue parle de duel et se trouve dans l'incertitude de savoir s'il sera Achille ou bien Hector. Néanmoins il affirme vouloir défendre son honneur même s'il mourra. Ce tableau montre donc l'affront qui se déroulera entre les deux hommes. Nous avons également choisi l'incontournable poème de Victor Hugo, chef de file du romantisme, "Demain dès l'aube", qui sert d'hommage funèbre au romancier, dramaturge, poète, député, dont la fille Léopoldine est morte noyée à seulement 19 ans. Inconsolable, le poète lui dédiera tout un recueil, Contemplations, dont ce poème est sûrement le plus beau de toute sa carrière d'écrivain. L'expression des sentiments personnels y permet la révélation des sentiments sincères et profonds que l'auteur transmet par les mots les plus sublimes, qui peinent cependant à exprimer l'état du poète. Le tableau de Denis Cousin, portant le même titre que le poème, l'illustre en représentant un sous bois recouvert de brume et un tombeau qui semble disparaitre. Il peint de ce fait l'environnement annoncé par le poète dans la première strophe et permet le voyage du lecteur et du spectateur. L'avant dernier poème de cette anthologie poétique est celui de Guillaume Apollinaire, qui s'intitule "La chanson du mal-aimé". Cette ode invite le malheureux poète à chanter son tourment et la déception qu'il éprouve. Ayant rencontré sa bien-aimée Annie Playden en Allemagne, il relate l'avoir perdue dans cette même patrie. La cherchant dans les rues de Londres, il ne la trouve pas, et crie son désespoir par ces vers. Néanmoins, il déploie également l'analogie du phénix, associé à son amour, qui mourant une soir, revit le matin. Tel sont les procédés employés par Apollinaire qui se voit en mal-aimé, abandonné et oublié de tous. Les illustrations choisies comme "Le cri", et "Mélancolie" d'Edvard Munch, ainsi que le "Phénix renaissant de ses cendres", enluminure d'un artiste inconnu reflétant les procédés employés par le poète tout au long du poème. Il se montre mélancolique ; criant sont désespoir, il glorifie sa bien-aimée qui telle un Phénix, renaissant de ses cendres, et atteint ainsi l'immortalité aux yeux d'Apollinaire. Enfin, le dernier poème de cette anthologie est "Ma morte vivante" de Paul Eluard. Il s'agit d'une oeuvre composée de vers libres par laquelle le poète souhaite rendre hommage à son épouse décédée à l'âge de quarante ans. Le chagrin éprouvé par l'homme qui n'y semble plus est vif, perçant, poignant, et incessant comme l'indique la reprise anaphorique de la locution verbale "se sont séparés" qui permet d'insister sur la séparation de sa vie et du bonheur, qui dès lors n'est plus. Cette répétition jalonne l'entièreté de ce poème et suggère de ce fait un caractère infini et éternel de cette séparation et, par conséquent, de son chagrin. Il y mentionne également certaines parties du corps telles que les pieds, les yeux, les mains, la bouche qui ajoute une perspective différente de la perte, qui lui fait éprouver un manque et donc l'invalidité de ses membres. Il clôt ce poème sur une fin tragique où il affirme "Et l’avenir mon seul espoir c’est mon tombeau". La lithographie aquarellée associée représente le cimetière du Père Lachaise, lieu d'inhumation de la défunte. On y trouve un tombeau entouré de végétation, qui pourrai correspondre à celui de l'épouse de Paul Eluard. "Le voyageur contemplant une mer de nuages", de Gaspard David Friedrich nous montre un homme au sommet d'un mont qui ne peut plus marcher car une mer de nuage s'offre à lui. A l'instar de cet homme, Paul Eluard reste invalide, ses pieds étant séparés de ceux de son épouse, il ne peut plus avancer et demeure indécis, seul, attendant son heure, n'ayant d'autre espoir que la mort. Nous espérons avoir l'opportunité de vous présenter des poèmes dont les sonorités et analogies vous procureront des émotions profondes et durables ainsi que du plaisir à les lire !
Sommaire
LES
"Demain dès l'aube", Les Contemplations, Victor Hugo, 1847.
18.
Préface
1.
"La chanson du mal-aimé", Alcools, Guillaume Apollinaire, 1913
Sommaire
20.
3.
"J'espère et crains, je me tais et supplie", Premier Livre des amours : Amours de Cassandre, P. de Ronsard, 1560
"Ma morte vivante", Le temps déborde, Paul Eluard (1895-1952), 1947
4.
22.
"Si tôt que tu as bu quelque peu de rosée", Second Livre des amours : Nouvelle Continuation des Amours, sonnet 28, P. de Ronsard, 1556 ~Version originale non traduite
Annexes
23.
6.
"Amour, si plus ma fièvre se renforce", Amours de Cassandre, sonnet 104, P. de Ronsard, 1552
8.
"Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose", Amours, P. de Ronsard, 1560
10.
"Bien que ton oeil me fasse une dure escarmouche", Second livre des Amours : Continuation des Amours : Amours de Marie, sonnet 64, P. de Ronsard, 1578
12.
"Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie", sonnet VIII, Oeuvres, L. Labé (1524-1566), 1555
14.
TOURMENTS
16.
Le Cid, Acte I, scène 6, P. Corneille, (1606-1684), 1636
J’espère et crain, je me tais et supplie, P. de Ronsard
Dans ce sonnet, le poète amoureux se peint en Prométhée, sans cesse souffrant et réitérant son supplice. Le vate ressent cela de par les sentiments contraires que l'amour le pousse à susciter et dont il demeure prisonnier. Toutefois, Ronsard se voit donner la poésie lyrique aux Hommes tel Prométhée prodiguant le feu aux mortels.
J’espère et crain, je me tais et supplie, Or’ je suis glace, et ores un feu chaut, J’admire tout, et de rien ne me chaut, Je me délace, et puis je me relie. Rien ne me plaist sinon ce qui m’ennuye : Je suis vaillant, et le cœur me défaut, J’ay l’espoir bas, j’ay le courage haut, Je doute Amour, et si je le desfie. Plus je me pique, et plus je suis rétif, J’aime estre libre, et veux estre captif, Mon mal prend fin, et soudain recommence. Un Promethée en passions je suis : J’ose, je veux, je souhaite, et ne puis. Ainsi la Parque a filé ma naissance.
"J'espère et crains, je me tais et supplie", Premier Livre des amours : Amours de Cassandre, P. de Ronsard, 1560
"Un Promethée en passions je suis ", P. de Ronsard
- Always cite the author
Theodore Rombouts (1597–1637),"Prométhée", XVIIe siècle Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique
"Si tôt que tu as bu quelque peu de rosée", P. de Ronsard
"Soit de nuit, soit de jour, caché dans un buisson"
L e poète amoureux ne se sent plus en harmonie avec le rossignol. L'oiseau, symbole habituel du poète n'est malheureux que trois mois dans l'année tandis que lui l'est toujours. Le dernier tercet clôt le poème sur une pointe où Ronsard préfère que l'oiseau le laisse seul avec ses tourments et son bocage.
Si tost que tu as beu quelque peu de rosée, Soit de nuict, soit de jour, caché dans un buisson, Pendant les aesles bas, tu dis une chanson D'une notte rustique à ton gré composée. Si tost que j'ay ma vie un petit arrousée Des larmes de mes yeux, en la mesme façon Couché dedans ce boys j'espen un triste son, Selon qu'à larmoyer mon ame est disposée. Si te passé je bien, d'autant que tu ne pleures Sinon trois moys de l'an, et moy à toutes heures, Navré d'une beauté qui me tient en servage. Mais helas, Rousignol, ou bien à mes chansons (Si quelque amour te poingt) accorde tes doux sons, Ou laisse moy tout seul pleurer en ce bocage.
"Si tôt que tu as bu quelque peu de rosée", Second Livre des amours : Nouvelle Continuation des Amours, sonnet 28, P. de Ronsard, 1556
"Couché dedans ce boys j'espen un triste son, selon qu'à larmoyer mon ame est disposée.", P. de Ronsard
"Souvenir", XIX e, Eugène Lami (1880-1890), aquarelle, Châteaux de Malmaison et Bois-Préau
"Amour, si plus ma fièvre se renforce..." P. de Ronsard
Dans ce sonnet élégiaque, Ronsard souffre de la maladie d'amour dont la fièvre se renforce chaque jour. Par ailleurs, le poète reprend le thème pétrtarquiste du coup de foudre auquel il mêle d'autres images telles que la métamorphose du bois vert en poudre à canon qui s'attache à représenter le poète prêt à s'enflammer,
Amour, si plus ma fièvre se renforce, Si plus ton arc tire pour me blesser, Avant mes jours j’ai crainte de laisser Le verd fardeau de mon humaine escorce. Ja de mon cœur je sens moindre la force Se transmuer, pour sa mort avancer, Devant le feu de mon ardant penser, Non en bois verd, mais en poudre d’amorce. Bien fut pour moy le jour malencontreux, Où j’avallay le breuvage amoureux, Qu’à si longs traits me versoit une œillade : O bien-heureux ! si pour me secourir, Dés le jour mesme Amour m’eust fait mourir Sans me tenir si longuement malade.
"Amour, si plus ma fièvre se renforce", Amours de Cassandre, sonnet 104, P. de Ronsard, 1552
"Amour, si plus ma fièvre se renforce", P. de Ronsard
"Le pauvre poète", (1839) de Carl Spitzweg (1808-1885), pinacothèque de Munich
"Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose", P. de Ronsard
en sa belle jeunesse, en sa première fleur
Dans ce sonnet, Ronsard rend hommage à Marie de Clèves, sa muse, morte à l'âge de 21 ans. La rose lui sert d'éloge funèbre et d'offrande poétique qu'il dépose sur le tombeau de la défunte qui en rappelle une autre : Marie Dupin, morte jeune elle aussi, en 1573, un an plus tôt.
Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose, En sa belle jeunesse, en sa première fleur, Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose; La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose, Embaumant les jardins et les arbres d’odeur; Mais battue, ou de pluie, ou d’excessive ardeur, Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose. Ainsi en ta première et jeune nouveauté, Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, La Parque t’a tuée, et cendres tu reposes. Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs, Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, Afin que vif et mort, ton corps ne soit que roses.
"Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose", Amours, P. de Ronsard, 1560
10
"Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs", P. de Ronsard
11
Gustave Moreau (1826-1898), "Orphée sur la tombe d'Eurydice", Musée Gustave Moreau
"Bien que ton oeil me fasse une dure escarmouche", P.de Ronsard
Voilà trois ans que Ronsard aime Marie et souffre de sa cruauté. Pourtant, malgré l'anaphore de douleur qui ne le lâche, il ne s'abstient pas du lourd service qu'est celui d'aimer. Mourir pour sa muse le rendrait encore heureux ! Ces motifs pétrarquistes qui jalonnent ce sonnet sont rejoints par une maxime à l'inspiration épicurienne (v.14) et une allusion aux guerre de religion, qui font rage au XVI e siècle.
BIen que ton oeil me fasse une dure escarmouche, Moi vaincu de sa flamme et lui toujours vainqueur ; Bien que depuis trois ans sa cruelle rigueur Me tienne prisonnier de ta beauté farouche ; Bien que son trait meurtrier jusqu'à l'âme me touche Si ne veux-je échapper de si douce langueur, Ne vivre sans avoir ton image en mon coeur, Tes mains dedans ma plaie, et ton nom en ma bouche. Ce m'est extrême honneur de trépasser pour toi, Qui passes de beauté la beauté la plus belle. Un soudard pour gagner son enseigne et sa foi, Meurt bien sur le rempart d'une forte Rochelle. Je mourrai bienheureux s'il te souvient de moi. La mort n'est pas grand mal, c'est choses naturelle.
"Bien que ton oeil me fasse une dure escarmouche", Second livre des Amours : Continuation des Amours : Amours de Marie, sonnet 64, P. de Ronsard, 1578
12
"Bien que son trait meurtrier jusqu'à l'âme me touche", P. de Ronsard
"Moi vaincu de sa flamme et lui toujours vainqueur", P. de Ronsard
"Saint Sébastien" (1525), huile sur toile, Le Sodoma (1477-1549), Florence, Galerie des Offices.
"Vieil homme triste", Vincent Van Gogh (1853-1890), mai 1890, Kröller-Müller Museum, Otterlo
13
"Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie", L. Labé
"Tout en un coup je sèche et je verdoie"
Dans ce sonnet, élégiaque par son registre, antithétique par sa forme, Louise Labé retranscrit avec profondeur et délicatesse les tourments du désir féminin, entraînant ainsi dans son élan l'inversion des regards : cette fois, c'est la femme qui souffre de la cruauté de son amant et non le contraire. Sujet récurrent à son époque, la poétesse cherche à révolutionner la vision de l'amour et la représentation de la femme introduisant de ce fait l'universalité du locuteur.
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ; J’ai chaud extrême en endurant froidure : La vie m’est et trop molle et trop dure. J’ai grands ennuis entremêlés de joie. Tout à un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j’endure ; Mon bien s’en va, et à jamais il dure ; Tout en un coup je sèche et je verdoie. Ainsi Amour inconstamment me mène ; Et, quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me trouve hors de peine. Puis, quand je crois ma joie être certaine, Et être au haut de mon désiré heur, Il me remet en mon premier malheur.
"Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie", sonnet VIII, Oeuvres, L. Labé (1524-1566), 1555
14
"Ainsi Amour inconstamment me mène",L. Labé
15
"Vénus et Cupidon", Titien (1488-1576), entre 1510 et 1515, Wallace Collection de Londres
"Le Cid", Acte I scène 6, Pierre Corneille
La stance suivante tirée du Cid, oeuvre majeure du dramaturge P. Corneille, surgit telle une conséquence du dilemme cornélien posé, et marque le paroxysme de l'intrigue de la pièce. Ce monologue, perçant, poignant, alarmant, déchirant, pousse Don Rodrigue à crier son malheur et accuser son sort : son père, offensé par celui de son amante Chimène, lui demande de le venger. Or, tous ses sentiments, bien que de contraires natures, s'enclavent dans un déchaînement torrentiel : doit-il sauver son honneur et perdre Chimène ? Ou bien doit-il écouter son amour dont il voit la perte assurée ? Tels sont les motifs peints tout au long de ces vers qui mêlent indécision et infortune.
Il vaut mieux courir au trépas. Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père : J’attire en me vengeant sa haine et sa colère ; J’attire ses mépris en ne me vengeant pas. À mon plus doux espoir l’un me rend infidèle, Et l’autre indigne d’elle. Mon mal augmente à le vouloir guérir ; Tout redouble ma peine Allons, mon âme ; et puisqu’il faut mourir, Mourons du moins sans offenser Chimène. Mourir sans tirer ma raison ! Rechercher un trépas si mortel à ma gloire ! Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire D’avoir mal soutenu l’honneur de ma maison ! Respecter un amour dont mon âme égarée Voit la perte assurée ! N’écoutons plus ce penser suborneur, Qui ne sert qu’à ma peine. Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur, Puisqu’après tout il faut perdre Chimène. Oui, mon esprit s’était déçu. Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse : Que je meure au combat, ou meure de tristesse, Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu. Je m’accuse déjà de trop de négligence : Courons à la vengeance ; Et tout honteux d’avoir tant balancé, Ne soyons plus en peine, Puisqu’aujourd’hui mon père est l’offensé, Si l’offenseur est père de Chimène.
Percé jusques au fond du cœur D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle, Misérable vengeur d’une juste querelle, Et malheureux objet d’une injuste rigueur, Je demeure immobile, et mon âme abattue Cède au coup qui me tue. Si près de voir mon feu récompensé, Ô Dieu, l’étrange peine ! En cet affront mon père est l’offensé, Et l’offenseur le père de Chimène ! Que je sens de rudes combats ! Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse : Il faut venger un père, et perdre une maîtresse : L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras. Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, Ou de vivre en infâme, Des deux côtés mon mal est infini. Ô Dieu, l’étrange peine ! Faut-il laisser un affront impuni ? Faut-il punir le père de Chimène ? Père, maîtresse, honneur, amour, Noble et dure contrainte, aimable tyrannie, Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie. L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour. Cher et cruel espoir d’une âme généreuse, Mais ensemble amoureuse, Digne ennemi de mon plus grand bonheur, Fer qui causes ma peine, M’es-tu donné pour venger mon honneur ? M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ?
Portrait de Guillaume Apollinaire, par Maurice de Vlaminck, vers 1904-1905, Ahmanson Building
16
Le Cid, Acte I, scène 6, P. Corneille, (1606-1684), 1636
"Que je meure au combat", P. Corneille
"Achille vainqueur d'Hector" , 1630, par Peter Paul Rubens (1577–1640), musée des Beaux-Arts de Pau
17
"Demain dès l'aube", V.Hugo
Ce poème a été écrit par V.Hugo, le chef de file du romantisme, en 1847. Le poète, romancier et dramaturge perd sa fille Léopoldine et lui rend hômage à travers ses vers, parmis les plus beaux de sa carrière d'écrivain.
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées. Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur. "Demain dès l'aube ", Victor Hugo, Les Contemplations, 1847.
18
Auguste de Châtillon (1808–1881), "Léopoldine au livre d'heures", portrait, 1835-1836
"Demain dès l'aube", 2009, par Denis Cousin (1980-), peintre
Ce tableau est le portrait de Léopoldine Hugo, morte noyée au bas âge de dix-neuf ans, au grand désespoir de son père, l'écrivain Victor Hugo. Ce dernier lui rend hômmage dans son recueil Contemplations, d'où il assiste au trépas filial, impuissant, comme exilé du monde qui les unissait.
"Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne", V.Hugo
19
"La chanson du mal-aimé", G. Apollinaire
Dans cette ode, Apollinaire chante le tourment qui le trouble mais ne le lâche, qui jaillit mais qui demeure, qui l'arrache mais ne meurt. Cherchant dans les rue de Londres sa bien-aimée Annie Playden, rencontrée en Allemagne, il relate l'avoir perdue dans la même patrie. Toutefois, devant la dissonante euphorie qui le touche, réside la chimérique analogie du Phénix - associée à sa muse - qui mourant un soir, revit le matin.
Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s’il meurt un soir Le matin voit sa renaissance. Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu’il me jeta Me fit baisser les yeux de honte Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la Mer Rouge Lui les Hébreux moi Pharaon Que tombent ces vagues de briques Si tu ne fus pas bien aimée Je suis le souverain d’Égypte Sa soeur-épouse son armée Si tu n’es pas l’amour unique Au tournant d’une rue brûlant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent Où se lamentaient les façades Une femme lui ressemblant C’était son regard d’inhumaine La cicatrice à son cou nu Sortit saoule d’une taverne Au moment où je reconnus La fausseté de l’amour même
Adieu faux amour confondu Avec la femme qui s’éloigne Avec celle que j’ai perdue L’année dernière en Allemagne Et que je ne reverrai plus Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d’ahan Ton cours vers d’autres nébuleuses Je me souviens d’une autre année C’était l’aube d’un jour d’avril J’ai chanté ma joie bien-aimée Chanté l’amour à voix virile Au moment d’amour de l’année Guillaume Apollinaire, Alcools, "La chanson du mal-aimé", 1913
Lorsqu’il fut de retour enfin Dans sa patrie le sage Ulysse Son vieux chien de lui se souvint Près d’un tapis de haute liss Sa femme attendait qu’il revînt L’époux royal de Sacontale Las de vaincre se réjouit Quand il la retrouva plus pâle D’attente et d’amour yeux pâlis Caressant sa gazelle mâle
Regrets sur quoi l’enfer se fonde Qu’un ciel d’oubli s’ouvre à mes voeux Pour son baiser les rois du monde Seraient morts les pauvres fameux Pour elle eussent vendu leur ombre J’ai hiverné dans mon passé Revienne le soleil de Pâques Pour chauffer un coeur plus glacé Que les quarante de Sébaste Moins que ma vie martyrisés Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir
J’ai pensé à ces rois heureux Lorsque le faux amour et celle Dont je suis encore amoureux Heurtant leurs ombres infidèles Me rendirent si malheureux
"Le cri", 1910, par Edvard Munch (1863–1944), musée Munch
20
" Je me souviens d’une autre année, c’était l’aube d’un jour d’avril", G. Apollinaire
"Que mon amour à la semblance du beau Phénix s’il meurt un soir le matin voit sa renaissance.", G. Apollinaire
"Mélancolie", Edvard Munch, 1894-1896, Bergen, KODE Art Museums
"Phénix renaissant de ses cendres", enluminure tirée du Bestiaire d'Aberdeen, artiste inconnu, XIIe siècle, Bibliothèque de l'université d'Aberdeen
21
"Ma morte vivante", P. Eluard
"Mes pieds se sont separés de tes pieds, ils n'avancer -ont plus"
A travers ce poème de vers libres, Paul Eluard souhaite rendre hommage à son épouse décédée à l'âge de 40 ans. Le chagrin qu'il éprouve, vif et incessant semble éternel, comme l'indique la reprise anaphorique du verbe "séparer", qui jalonne ces vers et insiste sur la séparation du bonheur et de sa vie.
Dans mon chagrin, rien n’est en mouvement J’attends, personne ne viendra Ni de jour, ni de nuit Ni jamais plus de ce qui fut moi-même Mes yeux se sont séparés de tes yeux Ils perdent leur confiance, ils perdent leur lumière Ma bouche s’est séparée de ta bouche Ma bouche s’est séparée du plaisir Et du sens de l’amour, et du sens de la vie Mes mains se sont séparées de tes mains Mes mains laissent tout échapper Mes pieds se sont séparés de tes pieds Ils n’avanceront plus, il n’y a plus de route Ils ne connaîtront plus mon poids, ni le repos Il m’est donné de voir ma vie finir Avec la tienne Ma vie en ton pouvoir Que j’ai crue infinie Et l’avenir mon seul espoir c’est mon tombeau Pareil au tien cerné d’un monde indifférent J’étais si près de toi que j’ai froid près des autres.
22
"Ma morte vivante", Le temps déborde, Paul Eluard (1895-1952), 1947
"Et l’avenir mon seul espoir c’est mon tombeau", P. Eluard
Cimetière du Père Lachaise, lithographie aquarellée à la main, 1861, dessinée et lithographiée par Sabatier d'après Bayot, lieu inconnu (Paris)
23
ANNEXES
Cette partie ne figure pas dans l'anthologie. Il ne s'agit que d'un ajout personnel destiné à le rendre plus complet du point de vue de l'éditeur.
Les poètes et leur siècle
1895~1952
1802~1885
1524~1566
1880~1918
1606~1684
Le voyageur contemplant une mer de nuages, Caspard David Friedrich (1774-1840), 1818.
Keats à l'écoute du rossignol
L'Ode à un rossignol (Ode to a Nightingale en anglais) est un poème de John Keats écrit en mai 1819. II fait partie de la série dite des six « Odes de 1819 » qui sont publiées dans les Annales des Beaux-arts pour la première fois au mois de juillet 1920.
- Joseph Severn
- Date de parution : 1820
- Du poème "Ode à un rossignol", J.Keats
Clara Peeters (1585-1657), Nature morte avec tazza en vermeil, 1613.
Le Grand Siège de La Rochelle en 1573, Château ducal de Cadillac, artiste inconnu.
Le Mythe d'Orphée
Fils d'un roi de Thrace et de la muse Calliope, Orphée est un musicien prodigieux, capable de charmer même les bêtes sauvages. Il a complété la lyre d'Apollon en lui ajoutant deux cordes, en hommage aux neuf Muses des arts. Une fois revenu en Thrace, il épouse la dryade Eurydice, dont il est éperdument amoureux. Mais elle meurt, piquée par un serpent. Incapable de supporter la vie sans elle, Orphée descend vivant aux Enfers. Il les dieux des Enfers, qu'il supplie de lui rendre sa bien-aimée. Ses chants prodigieux les touchent, et ils accèdent à sa demande, à la condition expresse qu'il marchera devant elle sur le chemin du retour, et qu'il ne se retournera pour la voir sous aucun prétexte avant d'avoir atteint la surface de la terre. Les deux amants remontent vers la lumière, l'un derrière l'autre. Mais soudain, pour une raison sur laquelle les différents poètes du mythe diffèrent, Orphée se retourne vers Eurydice : celle-ci immédiatement est aspirée en arrière, à jamais. Orphée, désespéré, atteint seul la terre des vivants. Son désespoir s'aggrave dès lors, il ne veut plus voir personne, et sa misanthropie devient misogynie. Il refuse toutes les avances, si bien qu'un jour une bande de Ménades en fureur s'en prend à lui et le démembre.
Marie de Clèves, XVIe, artiste inconnu
"Le cri", 1910, par Edvard Munch (1863–1944), musée Munch