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Les jeunes sont tous à l'aise avec les équipements numériques !

Avec Éric Bruillard, enseignant-chercheur dans le champ du numérique et de l’éducation.

10 idées reçues sur le numérique

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Synthèse du contenu de la vidéo L’idée reçue que les jeunes seraient tous à l’aise avec les équipements découle selon Éric Bruillard d’une gêne des adultes, qui sont obligés d’admettre qu’ils sont moins à l’aise avec les technologies que leurs enfants/élèves, et donc leur octroient des compétences numériques innées (digital natives). Or cela est faux, tous les jeunes ne maîtrisent pas les technologies, leur rapport au numérique dépend de variables sociale et psychologique. Les technologies sont un réel marqueur générationnel. Chaque génération est née avec des technologies/cultures numériques différentes. Les nouvelles générations ont développé une culture de la découverte alors que les anciennes générations ont plutôt une culture du mode d’emploi. Les jeunes ont la capacité à apprendre rapidement, ce que les équipes marketing ont bien compris, en diffusant l’idée que les technologies sont intuitives, ce qu’elles ne sont pas. Le système éducatif, conscient de ces nouvelles capacités, se transforme mais attention de ne pas confondre apprentissage et dressage. En effet, lorsqu’il s’agit des usages du numérique, nous tombons dans une culture de l’immédiateté impulsée par les outils numériques. Eric Bruillard parle d’un manque d’enseignement de techniques favorisant l’apprentissage. Cela conduit à un manque de compétences, à des mimétismes de la part des élèves et non pas à une réelle compréhension des mécanismes derrière les technologies, d’où des difficultés à les utiliser en dehors du côté communautaire, ludique et consumériste. L’usage scolaire doit donc permettre une prise de recul, un temps de réflexion avant l’usage de technologies numériques. L’École et les autres temps éducatifs peuvent se permettre de prendre le temps, de détourner les technologies, les explorer sans risque, dans un milieu sécurisé et sécurisant.

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERT

  1. Le numérique n’est pas une simple question technique, elle est aussi culturelle. Il faut mettre en place des lieux d’échanges autour du numérique et des usages.
  2. L’école doit permettre une certaine prise de distance par rapport aux technologies, les élèves doivent expérimenter des phases de production (création de site web, montage d’une vidéo, réalisation de tâches concrètes sur un tableur) et non pas seulement de consommation.
  3. Elle doit également permettre un usage tourné vers la performance mais, dans un univers plus critique, plus détourné. Cela est essentiel à l’apprentissage.
  4. Aussi, l’approche par le droit (dire ce qui est permis, interdit par la loi) n’est pas bonne pour renforcer la maîtrise des outils technologies. Il faut plutôt mener les jeunes à les utiliser, voire les détourner dans différents contextes, dans un cadre sécurisé, pour ensuite en tirer différents apports pédagogiques.
  5. Le rôle de l’école est d’ouvrir les possibles !

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Rien de mieux qu'un écran pour calmer son enfant !

Avec Sophie Jehel - Maîtresse de conférence en Sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 8, laboratoire CEMTI.

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INFORMATIONS CLÉSLa grande majorité des adultes est déjà consciente que ce n’est pas une bonne chose de mettre les tout-petits enfants devant la télévision et autres écrans. Donc bien sûr, le titre de l’épisode, « Rien de mieux qu’un écran pour calmer son enfant » doit être compris avec du second degré. D’où vient cette idée reçue ? Elle a d’abord été diffusée par les responsables de chaînes pour bébé. Par exemple : Baby first, lancée en 2007, avec comme argument de permettre aux parents de profiter d’un dîner entre amis tranquillement, en proposant à leurs enfants des contenus sans violence, avec des couleurs douces, des musiques douces. Ensuite, l’idée que les écrans calmeraient l’enfant est populaire car elle propose une solution technique à des questions éducatives difficiles. Par exemple, faire accepter à un jeune enfant que ses parents ne sont pas disponibles en permanence, ou encore les situations des mères isolées ou au foyer. Notre rapport aux technologies est traversé par une utopie de l’allègement de tâches compliquées par des outils techniques. Cependant, il faut être précautionneux sur les tâches éducatives car l’efficacité de ces outils techniques n’a pas été démontrée. DÉMYSTIFIER LE MYTHE - STATISTIQUES, ÉTUDES, CHIFFRES QUI FONT CONSENSUS :L’O.M.S recommande de ne pas utiliser d’écran avant 2 ans, et au-delà de cet âge l’usage ne doit pas dépasser une heure par jour. Cependant les familles évoluent dans un environnement qui se numérise de plus en plus. La plupart des foyers disposent d’au moins un écran et ils sont souvent équipés de plusieurs appareils numériques.

  • Les parents sont de grands consommateurs d’écrans. Ils les utilisent très largement en présence des enfants. Ainsi, seuls 2% des parents n’en utilisent jamais en leur présence. (Source Étude – La parentalité à l’épreuve du numérique)
  • En 2008, le ministère de la Santé a déclaré qu’il fallait éviter les écrans avant 3 ans, car les objets connectés ne sont pas adaptés à l’intelligence de ce public.
  • Les moins de 2 ans sont peu susceptibles « d’apprendre » des écrans à cet âge : la télévision peut capter l’attention des bébés, mais sans qu’ils puissent s’approprier le contenu du programme. (Source : Être parent à l’ère du numérique 2020, Béatrice Piron)
  • De plus, des chercheurs ont montré que les tout- petits ne peuvent pas comprendre tous les montages. Exemples : flash-back, accélération
  • Une potentielle explication (mais qui suscite encore débat) est que les nourrissons et les très jeunes enfants n’ont pas encore développé les compétences pour transférer un nouvel apprentissage d’une représentation 2D à un objet 3D (de l’écran à la vie réelle). (Sources : Barr R., 2010, Transfer of learning between 2D and 3D sources during infancy: Informing theory and practice 2015, They can interact but can they learn ? Toddlers’ transfer learning from touch-screens and television, Journal of Experimental Child Psychology)
  • En effet, le H.C.S.P (Haut conseil de santé publique) recommande de proscrire les écrans avant l’âge de 3 ans si les conditions d’une interaction parentale ne sont pas réunies, mais aussi d’interdire les écrans 3D pour les enfants âgés de moins 5 ans. (Source H.C.S.P, Effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans.
Le rapport des enfants aux écrans dépend de leur tranche d’âge et par conséquent du stade de développement cognitif.
  • Les enfants d’âge préscolaire (2 à 6 ans)
  • Entre 2 et 6 ans, l’enfant commence à prendre conscience que les écrans sont une fenêtre sur un monde virtuel. Les parents et enfants plus âgés peuvent donc commencer à sensibiliser l’enfant dans un cadre de jeu et d’éveil et l’accompagner dans la découverte de l’environnement réel à travers des images numériques. À cette période, les enfants peuvent également avoir des usages pédagogiques positifs des écrans à l’école maternelle (éveil et exercice des capacités d’attention visuelle sélective, dénombrement, catégorisation, etc.)
  • Les enfants d’âge scolaire (6 à 12 ans)
  • C’est la période de l’école élémentaire et celle du plein essor du développement cognitif (lecture, calcul, notions mathématiques, etc.). À ce stade comme à celui précédent, il faut donc éduquer à une pratique modérée et progressivement autorégulée (dans le sens où l’enfant apprend progressivement à se fixer ses propres limites, avec moins de contrôle de l’adulte), au service du développement cognitif, en préservant l’équilibre et la santé des enfants. Cette éducation doit se faire à la maison comme à l’école.
  • Les adolescents (12 à 18 ans)
  • Les écrans sont désormais omniprésents dans la vie et l’intimité des ados. L’adolescence est une période de grand potentiel cognitif, mais aussi de fragilité émotionnelle. C’est notamment pour cette raison que l’éducation et le contrôle des parents concernant les écrans restent essentiels autant qu’ils l’étaient chez les bébés et enfants.
Source : L’enfant et les écrans - L’Académie des Sciences LES ENJEUX AUTOUR DE CETTE IDÉE REÇUE :La santé et développement de l’enfant
  • Selon plusieurs études reprises par Madame Jehel, les « écrans » (au sens physique du terme) font écran aux relations entre les enfants et les adultes qui s’occupent d’eux (parents, éducateurs,...).
  • Le petit enfant a besoin, pour son développement, de bouger, de se déplacer, d’utiliser ses mains et ses pieds, d’apprendre à parler, et tout cela en interaction réelle avec l’humain qui doit le reprendre, le corriger.
  • Le brouillage des repères du fait de l’interactivité des médias numériques et des smartphones.
  • Il ne faut pas simplifier la distinction qu’il y aurait entre l’écran passif de la télévision et l’écran actif de la tablette. C’est beaucoup plus subtil que ça, des usages autour de la télévision peuvent être tout à fait actifs et au contraire on peut visionner des vidéos passivement sur tablette. Et donc, l’argument « Les tablettes sont plus adaptées aux enfants » n’a aucune validité selon notre experte, qui questionne la valorisation du fait de balayer l’écran avec ses doigts.
  • Sophie Jehel, comme une très grande majorité d’experts du sujet, fait une distinction en fonction de l’âge. À partir de 2 ans, l’audiovisuel peut permettre aux enfants d’acquérir du langage. En effet, selon l’experte le rapport des enfants aux écrans dépend de leur tranche d’âge et par conséquent du stade de développement cognitif.
  • Cependant l’enfant doit exercer d’autres activités (sport, lecture, jeux...), l’important c’est de cultiver la variété.
  • Les enjeux diffèrent selon les milieux sociaux, habitudes et cultures parentales
  • L’experte décèle une différence de position et de pratique vis à vis des outils numériques selon la classe sociale. En effet, les ménages favorisés feront plus attention aux usages, et pourront diversifier les activités de leurs enfants. Ils s’en occupent en général moins longtemps, et peuvent donc concentrer leurs efforts sur ces temps dédiés. L’outil numérique ici est donc bien un potentiel « facilitant » pour les parents, et les parents seuls. Les parents de milieux populaires, y sont logiquement les plus sensibles.
  • Les parents n’achètent pas les mêmes jouets, pas les mêmes livres, ne proposent pas les mêmes activités à leurs enfants selon leurs catégories socio-professionnelles. Ils n’ont pas la même place non plus. Dans les milieux favorisés, on a plus de place, on autorise plus de jouets qui s’entassent un peu partout, alors que dans les milieux plus populaires, les outils numériques sont très pratiques car ils limitent l’encombrement.

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERTE

  1. L’École doit chercher à redonner confiance et aider les parents à trouver des lieux sécurisés, sans média, où leurs enfants peuvent jouer. Les autres acteurs de l’éducation peuvent prendre toute leur part en mettant à disposition eux aussi de tels lieux, en les animant, en intégrant les parents. Il faut tenir compte des horaires, de l’emplacement de ces lieux, de leur communication aux parents.
  2. Il est nécessaire de développer l’éducation à l’image : apprendre à parler avec les images, mettre en parole les images.
  3. Les parents doivent prendre conscience du fait que l’enfant a besoin de relations et d’échanges verbaux avec eux. Ceux-ci doivent donc limiter leur propre temps d’écran pour en passer avec leurs enfants.
  4. Les nouvelles technologies ne doivent pas être pensées comme des objets qui remplacent les activités ludiques traditionnelles. Ils ne les remplacent pas, mais s’y ajoutent. C’est pourquoi il faut varier les activités pratiquées par un enfant, favoriser l’alternance chez le jeune enfant puis à tout âge !
  5. Attention à la « technoférence » : les parents sont eux-même très pris par les écosystèmes de leurs smartphones ou ordinateurs. Or, les enfants ont besoin d’échange verbaux avec les parents donc il faut aussi limiter le temps d’écran des parents. Ce qui ne veut pas dire les supprimer totalement mais simplement savoir quand les utiliser et pourquoi (par ex : regarder la télévision une fois les enfants couchés).

Vrai ou faux ? Le numérique facilite l’apprentissage !

Avec André TRICOT, professeur de psychologie cognitive à l’université Paul Valéry, Montpellier.

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A RETENIR

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INFORMATIONS CLÉSLa permanence des mythes dans le domaine de l’éducation et des outils numériques est peut-être tout simplement liée au fait que la révolution numérique n’est pas un vain mot. C’est une révolution finalement très récente, et encore largement en cours, des technologies de la communication et de la mémoire. On parle souvent de cette révolution en la comparant à l’invention de l’imprimerie ou de l’écriture. Elle ouvre une période fascinante mais aussi complexe, bouleversante. Et elle peut faire peur, car tous les domaines sont concernés : politique, économie, travail, culture et bien sûr l’éducation. Mais les mythes autour des technologies et des apprentissages existaient avant le numérique. À chaque avancée technologique (l’arrivée de la radio, du cinéma et de la télévision, des ordinateurs par exemple), des entrepreneurs et inventeurs ont fantasmé sur la fin des méthodes « traditionnelles » et la révolution des modèles d’apprentissage, qui n’ont pourtant jamais eu lieu. Il y a donc une exagération des enthousiasmes, tout comme il y a une exagération des peurs. Globalement, ce que présente André Tricot dans cette conférence, c’est un paysage contrasté et en évolution. Non, le numérique ne facilite pas directement les apprentissages, mais il peut être un atout dans certaines conditions pédagogiques, ou une contrainte dans d’autres. Le message clé, c’est donc sans doute de modérer à la fois les enthousiasmes et les peurs, et de continuer de cultiver sa culture numérique. DÉMYSTIFIER LE MYTHE - STATISTIQUES, ÉTUDES, CHIFFRES QUI FONT CONSENSUS :Le numérique et les enseignants

  • La préparation des cours est le premier motif d’usage du numérique par les enseignants : ainsi selon l’enquête PROFETIC du ministère de l’Éducation nationale, 92 % des enseignants du 1er degré (enquête 2015) comme du 2nd degré (enquête 2018) déclarent utiliser Internet pour préparer les cours
  • L’enquête internationale TALIS 2018 montre que seuls 14,5 % des enseignants d’école primaire déclarent laisser à chaque séance ou fréquemment, les élèves utiliser les technologies de l’information et de la communication (les T.I.C) pour des projets ou des travaux en classe.
  • Les enseignants de collège sont beaucoup plus nombreux que ceux du 1er degré à déclarer adopter ces pratiques quasi-quotidiennes de classe avec leurs élèves (36,1 %) mais ils semblent encore rester en retrait des pays européens (46,1 %) ou des pays de l’O.C.D.E (52,7 %).
Effets du numérique en terme de co-éducation et de collaboration (source C.N.E.S.C.O 2020)
  • Les E.N.T (espaces numériques de travail) semblent favoriser la collaboration et la coéducation entre parents et professeurs : ils l’enrichissent, la fluidifient et la rendent plus rapide. Mais ils ne résolvent pas les relations difficiles avec les parents éloignés de l’École.
Effets du numérique selon les fonctions pédagogiques visées (source C.N.E.S.C.O 2020 et André Tricot)
  • Des exemples de fonctions pédagogiques où le numérique a des effets plutôt positifs :
    • Rechercher et présenter de l’information ;
    • Produire un texte, un document, seul ou à plusieurs ;
    • Faciliter l’apprentissage des élèves à besoins éducatifs particuliers.
  • Des exemples de fonctions pédagogiques où le numérique a des effets plutôt limités :
    • Regarder une vidéo, une animation ;
    • Regarder / lire un document multimédia ;
    • Jouer.
  • Des exemples de fonctions pédagogiques où le numérique a des effets plutôt négatifs:
    • Lire et comprendre un texte ;
    • Prendre des notes ;
    • Découvrir des concepts abstraits.
Les compétences numériques des enseignants et des parents
  • Côté enseignants : Selon les résultats de l’enquête Talis 2018, 29 % des enseignants de collège s’estiment bien ou très bien préparés dans la formation initiale à son utilisation. C’est le cas de seulement 16 % des enseignants dans le primaire (étude C.N.E.S.C.O 2020)
  • Côté parents : 35 % des répondants non diplômés (étude C.N.E.S.C.O 2020) déclarent avoir des compétences au moins basiques dans l’utilisation de logiciels contre 89 % des diplômés du supérieur. 72 % des peu diplômés déclarent avoir des compétences au moins basiques en recherche d’information par le numérique contre 96 % des diplômés du supérieur.
LES ENJEUX AUTOUR DE CETTE IDÉE REÇUE :La fausse idée que les outils numériques améliorent la motivation des élèves
  • Il existe encore la croyance qu’avec les outils numériques, on peut améliorer la motivation des élèves. Or on sait depuis 20 ans que ce n’est pas le cas. Cela peut améliorer leur intérêt, mais pas leur motivation pour apprendre. Cependant l’école s’intéresse précisément aux apprentissages des élèves. Il n’y a pas d’effets directs entre numérique et motivation. De la même manière, les jeux sérieux ont peu d’effet sur la motivation.
  • Entre outils numériques et apprentissages, le paysage est extrêmement contrasté
  • Si on regarde les outils numériques pour écrire, le paysage est contrasté.
    • Pour l’apprentissage de l’écriture en primaire par exemple, les travaux sont en défaveur des outils numériques, et privilégient l’apprentissage de l’écriture manuscrite ;
    • Si on apprend à produire des textes élaborés au collège, on trouve un immense intérêt au numérique en la présence d’un ordinateur, d’un clavier, et d’un logiciel de traitement de texte pour pouvoir travailler à plusieurs et collaborer sur un même texte. Les recherches montrent que cet effet est particulièrement bénéfique pour les élèves fragiles en situation de handicaps ou ayant des difficultés de français ;
  • Certains résultats d’études ont tendance à évoluer dans le temps vers de meilleurs résultats en faveur des outils numériques. On peut en déduire que les technologies, numériques en l’occurrence, sont mieux employées, et fonctionnent mieux qu’avant ;
  • Il existe des différences entre équipements (ordinateur ou tablette). Par exemple, sur la comparaison de lecture entre écran et papier. Les études sont légèrement défavorables à l’écran. Mais cela dépend du type d’écran, et du type d’ouvrage ;
  • Le numérique n’est pas une solution miracle aux difficultés des élèves. Cependant, il peut favoriser certaines approches pédagogiques qui facilitent l’apprentissage des élèves ;
  • Pour les élèves en situation de handicap, les études montrent des résultats très encourageants depuis 1980. Malheureusement les outils dédiés à ces situations bénéficient de trop peu de recherche, alors que les apports du numérique sont avérés et solides.
  • Dans la relation parents/enseignants
Les études montrent que les outils numériques au service d’une meilleure communication (les E.N.T notamment), contribuent à améliorer, enrichir, fluidifier la relation entre parents, enseignants et collectivités. Ils améliorent les relations avec les parents ayant de bonnes relations avec l’école. Ils ne vont pas améliorer la situation des familles éloignées de l’école. Ce résultat est très important, l’outil numérique seul ne résout pas les problèmes de relations familles/écoles. Sur les besoins de compétences nouvelles pour les citoyens d’un monde numérique
  • La révolution numérique nécessite que les élèves développent de nouvelles compétences dont la coéducation peut favoriser l’acquisition. Il y a des compétences numériques qui relèvent de l’éducation parentale, et d’autres qui relèvent de la mission de l’école ;
  • Une étude a été faite auprès de parents pendant le confinement. Elle montre que les parents ont des attentes vis à vis de l’école en matière de compétences numériques, mais que certaines autres compétences peuvent également relever de l’éducation parentale. Il y a un contraste sur ces perceptions en fonction des compétences numériques propres aux parents ;
  • Pour l’instant, on n’est pas encore capable de faire un lien entre l’apprentissage de la programmation, et la capacité à devenir un citoyen capable de comprendre le monde numérique. Il n’y a pas de résultat probant sur cette question.

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERT

  1. Accepter la révolution numérique pour ce qu’elle est : une révolution récente, encore en cours, qui amène des transformations et un paysage contrasté.
  2. Développer des dispositifs de formation permettant de développer la culture numérique des enseignants, pour qu’ils sachent utiliser les outils numériques lorsque c’est pertinent à leur progression pédagogique.
  3. Sur un certain nombre de sujets (en l’occurrence liés au numérique), se méfier de ses croyances, de ses convictions, et de ses biais de confirmation.

Vrai ou faux ? Les jeunes ne se soucient pas de leur vie privée en ligne !

Avec Laurence CORROY, professeure des universités et spécialiste de l’éducation aux médias.

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DÉMYSTIFIER L’IDÉE REÇUEPour notre experte, l’idée que les jeunes ne se soucieraient pas de leur vie privée en ligne se nourrit de plusieurs constats réels, et de quelques représentations séculaires. Des constats réels...

  • Le premier constat, c’est qu’il y a des usages intenses, voire très intenses des smartphones de la part des jeunes et en particulier des adolescents. L’acquisition de smartphones se fait de plus en plus tôt, et dès 12 ans, les jeunes peuvent donc s’informer, communiquer, se divertir.
  • Le deuxième constat, c’est que des cas de cyberharcèlement ont été très médiatisés, car leurs finalités étaient dramatiques. Cela a créé une peur compréhensible (voir la Mallette de la Coéducation au et par le numérique Thème 4 Fiche N°3).
  • Le troisième constat, c’est le sentiment partagé par la société que les mineurs, la jeunesse sont à protéger. Parce qu’ils sont encore en train de grandir, de se construire, et de consolider leur identité.
...et quelques représentations séculaires
  • « Les jeunes se mettent en danger et mettent en danger les autres ». C’est une idée qui traverse les siècles, sans être forcément justifiée. Elle alimente les peurs d’une jeunesse incontrôlable. Chaque génération a ses marqueurs de peur : une « jeunesse sans foi ni loi », une jeunesse « sauvageonne ». La médiatisation extrême de certains cas alimente cette représentation.
  • « La jeunesse c’était mieux avant ». Dès l’Antiquité, on a des textes qui se plaignent d’une jeunesse moins polie, plus indisciplinée. C’est une nostalgie des adultes qui est largement partagée, ainsi qu’une tendance à enjoliver leur propre passé et leur propre jeunesse. D’où une impression que la jeunesse actuelle va être moins apte que la précédente à faire face aux difficultés qu’elle va rencontrer.
  • À chaque émergence d’un nouveau média, un nouveau discours de peur apparaît (avec plus ou moins de fondement) sur les risques supposés de chaque média : la radio, la presse, la télévision, les jeux-vidéos, Internet. Toutes ces peurs ne sont pas sans fondement, mais penser que les jeunes sont des proies désarmées est trop réducteur, pour notre experte.
La réalité du rapport entretenu par les jeunes avec leur vie privée. Les jeunes ont une conscience aiguë de leur vie privée, et ils s’en inquiètent beaucoup. Ils mettent en place beaucoup de stratégies pour essayer de la protéger. Par exemple :
  • Ils font attention aux photos qu’ils envoient, à qui ils les envoient, et quand ils les envoient. Par ailleurs, ils privilégient l’envoi de messages éphémères.
  • Ils ne se mettent jamais en scène dans des relations intimes (en train de s’embrasser ou poses explicites). Sur Instagram, ils font un gros travail esthétique sur les photos, quitte à utiliser des filtres.
  • Les filles sont encore plus vigilantes, car elles ont plus intériorisé que les garçons qu’elles pouvaient être cyberharcelées, avoir une mauvaise réputation. Elles se sentent surveillées, par les fratries notamment.
Les jeunes savent aussi qu’on ne peut pas tout contrôler. Mais c’est extrêmement mal vu de « screener » une photo sans prévenir l’interlocuteur. Cela peut signifier la fin d’une amitié, preuve que les jeunes prennent leur image au sérieux. Ils font la part des choses entre ce qui est publié publiquement et ce qui est publié dans des groupes intimes, pour partager des choses différentes. AUTRES INFORMATIONS CLÉSUne vraie différence genrée et d’âge Un garçon qui expose sa nudité risque beaucoup moins de représailles si sa photo est partagée. Les filles font quant à elles beaucoup plus attention.Globalement, les lycéens ont bien intégré les risques et les dangers. Il faut sans doute concentrer l’effort sur les collégiens, selon notre experte. En effet, ils comprennent moins bien que c’est grave de partager l’image de quelqu’un sans son consentement (droit à l’image), que ce qui est de l’ordre de l’intime doit absolument le rester. Il y a plus de risques au collège, plus de naïveté. L’exploitation des données personnelles Les jeunes ont bien compris les mécanismes d’exploitation de leurs données personnelles, mais sont défaitistes car ils voient mal comment ils pourraient se défaire de leurs plateformes de socialisation préférées.Les plateformes le savent bien en adoptant des textes de consentement incompréhensibles, longs, peu engageants. Les jeunes sont alors pris dans une situation paradoxale. Ils savent que les plateformes récupèrent leurs données personnelles, mais à un âge où le besoin de socialisation est extrême (on se construit avec les autres, par les autres, pour les autres), c’est très difficile d’y échapper.Ils sont donc hyperconnectés, cherchent à avoir des stratégies de vigilance, avec la conscience que cette vigilance ne sera pas parfaite. Comprendre la permanence des traces Le problème d’Internet, c’est qu’on peut voir émerger des traces laissées deux, trois, cinq ans auparavant. Or un jeune change énormément dans ce laps de temps. Laurence Corroy estime que l’on peut discuter de ces sujets avec des cas qui ont « défrayé la chronique », des exemples qui parleront aux jeunes. Elle prend l’exemple d’une star de téléréalité ou de football qui est rattrapée par ses images de jeunesse.Ces cas, extrêmes rappelons-le, peuvent servir de base de discussion pour comprendre qu’Internet est une sphère publique et que même des messageries privées peuvent être perméables.Il faut particulièrement travailler cette permanence des traces avec les collégiens, car la notion leur est étrangère. Pour les lycéens, il faut travailler particulièrement la question sur les traces orales. Les jeunes ont un usage effréné des vocaux, or ce sont des paroles qui restent, sans qu’ils en aient encore bien conscience. Les jeunes et leurs données personnelles Une donnée personnelle (voir le site de la CNIL et ses ressources pour les pédagogues) correspond à une information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable. Le nom, le numéro de téléphone, la photo, la voix, ce sont des données personnelles. Une donnée sensible va concerner l’opinion religieuse ou philosophique, l’orientation sexuelle, les informations de santé, entre autres.Les droits des jeunes en matière de données personnelles ne sont pas assez connus, et certaines démarches encore très complexes. On peut citer le droit à l’effacement et au déréférencement, le droit d’opposition, le droit de connaître l’utilisation de nos données, d’obtenir les données stockées, etc. Les droits existent donc, mais les adultes ont déjà du mal à les connaître, et les jeunes encore davantage. Le droit à l’oubli et au déréférencement sont particulièrement importants pour les jeunes, il faut qu’ils en aient connaissance. La question de la pornographie sur Internet Selon notre experte, c’est encore l’angle mort de l’Éducation nationale et des parents. Le sujet est difficile à aborder pour les éducateurs. Pourtant, c’est vraiment l’un des grands enjeux en matière d’usages adolescents, qui se retrouvent, souvent sans l’avoir cherché, devant des images qu’ils ne sont pas censés voir.Or, dans un tel sujet, il y a la tentation de la coercition (contrôle parentaux, sécurité, interdictions, etc.), et on oublie trop souvent l’éducation. Il y a donc un effort collectif à faire de la part des éducateurs, probablement des ressources à produire également (voir la Mallette de la Coéducation au et par le numérique Thème 4 Fiche N°4).

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERTE

  1. Changer sa posture d’éducateur : l’approche protectionniste ne fonctionne pas bien. Ce n’est pas le meilleur moyen pour capter l’attention des jeunes. Il vaut mieux partir de leur consommation, sans jugement. Il faut aussi essayer, en tant qu’éducateur, d’abandonner la posture de sachant et se placer comme accompagnant. C’est ainsi qu’on peut susciter une vraie parole et réfléchir, développer un regard critique, ensemble.
  2. Concentrer les efforts d’éducation et de sensibilisation sur les collégiens, qui ont leurs premiers équipements numériques personnels et comprennent moins les questions de vie privée, de droit à l’image, etc.
  3. Travailler la permanence des traces avec les collégiens, et insister sur les traces vocales à tous les niveaux.
  4. Faire mieux connaître les droits des jeunes vis-à-vis de leurs données personnelles : droit à l’oubli, droit à l’effacement notamment (en utilisant les ressources de la CNIL par exemple)
  5. Rappeler aussi les modèles économiques des plateformes utilisées par les jeunes pour comprendre que les données sont le produit de certaines d’entre elles, et pouvoir initier des discussions avec les jeunes.

Vrai ou faux ? Pas besoin d’appareils numérique à l’école, il y en a bien assez à la maison !

Avec Cédric Fluckiger, professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Lille et membre du laboratoire CIREL .

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DÉMYSTIFIER L’IDÉE REÇUEDes familles en moyenne très équipéesLes familles sont relativement bien équipées. Notre expert rappelle d’ailleurs que la numérisation de la société a été extrêmement rapide, comparativement à l’adoption d’autres technologies (réfrigérateurs, télévisions).Statistiquement, les familles avec enfants et adolescents ont toujours été plus équipées en informatique que la moyenne de la population. En revanche, être équipé en appareils numériques n’est pas une garantie de bénéficier de conditions favorables pour réaliser son travail scolaire à la maison (un seul équipement pour plusieurs enfants, ou bien des appareils peu adaptés comme un smartphone). Quelques chiffres sur cet équipement (Source : Baromètre du numérique, édition 2021)

  • En moyenne, 61 % des Français équipés d’un ordinateur, 91 % d’un ordinateur/tablette/smartphone
  • Les 12/17 ans sont quant à eux équipés à 90 % d’un ordinateur, 99 % d’un ordinateur/tablette/smartphone
Dans les établissements, un équipement incomplet mais en hausseDe gros investissements en termes d’équipement numérique dans les établissements scolaires ont été fait par les collectivités territoriales dans les dernières années : tableaux numériques et tablettes notamment. L’équipement continue de progresser dans les écoles. Les données du Ministère de l’Éducation nationale montrent, par ailleurs, une évolution de la place du numérique à l’École de manière générale et une intensification des usages du numérique éducatif en classe de façon particulière. Cette dynamique s’observe entre 2009 et 2019 et se manifeste par :
  • Une augmentation des équipements numériques dans les écoles (nombres d’élèves par ordinateur qui passe de 12 à 7 dans l’élémentaire et de 8 à 3 au collège).
  • Une évolution du pourcentage d’établissements dont le projet fait référence aux TIC (bond de 2 points dans l’élémentaire et le collège en 2009 et 2019).
Entre 2020 et 2022, du fait de la situation sanitaire, ces efforts ont été encore plus importants, notamment via la définition d’un socle d’équipement numérique de base pour les écoles, les collèges et les lycées.Toutefois, Cédric Fluckiger rappelle que toutes les recherches menées montrent l’importance de considérer la formation et l’accompagnement à l’usage des équipements numériques pour que les jeunes en aient un usage pédagogique et scolaire. Il faut donc bien questionner l’intention et les objectifs pédagogiques en amont. Derrière le mot numérique, des appareils et usages très différentsParler de numérique dans la classe (avec une classe mobile* et un tableau numérique interactif*) et parler de la capacité de maintenir une Ecole à distance comme on l’a vu pendant le confinement, ce sont deux choses différentes, derrière le même mot « numérique ». Le numérique est un mot très pratique, selon notre expert, mais utilisé pour mettre derrière la même étiquette des choses très différentes.
  • À l’École, par exemple, le numérique peut consister en des exerciseurs (pour apprendre les mathématiques ou l’histoire), dans le recours à des sites comme Wikipédia ou à des tableaux numériques.
  • Il y a des équipements conçus pour les élèves et d’autres pour les enseignants, des équipements conçus nativement pour l’École ou « scolarisés » dans le sens où ils n’ont pas été conçus initialement pour l’École (ex : le traitement de texte), mais largement utilisés à l’École.
  • Derrière le même mot « numérique » certains y voient dans le contexte scolaire des opportunités d’apprentissage (par exemple l’utilisation d’applications spécifiques pour les élèves dyslexiques*) quand d’autres craignent une intention substitutiste visant à remplacer les enseignants.
Il convient donc de faire attention au mot « numérique » employé ainsi et d’être précis au regard des usages déployés à l’école. Des usages et des équipements très différents à la maison et à l’EcoleLes jeunes ont des usages numériques intenses (voir nos autres conférences). Mais ces usages, souvent récréatifs, ne garantissent aucunement la compréhension des équipements ou des programmes utilisés. Par ailleurs, l’évolution de l’informatique donne l’illusion d’une absence de technicité, de complexité. L’utilisation si simple des outils numériques ne doit pas faire oublier qu’il est nécessaire d’apprendre comment ils fonctionnent pour garder un usage éclairé. Bien que les adolescents aient des usages numériques fluides dans leur grande majorité, ils ne savent pas décrire ce qu’il se passe quand ils utilisent leurs équipements numériques (tout comme l’immense majorité des adultes, d’ailleurs). Ils ne comprennent pas les fonctionnements techniques cachés et ne savent pas décrire les processus mis en œuvre (enregistrer un fichier par exemple).Il y a aussi des différences sociales : presque tous les foyers avec enfants sont équipés d’ordinateurs, mais l’usage fait de ces ordinateurs va dépendre du niveau de compétence et de compréhension des parents. Plutôt que d’opposer l’École et la maison, Cédric Fluckiger propose de distinguer trois sphères d’usage : les usages scolaires, les usages familiaux, et les usages au sein du groupe social des pairs (Tiktok). Ces sphères peuvent se superposer et, souvent, elles s’alimentent mutuellement. L’Ecole peut permettre de soulever le capot de la machineÀ l’École, on change de registre vis à vis des équipements et des usages. Pour notre expert, on passe d’un rapport d’immédiateté à un rapport d’apprentissage.Hors temps scolaire, les jeunes utilisent leurs appareils numériques sans réelle démarche d’apprentissage. Tant que ça marche, ils utilisent, et si ça ne marche pas, ils passent à autre chose. Ils ne vont pas au-delà des usages qu’ils maîtrisent.C’est donc très différent du temps scolaire où la notion d’apprentissage est omniprésente, et même clé. L’École est un lieu de rencontre entre élèves et outils techniques. Ils découvrent des usages dont ils ne sont pas familiers et qu’ils doivent apprendre à maîtriser.C’est également l’occasion pour les jeunes de soulever le capot de l’ordinateur, et de comprendre que c’est une machine : un système que nous pilotons, que nous contrôlons, à qui nous donnons des instructions et qui répond par un résultat. Ils peuvent apprendre par exemple qu’un algorithme, c’est la décision de quelqu’un d’autre. Un enjeu pour l’École : la formation d’une culture scientifique et techniqueNotre expert en est convaincu, les citoyens et citoyennes du 21ème siècle doivent comprendre le monde numérique pour en avoir le meilleur usage possible. Pour Cédric Fluckiger, l’École traite pour le moment la question du numérique uniquement sous l’angle des compétences, pas encore sous l’angle d’une culture. L’École peut dépasser l’évaluation des compétences, et permettre aux élèves de comprendre ce qu’il se passe dans un ordinateur, dans un programme. Par exemple, on peut expliquer ce qu’il se passe réellement lorsqu’on supprime un contenu d’une clé USB (qui, en vérité, n’est pas vraiment effacé) ou encore, comment fonctionnent les algorithmes de certaines applications. Numérique et transformation de l’écoleUn autre enjeu à démystifier, c’est la croyance tenace que l’équipement numérique va changer, transformer l’École. Or, l’idée que la présence d’équipements numériques dans les écoles suffit à susciter des pratiques pédagogiques innovantes n’est pas démontrée. Au contraire, les recherches montrent par exemple que la simple implémentation de tableaux numériques interactifs ne fait pas spécialement progresser les élèves. Cela amène souvent à de la substitution (l’enseignant est toujours face à ses élèves dans une posture de transmission), avec de légères améliorations. Notre conférence avec André Tricot aborde plus précisément les apports du numérique dans les apprentissages. Le numérique peut modifier les pratiques pédagogiques et éducatives à la condition que l’implémentation d’équipements soit accompagnée de temps de formation et d’accompagnement, à la fois pour les professionnels et pour les familles. Il est important de bien comprendre cela pour éviter d’éventuelles et injustes remises en questions liées aux fortes attentes liées au numérique éducatif. Des contraintes à considérerPlusieurs contraintes sont soulevées lors de notre conférence, et rappelées par notre expert.La place des écrans pose question, mais il faut rappeler qu’il existe des initiatives, des ressources, des équipements, qui permettant de faire sans. Robotique, kits d’informatique débranchée, discussions de classes sont quelques exemples d’activités permettant de faire comprendre le monde numérique aux élèves, sans qu’ils aient forcément besoin de matériel individuel et coûteux.La formation des enseignants est également un enjeu crucial, pour permettre de se saisir des enjeux des technologies numériques à l’école. L’objectif des Territoires Numériques Educatifs est précisément de répondre à cet enjeu, mais pas uniquement. Ils offrent également la possibilité d’accéder à des ressources numériques pédagogiques, ainsi que la mise en place d’accompagnement des parents à l’utilisation du numérique scolaire en lien avec les partenaires de l’Ecole.

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERT

  1. Penser l’éducation (au numérique) à la fois par le biais de l’évaluation de la compétence, mais aussi de leur niveau de connaissance et de compréhension.
  2. Profiter du temps scolaire pour travailler la relation « homme/machine », entre les élèves et les équipements numériques.
  3. Penser le déploiement du numérique à l’école sous un angle systémique, et pas seulement comme une dotation en équipement.

Vrai ou faux ? Les élèves ne s'informent plus, ou pire, ils s'informent mal !

avec Anne CORDIER, enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication

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A RETENIR

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Qu’est-ce que s’informer ? Notre experte commence par rappeler que lorsque l’on interroge les jeunes sur leurs pratiques d’information, on doit avoir en tête plusieurs pratiques différentes :

  • De type documentaire. C’est une information d’appétence, de plaisir, qui attire dès le plus jeune âge. On s’informe sur les stars, sur le football, sur des loisirs, mais aussi pour préparer son exposé pour l’école. Ces pratiques doivent être prises en compte et contribuent à l’enrichissement de l’enfant ;
  • De type actualité (politique, sportive, culturelle, nationale, internationale). Ces pratiques arrivent plus tard, plutôt à l’adolescence. Quand on se construit, c’est avec une information de proximité, une information affective qui fait du bien, ce qui n’est pas le cas avec l’information d’actualité. Il y a des distinctions fortes chez les jeunes entre l’actualité dite « sérieuse, grave » (politique, internationale) et leur actualité culturelle, locale.
Les jeunes s’informent beaucoup, et font attention aux sources Selon une étude du Ministère de la Culture sur les comportements informationnels des jeunes :
  • 93 % des 15-34 ans déclarent s’intéresser à l’information, selon une intensité plus ou moins élevée ;
  • 71 % consultent quotidiennement l’actualité sur les réseaux sociaux qui sont le premier mode d’accès à l’information ;
  • 32 % passent uniquement par les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche afin d’accéder à des contenus d’informations en ligne.
Malgré certaines études alarmistes très médiatisées (au détriment de beaucoup d’autres, moins sensationnalistes), Anne Cordier estime que les jeunes interrogés développent une vraie préoccupation autour de la fiabilité de l’information, de la manière d’accorder de la confiance à de l’information.Par ailleurs, pour elle, considérer qu’un adolescent qui doute est un adolescent complotiste est un énorme raccourci, dangereux et dommageable sur le plan éducatif. Les jeunes partagent autour de l’information Notre experte le rappelle : les pratiques informationnelles sont des pratiques sociales. On s’informe pour être en phase avec les autres, pour s’intégrer à plusieurs mondes sociaux. Pour les jeunes, tous les moyens sont bons pour partager et discuter autour de l’information. S’il y a une obsession de l’infomédiation* (voir vocabulaire) par les réseaux sociaux numériques, ce n’est pas le seul canal d’information des jeunes. Ils partagent beaucoup dans les espaces de sociabilité du quotidien: la cour, les espaces de loisir, la rue, les associations, sans oublier la famille. Ils sont nombreux à essayer ensemble de comprendre l’information à laquelle ils sont confrontés. Ils témoignent aussi de la difficulté qu’ils ont à se tenir à l’écart de l’information. Certains sujets sont anxiogènes, mais les mécanismes de partage d’informations entre jeunes rendent très difficile le fait de les éviter. Il y a une injonction à « être au courant ». Selon Anne Cordier, il y a une vraie question à se poser sur le fait que les jeunes ont du mal à aller interroger les adultes sur le contenu des informations qu’ils consultent, sans doute parce qu’ils sont trop souvent jugés, incompris, voire méprisés. Ils créent donc des espaces pour essayer eux-mêmes d’attribuer de la valeur à l’information. Les inégalités face aux pratiques informationnelles Sans verser dans un quelconque misérabilisme, victimisation, ou condescendance, notre experte rappelle que les pratiques informationnelles sont des pratiques culturelles. Tout comme la musique, le sport, la cuisine, ces pratiques sont marquées par des distinctions sociales, voire des rapports de domination. Chez les enfants et les adolescents, on voit très tôt se construire une distinction sociale dans le rapport aux pratiques d’information. Anne Cordier prend l’exemple d’une enquête menée en 2021 auprès de 100 élèves de 3ème et 1ère, de milieux sociaux et de territoires différenciés. L’étude a montré que les élèves de milieux sociaux favorisés avaient une vraie culture des sources* (voir vocabulaire), contrairement à leurs camarades de milieux sociaux populaires. Bien sûr, cela ne veut pas dire que ces derniers n’ont pas de culture, mais ils n’ont pas cette culture spécifique des sources. Il y a aussi dans les pratiques informationnelles de véritables inégalités entre filles et garçons. Les filles sont par exemple persuadées qu’elles ont plus de risques de se méprendre sur une fausse information que les garçons et plus de risques, pour leur image, à partager une fausse information. Il y a donc un sentiment de confiance et d’auto-efficacité chez les garçons qu’on ne retrouve pas chez les filles. C’est une preuve de plus que les pratiques informationnelles sont bien des pratiques culturelles. La culture des sources pour réduire les inégalités La culture scolaire, comme la culture de l’information, sont des cultures de la distinction (entre groupes sociaux). Il y a des sources qui, selon Anne Cordier, doivent être connues car considérées comme étant de « référence » pour la réussite académique : Le Monde, Astrapi, etc. Notre experte indique bien cependant que ces sources ne sont pas « meilleures », ni « plus dignes » que d’autres, moins considérées : Hugo décrypte ou Brut, par exemple.Dès le plus jeune âge, notre experte conseille de cartographier de façon claire les ressources informationnelles, afin de transmettre cette culture des sources très vite, très tôt, et de la travailler tout au long du cursus. Cela permettrait de limiter au maximum les effets d’inégalités sociales qui sont très forts. Il faut ainsi comprendre le fonctionnement de chaque source, être capable de les identifier, de comprendre la politique éditoriale, les intentions, le modèle économique, le public visé, etc. Tout cela constitue la culture des sources. Le rôle de l’éducation aux médias et à l’information Il faut d’abord rappeler que si l’éducation aux médias et à l’information* (EMI, voir vocabulaire) est un système politique mis en place au sein de l’Education nationale (voir la fiche outil « Comment développer l’esprit critique pour agir de manière éclairée ? »), on fait aussi de l’EMI en dehors de l’Éducation nationale, notamment au sein de multiples associations. Il y a pour notre experte des missions différentes en fonction du contexte éducatif. La culture des sources et de l’information est prioritairement à prendre en charge dans l’École, où se trouvent des spécialistes de cette question : les professeurs documentalistes. Pour Anne Cordier, il est important de comprendre qu’il ne suffit pas de produire de l’information (écrire un article ou faire de la webradio) pour acquérir de l’esprit critique ou de la réflexivité. C’est la limite du mythe où l’on « apprend en faisant » (répertorié par André Tricot – voir notre conférence n°3). Ces activités ne permettent pas non plus d’évaluer l’information ou de se poser les questions des intentions de la fabrication de l’information. D’où l’importance du médiateur, et en l’occurrence de l’enseignant. Dans les enquêtes réalisées auprès des jeunes, s’il y a une figure d’autorité en matière d’information qui est systématique, c’est bien celle d’un ou plusieurs enseignants. Les enfants et adolescents savent qu’ils peuvent se référer à leurs enseignants pour vérifier une information. Des rôles pour chacun dans la coéducation aux médias et à l’information Il faut aussi rassurer tout le monde sur son rôle. Ce n’est pas aux parents de transmettre une culture des sources à leurs enfants. C’est le rôle de l’Ecole de favoriser l’égalité en la matière et de concevoir des progressions d’apprentissages pour tous les élèves, tout au long de leur scolarité, autour de cette culture de l’information et des médias, avec des professionnels reconnus. Au sein de la famille, il y a une attitude à développer, car si l’on ne s’intéresse pas à ce que fait son enfant, voire qu’on le dédaigne (« ce n’est pas de l’info très sérieuse », « tu ne fais pas grand-chose d’intéressant sur ton smartphone »), on passe à côté d’une formidable opportunité de coéducation, et d’un moment de partage. D’où le conseil d’Anne Cordier de discuter de l’information avec ses enfants (voir la fiche-outil « Quelles règles de base pour accompagner les usages progressifs du numérique de mon enfant ? »), de témoigner de ses propres doutes de parents, ou de moment d’anxiété face à une actualité pesante. En réponse, cette ouverture permet aux enfants de plus facilement se livrer. Le rapport des jeunes à l’algorithmisation de l’information Depuis quelque temps, les jeunes abordent directement la notion des algorithmes* (voir vocabulaire) lors des entretiens que mène Anne Cordier. C’est un mouvement assez récent qui montre l’impact des politiques éducatives menées ces dernières années pour sensibiliser les jeunes à ces questions (voir la Mallette de la coéducation au et par le numérique parent et professionnel à ce sujet). Cependant, leur compréhension est encore limitée ou caricaturale. Les jeunes savent que les algorithmes existent, mais ils ont encore besoin d’en comprendre le mécanisme. Ils savent qu’ils sont tracés, mais ils ne comprennent pas encore comment les algorithmes utilisent ces traces pour projeter un profil d’information à travers la recommandation algorithmique. Ce travail de compréhension fait désormais partie des programmes scolaires.

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERTE 1. Travailler dès le plus jeune âge la culture des sources, particulièrement à l’école ou au collège, où sont présents des professionnels de cette question : les professeurs documentalistes. 2. Pour tous les éducateurs, créer des espaces de discussion autour des pratiques informationnelles des jeunes. S’intéresser à ce qui les intéresse, à leur canaux d’informations, dans un climat de respect et d’écoute. S’ouvrir également, notamment en tant que parent, sur ses propres doutes, voire sur ses anxiétés face à l’information. 3. Arrêter de rentrer dans la culture de l’information par l’anxiété (la désinformation, l’actualité de guerre ou de crise environnementale). Il faut aussi parler du plaisir de s’informer, de découvrir, d’apprendre.

Vrai ou faux ? Les outils numériques facilitent la vie de tous les parents !

avec Pascal PLANTARD, professeur des universités en Sciences de l’Éducation

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A RETENIR

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  • En finir avec l’imaginaire de la « fracture numérique » À l’instar de nombreux chercheurs, Pascal Plantard remet en cause la réalité scientifique d’une « fracture numérique », terme fourre-tout pour décrire les inégalités dans l’accès aux technologies numériques. Cette expression remonte à un discours de Bill Clinton de 1996, et correspond selon lui à un imaginaire datant de l’époque du déploiement de l’internet. Il faut rappeler qu’à peine 1% des familles américaines étaient alors équipées et connectées à Internet. En France, les premiers chiffres datent de 1998 et comptabilisaient 3% de Français connectés à Internet, contre 85% aujourd’hui. Cet imaginaire d’un internet global auquel tout le monde devrait avoir accès va ensuite être manipulé pour masquer un certain nombre de difficultés (sociales et économiques notamment) derrière une seule formule : la fracture numérique. Des études plus fines vont ensuite permettre de distinguer une fracture numérique de premier niveau (équipement et connexion), de deuxième niveau (capacité à manipuler ces équipements) et de troisième niveau (usages et pratiques). Cependant, aucune de ces définitions ne permet de comprendre de manière satisfaisante la palette des inégalités socio-numériques. En particulier, elles ne permettent pas de comprendre le continuum qu’il y a entre difficultés sociales et pratiques numériques : certaines difficultés sociales peuvent créer des difficultés numériques, et inversement. Par exemple, quelqu’un qui aura du mal avec l’écrit aura du mal avec l’envoi de mails ; et quelqu’un qui aura du mal avec les démarches administratives numériques pourra se trouver en difficulté sociale. Il y a également beaucoup de travaux de recherche sur un second imaginaire qui est lié à celui de la « fracture numérique » : l’imaginaire des « digital natives ». Pascal Plantard parle ici de complexe d’Obélix : les jeunes seraient « tombés dans la marmite étant petits » et n’auraient plus besoin de potion magique pour s’approprier les technologies numériques. C’est bien entendu complètement faux, mais cet imaginaire technologique vient nourrir l’expression de la fracture numérique, qui serait alors une fracture générationnelle. L’explosion des exigences numériques de la vie quotidienne La « dématérialisation* » administrative, dans laquelle rentre l’accompagnement scolaire des familles (via les environnements numériques de travail* ou d’autres outils numériques), est un grand facteur d’inégalité, et constitue un enjeu essentiel. L’accélération des modalités de sollicitations numériques par des plateformes (de l’économie de l’attention*) constitue un deuxième enjeu avec lequel il faut compter. Aujourd’hui, de nombreux algorithmes sont conçus pour être addictifs (ce que les chercheurs en psychologie appellent les «dark patterns*»), ce qui n’était pas le cas il y a encore une vingtaine d’années. D’où une sursollicitation des plateformes et un certain désarroi de nombreux parents, vis-à-vis de leurs propres usages numériques ou de ceux de leurs enfants. Il y a un fort besoin de parentalité numérique, et de nombreuses ressources visant à la renforcer sont heureusement maintenant disponibles en ligne (voir nos Mallettes école et collège). La pandémie de COVID-19 a également permis une prise de conscience générale sur l’ampleur des inégalités numériques liées à la dématérialisation. Alors que ces inégalités étaient rangées dans la catégorie pauvreté/précarité/vieillissement, le confinement a bien montré que finalement, ce n’était pas si simple que ça de vivre au travers des environnements socio-techniques* numériques. Et que ces questions d’inégalité concernaient finalement toute la population. Cette prise de conscience a suscité de nombreuses initiatives, du côté de l’Éducation nationale (d’où la politique des Territoires Numériques Éducatifs), des travailleurs sociaux (d’où le recrutement et la formation accélérés de 4000 Conseillers numériques France Service), de l’éducation populaire et familiale. Le numérique est rapidement devenu un enjeu de démocratie et de justice sociale, comme il est devenu un enjeu de la crise environnementale. Tout cela constitue un contexte sociétal qui favorise une prise de conscience critique des technologies. Des familles bien équipées, mais pas des mêmes équipements ! Plusieurs études montraient (Enquête Capacity, Credoc, INEDUC) déjà avant le confinement, que si les familles populaires sont à peu près autant équipées que les classes moyennes et aisées, elles ne sont pas équipées des mêmes technologies et équipements. Ainsi, on constate dans les familles populaires un recul assez remarquable depuis cinq ans de l’équipement en ordinateurs, encore plus du multi-équipement en ordinateurs, et une prévalence du smartphone. Avec une présence très importante de la télévision et pour les jeunes d’une console de jeux. Cet équipement et leurs usages sont très lié aux modèles parentaux. Autre élément clé : les équipements deviennent individuels. Dans nombre de familles, notamment populaires, les technologies ne sont plus collectives mais confiées aux enfants, aux adolescents notamment, dans leur chambre. Les pratiques numériques finissent donc par être hors de vue des parents. Une sociologie de l’école à la maison qui suit celle des devoirs. Les enquêtes réalisées pendant le confinement ont montré que les pratiques numériques liées au suivi de la scolarité des enfants étaient celles qui s’étaient le plus développées chez les parents concernés. Pendant cette période, 40 % des parents se sont déclarés être très impliqués dans le suivi de la scolarité de leur enfant (données Capuni crise). Ce chiffre de 40 % de très grande implication dans le suivi scolaire ou des devoirs ne s’était jamais vu auparavant ; il y a donc eu un « effet Covid » très important.
  • L’école à la maison via des outils numériques présente une sociologie assez proche de celle du suivi des devoirs :
    • plus de femmes mobilisées ;
    • plus de parents avec des enfants en primaire/collège ;
    • une moindre implication des personnes en situation de difficulté sociale et/ou de précarité économique.
  • Il y a donc un vrai continuum entre le rapport à l’école et le rapport aux technologies numériques, plus marqué par le rapport à l’école. Avec un rapport d’étonnement : les habitants des zones rurales isolées, qui ont été sur-impliqués pendant le confinement, malgré un équipement et une connexion moindres. Pour Pascal Plantard, on voit bien que la densité de la demande scolaire est très importante dans des territoires par ailleurs privés de numérique.Sur les difficultés du suivi, il y avait une discrimination entre difficultés liées au numérique et difficultés liées au suivi scolaire. Plus de mal à comprendre l’école ou le numérique ? Des études ont montré que pour les personnes peu ou pas diplômées, la compréhension des consignes scolaires était plus discriminante (à 38%) que l’accès aux technologies (discriminant à 14%).
La communication numérique entre les familles et l’École Un bond très important de communication entre parents et enseignants a été observé pendant le confinement. On a atteint 95 % d’échanges ponctuels ou habituels, ce qui est très élevé. 78 % des parents du 1er degré disaient par ailleurs que c’était nouveau (Enquête Capuni Crise).La réponse institutionnelle a été plus ou moins adaptée en fonction des territoires. Les environnements numériques de travail diffèrent en fonction des collectivités (commune pour les écoles, département pour les collèges, région pour les lycées). Il existe d’autres outils numériques qui permettent de communiquer, dont certains existent depuis longtemps, et qui ont petit à petit été pris en main par les différents acteurs, jusqu’à devenir rassurants pour une majorité de parents et de personnels enseignants.Pour Pascal Plantard, à partir du moment où l’on s’adresse à des élèves de classes populaires, ou des élèves en situation de stigmatisation scolaire, il faut faire particulièrement attention aux outils de communication. Communiquer par mail ou via des environnements numériques de travail avec des familles qui sont loin de ces cultures (numérique et scolaire) nécessite de la médiation numérique et un accompagnement spécifique. Le rapprochement des parents et des enseignants Pour Pascal Plantard, le principal enjeu des années qui viennent est la parentalité numérique, et la coéducation au numérique, par l’ensemble des acteurs, en commençant par la famille.La communication entre école et familles est à la fois écosystémique (de nombreux acteurs sont concernés) et multiscalaire (à différentes échelles, locale, départementale ou régionale, nationale). Il y a des bassins de vie autour d’établissements scolaires où cette communication a permis de redéfinir les rapports entre l’École et les parents, et de mettre en place des choses formidables, même si à d’autres endroits il ne s’est rien passé.Le confinement a permis un rapprochement inédit entre les parents et les enseignants. Mais ce rapprochement n’est pas gravé dans le marbre, il dépend des écosystèmes qui perdurent ou pas, des moyens qui demeurent ou pas. Sur cet aspect, il faut rappeler l’importance des partenariats entre acteurs, des rencontres régulières, des instances de pilotage. Sortir « du » numérique pour pouvoir éduquer à « des numériques » Pascal Plantard rappelle qu’il n’y pas « de » numérique, en général, mais « des numériques » en particulier. À chaque fois qu’il y a un environnement socio-technique, il se fait dans un contexte social, culturel, territorial qui est très différencié. De la même façon, il y a toujours des usages positifs, comme négatifs, de chaque pan du monde numérique. Pascal Plantard prend l’exemple très actuel des influenceurs et influenceuses sur Tiktok, qui jouent un rôle ambivalent, et différencié en fonction des publics, des situations, des territoires et de leur culture locale. Ces influenceurs et influenceuses peuvent être très problématiques, tout comme ils peuvent être très positifs. C’est parce qu’il y a toujours du bon et du mauvais que Pascal Plantard estime qu’il faut parler de ces numériques à l’école, et dans les autres espaces d’éducation et de médiation.

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERT 1. Renforcer l’éducation au numérique à l’école (ne pas tomber dans le piège selon lequel les jeunes seraient déjà à l’aise avec les outils numériques - voir le webinaire d’Eric Bruillard), au travers de la compréhension de l’informatique et du code. 2. Prendre la mesure du contexte sociétal qui remet en question l’implémentation de certaines technologies numériques, dans certains environnements socio-techniques notamment. 3. Se méfier des fausses représentations des usagers de services publics, en l’occurrence des parents. 4. Créer des lieux de rencontre et mobiliser le terrain pour échanger autour des enjeux que posent les technologies numériques, en utilisant des contenus vidéo comme base d’échange. 5. Encourager des formats de médiation et s’associer à des acteurs qui touchent les familles populaires et éloignées du numérique (les universités populaires, par exemple, sont d’une grande efficacité selon Pascal Plantard).

Vrai ou faux ? Le numérique fait baisser le niveau des élèves !

avec Corentin GONTHIER, professeur des universités en Psychologie

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A RETENIR

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Définir le numérique et les écrans Pour notre expert, il faut commencer par rappeler qu’il n’y a rien de spécifique aux écrans en tant qu’objet qui soit délétère pour l’enfant. Il n’y a rien dans la technologie en elle-même qui soit dangereux. Il faut donc distinguer complètement le média dont on est en train de parler et le contenu qui est présenté dessus. Ce n’est pas la même chose du tout de parler d’écran quand on est sur un jeu vidéo par exemple, ou quand on parle de la télévision. Ce n’est pas du tout la même chose non plus de parler d’une émission télévisée qui pourrait être un documentaire ou une émission pour enfants, par exemple, que de parler d’une comédie pour adultes ou d’un dessin animé. Le type de contenu va avoir des effets différents, forcément, sur la personne qui le regarde et inversement, la personne qui regarde influe évidemment sur le choix du contenu. Les interactions entre la personne et l’écran, la façon dont on appréhende ce qui est présenté à l’écran sont complètement différentes selon qu’on est en train de regarder un documentaire ou une émission télévisée ou en train de jouer un jeu vidéo. Dans les travaux de recherche, chaque technologie numérique est étudiée de façon différenciée. Mais le terme d’écran n’est jamais employé, et même les études qui parlent de « la télévision » sont elles mêmes considérées comme relativement peu fiables parce que, justement, il est important de les distinguer par type de contenu regardé. Le concept d’« écran » n’a donc pas vraiment de sens en tant que tel pour les chercheurs. Définir l’intelligence L’intelligence est un concept qui est très vaste. Il y a plusieurs types de tâches qu’on utilise pour mesurer l’intelligence et qu’on considère de façon peu différenciée. L’intelligence, d’une manière générale, c’est l’aptitude à résoudre des problèmes, en particulier des problèmes complexes. On peut distinguer deux principaux aspects de l’intelligence :

  • l’intelligence fluide (la capacité à résoudre des problèmes nouveaux sur des choses plutôt abstraites, ce que les tests d’intelligence testent en général) ;
  • l’intelligence cristallisée (la quantité de connaissances qu’on a réussi à engranger et notre aptitude à résoudre des problèmes en utilisant ces connaissances).
Aucune baisse d’intelligence en FranceIl n’y a pas de baisse de l’intelligence en France. Sur le plan des aptitudes cognitives (le fonctionnement du cerveau), des performances des personnes dans les tâches d’intelligence, il n’y a aucune évolution en moyenne en France aujourd’hui, ni positive ni négative. Globalement, le niveau d’intelligence moyen est stable depuis plusieurs générations, plusieurs décennies.Pendant la plus grande partie du XXe siècle, les performances d’intelligence moyenne avaient tendance à augmenter de génération en génération. C’est ce qu’on appelle l’effet Flynn1. Si l’intelligence a beaucoup augmenté pendant le XXe siècle, c’est parce que les conditions environnementales et les conditions de vie se sont améliorées, notamment grâce à la massification de l’éducation et à l’accès à une meilleure alimentation. Ce n’est pas un effet génétique, mais environnemental.De la même façon, si cet effet d’augmentation de l’intelligence s’est ralenti, voire interrompu, c’est parce que les conditions environnementales ont arrêté de s’améliorer, comme elles l’ont fait pendant la plus grande partie du XXe siècle. C’est du moins le cas dans les pays les plus développés ; l’effet Flynn joue toujours à plein dans les pays en voie de développement. Le niveau de l’intelligence ne détermine pas le niveau scolaire.Il faut différencier l’évolution de l’intelligence (qui donc ne décline pas), et celle du niveau scolaire, qui est en fait un tout autre enjeu. Concernant la place de la France dans les enquêtes PISA par exemple : si une baisse se confirme dans certaines disciplines (du niveau de mathématiques, de la compréhension de l'écrit), on a la certitude que ce n’est pas dû à une baisse du niveau d’aptitude cognitive des élèves. Autrement dit, si le niveau des élèves se dégrade, ce n’est pas parce que les élèves sont de moins en moins intelligents. En tout cas, ils ont de meilleures performances intellectuelles que les élèves d’il y a 90 ans par exemple. Pourquoi de telles craintes sur le déclin de l’intelligence ?Le déclin de l’intelligence est un sujet qui a été très médiatisé. On peut mentionner le film Demain tous crétins, diffusé en 2017 sur Arte, et qui a bénéficié d’un large public. Il y a également eu plusieurs livres à succès sur ce sujet. Il y a effectivement une seule et unique recherche qui a dit que l’intelligence baissait en France, donc ces craintes sont parties de là. Cette recherche portait sur un échantillon très faible de personnes, d’une part, et présentait une baisse de score uniquement sur d’anciens tests d’intelligence cristallisée, pas sur les tests d’intelligence fluide. Cette baisse de score s’expliquait donc simplement par des évolutions sociétales qui font bouger les connaissances, et auraient nécessité des tests d’intelligence actualisés.Pour Corentin Gonthier, il peut aussi y avoir un agenda politique, avec une crainte susceptible de devenir une panique morale : « si l’intelligence s’effondre, c’est horrible. Il faut faire quelque chose, tout de suite, et trouver des coupables. » Pour certains les coupables sont à chercher du coté de l'immigration, pour d'autres du côté des réformes de l'orthographe, d’où l’importance pour notre auteur de rappeler qu’il n’y a aucun déclin de l’intelligence et qu’il s’agit bien d’un consensus scientifique. Les effets des technologies numériques sur l’intelligence Selon notre expert, les craintes sur les effets du numérique sur l’intelligence participent d’un mouvement global de diabolisation des nouvelles technologies. L’histoire de ces paniques morales liées à de nouvelles technologies permet de multiplier des exemples précédents. Par exemple, il y a eu une panique morale sur le train avec l’idée que les gens allaient tomber très malades à cause du déplacement, trop rapide. Que les images qui défilent sur nos rétines allaient abîmer les yeux, ou encore que le changement rapide de climat, en passant d’une région à une autre, allait abîmer les poumons. Autre exemple, beaucoup d’intellectuels étaient terrifiés par l’écriture SMS en disant qu’à force de l’utiliser, les jeunes ne sauraient plus parler français correctement. Des études ont depuis été menées à grande échelle sur cette question et montrent que les jeunes qui écrivent en langage SMS sont en moyenne un peu meilleurs en orthographe que les autres. En effet, cela demande de réfléchir à la phonétique de façon assez fine, ce qui rend ses utilisateurs plus conscients des assemblages de phonèmes dans les mots. La télévision : aucun impact significatif sur l’intelligenceLa télévision a très peu d’impact sur les fonctions intellectuelles supérieures. Globalement, sur l’intelligence, aucun ou quasiment aucun impact. Sur l’attention, pratiquement rien non plus. Il n’y a aucune étude qui montre un impact massif de la télévision sur la performance cognitive, ou sur quelque activité cognitive que ce soit. Il y a des petits effets bénéfiques, en particulier pour les programmes éducatifs. C’est d’autant plus vrai que la télévision est étayée par les parents ou regardée avec eux. Les enfants, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ont tendance à être assez actifs devant la télévision (voir nos ressources « Idées reçues N°2 »). Ce n’est pas quelque chose d’hypnotique, devant laquelle l’enfant reste assis avec son cerveau éteint pendant toute la durée du visionnage. Les enfants ont tendance à sélectionner les contenus qu’ils ont envie de voir et quand ils le regardent, ils font des hypothèses, essayent d’anticiper ce qui va se passer, de décider qui est le gentil ou le méchant. Ils se posent des questions sur les situations en cours, sur ce que signifient des mots de vocabulaire qu’ils ne connaissent pas. Évidemment, tout dépend là encore du type de programme, et de l’âge de l’enfant. Il faut des contenus adaptés à l’âge de l’enfant. Les jeux vidéo : des effets microscopiques mais positifsSur le plan cognitif, les seuls effets vraiment avérés des jeux vidéo sont positifs, c’est-à-dire que le fait de jouer à des jeux vidéo a tendance à plutôt développer les compétences attentionnelles, à développer le fait d’arriver à bien se repérer dans l’espace. Les effets sur l’intelligence en elle-même sont toutefois vraiment négligeables.En moyenne, il n’y a rien qui suggère que le fait de jouer à des jeux vidéo fasse baisser l’intelligence ou l’attention. C’est même plutôt l’inverse (voir la fiche de la Mallette de la Coéducation au et par le numérique à ce sujet). On parle d’activités ou de loisirs qui rendent assez actifs, même si là encore, tout dépend du jeu vidéo. Les réseaux sociaux : pas d’études à ce jour Des études sur les réseaux sociaux et l’intelligence, la mémoire, la concentration, les aptitudes cognitives en général, n’existent pas encore. Pour notre expert, les réseaux sociaux sont un vecteur de socialisation comme un autre. Après, si c’est vrai des réseaux sociaux comme ça l’est des autres outils numériques, on a évoqué l’impact soit positif soit négatif selon l’usage qu’on en fait (voir nos ressources « Idées reçues N°4 »). Cela renvoie encore à la question du type de contenus. Un jeune qui est producteur de contenus sur TikTok et qui passe des heures à réfléchir à ce qu’il va raconter, à faire un plan du discours qu’il va présenter, à mettre en scène l’environnement dans lequel il va le présenter, c’est un jeune qui est actif dans une démarche qui le met en jeu. Intellectuellement, c’est plutôt positif selon Corentin Gonthier. En revanche, un jeune qui passe des heures à faire du doom-scrolling et à regarder des contenus négatifs, évidemment, peut s’attendre à un impact négatif sur sa santé mentale.

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERT 1. Pas de panique au sujet des écrans, qui n’ont pas d’effet négatif en tant que tel : il n’est pas nécessaire de manifester une inquiétude constante et d’avoir une attitude anxiogène pour les jeunes. 2. Faire attention aux contenus diffusés pour qu’ils soient adaptés aux enfants (leur âge, leur niveau linguistique, leur sensibilité, etc.) : pas d’écran avec un contenu que l’enfant n’est pas capable de comprendre et qui va juste lui occuper les yeux, sans mettre en jeu son activité intellectuelle. 3. Reconnaître qu’il y a plusieurs types de supports numériques qui peuvent avoir un effet bénéfique: ceux qui présentent un contenu éducatif, mais aussi ceux qui permettent la création de lien social avec d’autres jeunes, la présentation d’un message positif, l’ouverture d’esprit sur le monde... 4. Toujours varier les activités et les supports : il est préférable de confronter le jeune à différents supports numériques, ainsi qu’à des activités non numériques. 5. Rendre l’enfant acteur autant que possible : soit en privilégiant des supports numériques interactifs, soit en s’intéressant aux usages et pratiques des jeunes (discuter, expliquer, questionner, faire du lien, mettre en perspective les contenus). 6. Rester vigilant quant aux conséquences négatives indirectes qui pourraient découler des activités sur écran : effets sur la santé physique (obésité en encourageant la sédentarité, manque de sommeil avec des activités tardives), effets sur la santé mentale (harcèlement sur les réseaux sociaux...).

A RETENIR

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Vrai ou faux ? Le numérique c'est que pour les garçons !

avec Anne SIEGEL,directrice de recherche au CNRS en informatique

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L’histoire de l’informatique est jalonnée de femmes ! De nombreuses chercheuses sont revenues sur l’histoire du numérique, et elles ont constaté que les fondatrices dans l’informatique, les pionnières, étaient... des femmes. Les premières codeuses étaient des femmes (Ada Lovelace conçoit le premier algorithme autour de 1850). Les premières thèses de doctorat en informatique ont été soutenues par des femmes, en France (Marion Créhange en 1961) et aux États-Unis (Mary Kenneth Keller en 1955). Dans les années 1950, les personnes qui faisaient du calcul et de l’informatique, étaient autant des femmes que des hommes. Mais c’était un temps où le domaine n’était pas très reconnu (peu de formations, peu d’argent). Puis est arrivé le micro-ordinateur dans les années 1980, qui a ouvert la voie à un potentiel de croissance économique énorme. À ce moment-là, le nombre de femmes est resté constant, mais comme l’a constaté Isabelle Collet dans ses recherches (voir son livre dans les ressources), « ce sont les hommes qui sont arrivés massivement », comme souvent dans l’histoire, la contribution des femmes a alors fait l’objet d’un processus d’invisibilisation. Le numérique, ce n’est pas que du code informatique Autre facteur d’explication : la représentation de l’informatique a évolué dans les années 1980-1990. L’informatique et les algorithmes1, étaient en lien avec des formalismes mathématiques, assez abstraits et théoriques, sur lesquels les femmes investissaient de manière équivalente aux hommes. Lorsque le domaine est devenu beaucoup plus valorisé économiquement, les acteurs du domaine ont mis en avant des compétences beaucoup plus techniques, en lien avec le matériel ou le code. La perception de ces métiers dans notre société est alors devenue beaucoup plus masculine. Il y a un imaginaire qui dit que puisque la programmation est valorisée, et bien payée, c’est un domaine réservé aux hommes. C’est évidemment faux. Un autre imaginaire dit que dans les entreprises du numérique, il est valorisé de mettre les « mains dans le cambouis, dans le code ». De manière contre-intuitive, Anne Siegel rappelle que « plus on est éloigné du clavier, plus on a de l’importance et de l’impact. Et plus on est payé » : ce n’est pas parce qu’on a les mains sur le clavier qu’on est le plus important. La conception d’un algorithme est plus importante que sa programmation sous forme de code et la manière d’en exploiter les résultats l’est encore plus. Le numérique, c’est du matériel, des algorithmes, des mathématiques, des usages, de l’utilisation et de l’exploitation des données. Le numérique est partout et ce n’est pas que du code, c’est un domaine bien plus large : il suffit de penser à la médecine du futur qui sera basée sur du numérique, ou encore à la robotique, aux capteurs de données si importants pour comprendre le réchauffement climatique, aux bornes d’accueil des espaces publics, etc. Mais… les femmes sont effectivement sous-représentées dans les filières de l’industrie numérique Les femmes représentent 23 % des salariées dans les métiers du numérique en général. Mais, comme évoqué par Anne Siegel, la part des femmes est plus ou moins faible selon les domaines, et particulièrement faible dans les métiers techniques ou relatifs au matériel, aux infrastructures. Ainsi, elles représentent :

  • 45 % des salariées dans les métiers de l’analyse des données et de l’intelligence artificielle ;
  • 17 % des salariées dans les métiers de la programmation et du développement ;
  • 9 % des salariées dans les métiers infrastructure et réseaux.
(Source : Insee Recrutement 2017 – Chiffres clés Femme@numérique) De nombreux stéréotypes de genre éloignent les femmes du numérique Il faut insister sur le fait que beaucoup de stéréotypes sont sociétaux et non spécifiques au numérique. Par exemple, le fait que ce soit aux hommes de gagner de l’argent, et aux femmes de prendre soin de la famille. Aux hommes donc les ambitions professionnelles, les carrières qui permettent de gagner de l’argent. Aux femmes, celles qui permettent de concilier travail et vie de famille. Certains stéréotypes sont plus spécifiques. Des études (comme celles de Clémence Perronnet, voir ressources) ont montré que de nombreuses jeunes filles aimaient les sciences avant d’entrer au collège, voulaient en faire leur métier, mais finissaient par se décourager, sans qu’on comprenne encore exactement pourquoi. Est-ce parce qu’on sur-incite les garçons à choisir des parcours scientifiques ? Est-ce qu’on manque de représentation des femmes dans ces filières pour montrer des rôles modèles ? Il n’y a pas encore de réponses exactes à ces questions. Ces mêmes stéréotypes se retrouvent au moment de l’orientation. Au lycée, les filles sont naturellement incitées à aller vers les filières du soin, de la préservation de la planète. Pas trop vers les technologies, pas trop vers les maths ou l’abstraction. Or ce sont bien ces filières qui amènent vers l’industrie numérique. Un algorithme reproduit les opérations tel qu’on l’a programmé Le fait que la plupart des algorithmes soient aujourd’hui programmés par des hommes (par ailleurs souvent des hommes blancs et d’origine sociale privilégiée) introduit des biais2, en particulier sur des programmes d’interface ou de code inscrit en dur avec des séquences d’instructions. Par exemple, sur une interface web vous permettant de réserver un billet de train, il vous est systématiquement demandé votre sexe, et l’interface propose en priorité « homme » devant « femme », alors que la lettre « f » vient avant la lettre « h ». On peut aussi penser aux applications de suivi de santé qui existent depuis des années mais qui ne proposent que depuis très récemment le suivi des menstruations. Ce sont bien les concepteurs des programmes informatiques qui décident en partie des usages. Les algorithmes d’intelligence artificielle reproduisent et renforcent des inégalités sociétales Les algorithmes basés sur l’intelligence artificielle sont un peu différents parce que cette fois on ne donne pas toutes les instructions à la machine, on lui demande d’explorer des ensembles de données pour en extraire des caractéristiques communes. Sauf que les données, issues des statistiques par exemple, reflètent une société pétrie d’inégalités entre femmes et hommes, riches et pauvres, noirs et blancs, etc. Ces algorithmes, s’ils ne sont pas bien contrôlés ensuite, peuvent donc tout à fait renforcer des inégalités sociales. D’où l’importance d’avoir des algorithmes transparents et susceptibles d’être audités. Et c’est pour ça qu’il y a tant besoin de diversité dans les recrutements de l’industrie numérique, que ce soit en origine ethnique, sociale ou de genre. C’est pour être capable justement d’aller chercher de l’information et de compenser les biais présents dans les ensembles de données, mais aussi dans la conception des algorithmes.

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERT 1. Accepter que les stéréotypes existent et ne disparaîtront jamais totalement, et donc rester vigilant, interroger ces représentations et ces stéréotypes en permanence. 2. Travailler à une représentation beaucoup plus large du périmètre du numérique : le numérique c’est toute une industrie qui ne repose pas que sur du code informatique ou sur une infrastructure matérielle, mais aussi des aides algorithmiques, de la cybersécurité, du calcul écoresponsable, de la bio-informatique, de la modélisation du climat, de la médecine numérique avec des coeurs artificiels, etc. 3. Expliquer ce à quoi sert le numérique concrètement, explorer la diversité des métiers, et aborder ses enjeux éthiques. 4. Travailler sur l’orientation, et s’appuyer sur les (très nombreuses) ressources de l’ONISEP (voir ressources plus bas). 5. Lorsqu’on mobilise des « rôles modèles », s’attacher à identifier des profils accessibles, des personnes incarnées, vivantes, normales, qui s’amusent et sont passionnées.

A RETENIR

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avec Jocelyn LACHANCE,Maître de conférences HDR en sociologie

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Vrai ou faux ? Le cyber harcèlement, c'est la faute des réseaux sociaux !

LES GRANDS CONSEILS DE L’EXPERT 1. Dans les campagnes de sensibilisation, expliciter à la fois la définition des violences et du harcèlement, et aider les jeunes à comprendre les règles qu’on ne peut pas dépasser.2. Travailler très tôt les compétences psychosociales (dont l’empathie fait partie), car c’est l’une des meilleures préventions contre les phénomènes de violences.3. Explorer et tenter de dépasser les contradictions de notre société, qui est parfois violente, avec des rapports entre adultes qui sont eux aussi parfois violents (y compris autour des enfants).4. Envisager le harcèlement comme un sujet sociétal qui n’est ni limité aux jeunes, ni aux réseaux sociaux, ni au cadre scolaire. C’est un phénomène hybride. 5. Ne pas négliger le travail autour des auteurs de violence, et dépasser la menace coercitive pour comprendre le mal-être et la souffrance qui poussent à des actes de violence. Se faire aider de la communauté éducative au sens large (infirmières scolaires, psychologues, etc.)

Trois dimensions pour définir le harcèlement, une notion encore floue Pour définir le harcèlement (1), notre expert estime qu’il faut compter au moins sur trois dimensions : d’abord, un acte malveillant dans le but de nuire, une intentionnalité de la part de l’auteur. Ensuite, il y a une répétition de l’acte, et avec les réseaux sociaux, une continuité de l’acte (il peut se dérouler à n’importe quel moment de la journée, y compris quand la victime est chez elle). Et enfin, il y a un impact psychologique visible au travers de signaux faibles et forts auprès des victimes de harcèlement. Pour Jocelyn Lachance, qui se base sur une grande enquête quantitative réalisée auprès de 7 000 collégiens et lycéens au Pays Basque (source), il reste un sujet de définition autour du harcèlement, que beaucoup de jeunes (et moins jeunes) ne savent pas précisément délimiter. D’où l’importance, pour notre expert, d’élargir le spectre à l’ensemble des violences (2), pour ne pas laisser passer d’autres formes de violences, qui ne seraient pas identifiées comme du harcèlement par les auteurs ou leurs victimes. Cyberharcèlement ou harcèlement tout court ?Lorsqu’on parle de cyberharcèlement (3), un risque est de cantonner le harcèlement aux réseaux sociaux et d’en faire en fait un phénomène qui ne serait qu’exclusivement lié à l’usage des réseaux sociaux. Cette confusion est aujourd’hui fréquente chez beaucoup de professionnels et de parents. Or le harcèlement dépasse bien sûr la sphère des réseaux sociaux : il peut se dérouler dans tous les espaces publics et privés. Il y a une connivence entre ce qui se passe sur les réseaux sociaux et dans les espaces physiques. Selon notre expert, comme pour beaucoup de phénomènes liés aux réseaux sociaux, il y a une continuité dans les espaces physiques. Avec les réseaux sociaux numériques, le harcèlement devient, d’une certaine manière, hybride. Pour Jocelyn Lachance, il vaut mieux parler d’un « harcèlement qui utilise les réseaux sociaux », et considérer deux réalités. La première, c’est que l’impact psychologique de ce harcèlement est encore plus fort que ce qu’on a pu voir dans des schémas classiques ou traditionnels de harcèlement. La deuxième réalité, c’est que ce harcèlement laisse des traces visibles, auxquelles les adultes peuvent avoir accès. Avec le « cyberharcèlement », on semble redécouvrir collectivement le harcèlement. Alors qu’au fond, la mise en visibilité par Internet et les réseaux sociaux permet surtout de reparler d’un phénomène, le harcèlement, qui a toujours été présent dans les sociétés. Ainsi, des études très documentées sont publiées dès les années 70, avec notamment le travail du psychologue Dan Olweus, grand spécialiste du sujet (source). Le harcèlement, une affaire de jeunes, d’école, et de réseaux sociaux ? D’après le site de l’Organisation internationale du travail, « plus d’une personne sur cinq (soit près de 23%) des personnes ayant un emploi ont subi de la violence ou du harcèlement au travail » (source). Des chiffres qui sont assez proches de ceux de l’association e-Enfance, pour qui « 20 % des 6/18 ans ont déjà été confrontés à une situation de cyberharcèlement ». Pour notre expert, il est très important de comprendre que le harcèlement n’est pas une affaire de jeunes, mais un phénomène sociétal qui dépasse à la fois les réseaux sociaux et les questions de générations. Et cela doit nous interpeller : quelle est l’origine de ces phénomènes de harcèlement ? Est-ce que ce sont les réseaux sociaux, ou des modèles de société ? Ce sont des questions complexes. Pour Jocelyn Lachance, on peut dire aujourd’hui avec prudence que les réseaux sociaux ne sont pas responsables du harcèlement, mais sont un facilitateur et une potentielle forme aggravante (par certaines de leurs caractéristiques : le caractère répété des violences par différents auteurs, la continuité de ces violences à tout moment de la journée, etc.). De la même manière, il est également important de ne pas délimiter le harcèlement à une spatio-temporalité scolaire (on parle de « harcèlement, ou de violence scolaire »), car bien sûr, lorsqu’il y a de la violence entre les jeunes, cette violence se passent là où ils se trouvent : à l’école (où ils passent une grande partie de leur temps), mais aussi hors de l’école, dans des lieux publics ou privés, dans les familles, etc... L’expérimentation adolescente peut se transformer en harcèlement L’adolescence est le moment par excellence de l’expérimentation, passage obligé pour arriver à se positionner face à de multiples injonctions sociétales et parentales, et d’une certaine manière, pour devenir adulte. Les réseaux sociaux sont ainsi devenus « un formidable terrain d’expérimentation » pour les jeunes. Cela permet d’expérimenter des choses très positives autour de son identité (tester différentes versions de soi-même), mais aussi de tester certaines limites. Dans beaucoup de cas de harcèlement, les jeunes vont dire que « c’était pour rire », « c’était de l’humour », qu’ils ne « faisaient que plaisanter ». Et certains d’entre eux sont complètement honnêtes.Il est également important de dire qu’heureusement, il y a une forte autorégulation entre les jeunes, des limites qui se créent naturellement et qui sont ensuite respectées par l’immense majorité d’entre eux. Ce n’est donc pas un territoire de non-droit comme certains peuvent le dire, mais un territoire auto-régulé, avec ses zones grises et donc ces fameuses marges d’expérimentation. Les auteurs de violences, un angle mort de la lutte contre le harcèlement Pour Jocelyn Lachance, l’origine du harcèlement, c’est la souffrance des auteurs. Ce sont donc des jeunes qui sont mal dans leur peau et qui, pour différentes raisons de quête de reconnaissance, pour se sentir exister, vont rentrer dans des logiques de harcèlement. Il y a donc un gros travail à accomplir vis-à-vis de ces auteurs. S’il faut bien sûr aborder la question du harcèlement avec les victimes, et travailler sur le rôle des témoins, comment détecter et anticiper le risque auprès des auteurs potentiels ? Aujourd’hui, on se contente souvent de mesures de coercition, et donc d’un rappel de la loi (le harcèlement est un délit), d’un rappel à l’ordre en cas de premières manifestations de violence. Mais si l’origine du harcèlement, c’est la souffrance et le mal-être des auteurs, notre expert estime que ce sera peu efficace et donc insuffisant. Définir et reconnaître collectivement le harcèlement pour commencer à réparer On peut considérer qu’une situation de harcèlement se passe entre trois types de personnes (auteur, victime, témoin). Mais on peut aussi concevoir, comme Catherine Blaya et d’autres, le harcèlement comme quelque chose de systémique. Ce qui veut dire que toutes les personnes plus au moins proche de l’acte de harcèlement font partie à la fois du problème et de la solution. Comme on le voit dans les techniques de réparation, le harcèlement disparaît à partir du moment où tous les acteurs autour de l’acte de harcèlement, donc pas seulement auteurs et victimes directement concernés, mais aussi les témoins ou alliés, les enseignants, proviseurs, parents de la victime et de l’auteur, vont s’entendre sur une définition commune de ce qui s’est passé (voir à ce sujet la Mallette de la Coéducation au et par le numérique : fiche parent et fiche professionnel).