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Lecture linéaire Vénus anadyomène

Emilie Mathé

Created on October 12, 2023

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Transcript

Lecture linéaire n°... "Vénus anadyomène" Cahiers de Douai, A. Rimbaud

La Naissance de Vénus, Sandro Botticelli, 1485

Vénus anadyomène1er mouvement- L'émergence de la tête Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête De femme à cheveux bruns fortement pommadés D’une vieille baignoire émerge, lente et bête, Avec des déficits assez mal ravaudés ;

La Naissance de Vénus , Alexandre Cabanel, 1863

Vénus anadyomène1er mouvement- L'émergence de la tête Comme d’un cercueil vert en fer blanc, une tête De femme à cheveux bruns fortement pommadés D’une vieille baignoire émerge, lente et bête, Avec des déficits assez mal ravaudés ;

La Naissance de Vénus , Alexandre Cabanel, 1863

2ème mouvement- l'émergence du corps Puis le col gras et gris, les larges omoplates Qui saillent ; le dos court qui rentre et qui ressort ; Puis les rondeurs des reins semblent prendre l’essor ; La graisse sous la peau paraît en feuilles plates ;

Vénus anadyomène. Ingres (entre 1808 et 1848).

3ème mouvement: une description sensorielle L’échine est un peu rouge, et le tout sent un goûtHorrible étrangement ; on remarque surtout Des singularités qu’il faut voir à la loupe…

Die Geburt der Venus, Eduard Steinbrück, 1846

4ème mouvement: une chute audacieuse Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ;– Et tout ce corps remue et tend sa large croupe Belle hideusement d’un ulcère à l’anus.

Vénus anadyomène, Théodore Chassériau, 1838

Naissance de Vénus, Fritz Zuber-Bühler, 1877

La femme, à l'inverse de la déesse, tente de dissimuler ses défauts par des artifices en matière de coiffure (« cheveux bruns fortement pommadés ») et de maquillage (« assez mal ravaudés »). Mais l’ensemble est maladroit et peu convaincant, comme le suggère, à chaque fois, l’utilisation des adverbes péjoratifs "fortement" et "assez mal".

Enfin, à la laideur de la feme s'ajoute la maladie avec le terme "ulcère" : c'est donc bien une image de mort et non une image liée à la naissance qui traverse ce contre-blason.

L’expression « le tout », qui désigne ici l’ensemble du corps, contribue à réifier la femme : elle devient un simple objet que l’on décrit.

L'utilisation du déterminant démonstratif "ce" crée une distance hautaine avec cette femme, qui disparait d'ailleurs derrière son corps monstrueux, comme le laisse comprendre l'association avec le déterminant indéfini "tout" dans "tout ce corps" : elle n'existe plus en tant qu'être, en tant que femme.

La découverte finale de cet « anus » indécent est mis en valeur par le tiret qui débute le vers 13, l’enjambement et l’expansion du nom « Belle hideusement » qui s’étend sur tout un hémistiche : il s’agit bel et bien de la chute du sonnet.

L’adjectif « horrible » en tête de vers avec l’enjambement souligne avec l'adverbe "étrangement" l'étonnement qui se mêle au dégoût : la femme qui sort du bain devrait sentir bon, être propre. Cela contribue à l'effet d'attente mis en place par Rimbaud : le lecteur est curieux de connaître la suite. Les points de suspension à la fin du tercet renforcent encore cet effet d’attente.

L’expression « le tout », qui désigne ici l’ensemble du corps, contribue à réifier la femme : elle devient un simple objet que l’on décrit.

Les verbes de mouvement "remue" et "tend sa croupe" soulignent à la fois le mouvement disgracieux de la femme et la renvoient à sa condition presque animale avec le terme "croupe", à son physique disharmonieux avec l'adjectif "large". L'enjambement entre les 2ème et 3ème vers du tercet contribue également à souligner la difformité du sujet.

. L’expression latine « Clara Vénus » donne l'explication du titre du poème. On pourrait la traduire par « l’illustre Vénus » et elle est mise en valeur par la ponctuation forte, les deux points. Si la femme est associée à Vénus, c’est à cause d’un tatouage qu’elle porte sur les reins. Or les tatouages sont rares et mal vus au XIXe siècle. Ils sont vus, entre autres, comme un signe de reconnaissances des prostituées. À la lumière de ce tatouage, d’autres indices préalables font sens : cette femme se baigne coiffée et maquillée comme si elle ne faisait qu’une rapide toilette entre deux clients. => le rapprochement entre la femme et la déesse est donc ironique .

L'oxymore "belle hideusement" met en valeur l'opposition entre la laideur de cette femme et la beauté attendue. On pourra remarquer également la rime antithétique avec les mots "Vénus" et "anus" (doublée d'un jeu sur le renversement des sonorités [u] et [s] dans "ulcère" et "anus").

La femme, à l'inverse de la déesse, tente de dissimuler ses défauts par des artifices en matière de coiffure (« cheveux bruns fortement pommadés ») et de maquillage (« assez mal ravaudés »). Mais l’ensemble est maladroit et peu convaincant, comme le suggère, à chaque fois, l’utilisation des adverbes péjoratifs "fortement" et "assez mal".