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Thème 3 : Histoire et mémoires

Guillaume COLOMBA - Lycée Jean Mermoz - Saint-Louis

TD 1

TD 3

TD 4

Axe conclusif - L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes.

TD 2

Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits

Axe 2 - Histoire, mémoires et justice

Axe introductif - Histoire et mémoireS, histoire et justice.

→ Exercice 1

I. « Mémoire, histoire : loin d’être synonymes, nous prenons conscience que tout les oppose », Pierre Nora, Lieux de mémoire, 1984.

A. Différiencier histoire et mémoires

Axe introductif - Histoire et mémoireS, histoire et justice.

B. Une place prépondérante des mémoires dans nos sociétés et les évolutions du devoir de mémoire

VIDÉO

→ Exercice 2 : Divergences et confrontations entre histoire et mémoires

C. Histoire et mémoires, des rapports étroits, complexes voire conflictuels

Axe introductif - Histoire et mémoireS, histoire et justice.

Benjamin Stora

Henry Rousso

Pierre Nora

  • La mémoire un objet d'étude des sciences historiques
Historiographie = étude de la façon d’écrire l’histoire. Il s’agit d’explorer les conceptions de l’histoire, les pratiques et les manières de faire des historiens. Comment ils interrogent le passé ? Avec quels outils ? Et qu’est-ce qu’ils en comprennent ? Les historiens peuvent dont s’inscrire dans un courant historiographique selon leur objet d’étude et leurs techniques de recherche.

Axe introductif - Histoire et mémoireS, histoire et justice.

1. Quelles sont les caractéristiques les crimes de la première moitié du XXe siècle abordés par les documents ?2. Quelle est l'attitude de la communauté internationale face aux massacres de masse commis contre les Herero et Nama puis contre les Arméniens et enfin les Juifs ? 3. Pourquoi Churchill utilise-t-il l'expression de "crime sans nom" pour désigner les massacres alors en cours contre les Juifs ?
Exercice 3

Info

II. Histoire et JUstice : nommer et juger

A. Massacres de masse et prise de conscience au XXe siècle

Axe introductif - Histoire et mémoireS, histoire et justice.

B. Crime contre l’humanité, l’élaboration juridique d’une nouvelle catégorie de crime

Axe introductif - Histoire et mémoireS, histoire et justice.

Info

C. Le concept de génocide, définir un "crime sans nom"

Axe introductif - Histoire et mémoireS, histoire et justice.

© L'Histoire-Les Arènes-Légendes Cartographie

Rappel historique : la premiÈre guerre mondiale À travers les cartes

La guerre en Europe (1914-1918)

La fin de la premiÈre Guere mondiale et ses suites

Une nouvelle carte de l'Europe (1919)

Le front occidental dévasté par la guerre

Le front est

Le front ouest

Les alliances en 1914

Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits

TD 1 - Un débat historique et ses implications politiques : les causes de la Première Guerre mondiale.

A partir de la vidéo de la conférence de Stanislas Jeannesson, des documents (icônes dossier) et de vos recherches, remplissez les tableaux (A3 distribuée ou doc vierge sur MOODLE) afin de synthétiser, les différentes positions et thèses avancées sur les causes de la Première Guerre mondiale.

Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits

Remplissez le questionnaire distribué en classe à partir de la visite virtuelle de l'exposition (le questionnaire et les paneaux sont également disponibles sur MOODLE

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TD 2 - Histoire et mémoires de la guerre d'AlgÉrie - QUESTIONNAIRE SUR L’EXPOSITION – « LA GUERRE D’ALGERIE : HISTOIRE COMMUNE, MÉMOIRES PARTAGÉES ? »

Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits

Consigne : A partir du visionnage du court métrage de Bastien Dubois, représentez par un schéma ou une frise chronologique la transmission de la mémoire dans les familles des appelés du contingent ayant servi en Algérie durant la guerre : → Identifiez les différentes générations, la nature et l'évolution de la transmission des souvenirs.
TD 2 (suite) : la transmission de la mémoire dans le cercle familial chez les appelés du contingents

Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits

Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits

Le rapport de Benjamin Stora de 2021 chargé de "dresser un état des lieux juste et précis" sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie

Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits

Axe 1 - Histoire et mémoires des conflits

Podacst - Ex-Yougoslavie : 25 ans après la guerre, le bilan de la justice internationale

Répondez aux questions du TD (feuille A3 distribuée en classe ou doc en format word sur MOODLE) à partir des dossiers documentaires suivants)

TD 3 - Construire une justice internationale après une guerre civile : le Tribunal international pour la Yougoslavie en 1993

B. Faire justice après une guerre civile : l’installation du TPIY

A. Le contexte de la guerre en ex-Yougoslavie

Axe 2 - Histoire, mémoires et justice

Répondez aux questions du TD 4 (feuille A3 distribuée en classe ou doc en format word sur MOODLE à partir des dossiers documentaires suivants)

À l'échelle locale :Les tribunaux gacaca

À l'échelle nationale :La justrice rwandaise

B. Juger les acteurs du génocide à Plusieurs échelles

A. Le gÉnocide des tutsi

À l'échelle internationale :Le tribunal international pour le Rwanda

TD 4 - La justice face au génocide des Tutsi au Rwanda

Axe 2 - Histoire, mémoires et justice

Axe 2 - Histoire, mémoires et justice

Axe conclusif - L’histoire et les mémoires du génocide des Juifs et des Tsiganes.

Rouvrir "La Nuit", ce chef d'oeuvreIl y a eu deux formules qui résonnent fortement dans mon cœur alors que nous l’avons perdu : "répondre ainsi à l’appel de celui qui souffre, entendre cet appel de l’humain à l’humanité qui l’entoure et lui répondre"; ce mot parlait également de "cette exigence d’universalité, qui nous élève au dessus des contingences politiques et historiques", et il concluait sur ces mots : "piliers de l’espoir". Sont-ce les derniers mots publics d’Elie Wiesel ? Je me plais à le penser, car il s’agit d’un hôpital israélien qui soigne les enfants, quelles que soient leur confession ou leur provenance. Cela lui ressemble.Mais alors que sa mort se perd déjà dans une actualité où un mort suit un autre, j’ai décidé d’ouvrir, quelques années après l’avoir lue d’une traite, "La Nuit", ce chef d’œuvre littéraire qui lui fut inspiré par Mauriac, et dont la France s’est honorée d’être le premier éditeur. Ce livre d’ombres sans lumière, qui tente d’écrire l’extermination, qui enjambe à chaque page des milliers de cadavres – ce livre est un cri, jamais d’espoir, mais de terreur et d’abandon. Sans issues, on suffoque, et quelque chose se montre dans la cohorte des ombres de la nuit : l’homme y est découpé, de diverses manières. J’aimerais, pour rendre hommage à Elie Wiesel, confier au lecteur mes impressions de lecture."Les déportés furent vite oubliés"Au début du roman, on lit cette phrase : "les déportés furent vite oubliés". Au lendemain de la guerre, on se disait qu’ils avaient travaillé, durement peut-être, mais comme on le fait dans tous les camps de travail en temps de guerre. Leur silence, causé par d’innombrables raisons dont on a maintes fois fait l’exégèse, mêlé à la stupéfaction qui ressemblait souvent à de la méfiance, est dans le roman instantanément rompu, lorsque Moshé raconte une scène d’extermination par balle : " … Des bébés étaient jetés en l'air et les mitraillettes les prenaient pour cibles".Comme le Zarathoustra de Nietzsche, Moshé veut raconter et on ne le croit pas, car il revient de là où seul il était, s’il est vrai que les rescapés sont des ombres aussi les uns pour les autres. Or, à ce moment du roman, l’extermination se poursuit, et prend bientôt dans ses griffes immondes le narrateur, et sa famille, en Hongrie où ils vivent.Elie Wiesel n’a pas une prose philosophique qui veut penser. Ce sont les situations qu’il décrit qui pensent. Elie Wiesel dit des déportés : "seuls dans le monde".Humanité coupéeL’humanité coupée, comme je l’appelle, l’est encore, coupée, quand il s’agit de séparer, au sortir du wagon, les femmes des hommes. Elie Wiesel ne le sait pas mais il ne reverra plus sa mère et sa sœur.Humanité coupée, encore, par le Sondernkommando, où les détenus tuent les détenus, et dont le grand film récent, "Le Fils de Saül", film immense, a tout montré, ou plutôt tout fait entendre (tant ce film donne à entendre plutôt qu’à voir). Humanité coupée, qui ne se soucie plus des morts ou supposés morts : "… on se souciait peu de leur destin. On était incapable de penser à quoi que ce soit. Les sens s'étaient obstrués, tout s'estompait dans un brouillard", lit-on au chapitre trois. On envie celui qui risque sa vie pour atteindre la soupe abandonnée au moment de l’alerte, et on souhaite même, par jalousie, sa mort : "La jalousie nous dévorait, nous consumait comme de la paille. Nous ne pensions pas un instant à l'admirer. Pauvre héros qui allait au suicide pour une ration de soupe, nous l'assassinions en pensée".La compassion n’existe pas entre détenus. Elie Wiesel nous dit : "Mon père ploya d'abord sous les coups, puis se brisa en deux comme un arbre desséché frappé par la foudre, et s'écroula. J'avais assisté à toute cette scène sans bouger. Je me taisais. Je pensais plutôt à m'éloigner pour ne pas recevoir de coups. Bien plus : si j'étais en colère à ce moment, ce n'était pas contre le kapo, mais contre mon père. Je lui en voulais de ne pas avoir su éviter la crise d'Idek." Voilà toute la force du livre de Wiesel qui n’a plus aucune compassion pour son propre père. Pourquoi ? car son père est un co-détenu. Son père, en ce sens, est mort en arrivant avec son fils dans le camp, car il est devenu anonyme aux yeux de son fils. Ils n’ont plus d’âme. Ils marchent, mais perdent petit à petit ce que Rousseau avait bien compris être le cœur de l’être humain, la pitié. Bien entendu, parfois, elle revient. Dieu meurt à AuschwitzMais alors, c’est une autre mort qui se révèle : celle de Dieu lui-même. Toute "La Nuit" est traversée par cette mort de dieu – pas seulement de la foi, mais de Dieu lui-même. Elise Wiesel, juif, se rend-il compte que c’est comme le Christ, véritable source de la mort de Dieu, puisqu’il est littéralement, avec Jésus, mort ? Ou plutôt, presque comme le Christ, car nulle résurrection de cet enfant ne vient apporter le salut. "La Nuit", et le témoignage d’Elie Wiesel, c’est cela : Dieu meurt à Auschwitz, littéralement. Car il n’est pas digne de sa création. Il y a une théodicée naïve chez Wiesel. Mais c’est d’autant plus puissant. Le mot du Christ sur la croix "pourquoi m’as-tu abandonné", adressé à son Père, c’est le mot qu’adresse Elie Wiesel à Dieu lui-même. Homme coupé, là encore – de Dieu. Les "musulmans", ceux dont les fesses rachitiques ne mentent pas et qui sont alors déclarés, à vue d’œil, bons pour le crématoire, ces "musulmans" donc, comme on les appelait, sont privés pourtant de Dieu.Toutes ces questions, Dieu après Auschwitz, l’humanité perdue, les philosophes les ont posées. Elie Wiesel n’est pas philosophe. Il raconte. On lui a reproché son manque de fidélité aux faits. Reproche idiot, pour une raison au moins : la vérité des camps ne s’exprime pas seulement dans une description des faits bruts, si tant est que cela puisse exister : elle prend toute sa force dans le fait tel qu’il est perçu par celui qui va mourir. Or cette perception est bien différente de celle de l’historien.Ce qu’on perçoit en de telles conditions n’est pas seulement la brutalité des faits. Un passage me semble résumer le regard d’Elie Wesel dans La Nuit, au chapitre sept, où le narrateur écrit, à propos de son père, mourant, devenu un fardeau pour lui : "Sa respiration était encombrée, épaisse. Il gardait les paupières closes. Mais j'étais persuadé qu'il voyait tout. Qu'il voyait maintenant la vérité de toute chose." C’est cela que voit et nous fait voir Elie Wiesel."Cette exigence d’universalité" En refermant "La Nuit", je comprends enfin le sens des mots qu’Elie Wiesel nous a adressés, il y a quelques jours, pour ce gala de charité pour l’hôpital Alyn : "répondre ainsi à l’appel de celui qui souffre, entendre cet appel de l’humain à l’humanité qui l’entoure et lui répondre" ; "cette exigence d’universalité, qui nous élève au dessus des contingences politiques et historiques". Ces mots ne sont plus creux. L’humanité se perd vite. L’homme est vite découpé. C’est le lien qui fait l’être humain, ce qui le relie aux autres, ses frères et tous les autres. Le déporté, déshumanisé ("découpé", au sens que j’ai essayé de montrer), est coupé des autres, et vit seul : "Écoute-moi bien, petit. N'oublie pas que tu es dans un camp de concentration. Ici, chacun doit lutter pour lui-même et ne pas penser aux autres. Même pas à son père. Ici, il n'y a pas de père qui tienne, pas de frère, pas d'ami. Chacun vit et meurt pour soi, seul." Telle est la menace. Primo Lévi la voit moins directement. Adieu, Elie Wiesel, dont le regard est aux dimensions de l’Homme. Tu voyais, au fond de ton miroir, le cadavre qui te regardait comme l’œil qui est dans la tombe. C’est ce regard, "La Nuit". Mais désormais, parce que tu as écrit "La Nuit", tu nous a donné l’aube. Les "paupières closes" de ton père, elles sont les tiennes, et à jamais, mais nous les ouvrons pour toi. C’est une promesse, celle de l’aube. Adieu, Elie Wiesel.

La Nuit d'Élie Wiesel (1955)
Maus d'Art Spiegelmann (1986-1991)

Podcast FranceCulture de 2019 : Primo Levi (1919-1987) : l'homme en soi

https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/essais-histoire/centenaire-de-primo-levi-pourquoi-il-est-urgent-de-lire-si-c-est-un-homme-trois-questions-a-l-historienne-annette-wieviorka_3714451.html

Dans son ouvrage Si c’est un homme, Primo Levi offre un témoignage glaçant sur ce dont l’humanité est capable. ("Personne ne sortira d’ici, qui pourrait porter au monde, avec […] la sinistre nouvelle de ce que l’homme, à Auschwitz, a pu faire d’un autre homme"). Un évènement de cette ampleur pourrait-il se reproduire ? Une nouvelle destruction des Juifs d’Europe serait impossible : on ne peut pas tuer des gens qui l’ont déjà été. Il y avait 10 à 11 millions de Juifs en Europe en 1939. Aujourd’hui, il en reste 1 million, dont la moitié en France. Mais des massacres de masse ou des génocides peuvent se produire ailleurs, malgré le nombre de témoignages sur le sujet. Entre 1945 et aujourd’hui, il y a eu un événement que chacun reconnaît comme un génocide : l’assassinat de 800 000 Tutsis par les Hutus au Rwanda en 1994. On peut également citer les Kurdes, les Rohingyas, les Yézidis... La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 et la justice internationale n’empêchent pas les massacres de masse.Vous avez montré, dans votre livre L'ère du témoin, de quelle façon s'était libérée la parole des rescapés. Comment s’inscrit la parole de Primo Levi dans l’histoire du témoignage ? Le témoignage de Primo Levi a été écrit très vite après son retour en Italie. Il trouve, avec difficultés, une petite maison d’édition qui accepte de l'éditer en 1947. A cette époque, son témoignage ne touche pratiquement personne. Mais en 1961 se tient le procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem. Le procès a un impact énorme sur la libération de la parole. Il se produit alors ce que j’ai appelé "l’avènement du témoin". Après cette ère du témoin, son témoignage ainsi que d’autres commencent à être popularisés et traduits. En 1985, très peu de temps avant son suicide, Primo Levi publie un autre ouvrage : Les Naufragés et les Rescapés. Il y développe une réflexion sur le témoignage, sur qui sont selon lui les vrais témoins, et les raisons qui expliquent sa décision de cesser d’aller parler dans les établissements scolaires.Enfin, en quelques mots, pourquoi lire Primo Levi aujourd'hui ?Si l’on veut être cultivé, conscient de ce qu’a été le siècle dernier, Primo Levi est un auteur capital. D’abord, parce que c’est un grand écrivain. Ensuite, parce qu’il a écrit sur la page d’Histoire la plus tragique d’un siècle qui ne manque pas de pages d’Histoire tragiques. C’est un grand témoignage : il ne se contente pas de décrire ce qu’il a vu et vécu dans les camps. Il apporte une réflexion sur ce qu’est le camp, sur ce que le camp dit de l’Homme, d'où son titre. L’inscription de la Shoah dans l’histoire, dans la culture et dans l’imaginaire de nos sociétés est assurée. Mais ce que sera le monde de demain, impossible de le savoir. En tout cas, si l’on avait dit à Primo Levi que son livre serait, dans les années 2000, étudié dans toutes les écoles françaises et présenté au bac de français, il ne l’aurait pas cru.Interview d'Annette WIEVIORKA sur FranceInfo.fr, 26 novembre 2019.

Si c'est un homme de Primo Levi (1947)

Centenaire de Primo Levi. Pourquoi il est urgent de lire "Si c'est un homme" : trois questions à l'historienne Annette Wieviorka Dans son livre "Si c'est un homme", Primo Levi témoigne de l'horreur du quotidien vécu et observé dans un camp annexe à Auschwitz, où il est interné de 1944 à 1945. En rompant le silence, il a libéré la parole des rescapés.Né en 1919 à Turin (Italie) et mort en 1987, Primo Levi a laissé derrière lui une œuvre autobiographique inestimable : Si c’est un homme. Il y raconte son internement dans le camp de concentration de Monowitz-Buna. L’un de ses derniers ouvrages, Les Naufragés et les Rescapés, poursuit quant à lui son analyse des camps de la mort et des témoignages qui leur ont fait suite.

La mini-série débute en 1935 par le mariage de l’Allemande Inga Helms et du peintre juif Karl Weiss. On y fait aussi la connaissance de Josef Weiss, médecin et père de Karl ; de Berta Palitz, sa mère ; de Rudi Weiss, son frère, passionné de football ; d’Anna Weiss, sa petite sœur pétillante ; et de Moses Weiss, son oncle, pharmacien à Varsovie. Sont également présents le timide Erik Dorf, fils du boulanger, la famille d’Inga et quelques nazis. C’est la première et aussi la dernière fois que l’on voit ces protagonistes en harmonie avec eux-mêmes et avec les autres. Comme le laisse supposer le titre du premier épisode, des nuages orageux s’amoncèlent déjà, et des temps rudes ne vont pas tarder à arriver. Les créateurs de cette série ont pris la judicieuse décision de séparer les personnages et de les envoyer en divers endroits dès que « le problème juif » s’est fait plus insistant – donnant ainsi lieu à un panorama kaléidoscopique des nombreux aspects de la Shoah. La guerre fait ressortir le pire, mais aussi le meilleur de l’homme. Chez certains personnages comme Moses Weiss, la transformation est relativement extrême : de pacifiste, il devient résistant fanatique qui ne craint pas de prendre les armes contre les nazis. D’autres, comme Josef Weiss, ne changent pas, ou guère : il aidait les défavorisés avant la guerre, et celle-ci ne semble que renforcer sa mission – assister les faibles. La famille Weiss se fraie un chemin à travers la guerre avec une dignité admirable. Hélas, le mélodrame s’invite aussi. Il est surtout très présent dans l’intrigue qui se noue autour d’Inga Helms, jouée par Meryl Streep, une « veuve de guerre » en quête de son mari Karl, en détention. L’actrice, qui devait par la suite remporter de nombreux succès pour ses interprétations mélodramatiques, empoisonne bien des scènes par ses larmes et ses lamentations. 3Formellement, la série est à mille lieues de ce à quoi est habitué le spectateur moyen aujourd’hui ; il convient donc de regarder Holocauste en se remettant dans le contexte des années 1970. En 2018, l’ensemble paraît lent, guindé et très daté. D’un point de vue visuel, Holocauste est peu intéressant et parfois mélodramatique ; la série marque cependant de bons points en termes de représentation de plusieurs événements historiques. En accordant une place importante à la résistance juive – avec un gros plan sur la lutte juive lors de l’insurrection du ghetto de Varsovie et sur le mouvement de partisans juifs en Ukraine –, ­Holocauste infirme rapidement le mythe du « Juif passif ». Hollywood ne s’intéressera de nouveau à la résistance armée juive qu’en 2008, dans le film Defiance (Les Insurgés) d’Edward Zwick. La mini-série est donc à cet égard en avance sur son temps. Considérations critiques d’Elie Wiesel au sujet d’Holocauste. Elie Wiesel (1928-2016), un des plus célèbres rescapés de la Shoah et par ailleurs prix Nobel de la paix, s’est fait connaître avec les récits La Nuit, L’Aube et Le Jour, une trilogie dans laquelle il relate en détail ce qu’il a vécu dans les camps d’Auschwitz et de Buchenwald. Le 16 avril 1978, à l’occasion de la diffusion d’Holocauste aux États-Unis, il signe dans The New York Times un éditorial dans lequel il descend en flèche la mini-série. La date de publication et le contenu du texte laissent supposer que Wiesel a pu regarder la série télévisée en avance sans devoir attendre qu’elle soit diffusée à la télévision du 16 au 19 avril 1978. 5Wiesel jette ainsi un pavé dans la mare en affirmant que la production télévisée est un affront à ceux qui ont trouvé la mort comme à ceux qui ont survécu. À ses yeux, elle transforme un événement ontologique en soap opera. Il trouve immoral que tout soit montré, y compris l’agonie des victimes. Il estime en outre que : « C’est l’événement ultime, le mystère ultime, qui ne sera jamais compris ni transmis. Seuls ceux qui l’ont vécu savent ce que c’était ; les autres ne sauront jamais. » Ces propos sont problématiques : Wiesel remet en cause le processus du témoignage et de la transmission historique, et il ne peut en être ainsi. Il craint en outre que la mini-série oscille trop entre « semi-réalité » et « semi-fiction » et fasse le jeu des négationnistes. Il se demande notamment pourquoi les personnages principaux (la famille juive Weiss) sont fictifs alors que les personnages nazis sont authentiques. Il estime enfin qu’il y a trop de « drame » et pas assez de valeur « documentaire ». Quiconque regarde la série aujourd’hui remarque, tout comme Wiesel, qu’Holocauste évoque de très nombreux événements – probablement trop pour traiter vraiment les choses en détail. La Nuit de cristal, l’euthanasie forcée de patients en psychiatrie à Hadamar, le massacre de Babi Yar, l’insurrection du ghetto de Varsovie : d’une manière ou l’autre, la famille Weiss est toujours concernée. On peut parfaitement argumenter qu’il est impossible d’inclure tous les aspects de la Shoah dans une série télévisée, un livre ou une œuvre d’art. Intituler la série Holocauste relève donc d’un choix malheureux. Dans leur empressement, les créateurs ont probablement pensé qu’avec un tel titre, elle devait aborder toutes les situations possibles pour rendre justice à son sujet. Mais, en raison de l’époque, on ne peut pas vraiment en vouloir à Titus Productions, la société productrice : à la fin des années 1970, la fiction télévisée était à tous égards la petite sœur du cinéma, et Holocauste était, tout comme Roots qui s’intéressa à l’esclavage en 1977, une œuvre novatrice, avec tous les avantages et inconvénients que cela implique. La Fondation Auschwitz est l’antenne belge du Fortunoff Video Archive for Holocaust Testimonies. Rétrospectivement, on pourrait dire que, sans cette mini-série, l’emploi du terme « Holocauste » n’aurait pas franchi le cercle des universitaires et des historiens. Le documentaire Les enfants de la collaboration (2017) présente brièvement Holocauste comme un exemple de la culture populaire qui a favorisé la prise de conscience de l’extermination des Juifs. En d’autres termes, cette mini-série – fiction télévisuelle destinée au grand public – a été un moyen pour atteindre un but spécifique – l’attention portée à la Shoah. Elle a aussi eu à l’époque des effets secondaires positifs. L’ancien président des États-Unis Jimmy Carter a ainsi d’emblée annoncé avec une grande émotion la création d’une commission présidentielle consacrée à l’étude de la Shoah. Commission dont le rapport final a suggéré la construction d’un « United States Holocaust Memorial Museum ». Depuis son inauguration en 1993 quelque quarante millions de personnes ont aujourd’hui visité ce musée situé à Washington DC. Pour Joanne Rudof, Holocauste a également amorcé la transcription des récits des victimes de l’Histoire. Le fonds Fortunoff Video Archive for Holocaust Testimonies, hébergé à Yale par l’entremise de Geoffrey Hartman, a depuis rassemblé quelque 4 500 témoignages en vingt-deux languesBrecht CAPIAU, « “Holocauste” (Marvin J. Chomsky) : retour sur une mini‑série controversée », Témoigner. Entre histoire et mémoire, 129 | 2019, 11-13.

Holocauste : une saga familiale intime sur fond d’embrasement mondial (1978)

Vidéo - 20 ans face au défi de l’impunité - Tribunal pénal international pour le Rwanda - Source : https://unictr.irmct.org/fr/accueil

Le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris dispose depuis 2012 d'un pôle spécialisé dans la lutte contre les crimes contre l'humanité. Le pôle est composé d'une quinzaine de professionnels, magistrats du parquet, juges d'instruction et assistants spécialisés.Quatre procès d'assises concernant le génocide des Tutsis au Rwanda on été réalisés grace à pôle, auxquels s'ajoutent de nombreuses préliminaires et des informations judiciaires. Depuis 2011, le pôle a pu développer une véritable politique pénale en la matière et acquérir une certaine visibilité à l'égard des nombreux acteurs, ONG, associations, juridictions nationales des autres Etats européens et aussi auprès des victimes.Actuellement, le pôle travaille sur plus de 15 zones géographiques différentes avec de très nombreux dossiers concernant des crimes en Syrie, en Irak, en Lybie, au Tchad, en République démocratique du Congo, en Côte d'Ivoire, en Ouganda, en Afghanistan ou encore en Tchétchénie. Les zones sont extrêmement variées et cela nous oblige à analyser les faits et à les replacer dans les contextes politiques, historiques et sociologiques des différents Etats.Mais ce pôle rencontre également un certain nombre de difficultés. Il n’a pas été plus doté, il y a moins de quinze enquêteurs sur cent quatre-vingts dossiers sur plusieurs zones et trois juges d’instruction, comme en 2012 [année de création du pôle]… Pour le Rwanda par exemple, les instructions se situent à un moment charnière. Trente ans après le génocide, les mis en cause sont vieillissants, les témoins et les rescapés disparaissent.

La compétence universelle

Exemple d'exercice de la compétence universelle avec la France Elle peut recourir à la compétence universelle sur le fondement de :

  • La convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
  • Le statut de Rome de 1998 : crimes contre l’humanité
  • La convention contre la Torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984.
  • La convention de 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid
  • La convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées de 2006.
En application de ces conventions internationales, toute personne qui se trouve en France peut être jugée par un tribunal français si, hors de France, elle s'est rendue coupable de l'une des infractions énumérées par ces conventions et inscrites dans le Code Pénal.

Les juridictions pénales hybrides ou internationalisées

Les juridictions hybrides, ou internationalisées, selon des appellations essentiellement synonymes, sont celles qui associent des aspects internationaux et nationaux. Généralement, elles sont créées par un accord entre une organisation internationale et un État et composées d’un personnel international et national. Les textes les créant sont parfois complétés par des textes nationaux. Leur relève est également assurée par des institutions juridictionnelles nationales. Les juridictions hybrides sont créées pour des circonstances et faits déterminés, et limitées dans l’espace et dans le temps.→ Exemples le Tribunal spécial pour le Liban, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, les Chambres spéciales pour le Cambodge, les Chambres africaines extraordinaires et la dernière en date, chargée de juger les auteurs de crimes internationaux graves depuis le début de la crise que connaît le pays ces dernières années, la Cour pénale spéciale pour la République centrafricaine.

Fritz Bauer

Le procès de Francfort - « Le procès Auschwitz »

Podcast FranceCulture - Tex Avery : quand le cartoon se permettait tout

Focus sur Tex Avery et la Shoah

L’idée du film est de suivre en caméra portée le personnage dans sa quête folle sans jamais le quitter, de ne montrer de l’enfer qui l’environne que ce que l’instinct de préservation du héros lui en laisse mécaniquement percevoir (les yeux sont au sol, la vision n’accommode plus, le regard est tourné vers l’intérieur), en un mot de faire de Birkenau la scène atténuée, sans profondeur, quoique éprouvante, d’une destruction pour un temps et pour un corps miraculeusement suspendue.Cette histoire insensée, qui synthétise une fiction parfaitement documentée et une sorte de conte parabolique, il fallait être fort pour ne pas qu’elle verse dans l’obscénité. A cet égard, Laszlo Nemes, qui semble avoir lu tous les débats et vu tous les films relatifs à son sujet, fait preuve d’une intelligence et d’une maîtrise propices au « dérapage contrôlé » qu’il nous propose. Créer un faux camp d’extermination ? Oui, mais dans un flou halluciné et vacillant qui fait revenir l’horreur par la saturation de la bande-son (incessantes vociférations des nazis et des kapos, souffle infernal des machines, cris d’effroi des victimes, martèlement des gazés…). Filmer ce qui fut, pour l’essentiel, un événement sans images ? Oui, mais en mettant en abyme le groupe qui a réussi à photographier clandestinement les charniers. Restituer le point de vue d’un déporté de camp d’extermination ? Oui, mais d’un des rares à pouvoir témoigner de ce processus pour y avoir participé. Inventer une fable consolatrice ? Oui, mais néanmoins macabre, sans concession à la réalité concentrationnaire, sans paroles, sans happy end.Tout impressionne donc des choix de ce réalisateur hongrois de 38 ans, familier de la France où il a fait ses études. Tout. Les grinçantes réminiscences morales et stylistiques de son compatriote Imre Kertesz, survivant d’Auschwitz et Prix Nobel de littérature (notamment les récits Etre sans destin et Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas). Le mariage de la catastrophe juive et de la tragédie grecque, comme une variation contemporaine sur l’Antigone de Sophocle (l’inhumanité de la mort sans sépulture). La mise en scène haletante, recluse, oppressive, aimantée par le personnage au point de faire croire, dans ce format carré et ces couleurs désaturées évoquant des images d’amateur, à une immersion intime et fatale, sans rupture ni raccord. Et jusqu’au nom de famille du héros mutique, mixte d’hébreu (Saul) et d’allemand (Auslander ou « l’étranger »), qui contient en lui-même l’événement qui se joue dans un assourdissant silence.Par ailleurs, Saul renvoie opportunément au premier roi d’Israël, accablant exemple d’un homme que Dieu choisit, mais auquel il refuse continûment la moindre parole et la moindre assistance. Saül décapité avec ses trois enfants, sans raison et sans rachat, telle la figure annonciatrice du sort de son peuple au XXe siècle. Saül le juste, seul prophète de l’Ancien Testament semble-t-il élu à seule fin de mourir, et qui logiquement, à bout d’espoir, en appelle à un mort (Samuel, qui l’avait consacré) pour entendre par la voix d’une nécromancienne la confirmation de ce pressentiment. De cet homme, le rabbin et philosophe André Neher disait qu’il voulait « arracher la parole de Dieu à un mort ». [...]Jacques MANDELBAUM, " « Le Fils de Saul » : fiction insensée au cœur de la Shoah ", Le Monde, 30 octobre 2015. https://www.lemonde.fr/cinema/article/2015/11/03/le-fils-de-saul-fiction-insensee-au-c-ur-de-la-shoah_4801929_3476.html

Imaginez : le personnage principal du film, Saul, est un juif hongrois, membre du Sonderkommando d’Auschwitz en octobre 1944, ce groupe de prisonniers chargé par les nazis de participer à l’extermination (déshabillage, tri des effets, transport des cadavres de la chambre à gaz à la crémation, dispersion des cendres) de leurs coreligionnaires, régulièrement mis à mort eux-mêmes. Son fils, qui n’est vraisemblablement pas son fils, est un jeune homme qu’on vient de sortir de la chambre à gaz et qui, par miracle, respire encore. Tandis qu’il est achevé par un médecin nazi, Saul se met en tête de préserver son cadavre du sort commun et de lui donner une sépulture et un enterrement conformes au rite juif.Saul, en un mot, décide de « sauver » un mort, et par là de se sauver lui-même de l’indignité de sa tâche. Pour ce faire, il cherche désespérément un rabbin qui puisse prononcer le kaddish, la prière des endeuillés, tandis que ses compagnons, sentant leur sort bientôt scellé, fomentent une révolte qu’il va contribuer à faire avorter.

« Le Fils de Saul » : fiction insensée au cœur de la Shoah Laszlo Nemes met en scène la quête à la fois digne et absurde d’un membre du Sonderkommando d’Auschwitz.

Le fils de Saul de László Nemes (2015)
Le pianiste de Roman Polanski (2002)

Le procès d'Adolf Eichmann

Focus sur Chelmno

Contexte historique (par Carole Robert) Claude Lanzmann fut l'un des organisateurs de la Résistance au lycée Pascal de Clermont-Ferrand. Il est médaillé de la Résistance, officier de la Légion d'honneur et docteur de l'université de Jérusalem. Après sa rencontre en 1952, à Berlin, avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, il devient collaborateur de la revue Les Temps modernes, dont il fut ensuite le directeur. Jusqu'en 1970, il partage son temps entre journalisme et Les Temps modernes, rédige des textes de référence sur le conflit israëlo-palestinien, s'engage contre la colonisation et signe le manifeste des 121. En 1970, il se consacre exclusivement au cinéma : il réalise Pourquoi Israël ? (1973), film destiné à ses camarades de lutte anticolonialiste qui s'interrogent sur la légitimité d'Israël. Le succès public et critique est considérable dans le monde entier. Claude Lanzmann commence à travailler Shoah au cours de l'été 1974 : la réalisation de ce documentaire l'occupe à plein temps pendant onze ans. Dès sa sortie dans le monde entier à partir de 1985, le retentissement de Shoah ne cesse de croître. Des milliers d'articles, d'études, de séminaires dans les universités lui sont consacrés. De nombreuses distinctions et récompenses lui sont attribuées. Le film, considéré comme un véritable outil pédagogique, est projeté dans les collèges et est au cœur de l'enseignement de la Seconde Guerre mondiale et du génocide des Juifs. En 1994, Claude Lanzmann consacre un film (Tsahal) à l'armée de défense d'Israël, hymne au courage et à la réappropriation de la force et de la violence par les Juifs. Son quatrième film, Un vivant qui passe (1997), est réalisé à partir d'un entretien que Maurice Rossel lui a attribué en 1979 : Maurice Rossel est le seul délégué à Berlin, dès 1942, du Comité international de la Croix-Rouge à être allé à Auschwitz en 1943. Enfin, Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures (2001) est fondé sur un entretien avec Yehuda Lerner (1979), ancien acteur de la seule révolte réussie d'un camp d'extermination nazi.Contrairement à Nuit et Brouillard (Alain Resnais, 1955), Shoah n'alterne pas images d'archives et images du présent : seule la parole des témoins –rescapés, acteurs ou témoins de l'extermination – compte. Chacun est mis face à sa parole, sa conscience, sa douleur, sa lâcheté ou sa culpabilité : Shoah est donc un film sur un événement du passé, en même temps qu'un film sur l'humanité au temps présent. La structure traditionnelle du documentairehistorique est renouvelée par Claude Lanzmann.Par sa rigueur formelle, sa cohérence stylistique et la force de ses témoignages, Shoah participe du nécessaire « devoir de mémoire » : ne pas se souvenir serait "une grave insulte à l'humanité" (Vladimir Jankélévitch, L'Imprescriptible, 1986).

Claude Lantzmann présente Shoah au journal télévisé d'Antenne 2, le 21 avril 1985

Bande annonce de Shoah

Shoah de Claude Lantzmann (1985)

Vidéo - Réactions de partie civiles après l'assassinat de René Bousquet - INA Histoire

Vidéo - Réactions de personnalités politiques après l'assassinat de René Bousquet - INA Histoire

Vidéo - Itinéraire de René Bousquet - INA Histoire

Le cas René Bousquet

Secrétaire général de la police de Vichy, il met en place la collaboration de la police française dans le fichage, l’arrestation et la déportation des Juifs de France. Condamné à l’indignité nationale en 1949, il voit sa peine commuée pour faits de résistance. Inculpé en 1991 pour crimes contre l’humanité, il est assassiné peu avant son procès.

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Infographie du TPIY source : https://www.icty.org/fr

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Vidéo - Au coeur du tribunal - source : https://www.icty.org/fr

Après le génocide, la volonté de juger se heurte aux difficultés d’une société en reconstruction après la guerre. Le système judiciaire est détruit (près de la moitié du personnels juridiques est mort ou en exil) et le nombre de dossier à traiter est énorme → Besoin de recruter et former un nouveau personnel juridique. En 1996, une loi est votée permettant juger les crimes de génocide et les crimes contre l’humanité au Rwanda et établissement de catégories correspondant à différents types de participation au génocide. La première catégorie identifie les principaux responsables (autorités, organisateurs et « meurtriers de grand renom ») qui sont alors jugés par les tribunaux de première instance à l’échelle nationale. Mais cette justice est lente. Une dizaine d’année après le génocide moins de 10 000 jugements ont été prononcés alors que 120 000 personnes environ sont incarcérées.
La liste de Schindler de Steven Spielberg (1993)

Problèmes posés par le concept de génocide de Lemkin :

  • Difficulté pour réunir les preuves d’une planification meurtrière, les auteurs de génocide se gardant bien de laisser des traces écrites. Sans contester l’existence de massacres d’Arméniens, la Turquie continue ainsi de nier que les ordres de déportation en 1915 aient eu un caractère intentionnellement exterminateur. L’Holodomor, les famines ukrainiennes de 1932-1933, font l’objet d’une controverse analogue : organisée sans aucun doute en haut lieu par Staline, visait-elle le peuple ukrainien en tant que tel ?
  • Imprécision sur le seuil à partir duquel un meurtre de masse peut être qualifié ou non de génocide. Selon la définition de Lemkin, reprise ensuite par la Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide (9 décembre 1948), le génocide désigne tout acte visant à détruire un groupe national en tout ou en partie. ”En règle générale, écrit Lemkin, le génocide ne signifie pas nécessairement la destruction immédiate d’une nation”.
  • Difficulté pour identifier les groupes concernés : la définition du génocide proposée par Lemkin ne prend en compte que les groupes nationaux ou ethniques, ce qui revient paradoxalement à identifier les victimes à partir des critères raciaux édictés par les auteurs du génocide eux-mêmes. A la demande de l’URSS en 1948 qui ne souhaite pas risquer de se voir inculpée de génocide pour la répression d’un certain nombre de peuples pendant la Seconde Guerre mondiale (sans parler de ”l’élimination des koulaks en tant que classe”), la convention de l’ONU de 1948 exclut en particulier la mention de ”groupes politiques” : le génocide désigne ”tout acte omis avec l’intention de détruire, totalement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel”. Dès lors le génocide est reconnu en droit international comme une catégorie spécifique de crime contre l’humanité.

Frise chronologique récapitualtive

Vidéo récapitulative à regarder à la maison - Rwanda, le dernier génocide du XXe siècle - Source : France24

  • Laisser les statuts en place sans rien faire
  • Laisser les statuts en place mais y ajouter des plaquettes pédagogiques
  • Déplacer les statuts vers des musées
  • Enlever les statuts qui posent le plus de questions

Des polémiques encore vives autour de la mémoire de l’esclavage : → Loi dite Alliot Marie du 23 février 2005 en réaction à la loi Taubira : Elle porte reconnaissance de la nation et contribution morale en faveur des Français rapatriés. Son article 4 (à l'initiative de partis de droite) fait polémique en prévoyant que les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer notamment en Afrique du Nord. Il est finalement écarté par Jacques Chirac. → Tensions avec les historiens (cf affaire Pétré-Grenouilleau en 2005) → Question des statuts dans l’espace public en lien avec le passé colonial et esclavagiste : exemple des déboulonnages de statues en 2020 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni principalement en lien avec des manifestations Black Lives Matters et des mouvements antiracistes et décoloniaux. Les manifestants dégradent des statuts (ou des plaques de rues) de personnages historiques jugés comme racistes, notamment d’anciens esclavagistes du XVIIe ou XVIIIe siècle ou des personnages liés de près ou de loin à l’esclavage (exemple Colbert instigateur en France du Code Noire). Les réactions des historiens ne sont pas homogènes sur le sujet qui entraine de nombreux débats. Globalement les historiens considèrent négativement le fait des personnages historiques et leurs actions selon des normes et une échelle de valeurs contemporaines qui peuvent mener à une analyse anachronique. Néanmoins, la plupart des historiens reconnaissent l’intérêt de questionner le rapport des sociétés à leur passé et l’évolution de la commémoration de ce passé et de l’usage publique de l’histoire. Les historiens ont émis plusieurs propositions :

Amen de Costa Gravas (2002)
Le choix de Sophie d'Alan J. Pakula (1982)

Le premier génocide du XXe siècle : Herero et Nama Entre 1904 et 1908, environ 80 % du peuple herero et 50 % du peuple nama vivant sur le territoire de l'actuelle Namibie ont été exterminés par les troupes des colonisateurs allemands dans le cadre d'une politique raciale qui accompagne le contrôle du territoire.Le deuxième génocide du XXe sicèle : les Arméniens Parti unique, contrôlant tous les rouages administratifs et militaires de l'Empire ottoman, le Comité Union et Progrès (CUP) entre en guerre en novembre 1914 aux côtés de l’Allemagne avec la claire conscience qu’il se créait ainsi l’opportunité de réaliser son projet de construction d’un État-nation turc, en éradiquant tous les groupes susceptibles de l’entraver.La guerre aidant, le projet de turcisation de l’espace anatolien se transforme en entreprise d’extermination des Arméniens, étendue à d’autres communautés de chrétiens d’Orient, dont les syriaques. Entre 1915 et 1916, environ 1,3 millions d'Arméniens sur les 2 millions vivant dans l'Empire ottoman en 1914 sont exterminés.

Vidéo - Rétrospective du procès de Paul Touvier - INA Histoire

Chef de la milice de Lyon, condamné à mort pendant l’épuration, il réussit à prendre la fuite. Dans les années 1970, des victimes déposent plainte contre lui pour crimes contre l’humanité. Malgré l’aide de filières catholiques intégristes, il est arrêté en 1989. Après avoir bénéficié d’un non-lieu, il est rejugé en 1994 sur de nouvelles preuves, et condamné à la prison à vie.

Paul Touvier

Autre exemple au Cambodge avec le musée-mémorial Tuol Sleng, une école transformée par les forces de Pol Pot (Khmer rouges)en prison et en centre de torture nommé « S-21 » Elle est la plus connue des quelque 196 prisons que la dictature des Khmers rouges avait disséminées à travers le Cambodge durant les années 1970. Avec ses quatre blocs conservés en état avec leur potence, leurs instruments de torture et des photos des suppliciés accrochées au mur, le centre S-21 est devenu un lieu de mémoire incontournable du génocide cambodgien, particulièrement prisé par les tours opérateurs. Il est pris d’assaut du matin au soir par les touristes occidentaux mais très peu fréquenté par les Cambodgien, comme le prouve les chiffres de la fréquentation par les étudiants de l’ancienne prison : 7% seulement du total des visiteurs (2017), selon l’administration du S-21. Cette faible fréquentation des locaux s'explique des mémoires conflictuelles au sein de la population cambodgienne qui empêche de véritables commémorations consensuelles.

En Bosnie-Herzégovine, le mémorial et cimetière de Srebrenica-Potočari, dédié aux victimes du massacre de Srebrenica, est inauguré en 2003. Il dresse une liste de 8 372 personnes.

Politique mémorielle et construction de lieux de mémoires

Au Rwanda, une politique mémorielle se construit après le génocide. Chaque année, des cérémonies d’ampleur se déroulent le 7 avril au Rwanda qui a mis en place des outils mémoriels (inhumation en dignité des victimes, monuments commémoratifs, lieux de mémoire sur les anciens sites de massacres), mais également dans de nombreux pays qui accueillent des rescapés.Depuis septembre 2023, 4 mémoriaux nationaux du génocide sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des lieux de mémoires (cf première vidéo). De tous les mémoriaux nationaux, celui de Gisozi figure sans doute parmi les plus visités du pays. Lieu de recueillement obligé pour tout visiteur étranger, des chefs d’État au simple touriste (le site est largement mentionnés dans les guides touristiques). Il remplit depuis 2004 des fonctions multiples : mémorielle, muséographique et pédagogique.

  • La partie mémorielle est organisée en deux espaces : à l’intérieur, avec les photos de victimes et disparus (sur le modèle de Yad Vashem) ; à l'extérieur, au milieu de fleurs et d'arbustes, autour de trois larges dalles recouvrant les restes de plus de 250.000 victimes tuées entre avril et juillet 1994 dans la région de Kigali
  • Le musée est géré par Aegis Trust, une ONG britannique de prévention des crimes contre l'Humanité et retrace l'histoire officielle du génocide au Rwanda jusqu'à la mise en place de la politique "d'unité et réconciliation" par le régime actuel. Le musée documente le génocide par des objets emblématiques des massacres : machettes, gourdins, fusils, etc.
La politique mémorielle est parfois conflictuelle. Des tensions sont toujours vives avec l’Eglise catholique rwandaise accusée de complicité dans le génocide et de responsabilité dans le racisme depuis la colonisation.

Crimes de guerre, crimes contre l’humanité… Il y a souvent une grande confusion dans les incriminations pour le grand public. Comment peut-on mieux les différencier ?Le crime de guerre est toujours commis en lien avec un conflit armé. C’est le droit international humanitaire qui s’applique quand deux Etats sont en conflit, quand un Etat est en conflit avec un groupe armé ou quand deux groupes armés sont en conflit. L’exercice de la guerre est encadré.Le crime contre l’humanité, quant à lui, est complètement détachable du conflit armé. On peut en commettre en temps de paix. Ce sont des crimes de droit commun (assassinats, séquestrations, viols, tortures, disparitions forcées…), commis dans le cadre d’attaques généralisées ou systématiques en exécution d’un plan concerté à l’encontre de la population civile. Et si cette dernière est visée avec l’intention de détruire tel ou tel groupe déterminé, on est dans le crime de génocide. Mais ces notions peuvent être superposées : les mêmes actes peuvent être à la fois des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, voire des crimes de génocide.Interview d'Aurélia Devos, ancienne responsable du pôle « crimes contre l’humanité » du tribunal judiciaire de Paris, Le Monde, 30 octobre 2023.

La Rafle de Rose Bosch (2009)

Trois types d’acteurs peuvent déclencher l’ouverture d’une enquête portant sur une situation où des crimes de la compétence de la CPI paraissent avoir été commis : les États parties, le Conseil de sécurité de l’ONU et le Procureur, de sa propre initiative. Les États parties défèrent à la Cour les situations prévalant sur un territoire ou commis par des personnes relevant de sa compétence.Le Procureur de la CPI peut s’autosaisir d’une situation rentrant dans la compétence territoriale et nationale de la Cour. Il peut aussi s’autosaisir lorsqu’un État non partie au Statut de Rome l’invite à le faire en acceptant par déclaration la compétence de la Cour pénale internationale sur une situation prévalant sur son territoire. L’action pénale de la CPI peut également être déclenchée par le Conseil de sécurité des Nations Unies agissant sur la base du chapitre VII (action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression) de la Charte des Nations Unies. L’action du Conseil de sécurité n’est pas limitée par le territoire ou la nationalité, mais elle est guidée par la Charte des Nations UniesMême s’il existe trois moyens de mettre en mouvement l’action pénale, il revient au Procureur de décider de passer à l’étape de « l'examen préliminaire »ainsi qu’à celle de l’ouverture d’une enquête.

La CPI est au cœur du système international pénal contemporain. Créée le 18 juillet 1998 par l’adoption du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, elle est la première juridiction pénale internationale permanente à vocation universelle. Son Statut – inspiré du projet de statut de la Commission de droit international – est entré en vigueur le 1er juillet 2002. En date de novembre 2019, elle compte 123 États parties et son siège est à La Haye aux Pays-Bas. Contrairement aux TPIY et TPIR, créés par le Conseil de sécurité des Nations Unies, la CPI est un tribunal créé par un traité international, auquel les États choisissent librement d’adhérer ; ce facteur a un impact sur la portée de sa compétence. La CPI se distingue également des tribunaux internationaux qui l’ont précédée par le fait qu’elle se fonde sur le principe de « complémentarité », lequel confie aux juridictions nationales la responsabilité première d’enquêter et de poursuivre les responsables présumés de crimes internationaux. Pour qu’une situation où des crimes internationaux paraissent avoir été commis puisse se retrouver devant la CPI, de nombreux critères doivent être tenus en compte. Ils concernent les modes de saisine de la Cour, sa compétence et la recevabilité d’une situation ou d’une affaire.

La Cour pénale internationale (CPI)

Cet ouvrage propose une étude de grande envergure, première du genre, sur la mémoire et le souvenir de l’esclavage. En analysant les débats politiques et académiques des vingt dernières années, l’auteur dégage deux approches : celle du soupçon politique (victimisation, instrumentalisation, surenchère) et celle du doute anthropologique (fragilité, absence, vide). Ayant établi ce constat Christine Chivallon part alors à la recherche des traces du souvenir de l’esclavage ainsi que des témoins qui les transmettent pour comprendre la teneur des expressions mémorielles issues de l’expérience esclavagiste. L’étude de l’Insurrection du sud qui a opposé, à la Martinique, anciens maîtres et anciens esclaves, en 1870, au moment de l’instauration de la Troisième République, forme le pivot de ce parcours. Elle permet de reconstituer une scène primordiale de violence et d’en trouver les expressions transmises au sein des descendants des insurgés, témoins d’aujourd’hui. L’approche de cet évènement fondateur fournit l’occasion d’aller bien au-delà de la découverte de récits de mémoire minorés pour explorer les différentes manières de transmettre, de s’emparer, ou « d’incorporer » le passé dans un contexte (post)colonial, formé dans la double matrice de l’esclavage et de la République. Pourtant, cette recherche dépasse largement le cadre empirique de la Martinique en établissant des connaissances sur la Caraïbe, et en construisant des interprétations théoriques autant sur les faits de mémoire que sur les expériences historiques liées aux conditions coloniales esclavagistes et à leurs devenirs. Christine Chivallon est directrice de recherche au LAM-CNRS (Sciences Po Bordeaux, Université de Bordeaux), anthropologue et géographe.

PLANTU, Le Monde, 8 octobre 1997.

Le procès Papon et les historiens

Vidéo - Le procès Papon - INA histoire

Le procès de Maurice Papon

Haut fonctionnaire, secrétaire général de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944, il se rapproche de la Résistance à la fin de la guerre. Préfet en Algérie, puis à Paris, (1958-1967), il porte la responsabilité policière de la répression des manifestations du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962. Le Canard Enchainé révèle en 1981 sa responsabilité dans la déportation des Juifs bordelais. Accusé de crimes contre l’humanité, il est condamné en 1998 à dix ans de prison et libéré en 2002 pour raisons de santé.

Simone Veil, le voyage du siècle d'Elsa Zylberstein (2022)

L’ONU définit la justice transitionnelle comme : « l ’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société́ pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation »

Un coup de foudre Serge achève ses études. Beate vient de s’installer en France comme jeune fille au pair et apprend le français. Émerveillée par Paris, sa culture et son atmosphère, Beate a le sentiment de s’y épanouir. Le 11 mai 1960, Serge et Beate se croisent sur le quai de la station de métro Porte de Saint-Cloud. C’est un coup de foudre. Serge révèle à Beate l’histoire du nazisme, de ses crimes et le parcours douloureux des siens. Le couple se marie le 7 novembre 1963.Les premiers combatsLe 1er décembre 1964, Beate Klarsfeld est embauchée à l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) à Paris en tant que secrétaire bilingue. Elle publie parallèlement un ouvrage tiré de son expérience de jeune fille au pair allemande à Paris, un guide pratique mais aussi un manifeste réclamant pour ces jeunes femmes une meilleure considération. Serge lui est engagé à l’Office de radiodiffusion télévision française en mai 1963. Il va notamment participer à la production d’émissions historiques et dramatiques. Mais il ne se plait guère car l’ORTF n’est pas indépendant mais sous l’emprise du pouvoir. Il démissionne en 1966. Beate est alors enceinte de leur premier enfant.Vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il s’apprête à devenir père, Serge Klarsfeld entame un retour sur lui-même et l’histoire de son père durant la Shoah. Il décide de partir sur ses traces en Pologne à Auschwitz et à Birkenau. En décembre 1966, le Ministre-président du Bade-Wurtemberg Kurt Georg Kiesinger est élu chancelier au sein d’une coalition avec le SPD. Un article du Spiegel publié en novembre 1966 apporte des précisions sur son rôle au sein de l’appareil national-socialiste comme directeur-adjoint de la propagande radiophonique du Reich vers l’étranger au ministère des Affaires étrangères. L’arrivée au pouvoir d’un ancien nazi et d’un ancien résistant socialiste pousse Beate Klarsfeld à s’exprimer publiquement à travers une tribune dans la presse. Deux autres textes signés par Beate et Serge vont suivre. La direction de l’OFAJ engage le 29 août 1967 une procédure de licenciement envers Beate pour « faute grave ». Mais le couple Klarsfeld refuse de céder face à ce qu’ils considèrent comme une injustice face à une situation scandaleuse. Ils s’engagent alors complètement dans un combat porté à la fois sur le plan politique, judiciaire et historique.

Serge, une enfance entre la Roumanie et la France Il voit le jour le 17 septembre 1935 à Bucarest en Roumanie. Un an plus tard, il arrive à Paris avec ses parents, Arno et Raïssa, et sa soeur Georgette. Très tôt, Serge va manifester un goût prononcé pour l’histoire et la littérature. Son père va rapidement s’engager dans l’armée française et sera fait prisonnier en juin 1940. Raïssa et ses enfants suivent alors l’exode jusqu’à ce qu’Arno s’évade et les rejoigne au printemps 1941. En septembre, la famille réunie s’installe finalement à Nice. La nuit du 30 septembre 1943, les nazis viennent les arrêter mais Arno parvient à cacher sa femme et ses enfants, avant de se sacrifier. Il est alors interné à Drancy, puis déporté au camp d’Auschwitz-Birkenau où il sera sélectionné pour le travail avant de succomber au cours de l’été 1944. Raïssa et ses enfants quittent Nice pour s’installer en Haute-Loire jusqu’à la Libération, puis il reviennent finalement à Paris. Face aux difficultés matérielles, ils s’exilent en Roumanie et ne reviennent à Paris qu’en janvier 1947. Serge Klarsfeld va y poursuivre ses études : plusieurs fois lauréat de la bourse Zellidja, il voyage à travers l’Europe. En 1958, il obtient son diplôme d’études supérieures en histoire à la Sorbonne et, en 1960, il est diplômé de l’institut d’études politiques de Paris dans la section des relations internationales.Beate, à Berlin sous le nazisme et ses décombresBeate Künzel est née le 13 février 1939 à Berlin, dans l’Allemagne d’Hitler. Son père Kurt, affecté en Belgique puis transféré sur le front de l’Est à l’été 1941, intègre les bureaux de la comptabilité de la Wehrmacht. Sa mère Hélène demeure au foyer et élève leur unique fille, Beate. À la fin de la guerre, Kurt retrouve sa femme et sa fille à l’ouest de Berlin où elles ont fui les bombardements, puis ils regagnent ensemble Berlin, ravagée. Leur appartement a été détruit. Le quotidien est pesant, Beate s’endurcit.Âgée de 16 ans, Beate va alors poursuivre ses études dans une école de commerce de Berlin. Ses relations avec ses parents restent conflictuelles et elle envisage de s’émanciper au plus vite pour rejoindre la vie active. À 21 ans, elle quitte le foyer familial et arrive à Paris quelques semaines plus tard, le 7 mars 1960.

Beate et Serge KLARSFELD, les "chasseurs de nazis" (1)

Carte 3 - accords de Dayton 14 décembre 1995

Carte 2 - Les conséquences de la guerre en Bosnie : la purification ethnique

Carte 1 - L'éclatement de la Yougoslavie dans la guerre

* Au titre du code du patrimoine, les audiences publiques devant les juridictions de l'ordre administratif ou judiciaire peuvent faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice. Cela permet ainsi de conserver la mémoire des atrocités commises et, pour les chercheurs, de disposer d’images permettant d’effectuer des recherches scientifiques.

Vidéo - 1987 : Les temps forts du procès de Klaus Barbie | Archive INA

Vidéo - Beate Klarsfeld "Le procès de Klaus Barbie est historique" | Archive INA

Officier SS, il devient en 1943 chef de la Gestapo de la région lyonnaise. Surnommé le « boucher de Lyon », il fait arrêter de nombreux Juifs et résistants qu’il torture, dont Jean Moulin. Réfugié en Bolivie, il est extradé vers la France en 1983, jugé et condamné en 1987 pour crimes contre l’humanité. Son procès est le premier procès filmé en France*.

Le procès de Klaus Barbie

« Le mur des Justes Le mur des noms

Voir questionnaires Mémorial de la Shoah (site de Drancy + site de Paris) et la rencontre avec un témoin du génocide

« Le danger n'est plus qu'on ne parle pas de la Shoah, mais qu'on en parle De Simone Veil / Lors de la commémoration de la rafle du Vel à mauvais escient ». d'Hiv e n 1942, Paris, 17 juillet 2005.

La Cité de la Muette à Drancy

Mémorial de la Shoah Paris-Drancy

Pierre LEPIDI, "Génocide au Rwanda : comment le rapport Duclert a changé la perception du rôle de la France", Le Monde, 7 avril 2022.

La demande d’Emmanuel Macron à la commission Duclert s’inscrivait dans une volonté du président français d’entamer une normalisation des relations avec le Rwanda, après un quart de siècle de tensions. Quelques semaines après la publication du rapport, Emmanuel Macron s’est rendu à Kigali, où il a reconnu en mai 2021 « nos responsabilités » et s’est engagé « à ce qu’aucune personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper au travail des juges » sur le sol français, où de nombreux génocidaires ont trouvé refuge après les tueries. [...]Le rapport fait pourtant figure de document de référence devant les tribunaux. Au tribunal correctionnel de Paris, il a été mentionné à plusieurs audiences lors d’affaires en lien avec le Rwanda. […} le 18 février, le rapport Duclert était mentionné devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris par l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau pour appuyer les propos de Guillaume Ancel, mis en cause pour une série de tweets. Cet ancien officier de l’armée de terre ayant servi au Rwanda était accusé de « diffamation » et d’« insultes » par Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée en 1994. La perception « a changé avec le rapport Duclert, qui corrobore les dénonciations de M. Ancel et le rôle d’un petit groupe, autour de François Mitterrand, qui préemptait la politique de la France au Rwanda », a ainsi déclaré au tribunal M. Audoin-Rouzeau.

→ La sollicitation des historiens en tant qu'expert des archives : l'exemple de la commission Duclerc le 26 mars 2021, une commission d’une douzaine d’historiens réunie autour de Vincent Duclert remettait à Emmanuel Macron un rapport de 1 200 pages sur le rôle de la France au Rwanda de 1990 à 1994, nourri par un accès sans précédent aux archives de l’Etat. « Je tiens à ce que le génocide des Tutsi prenne toute sa place dans la mémoire collective », avait fait savoir le président dans la lettre de mission envoyée à la commission Duclert deux ans plus tôt.S’appuyant sur près de 8 000 documents (notes manuscrites, télégrammes diplomatiques, analyses de conseillers, synthèses des conseils de défense…), le rapport conclut à « un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes » de Paris dans le génocide des Tutsi, qui fit entre 800 000 et 1 million de morts au printemps 1994.Au fil des pages, le rapport Duclert révèle une faillite politique, militaire et diplomatique au sommet de l’Etat français. Si la synthèse est accablante pour François Mitterrand et son état-major particulier, la complicité de génocide n’est toutefois pas retenue par les historiens, qui ne prétendent pas à l’expertise juridique sur cette notion (l'historien n'est pas un juge d'après Vincent Duclert). « La crise rwandaise s’achève en désastre pour le Rwanda, en défaite pour la France, concluent les auteurs. La France est-elle pour autant complice du génocide des Tutsi ? Si l’on entend par là une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer. » [...]

Le rôle des historiens dans la reconstitution de la vérité

→ La composition de corpus de sources à partir de ces procèsHélène Dumas est une historienne, spécialiste du génocide des Tutsi au Rwanda. Elle a réalisé sa thèse de doctorat sur les tribunaux gacaca. Construit à partir d'une analyse des audiences de procès gacaca au Rwanda, ce travail propose une reconstitution des mécanismes concrets d'exécution du génocide des Tutsi de 1994, à l'échelle micro-locale. Fondée sur un corpus d'archives orales constitué au cours d'une enquête ed plusieurs années dans ce pays, al thèse tente une restitution de l'événement à travers les récits d'expérience déployés par les différents acteurs sur une scène judiciaire inédite où les juges sont eux-mêmes survivants ou témoins. À la différence d'une approche institutionnelle ou politique visant à évaluer la processus judiciaire au regard des principes de la «justice transitionnelle » ou des objectifs de «réconciliation nationale », la travail prend appui sur le contenu des audiences et cherche à examiner leur contribution à la connaissance de l'histoire du génocide.En tant que spécialiste du génocide des Tutsi, Hélène Dumas a été invitée à témoigner lors d’un procès d’un génocidaire hutu en France.

La vie est belle de Roberto Benigni (1997)

D'un côté, les défenseurs du comique toscan voyant La Vie est belle comme une admirable leçon de mémoire administrée avec l'intelligence du rire. A commencer par le grand quotidien La Repubblica qui lança sur quatre colonnes un «Grazie ROBERTO» relayé par un grand nombre d'organes de presse dont le quotidien de droite Il Giornale («un journal d'opposition peut-il faire l'éloge du film d'un propagandiste avéré du gouvernement? Il le peut simplement parce que La Vie est belle est touché par la grâce») ou encore Famiglia Cristiana, le principal hebdomadaire du pays. De l'autre, les détracteurs du film, outrés que l'on puisse aborder la Shoah sur un ton aussi léger, à l'image du quotidien français Le Monde qui traitait l'œuvre de Benigni de «première comédie négationniste de l'histoire du cinéma». C'est tout d'abord le très polémiste Foglio de Giuliano Ferrara (l'ancien porte-parole de Silvio Berlusconi) qui, sans avoir vu le film, lança les hostilités, voulant rompre le concert de louanges initial en définissant La Vie est belle comme un «chef-d'œuvre mafieux. Mafieux dans le sens que personne ne pourra en dire du mal. Et alors, nous revendiquons le droit de descendre a priori la pellicule dont tout le monde dit du bien.» Puis c'est l'un des chroniqueurs littéraires de L'Unità (l'ancien organe du Parti communiste) qui s'est interrogé, avant que les critiques les plus sévères ne s'en mêlent, à l'instar de Panorama selon lequel «la partie du film se situant dans le camp est ce qu'il y a de plus superficiel qu'on ait jamais vu sur le sujet. On conseille à Benigni la lecture de Celan, Adorno et Anders sur l'argument Auschwitz, d'aller voir et revoir la cassette de Nuit et Brouillard». En quelques semaines, La Vie est belle a concentré des tonnes de vitriol. Après avoir massivement approuvé l'initiative de Benigni (qui a d'ailleurs bénéficié pendant le tournage des conseils du Centre de documentation juive de Milan), la communauté israélite italienne s'est également divisée par le biais de la presse, les juifs orthodoxes de Rome faisant paraître dans leur brochure un brûlot contre le film. Les responsables de Rome ont été contraints de faire publier dans le journal officiel de la communauté un article réitérant leur soutien entier à l'œuvre de Benigni.Eric JOSZEF, "L'Italie s'est déchirée autour de «La Vie est belle»", Le Temps, 31 juillet 1998. https://www.letemps.ch/culture/litalie-sest-dechiree-autour-vie-belle

L'Italie s'est déchirée autour de «La Vie est belle» «Nouveau Chaplin» ou «premier cinéaste révisionniste de l'histoire»?«Nouveau Chaplin» ou «premier cinéaste révisionniste de l'histoire»? Avec la sortie, en décembre dernier en Italie, de La Vie est belle, Roberto Benigni a fait l'objet d'une véritable polémique dans la presse italienne. Avec plusieurs centaines de milliers de spectateurs en quelques jours, des applaudissements spontanés à la fin des projections quand d'ordinaire le public italien s'enfuit à la première image du générique de fin et une première vague de critiques unanimes pour saluer La Vie est belle, Benigni pouvait s'enorgueillir d'avoir réussi un pari aussi audacieux que périlleux: raconter sur le ton de la comédie une rocambolesque histoire d'amour entre un Juif, sa femme et son fils, s'achevant dans l'enfer d'un camp nazi. Puis sont venues les premières attaques, aussi violentes que les premiers commentaires avaient été dithyrambiques. Rarement un film italien avait suscité une telle guerre d'opinion, rompant les traditionnelles fractures entre journaux de gauche et presse conservatrice.

Réconciliation nationale et communautaire

Au Rwanda, une politique « unité et réconciliation » est mise en œuvre par le FPR au pouvoir. Ce sont les gacaca qui jouent ce rôle de justice transitionnelle. Le Rwanda postgénocide accorde une place importante au pardon. L’enjeu est de taille pour la reconstruction car voisins avant le génocide, victimes et bourreaux le sont encore après. Le pardon se formalise sur le terrain judiciaire avec en 1996, la loi pour juger les crimes de génocide qui instaure la pratique du plaider-coupable, permettant d’obtenir une peine plus clémente. En 1998, un groupe de prisonniers constitue un « comité gacaca prison » et s’engage auprès des autres détenus pour les inciter à avouer leurs crimes dans leur propre intérêt et au nom de principes bibliques. Avec l’instauration des gacaca en 2002, la pratique de l’aveu se généralise, ce qui renforce le processus de réconciliation nationale. En ex-Yougoslavie, cette justice transitionnelle peine à se mettre en place car les mémoires sont encore vives et conflictuelles. Certains criminels de guerre serbes sont toujours perçus comme des héros nationaux. Des récits officiels opposés manipulant l'histoire se sont développés en Bosnie-Herzégovine, divisées en deux entités politiques (République serbe de Bosnie et Fédération de Bosnie-Herzégovine) en fonction de l'appartenance ethnique, et en Serbie. Certains crimes comme les actes génocidaires à Srebrenica reconnus juridiquement par le TPIY ne sont toujours pas reconnus par la plupart des Serbes et leurs dirigeants politiques.

Source : exposition temporaire Mémorial de la Shoah de Paris - Beate et Serge Klarsfeld les combats de la mémoire (1968-1978)(du 7 décembre 2017 au 28 octobre 2018) - résumé en ligne.

À la recherche de la vérité et de la justiceÀ la suite de l’enlèvement en Argentine d’Eichmann et de sa condamnation en Israël, la poursuite des criminels de guerre nazis à travers le monde suscite un intérêt croissant tout au long des années 60 et 70. Mengele, Bormann, Stangl, Barbie… Ce sont autant d’affaires marquées par de multiples péripéties, liées aux insuffisances de la justice, au scandale face aux protections accordées par certains gouvernements, à l’existence de communautés en Amérique du Sud entretenant le culte du nazisme, mais aussi à la fascination parfois morbide du public pour l’horreur des crimes perpétrés. Pour autant, l’action de Beate et Serge Klarsfeld ne se réduit pas à celle de « chasseur de nazis ». Alors que leur opposition envers Kiesinger débouche sur la recherche et l’engagement de poursuites contre d’anciens responsables de la persécution des Juifs en Allemagne et bientôt en France, elle s’enrichit de nouveaux aspects liés à la défense des Juifs à travers le monde. Les méthodes employées demeurent : recherches historiques pour constituer de solides dossiers, gestes spectaculaires pour frapper l’opinion, mobilisation des médias, pression permanente sur la justice régulièrement alimentée par de nouvelles preuves. Désormais, la lutte s’engage sur plusieurs continents, avec des ressources souvent dérisoires. Les journées se succèdent, enchaînant sans s’interrompre les conférences, les coups d’éclat, les recherches historiques, la prison, les expulsions, la vie de famille aussi. Parmi les milliers de faits et gestes, certains permettent de saisir l’intensité de leurs combats.À la fin des années 70, Beate et Serge Klarsfeld sont désormais des figures connues des médias et des opinions publiques en Europe et bien au-delà. Ils ont été progressivement rejoints par un noyau de militants et d’organisations souvent issues du monde juif, tout en restant farouchement indépendants. La mémoire de la Shoah à laquelle ils ont consacré une grande partie de leur vie connait également une reconnaissance mondiale.L’association des Fils et Filles des déportés juifs de France se structure et compte rapidement 2000 membres. Soudés autour du couple Klarsfeld, les militants forment une famille passée par la même épreuve de la perte d’un ou de plusieurs parents durant la Shoah et vivant, dans une étroite complicité, une forme de « catharsis » collective à travers l’action militante. À partir des années 1980, le combat pour la mémoire de la Shoah mené par Serge Klarsfeld et appuyé par les militants des Fils et Filles des déportés juifs de France se développe intensément. Prolongeant ses recherches sur la persécution des Juifs en France, notamment la responsabilité des autorités françaises et la mise en œuvre de la Solution finale en Europe, Serge Klarsfeld écrit, publie et édite des dizaines d’ouvrages.

La gifle Après avoir dénoncé publiquement l’élection au poste de chancelier d’un ancien haut-fonctionnaire nazi, Beate et Serge Klarsfeld veulent poursuivre leur action. Beate a été licenciée. L’intérêt du public en Allemagne pour les procès des criminels de guerre nazis faiblit et une forme de lassitude s’installe. Pourtant, face à ce scandale, le couple Klarsfeld va tenter de provoquer un autre scandale pour mieux le dénoncer et tenter de le stopper. Le premier geste intervient le 2 avril 1968. En pleine séance du Parlement à Bonn, Beate se lève depuis la tribune du public et interrompt un discours du chancelier en criant « Kiesinger nazi, démissionne ! », avant d’être expulsée par le service de sécurité. Comme l’espéraient les époux Klarsfeld, la presse relaie l’incident. Ils deviennent les figures du mouvement de révolte sociale en effervescence en France comme en Allemagne. Lors de la séance de clôture du congrès de la CDU à Berlin-Ouest le 7 novembre 1968, Beate Klarsfeld parvient finalement à gifler le chancelier Kiesinger dans la stupeur générale. Aussitôt arrêtée, elle est condamnée à un an de prison ferme. En appel, la peine est ramenée à quatre mois avec sursis. L’événement connait un retentissement mondial. Beate Klarsfeld a 29 ans et devient un symbole.

Beate et Serge KLARSFELD, les "chasseurs de nazis" (2)

En 1973 paraît La France de Vichy de l’historien américain Robert O. Paxton. Celui-ci démontre que Vichy avait recherché la collaboration avec l’Allemagne et avait développé un projet politique et idéologique propre (en particulier antisémite) qui ne devait rien aux contraintes de l’occupation allemande. Le livre a un fort impact dans la communauté des historiens français. Il est le point de départ d’une remise en cause de l’historiographie dominante qui faisait alors de Vichy, une simple antenne de l’occupant allemand obéissant aux ordres. La question du sort des Juifs et de la participation de Vichy à la « Solution finale » occupe assez vite une place centrale dans ces nouveaux questionnements.

Abdelaziz Bouteflika effectue ainsi une visite d’État en France du 14 au 17 juin 2000, la seconde seulement d’un président algérien depuis 1962. Au cours de sa visite, le président de la République algérienne prononce un discours marquant devant l’Assemblée nationale le 14 juin 2000. → Il plaide d’abord pour une refondation de la coopération algéro-française, particulièrement crispée pendant la « décennie noire », afin « qu’elle emprunte enfin le bon chemin dans un climat de confiance et d’amitié renforcé ». Affirmant que « la colonisation porta l’aliénation de l’autochtone à ses limites extrêmes », il juge que la décolonisation « ne lui a pas, pour autant, assuré une relation décolonisée avec l’ancien maître ». → Surtout, un an après l’adoption de la proposition de loi ayant officiellement reconnu la guerre d’Algérie, Abdelaziz Bouteflika appelle les Français à sortir « des oubliettes du non-dit la guerre d’Algérie, en la désignant par son nom ». Il demande également la rectification dans les manuels scolaires français de « l’image parfois déformée de certains épisodes de la colonisation ». → Son discours est cependant boycotté par une moitié des députés de droite. Ils justifient ce boycott en invoquant le « devoir de mémoire » envers les rapatriés et les harkis, selon les mots du député Démocratie libérale Claude Goasguen. → Le lendemain de son allocution au Palais Bourbon, Abdelaziz Bouteflika se rend à Verdun pour honorer la mémoire des 26 000 soldats algériens morts pour la France lors de la Première Guerre mondiale. → Interrogé dans le journal télévisé de vingt heures de France 2, Bouteflika a des mots très durs pour les harkis, rejetant l’éventualité de leur visite en Algérie : « C’est exactement comme si on demandait à un Français de la Résistance de toucher la main d’un collabo. »
Mise au point historique : « De la naissance à l’éclatement de la Yougoslavie : entre rêves d’unité et implosions sanglantes »La Yougoslavie ou « pays des Slaves du Sud » est un État d'Europe du Sud-Est, en partie situé dans la zone balkanique. Ce n’est pas une entité territoriale historique à part entière, mais l’aboutissement d’un processus de construction/déconstruction historique complexe, notamment porté par les mouvements nationaux et libéraux nés au XIXès et qui agitent toute l’Europe (« Printemps des peuples de 1848 »). Ce territoire ethniquement, religieusement et politiquement très disparate -frontière entre l’Europe chrétienne (schisme orthodoxe de 1054) et l’empire ottoman musulman (influence à partir du XIVès)- relève de trois « rêves historiques » successifs : un projet de fédération de tous les Slaves méridionaux, des Alpes à la mer Noire et de la Drave et du Danube aux mers Adriatique et Égée (« Grande Yougoslavie ») ; un projet de création d'un « troisième pôle », sud-slave, au sein de l'Autriche-Hongrie auquel il est intégré (proposé par l'archiduc héritier François-Ferdinand de Habsbourg dans une perspective « austro-slave » trialiste) ; un État qui exista sous différents noms et formes entre 1918 et 2006 : La « première Yougoslavie » est une monarchie fondée le 1er décembre 1918 sous le nom de « royaume des Serbes, Croates et Slovènes », avant d'être renommée « royaume de Yougoslavie » le 6 janvier 1929. Son premier souverain est Pierre Ier de Serbie. Cet État subsiste jusqu'à son invasion par les troupes de l'Axe le 6 avril 1941. La « deuxième Yougoslavie* » est une république fédérale à parti unique communiste, fondée le 29 novembre 1945, seul État de ce type situé à l'ouest du rideau de fer. Après la mise en place d'une nouvelle Constitution le 31 janvier 1946, elle adopte son nom définitif de « république fédérative socialiste de Yougoslavie » le 7 avril 1963. Celle-ci survit jusqu'au 15 janvier 1992, lorsque quatre de ses républiques fédérées font sécession : la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine du Nord. La « troisième Yougoslavie » est un État fédéral formé en 1992 sur le territoire de la Serbie (incluant les territoires de Voïvodine et du Kosovo) et du Monténégro. L'histoire de cette nouvelle entité, appelée « république fédérale de Yougoslavie », est marquée par une série de guerres civiles** qui opposent le pouvoir central aux différentes entités ex-yougoslaves ayant proclamé leur indépendance. Le 4 février 2003, le nom « Yougoslavie » est abandonné et le pays est rebaptisé « communauté d'États Serbie-et-Monténégro ». Il cesse d'exister à son tour le 3 juin 2006, à la suite de l'indépendance du Monténégro vis-à-vis de la Serbie, obtenue à la suite d’un référendum avec 55,4 % des voix. Durant la Guerre Froide, la Yougoslavie, alors en rupture avec l'URSS, eut la particularité d'adopter une politique de neutralité. Le pays ne fut ainsi jamais membre du pacte de Varsovie et la Yougoslavie participa à la fondation du Mouvement des non-alignés tout en maintenant une politique d'ouverture vis-à-vis de l'Europe occidentale notamment sur le plan des flux financiers et de la circulation des personnes. Elle fut dirigée d’une main de fer par le maréchal Tito à partir de 1945 et jusqu’à̀ sa mort en 1980. Composé de 6 républiques (Slovénie, Croatie, Serbie, Bosnie, Monténégro, Macédoine) et 2 provinces autonomes rattachées à la Serbie (Kosovo et Voïvodine), ce pays fédéral était multiculturel et multiethnique (la population se partage entre Serbes orthodoxes, Croates catholiques, Bosniaques musulmans). Les années 1990-91 voient, avec la fin de la guerre froide, l’effondrement du bloc oriental et de l’URSS, ce qui déstabilise ce pays communiste et fait ressurgir les tensions nationalistes. Dès juin 1991, les deux républiques les plus riches, la Slovénie et la Croatie, proclament leur indépendance, ce qui provoque l’intervention de l’armée populaire yougoslave (contrôlée par les Serbes). Si la Slovénie obtient gain de cause en 10 jours, la Croatie connait une guerre civile de 4 ans qui fait 20 000 morts en raison de l’opposition des Serbes locaux. Ensuite, éclate un conflit en Bosnie-Herzégovine (le plus meurtrier de la période qui a suivi l’éclatement de la fédération yougoslave) : La République de Bosnie-Herzégovine, située au centre de la Yougoslavie, a une présidence tripartite qui reflète la composition ethnique de sa population (43 % de Musulmans, 33 % de Serbes, 17 % de Croates et 7 % d’autres nationalités). En raison de sa situation stratégique, la république est convoitée par la Serbie et la Croatie qui tentent de s’emparer de larges parties de son territoire. Les dirigeants de ces deux pays se sont déjà rencontrés secrètement en 1991 et se sont entendus pour un partage de la Bosnie-Herzégovine, ne laissant aux Musulmans qu’une petite enclave. En avril 1992, Croates et Bosniaques de Bosnie réclament l’indépendance via un referendum. Les Serbes de Bosnie soutenus par la JNA (l'Armée populaire yougoslave) et la Serbie, font sécession et annoncent la création d’une « République serbe » dans les territoires qu’ils contrôlent en Bosnie-Herzégovine. En raison de leur supériorité militaire écrasante et suite à une campagne de persécutions systématiques des non-Serbes, ils prennent rapidement le contrôle de plus de 60 % du pays. Les Croates de Bosnie suivent peu après, refusant de reconnaître l’autorité du gouvernement bosniaque et proclamant la création de leur propre république avec le soutien de la Croatie. S’ensuit un conflit sanglant impliquant trois parties qui se battent pour le contrôle de territoires. Les civils, de toute appartenance ethnique, sont victimes de crimes atroces La capitale Sarajevo subit notamment un siège de 44 mois sous le regard impuissant de la communauté́ internationale et de la FORPRONU envoyée comme force d’interposition (toutefois les casques bleus ne doivent pas prendre parti et ne parviennent pas à̀ stopper les affrontements). On estime à plus de 100 000 le nombre de tués. Deux millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, sont forcées de quitter leurs maisons à cause de la guerre qui fait rage entre avril 1992 et novembre 1995. Des milliers de femmes bosniaques sont violées. Des camps de détention, sont mis en place par toutes les parties belligérantes, notamment à Prijedor, Omarska, Konjic et Dretelj. Le comble de l’horreur est atteint pendant l’été 1995 lorsque la ville bosniaque de Srebrenica, déclarée « zone de sécurité » par l’ONU, est la cible d’une attaque menée par le commandant bosno-serbe, Ratko Mladić. En l’espace de quelques jours, au début du mois de juillet, plus de 8 000 hommes et garçons musulmans de Bosnie sont exécutés par les forces serbes qui commettent ainsi un génocide. Les femmes et les enfants sont forcés de quitter la ville. Finalement, c’est l’intervention de l’OTAN qui met fin à̀ l’encerclement de la ville par les Serbes grâce à des frappes aériennes.  Les accords de Dayton signes en décembre 1995 mettent un terme au conflit. Il reprend toutefois en 1998 entre Albanais du Kosovo et Serbes, mais une campagne de bombardements menée par l’OTAN contraint les Serbes à quitter le Kosovo.