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La liberté guidant le peuple
Histoire de l’art
Created on January 21, 2023
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Transcript
La liberté guidant le peuple
Eugène Delacroix
I. Présentation de l'œuvre
A/ Biographie de l'auteur
Autoportrait au gilet vert (1837)
Eugène Delacroix est né à Charanton-Saint-Maurice en 1798, dans une famille bourgeoise de la banlieue parisienne. Son père, homme politique nommé Préfet de Marseille puis de Gironde sous l'Empire, décède en 1805 et sa mère, issue d'une famille d'ébéniste renommée à la cours royale, en 1814, le laissant orphelin. Il poursuit néanmoins ses études, bénéficiant d’une éducation musicale et artistique grâce à son oncle qui le fait rentrer dans un atelier parisien en tant qu'apprenti, avant d’intégrer l’Académie des Beaux-Arts en mars 1816. Il réalise de petits travaux (dessin industriel, costume de théâtre, décoration d'appartement...) afin de subvenir à ses besoins.
Dans les années 1820, Delacroix se lie d'amitié avec Victor Hugo et devient une figure clé de l’école romantique française. S’affranchissant des règles de l'académisme et du néo-classicisme, il se concentre sur la peinture religieuse (Dante et Virgile aux Enfers, L'Assassinat de l'évêque de Liège) et historique (Scènes des massacres de Scio, La Grèce sur les ruines de Missolonghi, La Mort de Sardanapale). Il résume son engagement ainsi : « Je me suis engagé dans un sujet moderne, et même si je ne me suis pas battu pour mon pays, j’ai au moins peint pour lui ». Aux couleurs plus atténuées de l’époque, le peintre préfère des teintes de rouge et de bleu qui produisent des contrastes marqués pour exprimer ses émotions tout en adaptant l'esthétique à ses besoins.
En 1832, Delacroix quitte Paris pour le Maroc où il peint des scènes de vie ou de paysages plus chaleureuses (La Noce juive au Maroc, Etude d'arabe assis). Durant toute sa carrière, l'artiste peint sur commande pour les représentants de l'État, de l’Empire, de la Monarchie Constitutionnelle, de la Première et Seconde Restauration... Son succès lors de l'Exposition Universelle de 1855 lui permet d'entrer à l'Institut de France et de créer la Société Nationale des Beaux-Arts. Il décède en 1863 à Paris sous le Second Empire de Napoléon III et demeure l'un des peintres les plus marquants de son époque avec une centaine d’œuvres à son actif.
Introduction
Classée parmi les œuvres les plus célèbres de l’Histoire de l’art, La liberté guidant le peuple est une large peinture à l’huile réalisée en 1830 par Eugène Delacroix, dans un contexte d’effervescence révolutionnaire ayant secoué Paris. Sa dimension allégorique et politique en a fait un chef d’œuvre souvent utilisé dans la culture populaire pour symboliser l’émancipation d’un peuple face à une domination oppressive.
Nom de l'artiste : Ferdinand Victor Eugène Delacroix Titre de l'œuvre : La Liberté guidant le Peuple. Année de création : Octobre-décembre 1830 Support : Cadre en bois et toile tendu Courant artistique : Romantisme Matériaux : Huile sur toile Dimensions : 260 cm x 325 cm Lieux d'exposition : Salon de Paris (1831) - Musée du Luxembourg (1863/1874) - Musée du Louvre, département des peintures, Paris, France.
B/ Contexte historique
La Liberté guidant le peuple s’inscrit dans un contexte historique fort marqué par les évènements de la révolution parisienne des 27, 28, et 29 juillet 1830, connue sous le nom des Trois Glorieuses. En effet, des manifestations éclatent alors que le roi Charles X tente de restreindre la liberté du peuple en rétablissant une monarchie absolue. De violents combats s’ensuivent, causant de nombreux morts. Charles X finit par abdiquer et une monarchie constitutionnelle, la Monarchie de juillet, est établie, sous le règne de Louis-Philippe Ier.
C/ Description de l'œuvre
La Liberté guidant le peuple illustre l'une des 4 000 barricades parisiennes érigées lors de la seconde journée des Trois Glorieuses, le 28 juillet 1830. Le cadre géographique est Paris, comme nous l’indiquent les tours de la cathédrale Notre-Dame qui émergent de la fumée en fond de toile. Le premier plan s’articule autour d’une foule d'émeutiers franchissant une barricade de pavés et de poutres au pied de laquelle gisent les dépouilles désarticulées des victimes de cette révolution.
Les personnages principaux, vêtus à la mode des années 1820-1830 et appartenant à l’ère industrielle, apparaissent à hauteur de regard : - une femme du peuple, personnage central de l’œuvre, représentée en pied, poitrine découverte et déchaussée, coiffée d’un bonnet phrygien et portant un fusil dans une main et l’étendard tricolore dans l’autre, - un travailleur à la journée, foulard noué sur la tête, émergeant des décombres le corps et le regard tendus vers le personnage central, - deux enfants des rues, l'un coiffé d'un béret brandissant des pistolets de cavalerie, la bouche ouverte sur un cri, l'autre coiffé d'un bonnet de police s'agrippant au pavé, - un homme coiffé d'un haut-de-forme, vêtu d’une redingote et d’une cravate dignes de la bourgeoisie, mais portant aussi le pantalon et la ceinture des ouvriers, les genoux sur la barricade, - un ouvrier manufacturier arborant béret sur la tête, pantalon à bretelles et tablier, sabre à la main et banderole sur l'épaule, - les cadavres de soldats, dont l’un dénudé, - un élève de l'École Polytechnique portant le traditionnel bicorne en arrière-plan.
Un bataillon d’infanterie semble attaqué en arrière-plan par des tirs provenant des bâtiments situés au fond. La fumée des combats et les vêtements des protagonistes créent une atmosphère sombre qui contraste avec quelques touches de couleurs au niveau du drapeau tricolore, de la chemise bleue, du bandana et de la ceinture rouge du travailleur à la journée, de la ceinture du bourgeois et des vêtements des soldats morts. Un effet de lumière semble jaillir du ciel pour éclairer la femme et le drapeau tricolore, concentrant le regard du spectateur sur ce personnage majeur.
II. Analyse de l'œuvre
La peinture semble être de prime abord une œuvre de propagande politique mettant en avant la République triomphante grâce à la force symbolique du drapeau et du bonnet phrygien. Elle est en réalité beaucoup plus ambiguë, conformément à la volonté de l’artiste. En effet, il convient de rappeler que Delacroix, admirateur de l’Empire napoléonien, est antirépublicain et partisan d’une monarchie modérée respectant les libertés et le droit des peuples de disposer d'eux-mêmes. Il est même très sceptique face à la démocratie. De plus, bien que Charles X est renversé, la monarchie n’est pas remplacée par une République. Celle-ci sera mise en place bien plus tard.
En plaçant le drapeau tricolore que Louis-Philippe vient de rétablir comme étendard officiel au centre du tableau, Delacroix souhaite glorifier le peuple acteur de sa propre histoire, à travers les classes populaires, qui a mené une révolution pour mettre un terme au règne de Charles X. Ce drapeau symbolise pour lui la répartition équitable du pouvoir entre le roi (blanc) et la nation (rouge et bleu couleur de Paris), ainsi que la réconciliation de cette dernière avec son histoire, celle de la Révolution et de l'Empire.
A travers cette œuvre qui fusionne réalité et idéal, c'est une partie du romantisme de l'auteur qui s'exprime, de son sentiment patriotique à travers le drapeau tricolore, puissant symbole de l'Empire Napoléonien. On y trouve une part de mystère grâce au jeu de lumière, de fantastique grâce à l’apparition improbable de cette allégorie en pleine bataille, mais aussi de morbide avec cet amoncellement de morts aux pieds de la Liberté. L’auteur contraste ses personnages en combinant des éléments de la tragédie classique (sang, nudité) et des éléments plus communs (poils, chaussettes). S’y dégage également une allusion au passé, notamment à la Révolution de 1789 à laquelle le tableau fait sans conteste penser.
L’œuvre détonne aussi par rapport aux tableaux traditionnels de batailles aux vues panoramiques et personnages de petite taille. En effet, Delacroix fait l’inverse, par un procédé au cadrage serré, coupant les figures sur les côtés et le drapeau en hauteur, ce qui crée un effet de hors champ par lequel les personnages apparaissent immenses, comme prêts à sortir du tableau. Les interprétations de l’œuvre se font suivant l’angle de sa construction géométrique, du jeu de lumière et du sens caché derrière chaque personnage.
A/ Construction géométrique et lumière
Le tableau est coupé en deux dans la diagonale supérieure gauche vers le coin inférieur droit (rouge), marquant la séparation entre la partie sombre/inférieure et lumineuse /supérieure de l'œuvre. Deux triangles structurent également la scène (jaune), invitant à une vision verticale de l'œuvre, de bas en haut, jusqu’au drapeau : - le plus important est construit autour de la femme, son segment de droite longeant le bras de l'enfant armé des pistolets, celui de gauche se calquant sur l'arme du bourgeois, tandis que celui de base suivant la ligne droite de la barricade, - imbriqué au premier, le second triangle recouvre en son sommet le haut de forme du bourgeois, prenant comme base les deux soldats morts avant de remonter à gauche sur le visage de l'homme au chapeau et à droite sur le visage du blessé.
Cette structure pyramidale met l’accent sur la dynamique et la violence des combats. Les coups de pinceaux du peintre créent des effets de lumière, de fumée et de mouvement saisissants, donnant à l’ensemble à la fois une impression de chaos énergique et d’ordre sous l’effet structurant de la pyramide. L’attention du spectateur est attirée par la femme, du fait de sa centralité, mais aussi du fait que les regards des protagonistes de la toile eux-mêmes convergent vers elle, à l'exception du jeune garçon sur sa droite qui regarde fixement le spectateur.
Deux autres points d'intérêts fixent le regard du spectateur (point vert) : Notre-Dame de Paris, dans la lumière à l'arrière droite du tableau, et le point vif de couleur de la chemise de l’ouvrier blessé sur l'avant gauche du tableau.
B/ Sens des personnages
Détail : Marianne - La liberté guidant le peuple
Le personnage central du tableau est la seule femme parmi les hommes, positionnée au premier plan et représentée de manière surdimensionnée par rapport aux autres protagonistes. Attirant immédiatement le regard, celle qui inspirera plus tard les traits de Marianne, femme symbole de la République, est une allégorie de la Liberté que Delacroix exprime par « son buste, ses pieds nus, la ligne serpentine de son corps, le drapé aérien de sa tunique » s'inspirant des statues grecques ou romaines antiques. Le bonnet phrygien sur sa tête symbolise la liberté, en référence aux sans-culottes de la Révolution française. Le peinte y ajoute des symboles modernes, drapeau tricolore dans une main et baïonnette dans l’autre, afin d’incarner à la fois l’idéologie de liberté de l’Antiquité et la lutte moderne. Il la représente poitrine dénudée en référence aux déesses de l'Antiquité et peau noircie par la poudre à canons ou la crasse. Pied gauche en avant, elle marche droit sur le spectateur d’un air déterminé, le visage désaxé profil grec comme une médaille, auréolé d’un nuage de fumée, le bras droit levé devant le blanc du drapeau pour mieux ressortir. Sa posture en action et son regard en arrière montrent qu’elle entraine le groupe de révolutionnaires vers la victoire finale.
Détail - La liberté guidant le peuple
Deux figures masculines importantes se trouvent au second plan, à gauche. La première brandit un sabre et porte un pistolet dans sa ceinture, ainsi qu’une chemise sans veste. Elle semble appartenir à la classe inférieure, la cocarde sur sa casquette désignant ses tendances révolutionnaires. La seconde, sur sa droite, est vêtue d’un complet bourgeois, haut de forme, veste et gilet, mais aussi d’un pantalon de travailleur. Selon une légende, ce jeune homme représente Delacroix ayant participé à l'insurrection. Cette association de personnages suggère que toutes les classes sociales s’unissent contre l’oppression royaliste et se battent ensemble pour une société meilleure.
L’homme au sol à la tête recouverte d’un foulard symbolise les journaliers, paysans travaillant temporairement à Paris, souvent dans les usines, lorsqu’il n’y a plus d’emploi dans les champs. Le bleu de sa blouse, le blanc de sa chemise et le rouge de sa ceinture rappellent les couleurs du drapeau. Sa position suggère une blessure, mais il trouve la force de se redresser dans un mouvement du peuple vers la Liberté.
Jeune garçon - La liberté guidant le peuple
Les enfants ne sont pas épargnés par la violence des combats, comme en témoignent les deux jeunes garçons qui symbolisent les gamins de Paris ayant participé aux émeutes durant les Trois Glorieuses. Le premier, qui inspira peut-être Victor Hugo pour son personnage de Gavroche dans Les misérables, se tient debout à droite, aux côtés de la Liberté, bonnet de velours et sacoche d’écolier, regard braqué sur le spectateur, tandis que le second git à gauche, agrippé aux pavés, un bonnet de police sans doute volé sur la tête. Ils incarnent la jeunesse révoltée par l'injustice et l’espoir d’un avenir meilleur. Ils peuvent également symboliser le désordre et la délinquance, comme l’indique le port des pistolets dans chaque main, probablement trouvés sur les soldats morts.
Homme étendu au sol - La liberté guidant le peuple
Deux dépouilles ressortent des corps sans vie jonchant le sol, témoins de la violence des affrontements. La première est très proche du spectateur et uniquement vêtue d’une chemise blanche et d'une chaussette bleue, tandis que la seconde est allongée en uniforme auprès d’autres soldats. La foule qui marche sur eux symbolise le prix à payer pour que le peuple gagne sa liberté.
Conclusion
Attaché aux valeurs républicaines et aux idéaux libéraux, le roi Louis-Philippe Ier achète l’œuvre de Delacroix pour 3 000 francs dans le but de l'exposer au Palais du Luxembourg. Le tableau n’y est présenté que quelques mois. Il est retiré par Hippolyte Royer-Collard, directeur des Beaux-Arts, qui le fait mettre dans les réserves de peur que son sujet encourage les émeutes. Edmond Cavé, son successeur, permet à Delacroix de la reprendre en 1839. Cela illustre bien le contexte de politisation de l’art en France au 19ème siècle. Par ailleurs, le tableau reçoit un très mauvais accueil du public qui crie au scandale, jugeant l’œuvre vulgaire, la Liberté sale, débraillée, dévergondée et peu féminine. Sa représentation est contraire à l'usage de l’époque de peindre des allégories idéalisées. Cette peinture est aujourd’hui devenue un chef d’œuvre iconique qui n’est pas sans rappeler Le radeau de la méduse de Géricault.