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une nouvelle fantastique de Jean Molla

Le portable noir

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-Jean Molla est un auteur français du XXIème siècle-Il écrit de la littérature d'enfance et de jeunesse- La nouvelle Le portable noir fait partie d'un recueil intitulé La revanche de l'ombre rouge publié en 2007-Ce recueil a reçu le prix des Incorruptibles en 2009, catégorie 5e/4e

Jean Molla en quelques mots:

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La nouvelle se passe au XXIème siècle. On ne connait pas le narrateur.Résumé:Pauline se promène avec sa meilleure amie et son petit ami quand elle décide de s'éloigner d'eux. Elle trouve alors posé sur un ponton un téléphone portable ultra chic, qui fonctionne parfaitement. Elle décide donc d'appeler sa grand-mère et deux autres amies avec mais quelque chose de bizarre survient le lendemain. . Ce qui aurait pu être une situation tout à fait lambda va mener à des conséquences meutrières..

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Le portable noir était posé sur le ponton, si près du bord qu'une rafale de vent aurait pu le précipiter dans l'eau d'un instant à l'autre. "Curieux qu'il ne soit pas tombé", songea Pauline.Elle se baissa pour le ramasser et l'examina.C'était un luxueux téléphone portable couleur ébène moulé dans une matière qui imitait le grain du bois. Il dégageait une odeur de terre humide qui s'évanouissait si vite qu'elle crut avoir rêvé. Quand elle l'ouvrit, les touches brillèrent comme de la nacre et lui firent songer à quatre rangées de dents sagement alignées. Pauline s'attendait à ce qu'il ne fonctionne pas mais quand elle appuya sur la touche appel, l'écran s'éclaira. L'appareil était chargé et les cinq barres alignées dans l'angle droit indiquaient que la récéption était excellente.Le vent se prit dans le feuillage des saules et gémit.Pauline se retourna, cherchant des yeux une présence humaine. Les berges étaient désertes. Derrière le rideau des arbres, s'élevaient les appels et les rires d'Alexandra et de Sébastien. Ils la cherchaient et, dans quelques minutes, l'auraient rejointe. Elle revint au portable et scruta la rivière. Pas de barque à l'horizon. D'ailleurs, pourquoi quelqu'un en promenade au fil de l'eau abandonnerait-il son téléphone sur un ponton d'embarquement ?Pauline s'assit, laissa pendre ses jambes dans le vide et caressa la coque noire. Même s'il ne portait aucun logo de marque connue, l'appareil avait dû coûter une fortune. Mue par la curiosité, elle voulut consulter les derniers numéros appelés mais ils avaient été effacés. Elle afficha alors le répertoire. Il comportait un nombre faramineux de noms et de prénoms. Pauline avait beau les faire défiler, elle ne dépassait pas la lettre A. -Comment cet engin peut-il avoir en mémoire autant de correspondants ? murmura-t-elle. On y a stocké un véritable annuaire ! D'ailleurs, qui peut connaitre tant de gens ?Si elle appelait une de ces personnes au hasard, elle saurait à qui appartenait le téléphone et pourrait le rendre à son propriétaire. Pauline se mordit les lèvres. Elle savait qu'elle n'en ferait jamais rien. Ce portable la tentait terriblement, même si une petite voix au fond d'elle lui soufflait que le conserver était du vol.

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-Bon, pour commencer, on va voir s'il marche ! Du pouce, elle composa le numéro de sa grand-mère. Trois sonneries puis un "Allô ?" chantant.C'est moi, mamie, tu vas bien ?-Oui, ma petite Pauline, je prends le thé avec madame Debienne. Pourquoi m'appelles-tu ?-Comme ça ! J'avais juste envie de te faire un coucou.C'est très gentil, ma biche. Tu es chez toi ?-Non, à la campagne, je me balade avec des copains mais je ne vais pas tarder à rentrer. Bon je t'embrasse. Je passe te voir demain après-midi, d'accord ?-Bonne idée, on papotera et on fera un clafoutis, j'ai plein de cerises. Au revoir, ma chérie.-Au revoir, mamie.Pauline coupa la communication et referma le portable.C’était une merveille : le son était clair, d’une netteté parfaite. Durant leur brève conversation, elle avait eu l’impression que sa grand-mère se tenait à côté d’elle. Très excitée, elle appela, pour le simple plaisir d’échanger quelques mots, deux autres personnes dont elle connaissait le numérode mobile par coeur : Camille, une copine parisienne qu’elle retrouvait chaque fin d’été en Corse, et Louise, sa correspondante anglaise. Ravie, elle constata que les communications internationales fonctionnaient! En dépit de la distance, la ligne était impeccable. Elle aurait volontiers passé quelques appels supplémentaires mais une voix familière la retint :— Hou hou, tu étais là ? On te cherchait partout ! Alexandra et Sébastien se tenaient à l’autre bout du ponton et lui adressaient de grands signes. Pauline glissa le téléphone dans la poche de son blouson et les rejoignit.— On se demandait si tu n’étais pas rentrée chez toi. — Non, je ne voulais pas vous déranger ... — Tu ne nous déranges pas ! L’étonnement d’Alexandra paraissait sincère. Se pouvait-il qu’elle soit naïve à ce point ? Pauline observa son amie, tentant de lire sur son visage ce qui se passait en réalité dans sa tête.

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Des mois durant, leurs pensées avaient été occupées par le beau Sébastien, un garçon de 3e B arrivé en cours d’année, timide mais si charmant que Pauline en était tombée amoureuse dès le premier regard. Elle s’en était ouverte à Alexandra qui n’avait pas tardé à le trouver à son goût. Qui de Pauline ou d’Alexandra séduirait Sébastien? Ce qui n’était qu’un badinage entre amies avait bientôt pris la tournure d’une rivalité sourde. Alex avait emporté la mise, tout au début des vacances, au cours d’une soirée organisée par des amis pour fêter le brevet. Pauline, mortifiée, les avait surpris en train de s’embrasser sous un tilleul. Affectant l’indifférence, elle avait ravalé son dépit mais sa blessure était à vif.Depuis, elle avait dû supporter de les voir marcher main dans la main, échanger des regards énamourés ou des baisers. Très vite, sa déception s’était muée en colère. Colère qu’elle se gardait d’exprimer à voix haute mais qui la dévorait et lui faisait haïr un peu plus chaque jour celle qu’elle considérait comme sa meilleure amie.Quelle idiote elle avait été d’accepter une promenade au bord de la Vonne en leur compagnie! À se demander si elle n’était pas masochiste. Au bout de dix minutes, elle n’avait qu’une idée en tête : les fuir ! Raison pour laquelle elle s’était éclipsée en direction du ponton. Ils étaient tellement préoccupés d’eux-mêmes qu’ils ne s’étaient pas rendu compte de sa disparition.— Je t’assure que tu ne nous déranges pas, répéta Alexandra. Sébastien se contenta d’un sourire embarrassé et hocha la tête en signe d’assentiment. Ils longèrent la rive et repartirent en direction dela route, dans un silence pesant, et Pauline pensa que c’était sans doute la dernière fois qu’ils se promenaient tous les trois. Quand ils arrivèrent en vue des premières maisons du village, elle prétexta un rendezvous et s’éloigna à grands pas. Elle arrivait chez elle quand elle vit sa mère entrer dans sa voiture et démarrer sur des chapeaux de roue. Son père, très pâle, restait immobile devant la porte.— Qu’est-ce qui se passe ? s’alarma Pauline. — Ta grand-mère vient d’avoir un malaise. Par chance, ça lui est arrivé pendant qu’elle discutait avec madame Debienne qui a appelé le SAMU puis ta mère.Et comme Pauline éclatait en sanglots, il la prit dans ses bras et dit : — Ne t’inquiète pas, mamie a une santé de fer. Tout devrait rentrer dans l’ordre très vite.

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Pauline jeta un coup d’oeil à son réveil. Il indiquait minuit et elle ne parvenait toujours pas à dormir. Une vague de frissons la parcourut. Depuis l’enterrement, elle avait froid, tout le temps froid. Rien ne parvenait à la réchauffer, ni les gros pulls dans lesquels elles s’emmitouflait ni les couvertures sous lesquelles elle se pelotonnait la nuit, en dépit de la météo caniculaire. Sa grand-mère était morte avant que les sauveteurs ne parviennent chez elle et sa mère avait eu beau lui répéter : « Une rupture d’anévrisme peut frapper n’importe qui n’importe quand », Pauline ne parvenait pas à se débarrasser d’un sentiment de culpabilité irréfléchi.Elle se leva, s’enroula dans son drap et, grelottante, s’installa à son bureau. Ses pensées la ramenaient sans cesse à sa grand-mère et, si sa raison lui affirmait qu’elle était définitivement partie, quelque chose au plus profond d’elle refusait de l’admettre. On ne peut pas être rayée comme ça de la surface du globe! Ce n’est pas juste! écrivit-elle sur une feuille avant de la froisser et de la jeter dans la poubelle.Un sanglot lui échappa. La justice n’avait rien à voir là-dedans : mamie était morte ! Elle ne la verrait plus jamais, ne lui parlerait plus jamais. Finies les crêpes qu’elles faisaient sauter quand l’envie les en prenait, les gâteaux improvisés, les conversations interminables sous le grand cerisier, les petits cadeaux pour un oui pour un non, les coups de téléphone à n’importe quelle heure de la journée, les confidences que mamie était seule à entendre. Machinalement, elle ouvrit le premier tiroir et en retira le portable.Etait-ce le souvenir de l’enterrement ? La petite coque noire lui évoquait à présent un cercueil, et l’odeur de terre humide qui l’avait surprise la première fois emplit ses narines avant de s’évaporer. Pauline s’attendait que l’appareil soit à demi-déchargé mais, surprise, elle constata que le témoin de batterie était toujours à son maximum.Elle le remit en marche et nota un détail qui lui avait jusqu’alors échappé. Aucun nom d’opérateur ne s’affichait sur l’écran. Elle l’éteignit et le ralluma sans qu’aucun code ne lui soit demandé. Toujours pas de nom d’opérateur. Pourtant, les cinq petites barres s’affichaient, immuables, indiquant que la réception était parfaite. En dépit de l’heure tardive, elle faillit appeler un ami au hasard mais une intuition la retint.

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Depuis plusieurs jours, une idée lui trottait dans la tête qu’elle ne parvenait pas à formuler et qui maintenant lui apparaissait comme une évidence : elle avait téléphoné à sa grand-mère depuis cet appareil et, moins d’une heure plus tard, celle-ci était morte. Perplexe, Pauline posa le téléphone sur le bureau et le contempla. Le chagrin la faisait-il délirer ?Poussée par la curiosité, elle reprit l’appareil, ouvrit le répertoire et appuya sur la touche qui lui permettait d’aller à la lettre L. Pauline fit défiler une liste impressionnante de correspondants avant de trouver.Latronnier Madeleine : le nom et le prénom de sa grand-mère! Le souffle coupé, elle le relut plusieurs fois pour se convaincre qu’elle ne s’était pas trompée. Utilisant la touche «choix», elle consulta les coordonnées du contact. Le numéro de téléphone enregistré était bien celui de sa grand-mère. Or, elle était certaine de ne pas l’avoir mémorisé!L’esprit en ébullition, Pauline revint au menu principal. Son pressentiment était-il juste ? Tous ces gens dont les noms figuraient sur la mémoire du portable étaient-ils morts, et le fait de les appeler de ce portable, précisément, pouvait-il provoquer leur mort ? Elle se souvint alors avec horreur qu’elle avait appelé son amie Camille et sa correspondante anglaise. Elle passa une heure à consulter la liste du répertoire et trouva leurs noms, dûment enregistrés.— Ce n’est pas possible, sanglota-t-elle. Ce n’est pas possible. Elle alla chercher son vieux portable et, d’un pouce fébrile, composa un SMS affolé qu’elle envoya à chacune de ses amies avec demande expresse de lui répondre sur-le-champ. Deux minutes s’écoulèrent et le vibreur du téléphone se déclencha. Pauline poussa un soupir de soulagement, en dépit de l’heure tardive, Camille l’appelait !— Allô, Camille? — Non, Pauline, c’est Anaïs. — Qu’est-ce qui se passe ?D’une voix entrecoupée de sanglots, la soeur aînée de son amie lui apprit que Camille avait été fauchée par une voiture, une semaine plus tôt, alors qu’elle revenait de la piscine. Elle avait été tuée sur le coup. Pauline raccrocha. Camille s’était éteinte quasiment à la même heure que sa grand-mère. Ses veines charriaient des torrents de glace. Elle ne pouvait ni pleurer ni hurler, comme elle l’aurait souhaité, au risque d’affoler ses parents. Accablée, elle composa le numéro de Louise et, au bout de six sonneries, entendit l’annonce qui l’invitait à laisser un message. Elle ne jugea pas utile de parler. Louise était morte, elle en avait l’intime conviction.

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Abandonnant son bureau, elle regagna le lit et s’y laissa tomber. Tout son corps lui faisait mal. Ses muscles étaient noués, sa respiration difficile. Elle voulut lutter pour rester consciente mais un voile sombre recouvrit ses yeux et le sommeil l’engloutit comme une coulée de goudron.Il était neuf heures quand elle se réveilla, la tête et les membres lourds. La maison était silencieuse. Ses parents partaient travailler dès huit heures et ne rentraient qu’en début de soirée.— Mamie, Camille, Louise, murmura-t-elle avant d’éclater en pleurs.Ce n’était pas possible, un téléphone ne pouvait posséder ce monstrueux pouvoir. Il fallait vérifier encore ! Retournant à son bureau, elle choisit au hasard deux noms dans le répertoire et se rendit au salon.D’un doigt fébrile, elle composa le premier numéro et attendit. Plusieurs sonneries retentirent puis une voix féminine prononça : — Allô? — Bonjour, dit Pauline, pourrais-je parler à Marc Dabadie ? — Je suis désolée, mademoiselle, répondit son interlocutrice. Il s’agit de l’ancien propriétaire et j’ai le regret de vous annoncer qu’il est décédé voilà huit mois.La gorge sèche, Pauline appela le second numéro et eut toutes les peines du monde à demander sa correspondante. Un homme éploré lui annonça que son épouse avait trouvé la mort dans un accident de voiture l’hiver précédent. Elle raccrocha et chercha l’appui de la console. Ses jambes flageolaient et elle gagna péniblement le canapé.— C’est moi qui les ai tuées, gémit-elle. Si je ne les avais pas appelées, elles seraient toujours vivantes et ... Cédant à la colère, elle se leva, courut chercher un marteau dans le garage et retourna dans sa chambre, bien décidée à réduire le portable en miettes. Elle le prit, le posa sur le plancher, leva le marteau et resta figée, le bras dressé, saisie par une crainte inexplicable.

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L’objet recelait une puissance qui la dépassait. Il l’écoeurait et la fascinait à la fois. Elle se sentait sans force, incapable de le pulvériser, alors qu’elle aurait dû le faire sans hésiter. Dans un état second, Pauline posa l’outil, saisit le téléphone du bout des doigts, comme si elle redoutait de les souiller, et le laissa tomber dans le tiroir de son bureau qu’elle referma d’un coup sec.Trois jours s’écoulèrent. Ses parents travaillant, elle devait affronter une solitude insupportable. Elle oscillait entre des états contradictoires, passant des pleurs à l’abattement ou à un questionnement frénétique qui la laissait épuisée.Pouvait-elle se considérer responsable de la mort de sa grand-mère et de ses amies ? Evidemment non ! Comment aurait-elle pu imaginer en le trouvant que ce portable provoquait la mort de ceux qu’on appelait ? D’où venait-il et depuis quand passait-il de main en main ? Cet objet était diabolique ! Comme elle, son précédent propriétaire avait dû découvrir son épouvantable propriétaire. N’osant le détruire, il l’avait posé sur le ponton et s’était enfui, espérant sans doute qu’une rafale de vent le précipiterait dans la rivière. Le hasard avait voulu qu’elle s’y rende ce jour-là. Elle pouvait s’en débarrasser de la même façon mais quelqu’un le trouverait et, de nouveau, le téléphone tuerait.— C’est monstrueux, murmura-t-elle en se recroquevillant sur le canapé. Monstrueux.Alexandra et Sébastien passèrent la voir à plusieurs reprises. Ces visites n’apaisèrent pas son chagrin. Pire, elles l’aiguisèrent. C’était insupportable de les voir ensemble alors qu’elle ne vivait qu’entre tristesse et remords. Et puis, Pauline ne percevait une once de sincérité chez Alexandra. Elle venait par pure convenance. Sébastien, en revanche, s’était montré très proche, voire prévenant, et, en partant, l’avait embrassée avec douceur. D’ailleurs, il revint. Seul. Comme Pauline s’en étonnait, il lui répondit : « J’avais envie de te voir. Et puis, je te signale qu’Alex et moi, on n’est pas mariés ! Je te demande juste de ne rien lui dire : elle est d’une jalousie maladive. » Il avait l’air si penaud que Pauline éclata de rire.

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Voilà des semaines que cela ne lui était plus arrivé. Elle vivait un véritable rêve : le beau Sébastien se tenait, souriant, sur le seuil de sa porte.« Entre, lui dit-elle. Je te promets d’être discrète. Ce sera notre secret. »L’enchantement fut de courte durée. Le soir-même, sa mère frappa à la porte de sa chambre. Elle lui tendit le téléphone.« C’est Alex. » Mal à l’aise, Pauline prit le combiné. « Allô ? — Salut. » La voix d’Alexandra était glaciale. Il y eut un blanc puis elle reprit : « T’as plus intérêt à t’approcher de Seb, espèce d’enfoirée ! — Mais, je ... tenta de protester Pauline. — Ne fais pas ton hypocrite ! Je l’ai vu revenir de chez toi et on a eu une explication. Mets-toi dans la tête qu’il n’en a rien à fiche de toi ! Alors maintenant, tu le lâches et tu me lâches par la même occasion. Tu crois que je ne sais pas qu’il te plaît ? On en a assezparlé comme ça ! J’en ai marre de tes airs de sainte-nitouche. J’en ai marre que tu joues les veuves éplorées pour me piquer mon copain. C’est complètement nul ! »Pauline ne savait que répondre, déstabilisée par ce flot de colère, ces mots qui seplantaient en elle comme des aiguilles et qui la blessaient. L’allusion perfide à la mort de sa grand-mère fut de trop. C’étaient des paroles méchantes et gratuites. Elle allait répliquer quand Alexandra raccrocha brutalement. Peinant à maîtriser sa fureur, Pauline ramena le téléphone au salon puis elle retourna dans sa chambre. Une rage sourde la tenaillait. Bien qu’elles soient amies de longue date, Alex avait toujours affecté une attitude condescendante à son égard, lui laissant clairement entendre que c’était elle la plus intelligente, la plus belle, la plus séduisante. Alex avait daigné s’intéresser à Sébastien lorsqu’elle lui avait fait remarquer qu’il était mignon et sympa.

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D’ailleurs, quand ils étaient sortis ensemble, Pauline s’était demandé si Alex n’était pas, en réalité, motivée par le désir sournois de la blesser. Enfin, il y avait eu cette manière ostentatoire de s’afficher avec lui, cette cruauté larvée qu’elle devinait dans chacune de ses paroles, dans chacun de ses gestes. Cette fois-ci, Alex avait passé les bornes. Animée par une rage froide, Pauline ouvrit son tiroir, en sortit le téléphone noir et composa le numéro de portable d’Alexandra. Il y eut quatre sonneries puis elle décrocha.« C’est moi, Pauline.— Je sais reconnaître ta voix ! Qu’est-ce que tu veux encore ? Je n’ai pas été claire ? » Alexandra n’avait rien perdu de son agressivité et Pauline sentit sa rage se muer enhaine. « Si, très claire. Je voulais simplement te dire que c’est la dernière fois que tu m’entends. La réponse claqua comme un coup de fouet. — Eh bien, j’en suis heureuse. Maintenant, dégage et oublie Sébastien ! » Pauline coupa la communication. Son cœur cognait dans sa poitrine mais elle s’efforça de faire taire sa conscience. Elle n’avait fait que téléphoner à son amie. Rien de plus. Elle prit cependant le temps de vérifier que le nom d’Alexandra avait bien été rajouté au répertoire et murmura :« Je crois plutôt que c’est Sébastien qui ne sera pas long à t’oublier, ma chère. » Bien sûr, Sébastien eut du mal à se remettre de la mort d’Alexandra. Elle avait glissé dans les escaliers et s’était brisé la nuque en descendant dîner, le soir même où ils avaient eu cette stupide fâcherie à propos de Pauline. Il n’y avait évidemment aucun rapport entre cet accident et les mots qu’ils avaient eus mais il en conservait un souvenir amer.

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Au village, l’émotion avait été forte : deux décès en moins de quinze jours, c’était beaucoup. Les obsèques d’Alexandra eurent lieu puis la vie reprit son cours. Sébastien restait cloîtré chez lui. Pauline se contentait de se manifester de loin en loin. À la fin du mois, elle lui proposa d’aller se promener le long de la rivière. Il accepta et cette promenade les rapprocha. Plus encore que Pauline ne l’aurait espéré. Chaque jour, ils se revirent, chez elle ou chez lui, à la piscine ou au foyer des jeunes. Pauline n’éprouvait pas de culpabilité. Elle avait évacué de sa mémoire le portable et s’était persuadée qu’il n’y avait aucun rapport entre la mort d’Alexandra et son appel téléphonique. Ce décès lui apparaissait comme un regrettable accident, une expression de la fatalité contre laquelle il ne servait à rien de lutter. C’est d’ailleurs ce qu’elle avait expliqué à Sébastien, le soir où elle osa lui prendre la main et la serrer si fort qu’il ne put retenir un cri de douleur avant de la prendre dans ses bras et de l’embrasser. Ils étaient assis au bord de la rivière. L’air était lourd de l’odeur des chèvrefeuilles qui hérissaient les haies et Pauline se dit que jamais elle ne pourrait être plus heureuse qu’à cet instant, blottie contre Sébastien. Celui-ci fit courir ses doigts sur ses hanches et toucha, à travers la toile de son jean, le portable glissé dans sa poche arrière. Pauline se cabra. Elle ne s’en séparait jamais.Pourquoi ? Elle n’en savait rien elle-même mais le laisser dans son tiroir lui était une épreuve insurmontable. Il fallait qu’elle le garde sur elle, même si elle savait que plus jamais de sa vie elle ne s’en servirait.Pauline tenta d’éloigner la main du garçon mais il la plaqua avec force sur la bosse qui tendait le tissu. "Qu’est-ce que tu trimballes là ? demanda-t-il en essayant de deviner à sa forme ce qu’elle tentait de dissimuler. Une arme ? -Idiot, c’est mon portable! »Les doigts se firent plus pressants.« Je ne me souvenais pas qu’il était si petit ! s’exclama-t-il. Il n’y a pas si longtemps, t'utilisais un vieux machin qui pesait trois tonnes !

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— C’est celui que mes parents m’ont offert pour mon brevet, mentit-elle. — Super ! Tu me le fais voir? — Pas la peine ! De toute façon, il fonctionne mal en ce moment, il faut que je le donne à réparer. Une autre fois, s’il te plaît. » Sébastien avait deviné un malaise dans la voix de Pauline. Il s’assit et l’observa. Elle était pâle et la lumière déclinante du jour soulignait l’expression de contrariété qui plissait sa bouche. Pauline lui dissimulait quelque chose. Il faillit lui demander pourquoi elle réagissait de manière si épidermique pour un simple téléphone puis préféra ne pas insister. Les dernières semaines avaient été éprouvantes pour eux deux et il ne pouvait lui adresser le moindre reproche.« Demain, lui dit-il en l’embrassant au coin des lèvres, je suis seul à la maison. Je t’invite ? » Pauline lui rendit son baiser et répondit : « Rien ne pourrait me faire plus plaisir. »Jamais elle ne s'était sentie aussi légère. Pauline flânait, repue de ces heures passées avec Sébastien. Elle était amoureuse, comment en douter ? Et passer une journée de rêve avec le garçon de ses rêves, que demander de plus ?Ils avaient paressé dans le jardin, à l'ombre des grands tilleuls, parlant de tout et de rien, simplement heureux d'être ensemble. Il leur semblait que les vacances ne finiraient jamais, que leurs jours s'écouleraient à l'identique, pour l'éternité. Plus tard, ils avaient barboté dans la piscine creusée au centre de la pelouse. Sébastien avait tenté de l'entraîner dans sa chambre mais elle avait résisté, se contentant de lui rendre les baisers qu'il ne cessait de lui donner.Pauline avait atteint la place du village, à deux pas de chez elle. Elle s'assit sur un banc et sourit. La vie était étrange, le destin aussi. Il lui fallait savourer son bonheur présent en égoiste et surtout ne pas penser aux circonstances qui avaient permis que Sébastien et elle tombent amoureux l'un de l'autre. Ne surtout pas y penser...

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Ses parents s'occupaient du diner quand elle arriva chez elle. Son père allumait le barbecue dans le jardin et sa mère achevait de préparer une salade niçoise. -Tu es rayonnante ma chérie ! s'exclama-t-elle en posant un baiser sur sa joue. Tu ne peux pas savoir comme je suis heureuse de te voir comme ça.Le téléphone sonna. Mme Labbé essuya ses mains pour aller décrocher mais Pauline lui dit:-Laisse, je prends. La voix de Sébastien résonna dans l'écouteur, si claire, si proche.-Bonsoir, ma douce, tu vas bien depuis tout à l'heure ?-Oui, attends.Pauline monta dans sa chambre pour pouvoir parler à son aise et demanda, un rien mutine:-Je te manque tant que ça pour que tu m'appelles dès qu'on se quitte ?-Bien sûr que tu me manques ! Et en plus, tu as oublié quelque chose chez moi.La jeune fille sentit un souffle glacial balayer la pièce. Machinalement, elle porta la main à la poche de son jean. Le portable n'y était plus !-Mon téléphone ! hurla-t-elle.-Exactement ! Mais il n'y a pas de quoi s'énerver, je te dis que je l'ai. Tu veux que je te le rapporte ?Contenant à grand-peine le tremblement qui agitait sa main, Pauline déglutit et répondit :-Oui. Amène-le-moi immédiatement, s'il te plait.-vos désirs sont des ordres ma prinesse. Votre fidèle serviteur saute sur son vélo et il arrive !Pauline allait raccrocher quand Sébastien ajouta:-Au fait, tu m'as raconté des bourres hier: ton téléphone, il fonctionne parfaitement.-Comment tu le sais ? demanda-t-elle, affolée. Tu ne t'en es pas servi ? Dis-moi !Un rire joyeux éclata dans l'écouteur.-Mais si ma douce ! Avec quoi crois-tu que je t'appelle ?

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