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séquence 3 : la ruse en littérature
Lyaudet
Created on January 6, 2022
fables et fabliaux
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Séquence 3 : la ruse en littérature
Index
séance 1
séance 4
séance 2
séance 6
fabliau lu
séance 7
le vilain et la tarte
séance 8
séance 3
LCA
le vilain mire
merci
01
qu’est-ce qu’une ruse ?
Enfermé dans la grotte du Cyclope avec ses compagnons, il leur propose de s’accrocher au ventre de ses brebis pour échapper au géant lorsque celui-ci sortira son troupeau pour le faire paître.
Pressée par les prétendants au trône de choisir un nouvel époux, cette reine promet de faire son choix lorsqu’elle aura fini une toile qu’elle confectionne le jour… et défait la nuit.
Cette reine de Perse doit être exécutée au petit matin. Pour rester en vie, elle débute une fascinante histoire et promet au roi d’en raconter la suite la nuit suivante.
Affamé, il s’étend au milieu de la route, fait le mort et attend que des marchands le jettent dans leur charrette. Là, il dévore leur chargement de harengs et d’anguilles.
02
découverte du fabliau
e vilain et la tarte (fabliau anonyme)
Le Vilain et la tarte
out était prêt à la cour ; y entrait qui voulait. Parmi toutes ces convives, il y avait aussi, à mon avis, des gens qui ne mangeaient pas à leur faim ni l'hiver ni l'été ; alors ils profitaient de la générosité du comte pour boire bon vin et manger bonne viande. Tel était le désir du comte. Cela ne plaisait pas au sénéchal : - Quel malheur! disait-il. Je vois ici des gens qui en profitent bien : ils mangent à leur aise, comme si tout ce qu'il y avait ne coûtait pas plus qu'un oeuf! Parmi ces gens, il y en a bien trente-neuf qui n'ont pas fait un vrai repas depuis un bout de temps.
t le sénéchal, tel un pourceau, bâfrait pour se remplir la panse. Il buvait du vin en cachette, mangeait tout seul, sans le moindre souci, des coqs bien gras et grande quantité de poulets. Rien d'autre ne l'intéressait. Le comte, un homme de bien comme je l'ai dit, envoya un jour des messagers pour annoncer qu'il allait donner une réception. La nouvelle s'en répandit très vite dans tout le pays. À la cour du comte arrivèrent sans attendre des écuyers, des chevaliers et des dames, tous plus soucieux de nourrir leur corps que de s'occuper du salut de leur âme.
e vais vous raconter un fabliau que j'ai entendu un jour chez un comte.Ce seigneur avait un sénéchal perfide, avare et rusé ; bref, il avait tous les vices de la terre. Et aucun visiteur ne le plaignait s'il lui arrivait des ennuis : il était en effet bien trop méchant. Quand il voyait son seigneur faire du bien à quelqu'un, il en devenait fou. Il en crevait de mépris, de dépit et d'envie. Le comte menait bonne vie, il avait grande réputation et il riait de la méchanceté de son sénéchal qui n'aimait guère voir des invités dans la maison de son maître.
ntendant ces paroles, le vilain, de sa main droite, fit le signe de la croix et dit : - Sire, par Saint Germain, je viens manger, car j'ai entendu dire qu'on peut ici manger autant qu'on veut. - Attends, je vais te servir quelque chose, dit le sénéchal pour se moquer. Il lève la main et assène une grande tarte au pauvre Raoul : - Voilà la tarte que je te prête, siffle-t-il méchamment. Savoure-la bien. Puis il fait apporter une nappe, et commande nourriture et vin en grande quantité, pensant ainsi, dès que le vilain sera ivre, avoir l'occasion de le rosser et lui faire passer l'envie de revenir chez le comte.
'est alors que se présenta un bouvier nommé Raoul, qui venait de quitter son attelage. Le sénéchal tourna les yeux vers cet individu crasseux, à la tignasse ébouriffée. Il y avait bien cinquante ans qu'il n'avait pas porté coiffe ou bonnet sur la tête. Repris par sa méchanceté et sa cruauté habituelles, le sénéchal vient à la rencontre du vilain. Rempli de colère, il s'écrie : - Regardez-moi cet avaleur de pois! Voyez son air réjoui! Il lui en faut des platées de légumes pour se farcir le ventre! Que le haut mal rentre en lui et qu'il crève! Ainsi, le fourbe sénéchal se répand en insultes : - Qu'il soit noyé dans les latrines celui qui t'a montré le chemin jusqu'ici!
a main du vilain est épaisse et calleuse ; je crois bien qu'il aurait fallu aller au moins jusqu'au pays de Galles pour trouver un homme aussi costaud. Il assène une grande tarte sur la joue du sénéchal : - Je vous rends, dit-il, la nappe et la tarte que vous m'avez prêtées ; je ne veux pas les emporter. Il n'est pas bon de prêter à un homme qui ne rend pas ce qu'on lui prête. Aussitôt, l'entourage du comte veut corriger le vilain. Mais le comte déclaire qu'il veut savoir la raison de cette tarte. Tout le monde se tait puisque le maître l'ordonne. - Pourquoi as-tu maltraité mon sénéchal? demande le comte. Tu as été fou de le frapper devant moi. Tu t'es fourré dans de bien mauvais draps! C'est là une grave erreur et je vais te jeter en prison.
ue dire de plus dans cette histoire? Le comte appelle les ménestrels et fait savoir que celui qui racontera la meilleure histoire drôle ou fera le meilleur tour obtiendra pour récompense sa robe neuve écarlate. Les ménestrels tiennent le pari et s'encouragent. L'un fait l'homme ivre, l'autre le sot ; l'un chante, l'autre joue de la musique, un autre mime une dispute, et un autre se met à jongler. Des baladins jouent de la vielle devant le comte, d'autres récitent des fabliaux remplis de moqueries ; l'un d'eux récite l'histoire comique d'un charlatan vantant les mérites d'une herbe qui guérit tout. On rit beaucoup. Le vilain, de son côté, attend l'heure son heure pour se venger du sénéchal. Celui-ci parle avec le comte, sans se méfier ; il ne voit pas le vilain qui s'approche tranquillement avec sa nappe.
essire Henri, le comte, se mit à rire et tout le monde en choeur avec lui, cela n'en finissait pas. Le sénéchal passait sa main sur sa joue douloureuse et brûlante. Il ne savait que faire, vexé de voir qu'on se moquait de lui. Il s'en serait bien pris au vilain, mais il n'ose pas braver le comte. - Il t'a rendu ta tarte, dit durement sire Henri, et tout ce qui t'appartient. Puis le comte se tourna vers le vilain : - Je te donne ma robe neuve écarlate, car tu m'as fait plus rire que tous les autres ménestrels. Et ceux-ci déclarèrent : - Sire, vous dites vrai, il mérite amplement votre robe. Jamais on n'a vu un aussi bon vilain. Il s'est bien occupé de votre sénéchal et lui a retourné sa méchanceté.
— Sire, répond le vilain, écoutez-moi, juste une petite minute. Quand je suis entré chez vous, j'ai rencontré votre sénéchal, un perfide et triste personnage, qui s'est moqué de moi, m'a raillé et couvert de reproches. Il m'a donné une grande tarte et m'a dit, en jouant sur les mots, de bien la savourer. Il m'a dit qu'il me la prêtait et qu'il m'apporterait ensuite autre chose à manger. Et quand j'ai eu bien bu et bien mangé, sire comte, que faire d'autre sinon lui rendre sa tarte? Je n'ai pas voulu qu'on m'accuse, je lui ai donc rendu devant témoins et sous vos propres yeux. À vous de juger, sire, avant de vous aller laver les mains, si j'ai fait quelque chose de mal qui mérite que vous m'arrêtiez. Car je lui ai rendu ce qui lui appartient, je pense. Je ne lui dois plus rien, nous sommes quittes. Je suis même prêt à lui donner encore une tarte si celle que je viens de lui rendre ne le satisfait pas.
a leçon de ce fabliau est qu'il est fou celui qui passe son temps à faire le mal. Fous également ceux qui gardent leurs richesses en avares et oublient de faire le bien. Ils veulent garder leur fortune dans leurs mains et ils n'en font profiter personne. C'est là richesse mauvaise qui n'honore pas son propriétaire. Quoi qu'il en soit, le vilain quitta la cour en emportant la robe du comte. Sur le chemin du retour, il songeait aux proverbes qu'on a coutume de dire : «Qui reste chez lui, se dessèche» et encore «Qui sort de chez lui obtient profit.» «Si j'étais resté chez moi à m'occuper de mes boeufs, se dit-il, je n'aurais jamais été habillé d'une robe écarlate toute neuve.»
03
le vilain mire
Le Vilain Mire
e vilain, le plus tôt qu'il put, l'épousa, mais de cette affaire la fille n'avait pas grand-joie. Que n'eût-elle osé refuser ! Quant au vilain, il s'aperçoit, le tracas des noces passé, qu'il a commis une sottise. Avoir fille de chevalier ne convient guère à son usage. Quand il ira à la charrue, viendra rôder un damoiseau pour qui tous les jours sont fériés; sortira-t-il de sa maison, ce sera le tour du curé, si assidu dans ses visites qu'il arrivera à ses fins. Jamais fille de chevalier n'aimera un mari vilain : pour elle il ne vaut pas deux miches. « Pauvre de moi ! dit le bonhomme ; quel parti prendre, je ne sais. Les regrets ne servent à rien. »
ans le village un chevalier — un vieil homme demeuré veuf — avait une fille charmante et damoiselle très courtoise. Mais comme il était sans fortune, il ne trouvait jamais personne qui vînt lui demander sa main. Il l'eût volontiers mariée, car c'était temps de la pourvoir. Un jour, les amis du vilain vinrent ensemble le prier de la donner au paysan qui avait tant d'or et d'argent, tant de froment et tant de linge. Aussitôt il y consentit et la pucelle en fille sage n'osa contredire son père, puisqu'elle avait perdu sa mère. Elle octroya ce qu'il voulut.
l était un riche vilain, extrêmement avare et chiche. Il ne quittait pas sa charrue, qu'il menait lui-même, attelée d'une jument et d'un roncin. Il avait pain et viande et vin toujours au gré de ses besoins. Mais ses amis le blâmaient fort, et avec eux tout le pays, de ne pas avoir pris de femme. « Si j'en rencontrais une bonne, je la prendrais bien », leur dit-il. On lui promit donc de chercher la meilleure qu'on pût trouver.
l se met alors à chercher comment il pourra la défendre. « Dieu ! fait-il, si je la battais, le matin quand je suis levé, elle pleurerait tout le jour et j'irais tranquille au labour. Bien sûr, tant qu'elle pleurerait, nul n'irait lui faire la cour. Le soir venu, à mon retour, je lui demanderais pardon. Je la rendrais le soir heureuse, mais malheureuse le matin. » Le vilain ne veut pas partir avant de s'être restauré : sa femme court le satisfaire. Ils n'avaient saumon ni perdrix, mais pain et vin et des oeufs frits et du fromage à discrétion, de la réserve du vilain. Sitôt que la table est ôtée, de sa main qu'il a grande et large, il frappe sa femme au visage laissant la marque de ses doigts ; il la traîne par les cheveux. Aurait-elle démérité que le brutal, en vérité, ne l'aurait pas si bien battue.
ela fait, il s'en va aux champs, laissant sa femme tout en larmes. « Hélas ! gémit-elle, que faire ? Je ne sais à quel saint me vouer. Mon père m'a bien sacrifiée en me donnant à ce vilain. Allais-je donc mourir de faim ? Certes ce fut la rage au coeur que j'acceptai un tel mari. Pourquoi ma mère est-elle morte ? » C'est ainsi qu'elle se désole ; et les gens qui viennent la voir ne peuvent que rentrer chez eux. Tout le jour elle est éplorée ; quand le vilain rentre au logis avec le coucher du soleil, il se jette aux pieds de sa femme, pour Dieu lui demande pardon : « Sachez que ce fut le Malin qui me poussa à mal agir ; mais croyez-moi, je vous le jure, je ne vous battrai plus jamais; je suis triste et plein de regrets de vous avoir brutalisée. »
ant lui dit le vilain puant que la dame pardonne encore et de bonne grâce lui sert le souper qu'elle a préparé: Quand le repas fut terminé, ils allèrent au lit en paix. Au matin, l'horrible vilain se remet à battre sa femme (peu s'en faut qu'il ne l'estropie !), puis s'en va aux champs labourer. Voici la dame encore en pleurs : « Hélas ! que vais-je devenir ? Je ne sais à quoi m'arrêter, car je suis en triste posture. Frappa-t-on jamais mon mari ? Ce que sont les coups, il l'ignore; s'il le savait, pour rien au monde il n'oserait me maltraiter. » Mais tandis qu'elle se lamente viennent deux messagers du roi, chacun sur un blanc palefroi. Ils piquent des deux vers la dame et la saluent au nom du roi ; ils lui demandent à manger car ils ont, disent-ils, grand-faim.
Elle les sert et les questionne : « D'où venez-vous? Où allez-vous ? Dites-moi ce que vous cherchez. » L'un d'eux répond : « Dame, c'est vrai, nous sommes messagers du roi. Il nous envoie chercher un mire et nous sommes prêts, s'il le faut, à aller jusqu'en Angleterre. — Pour quoi faire ? — Damoiselle Ade, la fille du roi, est malade et il y a huit jours entiers qu'elle ne peut manger ni boire, car une arête de poisson reste plantée en son gosier. Le roi en est bien affligé; s'il la perd, pour lui plus de joie. » La dame dit : « Vous n'irez pas aussi loin que vous le pensez, car mon mari est, croyez-moi, bon médecin, je vous assure. Certes, il sait plus de remèdes et de vrais jugements d'urine que jamais n'en sut Hippocrate.
uand il s'entend appeler mire, tout son sang se met à bouillir; il affirme qu'il ne sait rien. «Qu'attendons-nous? fait l'un des deux. Tu sais qu'il veut être battu avant de parler ou d'agir.» L'un lui donne un coup sur l'oreille, l'autre lui martèle le dos avec un bâton grand et gros. Après, l'avoir bien malmené, ils le conduisent chez le roi, Payant monté à reculons, la tête en place des talons. Le roi allait à leur rencontre et dit : « N'avez-vous rien trouvé ? — Mais si », répondent-ils ensemble, et le vilain tremble de peur. Aussitôt ils content au roi quels talents avait le vilain, comment aussi, par félonie, quelque prière qu'on lui fit, il ne voulait guérir personne à moins d'être roué de coups. « Fâcheux médecin ! dit le roi. En vit-on jamais de pareil?— S'il en est ainsi, qu'on le batte, s'écrie un valet, je suis prêt. On n'a qu'à me donner des ordres : je lui paierai ce qu'on lui doit. »
— Dame, ne plaisantez-vous pas ? — je ne dis pas cela pour rire ; mais il a un tel caractère qu'il ne ferait rien pour personne avant d'être bien étrillé. — Dame, on pourra s'y employer : pour les coups, il sera servi. Où pourrons-nous le rencontrer ? — Vous allez le trouver aux champs. Quand vous sortirez de la cour, vous suivrez le lit du ruisseau et non loin d'un mauvais chemin, la toute première charrue que vous pourrez voir, c'est la nôtre. Allez ! que Saint Pierre vous garde ! » Les messagers, piquant des deux, trouvent sans peine le vilain; ils le saluent au nom du roi et lui disent sans plus tarder « Venez vite parler au roi. — Et pourquoi ? répond le vilain. — Afin d'exercer vos talents : on ne connaît pas sur la terre de mire plus savant que vous. De loin nous venons vous chercher. »
e roi en a très grande joie et dit au vilain : « Sachez bien que je vous aime plus que tout; vous aurez vêtements et robes. — Merci, sire, je n'en veux pas ; je ne puis rester près de vous. Je dois regagner mon logis. — Il n'en sera rien, dit le roi. Tu seras mon ami, mon maître. — Merci, sire, par saint Germain ! Il n'y a pas de pain chez moi ; quand je partis, hier matin, on devait aller au moulin. » Le roi fait signe à deux valets : «Battez-le-moi, il restera. »Ceux-ci aussitôt obéissent et viennent rosser le vilain. Quand le malheureux sent les coups pleuvoir sur son dos et ses membres, il se met à leur crier grâce : « Je resterai, mais laissez-moi.»Le vilain donc reste à la cour. D'abord, on le tond, on le rase; on lui met robe d'écarlate.
l prie le roi : « Faites un feu dans cette chambre et qu'on me laisse; vous verrez quels sont mes talents. Si Dieu veut, je la guérirai. » On allume alors un grand feu, car le roi en a donné l'ordre. Les écuyers, les valets sortent. La fille s'assoit devant l'âtre. Quant au vilain, il se met nu, ayant ôté jusqu'à ses braies, et vient s'allonger près du feu. Alors il se gratte, il s'étrille ; ses ongles sont longs, son cuir dur. Il n'est homme jusqu'à Saumur qui soit meilleur gratteur que lui. Le voyant ainsi, la pucelle, malgré le mal dont elle souffre, veut rire et fait un tel effort que l'arête sort de sa bouche et tombe dans la cheminée. Il se rhabille, prend l'arête, sort de la chambre triomphant. Dès qu'il voit le roi, il lui crie : « Sire, votre fille est guérie ! Voici l'arête, Dieu merci. »
ais le roi s'adresse au vilain : « Maître, fait-il, écoutez-moi. Je vais faire venir ma fille qui a grand besoin de guérir.» Le vilain demande merci : « Croyez-moi, sire, en vérité, pour Dieu qui jamais ne mentit, j'ignore tout de la physique. » Le roi lui dit : « J'entends très bien. Battez-le-moi ! » Et les valets à le rosser bientôt s'escriment. Dès que le vilain sent les coups, il croit que c'est pure folie : «Pardon ! se met-il à crier; je vais la guérir sans tarder.» La pucelle était dans la salle, toute pâle, mine défaite. Et le vilain cherche en sa tête comment il pourra la guérir, car il sait qu'il doit réussir : sinon il lui faudra mourir. Il se dit que s'il la fait rire par ses propos ou ses grimaces, l'arête aussitôt sortira puisqu'elle est plantée dans sa gorge.
l se croyait tiré d'affaire quand les malades du pays, plus de quatre-vingts, je crois bien, ensemble viennent chez le roi, à qui chacun conte son cas. Le roi appelle le vilain : « Maître, dit-il, venez ici. Occupez-vous de ces gens-là, et vite, guérissez-les-moi. — Pitié, sire ! dit le vilain. Il y en a trop, que Dieu m'aide ! Je n'en saurais venir à bout je ne pourrais les guérir tous. » Le roi fait signe à deux valets qui se saisissent d'un bâton, ayant aussitôt deviné pourquoi le roi les appelait. Quand le vilain les voit venir, tout son sang commence à frémir : « Grâce ! se met-il à crier; je les guérirai sans tarder. » Le vilain demande du bois ; il en a autant qu'il en veut. Dans la salle on fait un grand feu : lui-même à l'attiser s'emploie. Il réunit tous les malades ; c'est alors qu'il demande au roi : « Sire, il faut sortir de la salle avec ceux qui n'ont aucun mal. » Le roi obéit volontiers, sort de la salle avec ses gens.
t le vilain dit aux malades : « Seigneurs, par Dieu qui me créa, vous guérir n'est pas chose aisée. Je n'en saurais venir à bout que par le moyen que voici. Je vais choisir le plus malade, je le brûlerai dans ce feu ; les autres en auront profit : ceux qui avaleront sa cendre tout aussitôt seront guéris. » Ils se lorgnent les uns les autres ; mais il n'est bossu ni enflé qui se croie le plus mal en point, lui donnât-on la Normandie. Le vilain s'adresse au premier: « Je te vois en piteux état : tu es de tous le plus débile. — Pardon, je suis mieux portant, sire, que jamais je ne l’ai été. Je suis soulagé d'un grand mal dont je souffrais depuis longtemps. Sachez qu'en rien je ne vous mens. — Sors ! que viens-tu chercher ici ? » Et l'autre aussitôt prend la porte. Le roi demande : « Es-tu guéri ? — Oui, je suis guéri, Dieu merci ; me voici plus sain qu'une pomme. Votre mire est un habile homme. »
ue pourrais-je encore vous dire ? Il n'y eut ni petit ni grand qui voulût pour le monde entier, être jeté dans le brasier. Ainsi s'en vont tous les malades, prétendant qu'ils étaient guéris. Et le roi, les voyant ainsi, en est tout éperdu de joie. Il dit au vilain : « Mon beau maître, vraiment je suis émerveillé que vous les ayez sauvés tous. — Sire, je les ai enchantés, car j'ai un charme qui vaut mieux que gingembre ou que citovaut. — Rentrez chez vous quand vous voudrez et vous aurez de mes deniers, palefrois et bons destriers; et quand, je vous rappellerai, vous ferez à ma volonté. Vous serez mon ami très cher et tous les gens de ce pays, maître, vous chériront aussi. Ne jouez plus la comédie; ne vous faites plus maltraiter, car c'est honte de vous frapper. — Merci, sire, dit le vilain; soir et matin je suis votre homme et je n'en aurai pas regret. »
l prend alors congé du roi, regagne joyeux sa maison. Jamais ne fut manant plus riche ; il n'alla plus à la charrue, plus jamais ne battit sa femme, mais il l'aima et la chérit. Tout alla comme je vous dis : par sa femme, et par sa malice, il fut bon mire sans études.
04
la vieille et le chevalier
La vieille et le chevalier
« Une vieille paysanne possédait pour toute richesse deux vaches. Ce n’était certes pas beaucoup, mais c’était là tout son bien. Elle vendait leur lait pour trouver de quoi survivre.
Un matin, les deux bêtes, sans doute mal gardées, fuirent leur enclos et se trouvèrent, à vagabonder sur la route. Le prévôt, passant par là, les vit toutes deux et, les jugeant égarées, il les emmena avec lui.
La malheureuse femme découvrît bientôt que ses deux bêtes avaient disparu. Ses voisins la renseignèrent : le prévôt les avait recueillies mais il ne voulait pas les rendre.
La malheureuse s’en alla trouver l’homme, elle le supplia de lui restituer son unique bien, elle accepta même de payer une amende pour prix de sa coupable négligence.
Mais elle ne pouvait prouver que les vaches lui appartenaient, le prévôt fît la sourde oreille. La paysanne s’en revint chez elle, désemparée. La voyant en grande peine, sa voisine lui dit :
« Le prévôt est un homme cupide. Si tu pouvais graisser la patte au chevalier, il interviendrait sûrement auprès de ce coquin et le convaincrait de te rendre tes deux vaches.
Voilà la vieille toute rassurée. Elle décrocha un épais morceau de lard suspendu aux poutres de sa cuisine et s’en alla attendre le chevalier. Quand celui-ci parut au loin, elle courut à sa rencontre : elle s’empara de ses paumes et y appliqua plusieurs fois le morceau de gras.
L’homme ne dissimula pas sa surprise : « Que fais-tu donc là ?
La vieille et le chevalier
La pauvre femme lui répondît : - Beau sire, je graisse votre patte car je ne souhaite rien de plus au monde que de récupérer les deux vaches que vôtre prévôt m’a injustement prises.
Le noble personnage éclata de rire et prît les courtisans de sa suite à témoins. - Tu n’as pas compris, brave femme. Mais cela est égal, je te rendrai sur le champ tes bêtes ! Ainsi s’achève cette histoire. Mais ne l’avez-vous pas justement remarqué : le pauvre est celui qui paye, toujours, même quand il est dans son bon droit ! »
06
le corbeau et le renard
Le corbeau et le renard
Maître Corbeau sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage, Maître Renard, par l'odeur alléché, Lui tint à peu près ce langage :
"Et bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli! Que vous me semblez beau! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois."
A ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie; Et pour montrer sa plus belle voix, Il ouvre un large bec et laisse tomber sa proie.
Le corbeau et le renard
Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur
Apprenez que tout flatteur Vit aux dépends de ceux qui l'écoutent.
Cette leçon vaut bien un fromage sans doute." Le Corbeau, honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
07
la grenouille et le boeuf
la grenouille et le boeuf
Une grenouille vit un bœuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un oeuf, Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille, Pour égaler l’animal en grosseur, Disant : « Regardez bien, ma sœur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ? Nenni. - M’y voici donc ? - Point du tout. - M’y voilà ? - Vous n’en approchez point. » La chétive pécore S’enfla si bien qu’elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages. Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, Tout petit prince a des ambassadeurs, Tout marquis veut avoir des pages.
la grenouille et le boeuf
Le pauvre, en voulant imiter le puissant, se perd. Dans la prairie un jour une grenouille se mit à contempler un bœuf. Prise de jalousie à la vue d'une si grande taille, elle gonfla sa peau ridée. Puis elle demanda à ses petits si elle n'était pas plus grosse que le bœuf. Ils lui dirent que non. De nouveau elle tendit sa peau avec de plus grands efforts et demanda encore qui des deux était le plus gros. Ils lui dirent : « C'est le bœuf. » Enfin, emportée par le dépit, elle voulut s'enfler davantage, mais elle creva et tomba morte.
La Grenouille ayant un jour aperçu un Bœuf qui paissait dans une prairie, se flatta de pouvoir devenir aussi grosse que cet animal. Elle fit donc de grands efforts pour enfler les rides de son corps, et demanda à ses compagnes si sa taille commençait à approcher de celle du Bœuf. Elles lui répondirent que non. Elle fit donc de nouveaux efforts pour s'enfler toujours de plus en plus, et demanda encore une autre fois aux Grenouilles si elle égalait à peu près la grosseur du Bœuf. Elles lui firent la même réponse que la première fois. La Grenouille ne changea pas pour cela de dessein ; mais la violence qu'elle se fit pour s'enfler fut si grande, qu'elle en creva sur-le-champ.
Phèdre, Ier siècle ap. J.-C
Ésope, VIe siècle av. J.-C
08
D'Esope à La Fontaine
Le Renard et la Cicogne
Il ne faut faire de mal à personne. Mais si quelqu’un s’avise de vous en faire, il est juste de lui rendre la monnaie de sa pièce, comme le montre cette fable. Le Renard, dit-on, invita, le premier, la Cigogne à dîner. Il lui servit sur une assiette une soupe liquide qu’elle ne put absolument pas goûter, malgré sa grande faim. La Cigogne, a son tour, invita le Renard, et lui présenta une bouteille pleine de viande hachée. Elle y introduit son bec et se rassasie de nourriture, tandis que son convive1 est torturé par la faim. Alors que ce dernier tentait vainement de lécher le goulot de la bouteille, l’oiseau voyageur, à ce qu’on dit, lui tint ce langage : chacun doit accepter de supporter, sans se plaindre, les mauvais traitements qu’il a infligés aux autres.
Un Renard malicieux invita à souper une Cicogne à qui il servit de la bouillie sur une assiette. La Cicogne dissimula adroitement son dépit et elle pria quelque temps après, à dîner, son hôte qui y vint ne se doutant de rien. Il fut servi d'un hachis de viande dans une bouteille, dont il ne put rien manger, pendant que la Cicogne s'en donnait à coeur joie. Après quoi, elle lui dit : "Tu ne peux te plaindre de moi avec justice, puisque je viens de te traiter de la même manière, que tu m'as régalée chez toi." Ceux qui font profession de tromper les autres doivent bien s'attendre à l'être à leur tour.
Phèdre
La Fontaine
Esope
The end
merci pour votre attention !