Les Horloges

Les horloges

La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,Béquilles et bâtons qui se cognent, là-bas ; Montant et dévalant les escaliers des heures, Les horloges, avec leurs pas ; Emaux naïfs derrière un verre, emblêmes Et fleurs d’antan, chiffres maigres et vieux ; Lunes des corridors vides et blêmes, Les horloges, avec leurs yeux ; Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes, Boutique en bois de mots sournois, Et le babil des secondes minimes, Les horloges, avec leurs voix ; Gaines de chêne et bornes d’ombre, Cercueils scellés dans le mur froid, Vieux os du temps que grignote le nombre, Les horloges et leur effroi ; Les horloges Volontaires et vigilantes, Pareilles aux vieilles servantes Boitant de leurs sabots ou glissant sur leurs bas. Les horloges que j’interroge Serrent ma peur en leur compas. Emile VERHAEREN, Les Bords de la route, 1895

Emaux : pluriel de "émail",

• Matière vitreuse, transparente ou opaque, dont on recouvre certaines matières pour les protéger, leur donner de l'éclat ou les colorer d'une façon inaltérable.

Antan : autrefois

Corridors : couloirs

blêmes : très pâles, livides, blafards

sournois : hypocrites

babil : bavardage continuel

gaines : coffres en bois contenant le mécanisme d'une horloge

scellés : fixés à l'aide de ciment

compas : instrument à deux branches (comme les aiguilles) utilisé pour tracer des cercles