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ANTINOÜS
benedicte.bintein
Created on March 24, 2021
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Transcript
Antinoüs
dans Mémoires d'Hadrien
"... cet exemple, unique dans l’Antiquité, de survivance et de multiplication dans la pierre d’un visage qui ne fut ni celui d’un homme d’État ni celui d’un philosophe, mais simplement qui fut aimé."
Entre 1924 et 1926, dès l'âge de vingt-et-un ans, Marguerite Yourenar composa un récit dialogué qu'elle appela Antinoos. Dans la lettre d'accompagnement destiné à l'éditeur, elle précisait que son projet avait été de réhabiliter un Empereur qui, selon l'expression de Bossuet dans l'Histoire universelle, "déshonora son règne par ses amours monstrueuses".Ce manuscrit, refusé par l'éditeur, fut semble-t-il détruit par son auteur. Il était néanmoins la première esquisse de l'oeuvre...
Les prolepses
Les métaphores animales
Le parangon de la beauté
En route vers le mythe
Antinoé
Mort dans le Nil
Lieux de la rencontre, et de la séparation
Antinoüs, dans son silence et sa fidélité, est régulièrement comparé par Hadrien à un animal à la fois farouche et familier.
170 Sa présence était extraordinairement silencieuse : il m’a suivi comme un animal ou comme un génie familier. Il avait d’un jeune chien les capacités infinies d’enjouement et d’indolence, la sauvagerie, la confiance. Ce beau lévrier avide de caresses et d’ordres se coucha sur ma vie. 215 : Le courrier de Rome venait d’arriver ; la journée se passa à le lire et à y répondre. Comme d’ordinaire Antinoüs allait et venait silencieusement dans la pièce : je ne sais pas à quel moment ce beau lévrier est sorti de ma vie.
171 L’enfant a changé ; il a grandi. Il suffisait pour l’amollir d’une semaine d’indolence ; une après-midi de chasse lui rendait sa fermeté, sa vitesse athlétique. Une heure de soleil le faisait passer de la couleur du jasmin à celle du miel. Les jambes un peu lourdes du poulain se sont allongées ; la joue a perdu sa délicate rondeur d’enfance, s’est légèrement creusée sous la pommette saillante [...]
194 le jeune faon qui m'accompagnait...
213 Ma main glissait sur sa nuque, sous ses cheveux. Dans les moments les plus vains ou les plus ternes, j’avais ainsi le sentiment de rester en contact avec les grands objets naturels, l’épaisseur des forêts, l’échine musclée des panthères, la pulsation régulière des sources. Mais aucune caresse ne va jusqu’à l’âme.
"Eager and impassionated tenderness, sullen effeminacy" (Shelley)
La rencontre
Une beauté absolue
Entre amertume et exaltation
Une certaine androgynie
Les sculptures évoquées par Yourcenar
Idéal humain situé entre la Grèce et l'Asie : "Antinoüs était Grec : j’ai remonté dans les souvenirs de cette famille ancienne et obscure jusqu’à l’époque des premiers colons arcadiens sur les bords de la Propontide. Mais l’Asie avait produit sur ce sang un peu âcre l’effet de la goutte de miel qui trouble et parfume un vin pur"(170) "Si je n’ai encore rien dit d’une beauté si visible, il n’y faudrait pas voir l’espèce de réticence d’un homme trop complètement conquis. Mais les figures que nous cherchons désespérément nous échappent : ce n’est jamais qu’un moment… Je retrouve une tête inclinée sous une chevelure nocturne, des yeux que l’allongement des paupières faisait paraître obliques, un jeune visage large et comme couché. Ce tendre corps s’est modifié sans cesse, à la façon d’une plante, et quelques-unes de ces altérations sont imputables au temps"(171)
La beauté d'Antinoüs n'est pas que plastique, et semble émaner aussi d'un singulier mélange entre bouderie et excès de joie, le tout dans la taciturnité qui lui est propre et le rend donc mystérieux à jamais : 170 J’admirais cette indifférence presque hautaine pour tout ce qui n’était pas son délice ou son culte : elle lui tenait lieu de désintéressement, de scrupule, de toutes les vertus étudiées et austères. Je m’émerveillais de cette dure douceur ; de ce dévouement sombre qui engageait tout l’être. Et pourtant, cette soumission n’était pas aveugle ; ces paupières si souvent baissées dans l’acquiescement ou dans le songe se relevaient ; les yeux les plus attentifs du monde me regardaient en face ; je me sentais jugé.
171 La moue boudeuse des lèvres s’est chargée d’une amertume ardente, d’une satiété triste. En vérité, ce visage changeait comme si nuit et jour je l’avais sculpté. 189 la belle bouche avait pris un pli amer dont s’apercevaient les sculpteurs. 148 ce masque [...] où le plaisir et la douleur fusent et s’entrechoquent sur ce même visage comme deux vagues sur un même rocher. Et à la veille de sa mort : "Son entrée sous la tente où se donnait le souper interrompit les applaudissements causés par les contorsions d’une danseuse. Il s’était accoutré d’une longue robe syrienne, mince comme une pelure de fruit, toute semée de fleurs et de Chimères. Pour ramer plus à l’aise, il avait mis bas sa manche droite : la sueur tremblait sur cette poitrine lisse. Lucius lui lança une guirlande qu’il attrapa au vol ; sa gaieté presque stridente ne se démentit pas un instant, à peine soutenue d’une coupe de vin grec. Nous rentrâmes ensemble dans mon canot à six rameurs, accompagnés d’en haut du bonsoir mordant de Lucius. La sauvage gaieté persista. Mais, au matin, il m’arriva de toucher par hasard à un visage glacé de larmes".
Au sujet de la "sortie volontaire", euphémisme désignant le suicide :
Les moments prémonitoires
Le jour funeste
"C'est l'anniversaire de la mort d'Osiris, dieu des agonies"
p. 144 : "Antinoé est comprimée sur une étroite bande de terre aride, entre le fleuve et le rocher. Je n’en tenais que plus à l’enrichir d’autres ressources, le commerce de l’Inde, les transports fluviaux, les grâces savantes d’une métropole grecque. Il n’y a pas de lieu sur terre que je désire moins revoir ; il y en a peu auxquels j’ai consacré plus de soins. Cette ville est un perpétuel péristyle. Je corresponds avec Fidus Aquila, son gouverneur, au sujet des propylées de son temple, des statues de son arche ; j’ai choisi les noms de ses blocs urbains et de ses dèmes, symboles apparents et secrets, catalogue très complet de mes souvenirs. J’ai tracé moi-même le plan des colonnades corinthiennes qui répondent le long des berges à l’alignement régulier des palmes. J’ai mille fois parcouru en pensée ce quadrilatère presque parfait, coupé de rues parallèles, scindé en deux par une avenue triomphale qui va d’un théâtre grec à un tombeau".
Le culte d’Antinoüs semblait la plus folle de mes entreprises, le débordement d’une douleur qui ne concernait que moi seul. Mais notre époque est avide de dieux ; elle préfère les plus ardents, les plus tristes, ceux qui mêlent au vin de la vie un miel amer d’outre-tombe. À Delphes, l’enfant est devenu l’Hermès gardien du seuil, maître des passages obscurs qui mènent chez les ombres. Éleusis, où son âge et sa qualité d’étranger lui avaient interdit autrefois d’être initié à mes côtés, en fait le jeune Bacchus des Mystères, prince des régions limitrophes entre les sens et l’âme. L’Arcadie ancestrale l’associe à Pan et à Diane, divinités des bois ; les paysans de Tibur l’assimilent au doux Aristée, roi des abeilles. En Asie, les dévots retrouvent en lui leurs tendres dieux brisés par l’automne ou dévorés par l’été. A l’orée des pays barbares, le compagnon de mes chasses et de mes voyages a pris l’aspect du Cavalier Thrace, du mystérieux passant qui chevauche dans les halliers au clair de lune, emportant les âmes dans un pli de son manteau.
Suite du passage :
En savoir plus encore ...
Dans ses entretiens avec Matthieu Galey, intitulés Les Yeux ouverts, Yourcenar p. 153 dit : "J'ai été frappée naguère par un de ces mots qu'on nous dit presque au hasard, et dont on se souvient ensuite comme de la meilleure formule possible. Il s'agissait d'une femme archéologue, mme Raïssa Calza, la directrice du musée d'Ostie, à l'époque. Nous regardions certaines effigies d'Antinoüs ; je les collectionnais pour tâcher d'en surimposer les aspects, afin d'arriver à une ressemblance totale faite de ces différents visages, et mme Calza (c'était la première femme de Chirico, et elle avait été aux Ballets russes avant de l'épouser), mme Calza donc, en regardant un de ces portraits, me dit : "Nijinski !" Cela m'a beaucoup aidée à comprendre. La personne qui tout à coup représente les aspirations de quelqu'un, d'un grand metteur en scène, et en un sens l'empereur est un grand metteur en scène. Ce qui ne diminue pas le côté passion, mais explique le côté idole".
"L'incroyable réalisme de cette figure toujours immédiatement reconnaissable et pourtant si diversement interprétée"... Carnets de notes, p. 336
Quand l'histoire rejoint le mythe...
194 : Au cours d’un voyage en Troade, nous visitâmes la plaine du Scamandre sous un ciel vert de catastrophe : l’inondation, dont j’étais venu sur place constater les ravages, changeait en îlots les tumulus des tombeaux antiques. Je trouvai quelques moments pour me recueillir sur la tombe d’Hector ; Antinoüs alla rêver sur celle de Patrocle [tel] l'émule du camarade d'Achille.
205 : Nous nous sentions rentrés dans ce monde héroïque où les amants meurent l'un pour l'autre...
Et bien sûr, la lettre d'Arrien qui début le chapitre Patientia va s'employer à insister sur la dimension mythique de l'amour d'Hadrien et Antinoüs : 296 : cette île d’Achille, comme il convient, est aussi l’île de Patrocle, et les innombrables ex-voto qui décorent les parois du temple sont dédiés tantôt à Achille, tantôt à son ami, car, bien entendu, ceux qui aiment Achille chérissent et vénèrent la mémoire de Patrocle. Achille lui-même apparaît en songe aux navigateurs qui visitent ces parages : il les protège et les avertit des dangers de la mer, comme le font ailleurs les Dioscures. Et l’ombre de Patrocle apparaît aux côtés d’Achille.
La prolepse désigne le fait, dans un récit, d'anticiper des événements qui ne sont pas encore arrivés, de mentionner des faits qui se produiront plus tard dans l'intrigue. Par exemple (notez ici le futur proche) :
Quelques autres ici :
"La jeune figure qui allait bientôt embellir tant de monnaies du monde grec"...
On peut avoir l'impression qu'Antinoüs n'apparaît que dans le chapitre Saeculum aureum, et il est en effet étroitement lié à cet "âge d'or" tel que l'a vécu Hadrien ; mais en réalité, il est présent sous différentes allusions et périphrases dès les premières pages. En voici quelques exemples :
p. 163
p. 146
p. 14
p. 144
p. 104
p. 153