La BD reportage

La Bande dessinée de reportage et documentaire

Réalisé par E. Maillet- Lycée Léonard de Vinci - 2021

Quelle définition ?

La bande dessinée de reportage et documentaire est un genre mixte : elle mêle la presse et les bulles, elle est la rencontre littéraire de l'info et de l'image.

On est à mi-chemin entre le journalisme, la fiction et le dessin. On l'a appelé "BD journalisme" ou encore "reportage dessiné".

La bande dessinée de reportage permet d'aborder des questions d'actualité par l'image et se base sur une transcription du réel selon le prisme de l'auteur (journaliste, témoin, acteur...). L'auteur assume sa part de subjectivité. Il est engagé.

Ses origines : des caricatures...

James Gillray est au 18ème et 19ème siècle surnommé le prince de la caricature. Spécialiste des satires sur Georges III ou de Napoléon, il est à l'origine des premiers dessins de presse.

RODOLPHE TOPFFER est connu comme le 1er théoricien de la BD. Dans son essai de Physiognomonie en 1845 , Topffer insiste sur l'indissociabilité du texte et du dessin. Ce nouveau genre doit être facile d'accès par sa concision et sa clarté. Il insiste aussi sur la centralité du personnage. Les dessins doivent être dynamiques et exprimer au mieux le caractère des personnages .

... à la presse

Les dessins de presse firent leur apparition au 19ème siècle tout d'abord dans les caricatures puis pour témoigner de la Guerre de Crimée dans les années 1850.

Au XXème siècles, la BD va officiellement naître dans un journal new-yorkais en 1896 avec The Yellow Kid. En France c'est avec le journal satirique Hara-Kiri puis Charlie Hebdo que les dessinateurs et journalistes vont exprimer leur subjectivité sur des thèmes plus personnels. C'est l'essor de la presse alternative, 'la presse underground" des années 60 et 70 qui reflètent les idées d'émancipation, de la contre-culture du mouvement hippie ainsi que des courants progressistes de l'époque, comme la lutte pour le droit à l'avortement, le féminisme, ou contre la guerre du Vietnam. Will Eisner, Robert Crumb, Spiegelman sont des grandes figures de cette presse alternative.

Ses origines : quelques noms à retenir ...

WILL EISNER, comme ROBERT CRUMB, est une figure majeure de l'histoire des Comics aux Etats-Unis. Depuis 1988, un prix porte son nom The Eisner Awards. Avec son livre Un pacte avec Dieu en 1978, il écrit le premier roman graphique reconnu. Il renouvelle alors les thèmes abordés par la bande dessinée en mettant en avant des oeuvres plus personnelles et ambitieuses.

ART SPIEGELMAN a reçu le prix Pulitzer en 1992 pour son oeuvre majeure Maus, dans lequel il retrace la vie de sa famille durant l'Holocauste. Il est un ardent défenseur du genre de la BD reportage et de sa subjectivité.

JOE SACCO est surnommé "le Pape de la BD du réel". Dans sa BD Palestine qu'il travailla pendant 6 ans, il décrit les horrreurs commises là-bas. Il réalise alors en dessin un véritable reportage journalistique en s'attachant surtout aux témoignages et aux détails. Il fait preuve d'une grande rigueur professionnelle.

ETIENNE DAVODEAU est l'auteur de BD reportage le plus célèbre en France. Il n'hésite pas à s'engager et s'intéresse aux gens ordinaires. Ses bandes dessinées sont de véritables enquêtes, comme dans Rural, ou Cher pays de notre enfance, où il renforce la légitimité de son travail en recoupant de nombreux témoignages.

MAIS ENCORE ... CABU Pionnier du BD journalisme en France, Cabu a publié ses premiers reportages dessinés dès les débuts du mensuel français Hara Kiri en 1960. Il effectue ses reportages BD dans des lieux divers, autant dans la province française que dans des festivals de musique, les marchés aux bestiaux ou des meetings politiques. CHAPATTE Journaliste de formation, Patrick Chappatte publie son premier reportage BD en 1995 dans L'Hebdo et poursuit sa démarche, dès 1999, dans le quotidien Le Temps. Il a, depuis lors, réalisé une vingtaine de reportages dessinés à Gaza, au Kenya, en Ossétie, en Tunisie ou dans le tunnel du Gothard.

grandes caractéristiques à retenir :

- La légitimité des sources : La plupart des BD reportage apportent des preuves aux informations fournies dans la bande dessinée. Ce sont des preuves qui justifient leur argumentation.

- Le rôle des illustrations : Les illustrations apportent de la subjectivité. Elles touchent le lecteur, par sa simplicité, ses couleurs..Elle touche sa sensibilité.C'est toute l'originalité de la BD reportage : l'auteur retranscrit sa subjectivité, son ressenti pour que le lecteur prenne son parti. Le journaliste/ l'auteur étale ses émotions. A défaut d'être neutre, il est honnête.

Spiegelman dira même que "l'objectivité de l'appareil photo est une convention et un mensonge au même titre qu'écrire à la troisième personne au lieu de la première. Faire du BD journalisme c'est manifester ses partis pris et un sentiment d'urgence qui fot accéder le lecteur à un autre niveau d'information". Columbia Journalism Review

- La mise en scène de soi : Beaucoup de bandes dessinées sont autobiographiques. ex: Persepolis, L'Arabe du Futur... Parfois le journaliste se met en scène pour raconter l'histoire de l'autre: L'odyssée d'Hakim, Palestine... Ces récits de soi passent par la fiction, ce qui rend l'histoire plus attrayante pour le lecteur. La mise en scène de soi a trois fonctions : Fonction testimoniale : j’y étais Fonction d’accroche : je t’emmène/ facilite l’introduction de l’humour Fonction narrative : la mise en scène de soi comme personnage principal

- La place de la fiction : La fiction dans la BD reportage attire le lecteur en allégeant la lourdeur d'un documentaire classique. Encore une fois, la subjectivité est de mise, le journaliste le précise souvent. Il a choisi des passages historiques clés et a dû les interpréter.

La Bande dessinée de reportage

Pourquoi ce genre devient-il populaire ?

La BD de reportage rend les sujets d'actualité plus accessibles au lecteur et la subjectivité apportée par les dessins touche plus facilement le lecteur.

C'est un genre en pleine expansion qui permet de répondre à la crise de la presse avec l'apparition de magazines spécialisés (Revue XXI, Topo, Soif) et aussi de BD web doc..

Les points communs avec le reportage traditionnel

La plupart des BD reportage apportent des sources telles que des infographies et des témoignages, et souvent du paratexte : préface, postface, bibliographie... Réaliser une BD reportage est un travail d'enquête utilisant des informations précises mais sous un angle engagé.

Conclusion

LA BD REPORTAGE , UN GENRE JOURNALISTIQUE

La bande dessinée de reportage est un objet hybride, reposant sur des pratiques et des discours issus d'un univers journalistique et du monde de la bande dessinée. L'auteur revendique sa subjectivité: il expose ses doutes et ses erreurs, ses émotions... A contrario du journalisme traditionnel, la BD reportage ne parle pas de l'actualité brûlante, elle doit prendre du recul. Le dessin est moins intrusif que la photographie : "la dimension artistique au service de l'information." Contrairement au photographe, le dessinateur est maître absolu du cadrage, de l'échelle des plans, de l'angle de prise de vue... Sa simplicité facilite l'émotion.

Sources :

BNF, https://www.bnf.fr/fr/le-reportage-dessine-bibliographie Maria Acquaviva, 2018 , https://www.ac-paris.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2020-05/bd_de_reportage_histoire_et_definition_marianne_acquaviva_v3.pdf Edouard Gasnier et Justine Brisson (2013), "Bande dessinée et documentaire : écrire et dessiner pour raconter le monde", www.leblogdocumentaire.fr Séverine Bourdieu (2012), "Le reportage en bande dessinée dans la presse actuelle : un autre regard sur le monde", Contexte (journal en ligne)