Carnet de Bord : Sémaphore

Carnet de Bord de M. Note

Sémaphore

Concerto pour Quatuor de Cuivres et Harmonie

À l'ensemble Epsilon

Thierry Thibault

Mesdames et Messieurs, bienvenue dans mon tout premier Carnet de Bord ! Dans ce carnet, je vais vous raconter ma rencontre avec le morceau Sémaphore de Thierry Thilbault. Ce morceau est une commande de l'Orchestre d'Harmonie de Cébazat et a été créé en 2003, au Sémaphore, avec l'ensemble Epsilon lors du festival "Cocktail de Cuivres". Installez-vous confortablement, servez-vous quelque chose à boire et prenez place à bord de ce voyage hors du temps.

M. Note

Chapitre 1

La Découverte

Nous sommes le Jeudi 27 Mars 2003 au matin. Alors que je me balade dans les couloirs du Sémaphore, je suis surpris par un son que je n'avais encore jamais entendu. Je décide donc de me rapprocher de la scène. Il y a 4 musiciens, seuls, au milieu de cette grande scène. Ils jouent respectivement de la trompette, du cor, du trombone et du tuba. C'est un Quatuor de Cuivres ! Je n'avais encore jamais pu entendre cette formation ! Quel son magnifique !

Ils portent tous un tee-shirt "Ensemble de Cuivres Epsilon"... ça doit-être le nom de leur ensemble. En me rapprochant du pupitre, j'ai reussi à lire le titre du morceau : "Sémaphore". Mais c'est chez moi ça ! Bon il faut vraiment que j'aille voir Yann pour qu'il m'explique ce qu’il se passe.

Chapitre 1

La Découverte

Yann n'est pas dans son bureau, mais il y a un conducteur sur la table... C'est le fameux Sémaphore ! Mais c'est une commande pour l'Orchestre de Cébazat, et on ne me dit rien ! Laisse moi regarder un peu cette partition. C'est un concerto pour Quatuor de Cuivres et Harmonie composé par Thierry Thibault, le tubiste d'Epsilon... je commence à mieux comprendre ! Yann a commandé un concerto grosso à Epsilon pour le festival "Cocktail de Cuivres".

Avant tout chose, laissez moi vous rappeler ce qu'est un concerto grosso. Il s'agit du tout premier genre concertant exclusivement instrumental, né au XVIIe siècle. Dans le concerto grosso, deux groupes de musiciens dialoguent, d'un coté un petit ensemble de soliste, appelé concertino et de l'autre le reste de l'ochestre, appelé ripieno, le tout formant toujours le tutti.

Chapitre 1

La Découverte

En revenant à la première page, je viens de voir l'introduction écrite par le compositeur :

"Les thèmes et la forme de SÉMAPHORE ont été écrits lors d'un voyage en Irlande, en Août 2002, et l'influence de la musique traditionnelle de ce magnifique pays sur ma composition est évidente."

28 Mars 2003

Tiens, il y a la date de demain écrite juste à coté, ça doit être la date du concert. Je dois absolument en savoir plus sur cette pièce avant demain ! Si j'ai bien compris l'introduction, cette pièce est d'influence irlandaise. Je n'ai qu'à aller voir mon cousin Irlandais, Mr. Beat, il habite juste à côté maitenant et il va sûrement pouvoir m'aider !

Chapitre 2

L'appel à un ami

Je pars le plus vite possible chez mon cousin. Je peux bien prendre le conducteur, de tout façon Yann s'en rendra même pas compte ! À peine arrivé, je lui sors la partition et lui demande toutes les infos qu'il peut me donner. Il me demande de me calmer et me propose tout d’abord une Guinness... Ah il n'a pas changé ce bon vieux Mr. Beat ! Au fil de la discussion, Mr. Beat dit reconnaître deux styles musicaux traditionnels Irlandais : La Gigue et la Ballade. Mais pour en être sûr, il décide d'appeler son ami musicien M. Usico. Dix minutes plus tard, M. Usico est avec nous, bière à la main et prêt à partir à l'exploration de Sémaphore.

Chapitre 3

Le Voyage

Après quelques minutes de réflexion sur le conducteur, M. Usico nous dit qu'il est fin prêt à prendre le large. Il commence par nous expliquer que cette pièce est une invitation au voyage, d'où le double sens du titre Sémaphore : la salle de Cébazat et le poste construit sur la côte afin d'informer les bâteaux. Le compositeur nous dit même qu'un "sémaphore représente pour [lui] une ouverture sur la mer, sur le voyage, l'évasion". D'ailleurs, dès la première mesure, Thierry Thilbault nous plonge dans un univers rêveur et voyageur avec l'utilisation du chimes :

Le motif de flûte suivant, nous explique M. Usico, pourrait être nommé le "motif d'invitation au voyage" car nous allons le retrouver plusieurs fois dans la pièce et il nous fera toujours voyager. M. Usico demande aussi à Mr. Beat si cette flûte et ce tom basse ne lui font pas penser à des instruments irlandais.

Chapitre 3

Le Voyage

"Ah bah si justement, dit Mr. Beat, le motif de flûte me fait vachement penser à un Tin Whistle. Vous savez la flûte traditionnelle irlandaise en bois ou en métal à six trous." Il nous dit que sa mère joue justement du Tin Whistle et il nous montre une cassette d'elle en train de jouer :

Chapitre 3

Le Voyage

Pour le tambour, Mr. Beat nous dit qu'il pense que Thierry Thilbault fait ici référence au Lambeg, une sorte de grosse caisse irlandaise. Il nous ramène une photo de son père en train d'en jouer qui traine chez lui :

Chapitre 3

Le Voyage

M. Usico reprend la parole et nous dit que l'introduction de Sémaphore est en deux parties : - Le "motif d'invitation" au voyage, avec la référence au Tin Whistle et au Lambeg - Le "thème maestoso", méditatif et rêveur, qui nous permet de nous transporter jusqu'en Irlande

Réécoutons alors toute l'introduction :

Chapitre 4

La Jig

Je demande à M. Usico et Mr. Beat pourquoi Thierry Thilbault compose une Gigue après l'introduction. Selon moi, la gigue ça vient de l'Est... donc rien à voir avec l'Irlande.

Mr. Beat s'exclame d'un coup en disant que je devrais avoir honte de ne pas savoir, avec un cousin irlandais, que la gigue est originaire d'Angleterre. Il m'explique alors que la Jig est une danse folklorique qui se développe au XVIe siècle en Angleterre. Elle va rapidement être adoptée par le reste du continent et elle finira même par devenir la danse finale de la suite de danses baroque. C'est à ce moment qu'elle devient très célèbre et qu'elle prend l’orthographe "Gigue" et que donc tout le monde oublie sa véritable origine.

Il nous précise que la jig va très fortement se développer en Irlande, ce qui va donner plein de styles de jig différentes : Light Jig, Slip Jig, Single Jig ou encore Treble Jig. Chaque style ayant, bien sûr, sa particularité chorégraphique, musicale et même une paire de chaussures spécifiques.

Chapitre 4

La Jig

C'est alors qu'un homme entre dans l'appartement de mon cousin. "C'est le concierge !" Il dit qu'en passant dans le couloir, il nous a entendu parler de la Treble Jig. Du coup, il s'est alors senti obligé de nous amener une cassette de son fils, danseur de Treble Jig au sein de la célèbre troupe Riverdance :

Chapitre 4

La Jig

"Impressionnant !" dit M. Usico. D'ailleurs, il nous confirme que la "gigue" composée par Thierry Thilbault suit bien la structure traditionnelle de la Jig Irlandaise. Il nous a même préparé une analyse structurelle sur partition de toute la Gigue !

Chapitre 5

La Ballade

"Ah bah là les gars, Thierry Thilbault fait référence à la Ballade Irlandaise de Bourvil !" Mon cousin me répond en rigolant : "Alors oui peut-être, mais je pense qu'il fait plutôt référence au chant traditionnel irlandais de la ballade". Il nous explique alors que le genre de la ballade irlandaise se développe notamment au XXe siècle dans la musique populaire. Il nous dit aussi que c'est l'un des seuls chants traditionnels irlandais a être accompagné d'un ou plusieurs instruments. Les ballades irlandaises les plus anciennes datent du XVIIe/XVIIIe et viennent en fait d'Angleterre ou d'Ecosse, c'est pourquoi les paroles sont souvent en anglais. Paroles qui, d'ailleurs, sont souvent sur le thème de l'amour et les mélodies sont lentes, simples et langoureuses. "Oui et d'ailleurs, reprend M. Usico, Thierry Thilbault utilise le bugle à la place de la trompette dans son quatuor de soliste." Le bugle a un son bien plus doux, ce qui correspond mieux à la ballade irlandaise si j'ai bien compris Mr. Beat.

Chapitre 5

La Ballade

M. Usico nous fait aussi remarquer que dans les premières mesures du 5/4 de cette ballade, les rythmes de la batterie avec balais lui font penser au tambour traditionnel irlandais, le Bodhrán.

Le concierge se reveille d'un coup et part en courant. Il revient quelques secondes plus tard avec une nouvelle cassette dans les mains. Il nous dit : "Mon frère, John Joe Kelly, est un joueur de Bodhrán. J'ai un enregistrement de lui en train de faire un solo avec son ami, joueur de Tin Whistle, Michael McGoldrick" :

Chapitre 5

La Ballade

M. Usico nous fait part de son analyse, et il pense que Thierry Thilbault a fait ici un jeu de mot entre Ballade et Balade. Il nous dit qu'il est compliqué d'affirmer qu'il s'agit bien d'une ballade, bien que le thème soit doux et amoureux. Il s'imagine, lui, une balade sur les bords des côtes irlandaises. Ce qui expliquerait aussi la présence du "motif d'invitation au voyage" entre la gigue et la ballade. Motif qui nous ferait voyager sur les côtes irlandaises :

Il nous dit aussi que la grande phrase de cette ballade est découpée en trois parties de 8 mesures (A/B/C) et que ces trois parties sont d'abord dites 2 fois (ABC/ABC) en 3/4. Puis, l'ingénieux Thierry Thilbault réutilise ces trois parties dans une deuxième phase. Mais cette fois-ci dans trois mesures à 5/4 et une mesures à 6/4 pour chaque partie (A/B/C). Dans cette deuxième phase, la partie A est la seule à être répétée (AABC). Cela laisse apparaître la structure de la ballade du moyen-âge (AAB). "Malin !"

Chapitre 5

La Ballade

On se regarde avec mon cousin et le concierge et on devine très vite que personne n'a rien compris à ce que vient de dire M. Usico. Il nous dit alors qu'il nous a préparé l'analyse structurelle sur la partition et que l'on va tout de suite mieux comprendre !

Chapitre 6

Retour aux Sources

"À partir de maintenant, dit M. Usico, c'est très simple. Thierry Thilbault refait entendre le "motif d'invitation au voyage" :

Ce motif nous permet tout simplement de revenir à notre tout premier lieu en Irlande, là où nous dansions la Jig !M. Usico nous explique que le compositeur va faire revenir la Gigue pour finir la pièce, quasiment comme celle du début mais avec une accélération finale pour bien conclure son oeuvre. Il nous a encore préparé l'analyse sur partiton !

Chapitre 7

Le jour J

Je remercie mon cousin, son ami M. Usico et son concierge de m'avoir éclairé sur cette œuvre. Je suis enfin prêt pour le concert de demain !

Nous y sommes, Vendredi 28 Mars 2003, 20h30, la salle est pleine, le public jubile d’impatience à l'idée d'entendre jouer le quatuor Epsilon avec l'Orchestre d'Harmonie de Cébazat. Je me suis mis à ma place favorite, la tête remplie des infos de mes amis. Je m’apprête enfin à entendre Sémaphore et voilà ce que je vois :