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séduction amoureuse
Lycée Berthelot
Created on January 1, 2021
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Transcript
Pouvoir de la parole et séduction amoureuse
Faut-il dénoncer la parole qui séduit ?
S3 : Le rapport entre langage et sentiment
S4 : Rapport entre séduction et argumentation
S1 : Les mythes de la séduction
S5 : Aveuglement et cristallisation
S2 : La figure de Dom Juan
Pouvoir de la parole et séduction amoureuse
Séance 1 : Les mythes de la séduction
-Chants des Sirènes (Odyssée XII)
Quand on eut déposé tous les agrès dans le navire, on se laissa conduire par le vent et le pilote. Je m’adressai alors à tous mes gens avec tristesse ; Amis, je ne veux pas qu’un ou deux de nous seulement connaissent les oracles de Circé la merveilleuse : je vous parlerai donc, que nous sachions tous ce qui peut nous perdre, et ce qui peut nous éviter la mort fatale. Circé nous donne pour premier conseil de fuir des Sirènes étranges l’herbe en fleur et les chansons ; moi seul puis écouter leur voix ; mais liez-moi par des liens douloureux, que je ne puisse pas bouger, debout sur l’emplanture, attachez-y-moi par des cordes, et si je vous enjoins, vous presse de me détacher, il faudra redoubler l’emprise de mes liens !"
-Chants des Sirènes (Odyssée XII)
C’est ainsi longuement que j’enseignai mes compagnons. Cependant sans traîner, la barque robuste arrivait à l’île des Sirènes : un vent sans danger la poussait. Bientôt après ce vent tomba, le calme plat se fit souffle ; un dieu devait coucher les flots. L’équipage, debout, cargua les voiles du bateau, les déposa dans le profond navire et, s’asseyant aux rames, blanchit l’eau sous le bois de sapin. Moi, coupant en morceaux un grand cercle de cire, avec le glaive aigu, je le pétris de mes mains fortes ; il s’amollit bientôt, comme le voulait la puissance du Soleil et les feux du roi fils d’Hypérion. J’en bouchai les oreilles à l’un de mes gens après l’autre. Ils me lièrent pieds et mains dans le bateau, debout sur l’emplanture, en m’y attachant avec cordes ; puis, aux bancs, on battit des rames les eaux grises.
-Chants des Sirènes (Odyssée XII)
Mais, quand on s’en trouva à la portée du cri, passant en toute hâte, ce navire bondissant ne leur échappa point, qui entonnèrent un chant clair : "Viens, Ulysse fameux, gloire éternelle de la Grèce, arrête ton navire afin d’écouter notre voix! Jamais aucun navire noir n’est passé là sans écouter de notre bouche de doux chants. Puis on repart, charmé, lourd d’un plus lourd trésor de science. Nous savons en effet tout ce qu’en la plaine de Troie les Grecs et les Troyens ont souffert par ordre des dieux, nous savons tout ce qui advient sur la terre féconde…" Elles disaient, lançant leur belle voix, et dans mon cœur, je brûlais d’écouter, priai mes gens d’ôter mes liens d’un signe des sourcils : ils se courbèrent sur leurs rames. Aussitôt, Euryloque et Périmède se levèrent, multipliant mes liens et leur donnant un nouveau tour. Quand nous les eûmes dépassées et quand enfin nous n’entendîmes plus ni leur voix ni leur chant, mes braves compagnons enlevèrent la cire dont j’avais bouché leurs oreilles, et défirent mes liens." Homère, Odyssée, chant XII, 151-200. Traduction par Philippe Jaccottet. La Découverte, 1982
H J Draper Ulysse et les Sirènes
Pouvoir de la parole et séduction amoureuse
Séance 2 : La figure de Dom Juan
- Dom Juan II 4 , MOLIERE
SGANARELLE, apercevant Mathurine. Ah, Ah ! MATHURINE, à Dom Juan. Monsieur, que faites-vous donc là avec Charlotte ? Est-ce que vous lui parlez d’amour aussi ? DOM JUAN, à Mathurine. Non, au contraire, c’est elle qui me témoignait une envie d’être ma femme, et je lui répondais que j’étais engagé à vous. CHARLOTTE. Qu’est-ce que c’est donc que vous veut Mathurine ? DOM JUAN, bas à Charlotte. Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudrait bien que je l’épousasse ; mais je lui dis que c’est vous que je veux. MATHURINE. Quoi ? Charlotte… DOM JUAN, bas à Mathurine. Tout ce que vous lui direz sera inutile ; elle s’est mis cela dans la tête. CHARLOTTE. Quement donc ! Mathurine… DOM JUAN, bas à Charlotte. C’est en vain que vous lui parlerez ; vous ne lui ôterez point cette fantaisie.
- Dom Juan II 4 , MOLIERE
SGMATHURINE. Est-ce que…? DOM JUAN, bas à Mathurine. Il n’y a pas moyen de lui faire entendre raison. CHARLOTTE. Je voudrais… DOM JUAN, bas à Charlotte. Elle est obstinée comme tous les diables. MATHURINE. Vramant… DOM JUAN, bas à Mathurine. Ne lui dites rien c’est une folle. CHARLOTTE. Je pense… DOM JUAN, bas à Charlotte. Laissez-la là, c’est une extravagante. MATHURINE. Non, non : il faut que je lui parle. CHARLOTTE. Je veux voir un peu ses raisons. MATHURINE. Quoi ? DOM JUAN, bas à Mathurine. Je gage qu’elle va vous dire que je lui ai promis de l’épouser. CHARLOTTE. Je…
- Dom Juan II 4 , MOLIERE
DOM JUAN, bas à Charlotte. Gageons qu’elle vous soutiendra que je lui ai donné parole de la prendre pour femme. MATHURINE. Holà ! Charlotte, ça n’est pas bien de courir sur le marché des autres. CHARLOTTE. Ce n’est pas honnête, Mathurine, d’être jalouse que monsieur me parle. MATHURINE. C’est moi que monsieur a vue la première. CHARLOTTE. S’il vous a vue la première, il m’a vue la seconde et m’a promis de m’épouser. DOM JUAN, bas à Mathurine. Eh bien ! que vous ai-je dit ? MATHURINE. Je vous baise les mains, c’est moi, et non pas vous, qu’il a promis d’épouser. DOM JUAN, bas à Charlotte. N’ai-je pas deviné ? CHARLOTTE. A d’autres, je vous prie : c’est moi, vous dis-je. MATHURINE. Vous vous moquez des gens ; c’est moi, encore un coup.
- Dom Juan II 4 , MOLIERE
CHARLOTTE. Le v’la qui est pour le dire, si je n’ai pas raison. MATHURINE. Le v’la qui est pour me démentir, si je ne dis pas vrai. CHARLOTTE. Est-ce, monsieur, que vous lui avez promis de l’épouser. DOM JUAN, bas à Charlotte. Vous vous raillez de moi. MATHURINE. Est-il vrai, monsieur, que vous lui avez donné parole d’être son mari ? DOM JUAN, bas à Mathurine. Pouvez-vous avoir cette pensée ? CHARLOTTE. Vous voyez qu’al le soutient. DOM JUAN, bas à Charlotte. Laissez-la faire. MATHURINE. Vous êtes témoin comme al l’assure. DOM JUAN, bas à Mathurine. Laissez-la dire. CHARLOTTE. Non, non il faut savoir la vérité. MATHURINE. Il est question de juger ça. CHARLOTTE. Oui, Mathurine, je veux que monsieur vous montre votre bec jaune.
- Dom Juan II 4 , MOLIERE
MATHURINE. Oui, Charlotte, je veux que monsieur vous rende un peu camuse. CHARLOTTE. Monsieur, vuidez la querelle, s’il vous plaît. MATHURINE. Mettez-nous d’accord, monsieur. CHARLOTTE, à Mathurine. Vous allez voir. MATHURINE, à Charlotte. Vous allez voir vous-même. CHARLOTTE, à Dom Juan. Dites. MATHURINE, à Dom Juan. Parlez. DOM JUAN, embarrassé, leur dit à toutes deux. Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu’il soit nécessaire que je m’explique davantage ? Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j’ai promis effectivement n’a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l’autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j’accomplisse ma promesse ?
- Dom Juan II 4 , MOLIERE
Tous les discours n’avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (Bas à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu’elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J’ai un petit ordre à donner ; je viens vous trouver dans un quart d’heure. CHARLOTTE, à Mathurine. Je suis celle qu’il aime, au moins. MATHURINE. C’est moi qu’il épousera. SGANARELLE. Ah ! pauvres filles que vous êtes, j’ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur. Croyez-moi l’une et l’autre : ne vous amusez point à tous les contes qu’on vous fait, et demeurez dans votre village.
- Dom Juan II 4 , MOLIERE
DOM JUAN, revenant. Je voudrais bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suis pas. SGANARELLE. Mon maître est un fourbe ; il n’a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d’autres ; c’est l’épouseur du genre humain, et… (Il aperçoit Dom Juan.) Cela est faux ; et quiconque vous dira cela, vous lui devez dire qu’il en a menti. Mon maître n’est point l’épouseur du genre humain, il n’est point fourbe, il n’a pas dessein de vous tromper, et n’en a point abusé d’autres. Ah ! tenez, le voilà ; demandez le plutôt à lui-même. DOM JUAN. Oui SGANARELLE. Monsieur ? comme le monde est plein de médisants, je vais au devant des choses ; et je leur disais que, si quelqu’un leur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu’il aurait menti. DOM JUAN. Sganarelle. SGANARELLE. Oui, monsieur est homme d’honneur, je le garantis tel. DOM JUAN. Hon ! SGANARELLE. Ce sont des impertinents.
• ACTIVITE ATELIER : Lecture cursive au choix autour de Dom Juan Molière - « Le plus bel amour de Don Juan » de Barbey d’Aurévilly - Nuit de Valogne E E Schmitt - La Mort qui fait le trottoir Montherlant A FAIRE : DEBAT LITTERAIRE Une table avec un intervenant de chaque. A chaque question changez le plateau. 1) Présentez brièvement votre œuvre : auteur / contexte / projet. 2) Comment apparaît DJ ? 3) Comment l’auteur / le metteur en scène met-il en valeur la séduction de la parole ? 4) Comment évolue la pièce ? 5) Se situe-t-on dans la tragédie ou la comédie ? 6) Choisir une œuvre picturale qui est la plus proche de votre œuvre… Pourquoi ? 7) Quel est le passage qui vous a le plus marqué ? (lecture ou visionnage + 2min de commentaire).
Dom Juan en images
Le Naufrage de Don Juan de DELACROIX, 1840
Don Juan et la statue du commandeur de FRAGONARD 1830
Dom Juan Illustré par Riss, 1917
Des femmes que Don Juan n'a pas consommées de Dominique Cauvé, 2020
Le Naufrage de Don Juan de DELACROIX, 1840
Don Juan et la statue du commandeur de FRAGONARD 1830
Dom Juan Illustré par Riss, 1917
Des femmes que Don Juan n'a pas consommées de Dominique Cauvé, 2020
-Don Juan aux Enfers de BAUDELAIRE
Quand Don Juan descendit vers l'onde souterraine Et lorsqu'il eut donné son obole à Charon, Un sombre mendiant, l'oeil fier comme Antisthène, D'un bras vengeur et fort saisit chaque aviron. Montrant leurs seins pendants et leurs robes ouvertes, Des femmes se tordaient sous le noir firmament, Et, comme un grand troupeau de victimes offertes, Derrière lui traînaient un long mugissement. Sganarelle en riant lui réclamait ses gages, Tandis que Don Luis avec un doigt tremblant Montrait à tous les morts errant sur les rivages Le fils audacieux qui railla son front blanc.
-Don Juan aux Enfers de BAUDELAIRE
Frissonnant sous son deuil, la chaste et maigre Elvire, Près de l'époux perfide et qui fut son amant, Semblait lui réclamer un suprême sourire Où brillât la douceur de son premier serment. Tout droit dans son armure, un grand homme de pierre Se tenait à la barre et coupait le flot noir, Mais le calme héros, courbé sur sa rapière, Regardait le sillage et ne daignait rien voir.
ACTIVITE : Paul Mirabel a des problèmes de séduction. A l’aide des conseils de son coach et surtout de ce que vous avez retenu de Dom Juan ou de Cyrano, réécrivez son dialogue. Cette déclaration peut être sous forme de théâtre, de chanson, de slam
Pouvoir de la parole et séduction amoureuse
Séance 3 : Le rapport entre langage et sentiments
La scène d’aveu : Phèdre de Racine
Phèdre est la jeune épouse du roi Thésée. Hippolyte est un jh, né de l’union de la reine des Amazones et de Thésée. Thésée, parti pour une lointaine expédition, passe pour mort. Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée. Je l'aime, non point tel que l'on vu les enfers, Volage adorateur de mille objets divers, Qui va du dieu des morts déshonorer la couche, Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche, Charmant, jeune, traînant tous les coeurs après soi, Tel qu'on dépeint nos dieux, ou tel que je vous voi. Il avait votre port, vos yeux, votre langage, Cette noble pudeur colorait son visage, Lorsque de notre Crète il traversa les flots, Digne sujet des voeux des filles de Minos. Que faisiez-vous alors ? Pourquoi, sans Hippolyte, Des héros de la Grèce assembla-t-il l'élite ?
La scène d’aveu : Phèdre de Racine
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ? Par vous aurait péri le monstre de la Crète, Malgré tous les détours de sa vaste retraite. Pour en développer l'embarras incertain, Ma soeur du fil fatal eût armé votre main. Mais non, dans ce dessein je l'aurais devancée. L'amour m'en eût d'abord inspiré la pensée. C'est moi, Prince, c'est moi, dont l'utile secours Vous eût du Labyrinthe enseigné les détours. Que de soins m'eût coûtés cette tête charmante ! Un fil n'eût point assez rassuré votre amante : Compagne du péril qu'il vous fallait chercher, Moi-même devant vous j'aurais voulu marcher, Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue Se serait avec vous retrouvée ou perdue
Les Liaisons dangereuses de Laclos La lettre 56
Lettre LVI De la Présidente de Tourvel au Vicomte de Valmont Chérie et estimée d'un mari que j'aime et respecte, mes devoirs et mes plaisirs se rassemblent dans le même objet. Je suis heureuse, je dois l'être. S'il existe des plaisirs plus vifs, je ne les désire pas ; je ne veux point les connaître. En est-il de plus doux que d'être en paix avec soi-même, de n'avoir que des jours sereins, de s'endormir sans trouble, et de s'éveiller sans remords ? Ce que vous appelez le bonheur, n'est qu'un tumulte des sens, un orage des passions dont le spectacle est effrayant, même à le regarder du rivage. Eh ! comment affronter ces tempêtes ? comment oser s'embarquer sur une mer couverte des débris de mille et mille naufrages ? Et avec qui ? Non, Monsieur, je reste à terre ; je chéris les liens qui m'y attachent. Je pourrais les rompre, que je ne le voudrais pas ; si je ne les avais, je me hâterais de les prendre. Pourquoi vous attacher à mes pas ? pourquoi vous obstiner à me suivre ?
Les Liaisons dangereuses de Laclos La lettre 56
? Vos Lettres, qui devaient être rares, se succèdent avec rapidité. Elles devaient être sages, et vous ne m'y parlez que de votre fol amour. Vous m'entourez de votre idée, plus que vous ne le faisiez de votre personne. Écarté sous une forme, vous vous reproduisez sous une autre. Les choses qu'on vous demande de ne plus dire, vous les redites seulement d'une autre manière. Vous vous plaisez à m'embarrasser par des raisonnements captieux 1; vous échappez aux miens. Je ne veux plus vous répondre, je ne vous répondrai plus… Comme vous traitez les femmes que vous avez séduites ! avec quel mépris vous en parlez ! Je veux croire que quelques-unes le méritent : mais toutes sont-elles donc si méprisables ? Ah ! sans doute, puisqu'elles ont trahi leurs devoirs pour se livrer à un amour criminel. De ce moment, elles ont tout perdu, jusqu'à l'estime de celui à qui elles ont tout sacrifié. Ce supplice est juste, mais l'idée seule en fait frémir. Que m'importe, après tout ? pourquoi m'occuperais-je d'elles ou de vous ? de quel droit venez-vous troubler ma tranquillité ? Laissez-moi, ne me voyez plus, ne m'écrivez plus ; je vous en prie ; je l'exige. Cette Lettre est la dernière que vous recevrez de moi. De … ce 5 septembre 17**.
- Le Marivaudage : Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux Acte II, scène 3 et 4
?Scène III LISETTE, ARLEQUIN. Arlequin. Madame, il dit que je ne m’impatiente pas ; il en parle bien à son aise, le bonhomme ! Lisette. J’ai de la peine à croire qu’il vous en coûte tant d’attendre, monsieur ; c’est par galanterie que vous faites l’impatient ; à peine êtes-vous arrivé ! Votre amour ne saurait être bien fort ; ce n’est tout au plus qu’un amour naissant. Arlequin. Vous vous trompez, prodige de nos jours ; un amour de votre façon ne reste pas longtemps au berceau ; votre premier coup d’œil a fait naître le mien, le second lui a donné des forces et le troisième l’a rendu grand garçon ; tâchons de l’établir au plus vite ; ayez soin de lui, puisque vous êtes sa mère. Lisette. Trouvez-vous qu’on le maltraite ? Est-il si abandonné ?
- Le Marivaudage : Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux Acte II, scène 3 et 4
Arlequin. En attendant qu’il soit pourvu, donnez-lui seulement votre belle main blanche, pour l’amuser un peu. Lisette. Tenez donc, petit importun, puisqu’on ne saurait avoir la paix qu’en vous amusant. Arlequin, en lui baisant la main. Cher joujou de mon âme ! cela me réjouit comme du vin délicieux. Quel dommage de n’en avoir que roquille1 ! Lisette. Allons, arrêtez-vous ; vous êtes trop avide. Arlequin. Je ne demande qu’à me soutenir, en attendant que je vive.
- Le Marivaudage : Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux Acte II, scène 3 et 4
Lisette. Ne faut-il pas avoir de la raison ? Arlequin. De la raison ! hélas, je l’ai perdue ; vos beaux yeux sont les filous qui me l’ont volée. Lisette. Mais est-il possible, que vous m’aimiez tant ? je ne saurais me le persuader. Arlequin. Je ne me soucie pas de ce qui est possible, moi ; mais je vous aime comme un perdu, et vous verrez bien dans votre miroir que cela est juste. Lisette. Mon miroir ne servirait qu’à me rendre plus incrédule. Arlequin. Ah ! mignonne, adorable ! votre humilité ne serait donc qu’une hypocrite ! Lisette. Quelqu’un vient à nous ; c’est votre valet.
- Le Marivaudage : Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux Acte II, scène 3 et 4
Scène IV DORANTE, ARLEQUIN, LISETTE. Dorante. Monsieur, pourrais-je vous entretenir un moment ? Arlequin. Non ; maudite soit la valetaille qui ne saurait nous laisser en repos ! Lisette. Voyez ce qu’il nous veut, monsieur. Dorante. Je n’ai qu’un mot à vous dire. Arlequin. Madame, s’il en dit deux, son congé sera le troisième. Voyons. Dorante, bas à Arlequin.
- Le Marivaudage : Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux Acte II, scène 3 et 4
Viens donc, impertinent[1]. Arlequin, bas à Dorante. Ce sont des injures, et non pas des mots, cela… (à Lisette.) Ma reine, excusez. Lisette. Faites, faites. Dorante, bas. Débarrasse-moi de tout ceci ; ne te livre point ; parais sérieux et rêveur, et même mécontent ; entends-tu ? Arlequin. Oui, mon ami ; ne vous inquiétez pas, et retirez-vous.
Pouvoir de la parole et séduction amoureuse
S 4 : Le rapport entre séduction et argumentation
Julie JEAN JACQUES Rousseau
Julie de Jean Jacques Rousseau
Lisez une lettre d’amour faite par un Auteur dans son cabinet, par un bel esprit qui veut briller. Pour peu qu’il ait du feu dans la tête, sa lettre va, comme on dit, brûler le papier ; la chaleur n’ira pas plus loin. Vous serez enchanté, même agité peut-être ; mais d’une agitation passagère et sèche, qui ne vous laissera que des mots pour tout souvenir.
Au contraire, une lettre que l’amour a réellement dictée ; une lettre d’un Amant vraiment passionné, sera lâche, diffuse, toute en longueurs, en désordre, en répétitions. Son cœur, plein d’un sentiment qui déborde, redit toujours la même chose, et n’a jamais achevé de dire ; comme une source vive qui coule sans cesse et ne s’épuise jamais. Rien de saillant, rien de remarquable ; on ne retient ni mots, ni tours, ni phrases ; on n’admire rien, l’on n’est frappé de rien. Cependant on se sent l’âme attendrie ; on se sent ému sans savoir pourquoi.
Si la force du sentiment ne nous frappe pas, sa vérité nous touche, et c’est ainsi que le cœur sait parler au cœur. Mais ceux qui ne sentent rien, ceux qui n’ont que le jargon paré des passions, ne connaissent point ces sortes de beautés, et les méprisent. […] Dans cette dernière espèce de lettres, si les pensées sont communes, le style pourtant n’est pas familier, et ne doit pas l’être. L’amour n’est qu’illusion ; il se fait, pour ainsi dire, un autre univers ; il s’entoure d’objets qui ne sont point, ou auxquels lui seul a donné l’être, et comme il rend tous ces sentiments en images son langage est toujours figuré.
QUESTION / Que dit JEAN JACQUES Rousseau du rapport entre sentiment et langage ?
Cyrano de Bergerac III, 10 EDMOND ROSTAND
Cyrano de Bergerac III, 10EDMOND ROSTAND
ROXANE voit Christian.C’est vous ! ...Elle va à lui.Le soir descend.Attendez. Ils sont loin. L’air est doux. Nul passant.Asseyons-nous. Parlez. J’écoute.CHRISTIAN, s’assied près d’elle, sur le banc. Un silence.Je vous aime.ROXANE, fermant les yeuxOui, parlez-moi d’amour.CHRISTIANJe t’aime.
ROXANEC’est le thème.Brodez, brodez.CHRISTIANJe vous...ROXANEBrodez !CHRISTIANJe t’aime tant.ROXANESans doute. Et puis ?
Cyrano de Bergerac III, 10EDMOND ROSTAND
CHRISTIANEt puis... je serai si contentSi vous m’aimiez ! -Dis-moi, Roxane, que tu m’aimes !ROXANE, avec une moueVous m’offrez du brouet quand j’espérais des crèmes !Dites un peu comment vous m’aimez ? ...CHRISTIANMais... beaucoup.ROXANEOh ! ... Délabyrinthez vos sentiments !
Mise en scène par Denis Podalydès à la Comédie française
Corneille « STANCES A Marquise »
Pierre Corneille, grand dramaturge, rédige ces Stances en 1658, à l'adresse de Marquise du Parc, comédienne célèbre de son époque, qui fut aimée de Corneille mais aussi de Racine... et de beaucoup d'autres !
Corneille"STANCES A Marquise"
Marquise, si mon visageA quelques traits un peu vieux,Souvenez-vous qu’à mon âgeVous ne vaudrez guère mieux.Le temps aux plus belles chosesSe plaît à faire un affront :Il saura faner vos rosesComme il a ridé mon front. Le même cours des planètesRègle nos jours et nos nuits :On m’a vu ce que vous êtes ;Vous serez ce que je suis.
Cependant j’ai quelques charmesQui sont assez éclatantsPour n’avoir pas trop d’alarmesDe ces ravages du temps.Vous en avez qu’on adore ;Mais ceux que vous méprisezPourraient bien durer encoreQuand ceux-là seront usés.
Corneille"STANCES A Marquise"
Ils pourront sauver la gloireDes yeux qui me semblent doux,Et dans mille ans faire croireCe qui me plaira de vous.Chez cette race nouvelle,Où j’aurai quelque crédit, Vous ne passerez pour belleQu’autant que je l’aurai dit.
Pensez-y, belle Marquise :Quoiqu’un grison fasse effroi,Il vaut bien qu’on le courtiseQuand il est fait comme moi.
Marquise de Georges Brassens
Pouvoir de la parole et séduction amoureuse
SEANCE 5 : Aveuglement et cristallisation
Les Amants de MAGRITTE
LIPPI « Femme avec masque »
« La cristallisation » selon Stendhal De l’Amour
Stendhal De l’Amour
" Voici ce qui se passe dans l'âme : 1- l'admiration 2- on se dit : " quel plaisir de lui donner des baisers, d'en recevoir ! etc. " 3- l'espérance (...) 4- l'amour est né (...) 5- la première cristallisation commence. On se plaît à orner de mille perfections une femme de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que l'on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d'un amant pendant vingt-quatre heures, et voici ce que vous trouverez : Aux mines de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d'arbre effeuillé par l'hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la taille d'une mésange, sont garnies d'une infinité de diamants mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif.
Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections. (...) En un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce qu'on aime (...) 6- Le doute naît (...) L'amant arrive à douter du bonheur qu'il se promettait, il devient sévère sur les raisons d'espérer qu'il a cru voir. Il veut se rabattre sur les autres plaisirs de la vie, il les trouve anéantis. La crainte d'un affreux malheur le saisit et avec elle l'attention profonde.
"C'est la cristallisation" de Serge Gainsbourg
FIN