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Tableau et son analyse

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Repasseuses

2 femmes appartenant à la classe ouvrière sont en pleine besogne dans un endroit dénudé (une cave). Ce sont des blanchisseuses qui s'occupent du linge, travail confié depuis longtemps aux femmes. Au premier plan, à gauche, se trouve une femme tenant une bouteille de vin avec sa main droite, en train de s'étirer et de bâiller. Sa collègue à droite s'obstine à continuer de travailler le dos voûté : elle repasse du linge avec un morceau de fer chauffé. A l'arrière plan, il y a un poêle allumé. Degas a peint directement sur la toile, il n' y a aucune préparation ce qui renforce la sensation d'insalubrité : les murs en mauvais état avec la peinture qui s'enlève petit à petit (à cause de la chaleur du poêle sûrement). Les femmes ont été peintes à la manière d'une photographie prise sur le vif. Elles ne cherchent pas à être élégantes, elles ont des vêtements abîmés et sales, elles sont mal coiffées.

Commentaire du tableau : Le thème du travail dans la peinture n'était pas courant en France et a longtemps été jugé comme un sujet indigne. Il était rare qu'on peigne de tels gestes aussi expressifs ce qui suggère une impression d'instantanéité. On voit aussi combien ce travail est pénible. Les femmes se sont toujours vues confiées ce travail depuis des temps immémoriaux : c'est un travail répétitif à durée excessive et à risque. Ce tableau est un témoignage de l'existence difficile de ces femmes. Degas fait preuve de modernisme car il peint une femme banale dans des instants banals pris au vif dans l'intimité. Etude de mouvement contrasté Deux personnages dont l’activité diffère : une des femmes est en train de s’étirer, la bouche ouverte dans un bâillement ; l’autre pèse sur son fer dans une attitude qui fait jouer tous ses muscles. Forme classique pour exprimer une scène banale de la vie quotidienne. La table coupe en diagonale le premier plan comme le faisaient les plateaux de théâtre obliques ou les planchers en raccourci et nous fait ainsi pénétrer dans le tableau Les deux femmes sont soulignées par des contours appuyés et construites dans un rythme contrasté d’angles et de courbes Un sens particulier de l’éclairage imprègne toute la scène Le rapprochement au premier plan des personnages crée un dialogue avec le spectateur Trame grossière de la toile : c’est la seule qui ne soit pas préparée dans les œuvres que nous connaissons de Degas Pratiquement pas de décor autour de ces femmes à la peine: un mur nu derrière elles, un poêle à charbon ou à bois sur la droite du tableau où couvent des braises pour les fers à repasser. Devant elles, la table sur laquelle un drap est disposé que l’une d’elles est en train de repasser; à côté du drap, un petit récipient contient probablement de l’eau avec laquelle asperger les tissus trop secs. Le dépouillement de la scène est impressionnant. Il contribue à isoler ces femmes dans leur fatigue et permet au spectateur de s’y investir totalement. Un thème commun pour une oeuvre exceptionnelle Comme on peut le constater, le thème de cette œuvre est des plus communs. Mais Degas y révèle la beauté des scènes les plus familières, que certains pourraient même considérer comme vulgaires. Le travail le plus banal qui soit, le travail de femmes qui plus est, dans un cadre populaire… Le travail harassant, qui pèse sur les épaules et fait courber le dos, avec son côté sordide de la sueur qui colle au front, qui rend la peau et les mains moites, qui fait transpirer… Ces deux femmes sont épuisées. L’une d’entre elles continue à travailler, les deux mains rassemblées sur la poignée en pesant de tout son poids sur son fer, le dos voûté et la tête basse. Une partie de sa frange de cheveu pend dans le vide, tandis que sur sa nuque des mèches s’échappent de son chignon. L’autre s’est redressée pour s’étirer légèrement et baille la bouche grande ouverte, ce que les peintres évitaient généralement estimant la posture trop vulgaire; de sa main droite elle tient fermement une bouteille, de vin sans doute si l’on en croit la couleur rouge du cul de la bouteille, tant pour se désaltérer que pour y trouver du réconfort. Cette précision et cette douceur dans le rendu des poses de l’extrême fatigue qui abrutit permettent au peintre de nous transmettre son attendrissement et sa compassion pour ces deux femmes du peuple écrasées par leur labeur. Une représentation réaliste de la condition humaine L’inspiration créatrice de Degas participe de la tradition de la peinture chrétienne par la façon dont il traite son sujet. Le poids du travail harassant et la misère de la condition populaire sont montrés ici avec pudeur et charité, avec tendresse aussi, non pour choquer, non pour révolter, mais attirer l’attention, pour émouvoir et susciter la volonté d’aider et de porter remède. . Le choix de ce sujet fait écho aux préoccupations naturalistes et sociales de certains contemporains de l'artiste, en peinture mais aussi en littérature. Publié en 1877, L'Assommoir de Zola décrit en effet la blanchisserie de Gervaise, et donne à voir sans détour la misère du peuple parisien. Saisies en plein travail, accablées de fatigue, les deux repasseuses de Degas témoignent du regard sans complaisance mais non sans tendresse que l'artiste semblait porter sur la classe ouvrière. Les gestes de chacune des repasseuses semblent avoir particulièrement intéressé le peintre, qui cherche à fixer les mouvements éphémères et quotidiens dans une représentation ni héroïque ni caricaturale. La peinture à l'huile est posée sur une toile sans apprêt et d'un grain grossier, qui offre un support granuleux et non homogène. Créant une texture épaisse et accidentée, la teinte brune du lin, perceptible par endroit sous la peinture, contribue à faire vibrer les couleurs pastels. Le sujet comme son traitement marqueront le jeune Picasso de la période bleue, qui reprendra ce thème sur un mode souvent pathétique

Edgar Degas (1834-1917)Repasseusesvers 1884-1886Huile sur toileH. 76 ; L. 81,5 cmGrand Palais (Musée d'Orsay)

La repasseuse de Pablo Picasso