Objets, enjeux de la mondialisation

Des objets, comme enjeux de la mondialisation

L'objet comme entrée dans la réflexion d'une séquence pédagogique de géographie

Deux exemples : le masque prophylactique et la boîte de conserve

Exemple de thème pédagogique dans lequel insérer l'objet comme entrée

Seconde bac pro : Production mondiale et circulation des personnes, des biens et des informations

THèME 1 : Production et circulation des personnes, biens et informations

Séquence 1 : Des réseaux de production et d'échange mondialisés

Comprendre un document cartographique qui lie /réactive les connaissances acquises en histoire sur la mondialisation.S'approprier des repères géographiques.

Carte de l'émergence progressive d'un système-monde (source : Nathan Technique, seconde bac pro 2019, Collection dialogues)

L'entrée par l'objet peut se faire à la place de / en association avec ces activités.

S'approprier ensuite quelques notions-clés du thème et de la séquence dont celle de la mondialisation à travers un court extrait vidéo.

Ici, par exemple, un extrait vidéo "La mondialisation dans tous ses états", Oxfam solidarité, , 2017, 4mn50 (source : Youtube, chaîne officielle Oxfam solidarité)

Exemples d'activités avec les élèves : -réalisation d'un sketchnotes (prise de notes sous forme de dessins, de mots-clés, d'idées-clés) ;-prise de notes rapide classique; -si classe inversée, idée de transposition des informations les plus importantes sous format podcast à la manière d'un journaliste en mettant en exergue la définition de la notion de "mondialisation".

Document d'accompagnement : carte sur le commerce mondial en 2016 (source : manuel Nathan technique, 2017)

Le livre regorge d'une centaine d'exemples d'objets avec leur ancrage dans la mondialisation. Quelques pages évoquent le smartphone mais il peut être justement intéressant d'aller au-delà de cet exemple déjà beaucoup vu par les élèves.

Entrée par un objet pour montrer les enjeux de la mondialisation

D'après le livre "Le magasin du monde, la mondialisation par les objets du XVIIIème siècle à nos jours" sous la direction de Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre, Fayard, 2020.

• gilet jaune
• lettre
• masque
• pneu
• stylo bille
• tente

• accordéon
• ballon de football
• bougie
• cercueil
• chewing-gum
• éventail

" Le piège qui nous est ainsi tendu a un nom : le diffusionnisme, c'est-à-dire l'étude des modalités de diffusion dans le monde entier des objets produits en Occident. Or, en prêtant attention aux objets inventés ailleurs qu'en Occident, en étudiant les phénomènes de réappropriation et de réinventions de tous les objets, quelles que soient leurs origines, en analysant les conséquences, partout dans le monde, des processus de fabrication, il est possible d'écrire, grâce aux objets les plus communs, une histoire du monde à hauteur d'humains, à hauteur de mains."

Prologue "Le monde, les objets, les humains" in Le magasin du monde, Pierre Singaravélou et Syvlvain Venayre

Exemple du masque prophylactique

La pandémie de Covid-19 a fait revenir dans l'actualité et dans un mode de vie quotidien pour se protéger, un objet intrigant : le masque contre les épidémies

• Constat actuel : mise en parallèle de l'accès aux masques pour la population d'un pays avec la qualité et le suivi d'une protection sanitaire de cette dernière.
• Considéré comme l'un des premiers gestes barrières à appliquer et un moyen de maintenir des échanges interpersonnels.

Sources : carte , indice 2019 Global Health Security / document statistique, YouGov

D'innovant au XVIIè siècle...

Source image : guide sanitaire des gouvernements européens, 1826 in Gallica.bnf.fr

On parle du célèbre "masque à bec de canard", garni de plantes aux propriétés désinfectantes, lors de sa première apparition pour lutter contre la propagation par les airs de la peste. Ce masque a été imaginé par Charles de Lorme.

... à professionnel au XIXè siècle

Dans la seconde moitié du XIXè siècle, le masque apparaît dans le milieu hospitalier.Le 13 mai 1915, un article du Temps décrit l'outil comme "innovant" et attribue sa paternité sous cette forme (couches de coton attachées par un élastique) au docteur Henrot en 1868. L'usage est promu en Allemagne dès les années 1890 par le médecin Carl Flügge.

Soutien de l'Académie de Médecine au XIXè siècle avec un réel souci d'utiliser de nouvelles pratiques et objets de protection : gants, crachoir individuel pour les tuberculeux, campagnes de vaccination.

... à décrié au XXè siècle

Recommandé lors des épidémies de grippe de 1918 et 1929, il devient objet de débat dans la presse, notamment sur son efficacité et son aspect liberticide, comme l'atteste quelques caricatures dont celle parue dans L'écho de Paris le 17 février 1929. Le dessinateur Poulbot et certaines actrices critiquent le port de la "voilette" par les femmes dans les années 1930. Le comédien Victor Boucher attaque son port pour le raison esthétique. Son usage dans les pays développés tend à baisser à partir des années 1940 avec la recrudescence des antibiotiques et le recul des fleaux comme la peste ou le choléra.

Source images : L'écho de Paris, 17 février 1929, page 1, à droite, article dans Paris Soir, , 5 mars 1929 in Gallica.bnf.fr

L'exemple chinois face au masque prophylactique : une "culture du masque" ?

La politique qui ancre le masque dans la culture

En 1949, dans le contexte de guerre froide, le régime de la république populaire de Chine est proclamée avec Mao Zedong à sa tête.

Il mène une campagne de propagande au sujet de sa politique sanitaire, nommée campagne sanitaire patriotique contre les cinq pestes (1952). Sur les photographies des posters utilisés, le masque est mis en avant ; comme ici sur cette photographie de 1950 en noir et blanc où des jeunes de la garde rouge agitent leur Petit livre rouge de Mao Zedong et louent sa politique. But de la propagande : dénoncer l'usage d'armes bactériologiques par les Américains.

(Source photographie : Express/Getty in https://www.franceculture.fr/societe/masques-hygiene-intimite-singularites-historiques-de-lasie).

L'exemple chinois face au masque prophylactique : une "culture du masque" ?

Des circonstances complémentaires ?

Plusieurs circonstances peuvent expliquer l'ancrage de l'usage du masque dans le quotidien des chinois et leur consentement plus naturel face à l'objet par rapport aux Occidentaux : - l'habitude du masque lors des pics de pollution ; -l'usage du masque lors de grands évènements publics pour éviter les problèmes de pollution ; -le manque de démonstration tactile en public ; -l'ancrage dans le temps a facilité son accès et ses formes diverses (nez de chat sur le masque d'enfant, photographie d'un chanteur à la mode pour un masque destiné à de jeunes adultes...

Source photo : : https://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite/pollution-en-chine-au-moins-10-villes-en-alerte-rouge_1748617.html

Source photographie : RALSTON/ AFP in https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/pollution-la-chine-ne-tombe-pas-le-masque_214825.html

L'Asie et l'Afrique face au masque prophylactique : un ancrage du masque dans la durée ?

Au Japon, le masque prophylactique est tilisé dans les années 1980 lors de la recrudescence des allergies au pollen de cèdre bleu puis avec la pollution de l'air dans les villes industrielles, et ce, comme en Chine. Le masque est utilisé en Asie du Sud-Est lors de l'épisode du SRAS (2003) et de la grippe H5N1.

En Afrique centrale et de l'Ouest, dans les années 2010, le masque et la combinaison sont devenus les symboles de la lutte de la médecine humanitaire contre le virus Ebola. Problème : le masque n'est pas en quantité en Afrique, qui est définie par sa dépendance aux pays producteurs et fournisseurs.

Un homme portant un masque devant un centre de quarantaine à Abidjan

Source document d'illustration : Los Anteles Times in http://www.psychomedia.qc.ca/grippe/2012-02-24/aviaire-moins-mortelle-qu-estime

Source photo : Sia Kambou/AFP in https://www.20minutes.fr/sante/1463175-20141017-ebola-chercheuse-denonce-effet-pervers-mises-quarantaine

Masque prophylactique, économie et mondialisation

En moins de trois mois, c'est devenu l'objet le plus convoité de la planète. La principale usine de fabrication de masque en France, l'usine bretonne de Plaintel a fermé fin 2018, en raison d'une baisse de commandes et d'un problème de rentabilité financière. En 2010, elle produisait 200 millions de masques par an puis un peu plus de 8 millions. Lors du pic de l'épidémie en France, l'Etat a alors soutenu quatre industries productrices de masques en France afin de passer de 10 millions de masques produits à 50 millions. L'Allemagne a enregistré des investissements importants également. Il s'avère que les productions ont augmenté par dix, voire trente, dans la plupart des PME et grands groupes du secteur et ce, dans toute l'Europe. En effet, après avoir dévoilé une dépendance de l'Europe et des Etats-Unis par rapport aux des masques, il y a une réaction très rapide pour pallier à ce problème. La tendance en septembre/octobre 2020 est clairement à la baisse des prix : moins de rareté, moins d'importation ( coût très impotant du transport par avion pour des délais urgents ). Une régulation tarifaire a été mise en place même si on note encore quelques différences ,notamment pour les prix en grandes surfaces.

Coût sortie d'usine en Chine : 2 à 4 centimes Coût sortie d'usine en France : 8 à 10 centimes

LP/INFOGRAPHIE Article "où trouver les masques moins chers"

Sources - pour aller plus loin

D'après "Le magasin du monde : la mondialisation par les objets du XVIIIè siècle à nos jours", sous la direction de Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre, Fayard, septembre 2020 Article Gallica BNF.fr , "Sortez masqués! Histoire médiatique du masque de protection", Nejma Omari, 12/05/2020 Agnès Sandras, "L'humour face aux épidémies" - Partie I à IV. in L'Histoire à la BNF, 09/04/2020 Article France culture, https://www.franceculture.fr/societe/masques-hygiene-intimite-singularites-historiques-de-lasie, Yvan Plantey, 12/04/2020 Article France culture, https://www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-lhistoire/banjo-tongs-et-bidet-quand-les-objets-racontent-lhistoire-du-monde, 09/10/2020

Focus sur un autre objet de la mondialisation : la boîte de conserve

D'après les pages 74-77 , écrites par Stéphanie Soubrier dans "Le magasin du monde : la mondialisation par les objets du XVIIIè siècle à nos jours", sous la direction de Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre, Fayard, septembre 2020

Nicolas Appert (né le 17 novembre 1749 à Châlons-sur-Marne et décédé le 1er juin 1841 à Massy) reçoit en 1822 le titre de "bienfaiteur de l'humanité". La raison ? Il est l'inventeur d'un objet révolutionnaire de l'alimentation mondiale : un bocal en verre parfaitement hermétique qui préserve les aliments. Publiée en 1810, sa découverte traverse la Manche, et Peter Durand dépose alors un brevet la même année pour un format moins lourd et moins fragile : la boîte de conserve, sous forme de cylindre métallique recouvert d'une couche d'étain, est née. Peter Durand n'a jamais exploité le brevet car il l'a revendu à Bryan Donkin et John Hall, qui ont créé dès 1812 une fabrique de boîte de conserve destinées à l'armée britannique.

Illustration portrait de Nicolas Appert, tiré de Les Artisans illustres de Foucaud, gravure sur bois anonyme d'époque 1841

La boîte de conserve : un des premiers "objet symbole" de la mondialisation ?

La boîte de conserve est rapidement plebiscitée par les marines européennes, premières clientes des conserveries. Elle est vite de toutes les expéditions. Exemples : expédition de Sir Edward Parry dans l'Arctique dans les années 1820, expédition autour du monde du français Charles de Freycinet sur l'Uranie (1817-1820). Les soldats ne sont pas en reste de cet objet innovant. Un brevet pour le lait concentré est déposé en 1851 par l'Américain Gail Borden et les soldats s'en nourrissent beaucoup notamment lors de la guerre de Sécession. Quelques scandales sanitaires sont à déplorer comme en 1852 avec des conserves contenant de la viande en putréfaction.

Document d'illustration La marine française à travers le temps, Wikipedia

Exemples de son rayonnement

Exemples de son rayonnement

En 1906, à l'Exposition universelle de Milan, des fabricants japonais n'hésitent pas à utiliser la marque de la maison nantaise Amieux pour vendre leurs sardines, au grand regret des conservateurs nantais. Des boîtes estampillées "made in England" qui comportent des produits des Antilles ou d'Australie.

Winston Churchill et les officiers britanniques du Soudan partagent du boeuf en conserve à la veille de la bataille d'Omdurman (1898). La boîte de conserve permet alors de profiter de mets européens à l'autre bout du monde. Lors de la première guerre mondiale, la conserve fait partie de la ration du soldat ce qui contribue à sa diffusion dans les ménages à l'après-guerre.

Timeline de la diffusion de la boîte de conserve dans le monde

Lien compléments oeuvre Andy Warhol : https://www.timeout.fr/paris/art/5-choses-a-savoir-sur-campbells-soup-cans-de-andy-warhol

Etape 3

Etape 4

Etape 1

Etape 2

La conserve se diffuse dans les ménages après la première guerre mondiale.

Dès 1930, la conserve devient un objet symbole de la consommation de masse et de l'industrialisation. [image des soupes Campbell's exposées en 1962 par Andy Warhol]

La conserve devient un objet alimentaire de premier choix pour les soldats dès le XIXè siècle avec une accentuation forte début XXè siècle (1ère GM).

La conserve présente lors des expéditions maritimes

Et depuis ?

Années 1950 : concurrence des produits surgelés avec recul de l'attractivité de la boîte de conserve pour les ménages. Années 1960 : la boîte de conserve est remise au goût du jour par les mouvements survivalistes qui préparent, par exemple, la fin du monde (bunker). Un rapport américain concluait d'ailleurs, dès 1955, que "toute nourriture en conserve qui aurait survécu à une explosion nucléaire serait satisfaisante du point de vue du goût et de la texture" et ne présenterait pas de risque sanitaire".

Source photographie : AFP/NIcolas KAMM, une pièce de stockage en Virginie.

Sources - pour aller plus loin

D'après "Le magasin du monde : la mondialisation par les objets du XVIIIè siècle à nos jours", sous la direction de Pierre Singaravélou et Sylvain Venayre, Fayard, septembre 2020 Article numérique TimeOut , Clothilde Gaillard, 25 octobre 2017 : https://www.timeout.fr/paris/art/5-choses-a-savoir-sur-campbells-soup-cans-de-andy-warhol