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"Des Cannibales"-LL 1
ROMERO
Created on September 18, 2020
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Transcript
Les Essais
Michel de Montaigne
"Des Cannibales"
Allons-y !
Lecture linéaire 1
De "Or je trouve" à "leur simplicité originelle"
Introduction
Contextualisation large
La découverte du Nouveau Monde à la Renaissance ébranle profondément la perception de l’homme et de ce qu’il est d’usage d’appeler au XVIe siècle la civilisation. Montaigne explore le concept dans Les Essais et intitule un chapitre du Livre I, "Des cannibales" : loin d’admettre l’évidence du terme de "sauvages", il met à profit les informations de première main transmise par un membre de l’expédition coloniale française au Brésil (1555-1557) et s’interroge sur le sens des pratiques rapportées, notamment l’anthropophagie, dans la perspective des cruautés européennes. Cet extrait n’aborde pas le cannibalisme mais souligne les méfaits d’un regard trop occidental qui peut conduire à des contresens.Les Essais, publiés à titre posthume en 1595 sont l’œuvre principale de Montaigne, auteur humaniste du XVIe siècle.
Précisions sur l'oeuvre
Ce dernier y aborde de nombreux sujets et il y livre ses réflexions sur sa propre vie et sur la condition de l’homme sous un angle tantôt philosophique, tantôt politique et tantôt social..
Contextualisation resserrée sur l'extrait
Au chapitre 31 du Livre Premier intitulé « Des Cannibales », Montaigne évoque la découverte des « sauvages » du Nouveau Monde et l’étonnement des Européens face à des coutumes différentes des leurs. Cette évocation est l’occasion pour lui de parler également de l’homme européen, prétendument civilisé, et de détourner les idées préconçues sur ces cannibales pour proposer sa propre vision de la « barbarie ».
Lecture expressive
Projet de lecture
Comment cet extrait « des cannibales » prend-il le contre-pied des préjugés ethnocentriques de l’époque de Montaigne ?
Mouvements du texte
Mouvement 3 -Montaigne développe enfin la conclusion de son argumentation.
Mouvement 1 -Montaigne entreprend de relativiser les termes de « barbare » et « sauvage ».
Mouvement 2 -Montaigne établit un parallèle entre « nature » et « sauvagerie ».
Premier Mouvement
Montaigne entreprend de relativiser les termes de « barbare » et « sauvage ».
- La conjonction «or» qui ouvre l’extrait permet à Montaigne d’opposer à ses contemporains son propre point de vue sur les amérindiens. Ici, il permet à la fois de recentrer le propos après une digression, et de présenter le fait qui permet de conclure ou qui explique ce qui suit. - L’emploi de la 1ère personne, à travers les pronoms personnels « je » et «m'», et le déterminant possessif « mon » indique l’implication de Montaigne. - « je trouve » ; « pour en revenir à mon propos » : Montaigne invite le lecteur à réfléchir et à prendre parti comme dans une conversation. - La longue tournure négative sert à montrer qu’il va à l’encontre des idées reçues de ses contemporains. - barbare : vient du grec barbaros (c’est-à-dire les non Grecs pour les Grecs de l’Antiquité). Cet adjectif fait référence à la violence et la décadence. - Sauvage : vient du latin silvaticus c’est-à-dire fait pour les forêts. Cet adjectif désigne quelqu’un qui n’est ni civilisé, ni cultivé. - le déterminant démonstratif montre l’éloignement et la nouveauté. On peut le mettre en parallèle avec « ces pays-là ». Cela indique un élargissement progressif dans la manière de désigner le Nouveau Monde. - l’argumentation introduite ici est directe, Montaigne affirme clairement son point de vue, sa thèse : il n’est pas d’accord avec ses contemporains, et il va développer son point de vue. - Par l'utilisation du pronom personnel indéfini « on », il fait référence à d’autres interlocuteurs au travers de rumeurs rapportées. Il existe donc une parenté entre l’essai et le genre épistolaire (lettre)
Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage dans ce peuple, d’après ce que l’on m’en a dit,
-La locution conjonctive « sinon que » permet à Montaigne d'exposer sa thèse de manière provocatrice en mettant en doute les croyances populaires. L'utilisation du pronom indéfini « chacun » vise indirectement les lecteurs qui doivent faire ce constat avec l'auteur. - Montaigne rejette l’idée d’Hommes supérieurs aux autres, et que la différence soit synonyme de « barbarie ». - « ce qui n’est pas dans ses coutumes » : Montaigne remet en question des valeurs socioculturelles de son époque, et souligne le regard méprisant porté par les Européens sur les Amérindiens. - Sa formule relève du registre polémique car selon lui, le nom « barbarie » change selon le point de vue et l’usage que l’on en fait. Implicitement, il annonce que les plus barbares sont en réalité les Européens dont la cruauté n'a rien à envier à celle, supposée, des amérindiens.
sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas dans ses coutumes
- Le modalisateur de certitude « en vérité » permet à Montaigne d'insister sur la validité de sa thèse d'un ton ferme et assuré. - L'utilisation du pronom personnel de deuxième personne du pluriel « nous », implique le lecteur dans un lecture participative. Montaigne analyse la façon dont la plupart des Européens jugent autrui ; par le choix de ce pronom personnel. Il s'intègre à ce nous pour mieux s'en dégager par la réflexion qu'il mène. Montaigne se montre sceptique (comme les philosophes antiques). Il doute du bienfondé des convictions de ses contemporains concernant autrui. Il ne va pas jusqu’au bout de sa pensée, il laisse le lecteur tirer ses propres conclusions. - La négation restrictive « ne…que » limite le champ de vision des Européens à leur mode de vie et de penser. La 1re phrase est construite en 3 parties : Or… ; sinon que… ; et en vérité… Cette structure ternaire de la phrase, comportant une conjonction de coordination en ouverture, puis une locution conjonctive, enfin, de nouveau une coordination suivie d'un modalisateur correspond au traditionnel raisonnement cohérent depuis l’Antiquité qui doit comporter 3 arguments.
et en vérité, il semble que nous n’avons d’autre critère de la vérité et de la raison que l’exemple et l’idée générale qui nous viennent d’opinions et des usages du pays où nous sommes
- La deuxième phrase s'ouvre sur une forme d'emphase qui donne l’impression d’un martèlement et renforce le degré de conviction.- La répétition de l'adjectif « parfait » (trois fois) dont la dernière est renforcée par les tournures superlatives et l’adjectif « complète » tourne en dérision l’orgueil des Européens et révèle toute l'ironie de Montaigne qui interroge ici la notion de culture au travers de la « religion », du « gouvernement », c’est-à-dire du système politique et de « la façon », c’est-à-dire des habitudes. - Il pose implicitement la question de la hiérarchie entre les peuples : les Cannibales sont-ils inférieurs aux Européens car ils n’ont pas la même culture ?
Là se trouve toujours la parfaite religion, le parfait gouvernement, la façon la plus parfaite et la plus complète de tout faire.
Deuxième Mouvement
Montaigne établit un parallèle entre « nature » et « sauvagerie ».
- Montaigne commence ensuite un raisonnement par analogie en employant l'outil de comparaison « de même que ». Il effectue une comparaison naïve en apparence entre les hommes « sauvages » et les « fruits […] sauvages ». - Un glissement de sens apparaît dans l’antanaclase de « sauvages » : de l’homme « sauvage » c’est-à-dire non civilisé, il glisse vers « les fruits » sauvages c’est-à-dire en harmonie avec la nature. Le glissement s’effectue vers une forme méliorative. Montaigne fait l’éloge de la vie en harmonie avec la Nature. Il exploite donc la polysémie du mot « sauvage » en comparant les hommes du Nouveau Monde aux fruits « que la nature a produits d’elle-même et dans sa marche ordinaire ». - Il renverse le sens du terme pour faire apparaître ses connotations mélioratives (positives), car un fruit sauvage est considéré comme meilleur qu’un fruit issu de l’agriculture. L’analogie entre l’homme sauvage et le fruit sauvage structure le texte : c’est à partir du sens positif du mot « sauvage » que Montaigne va construire son argumentation. - Il fait donc comprendre que le langage n’est qu’un outil de notre subjectivité. - Montaigne met donc en concurrence Nature et Culture. - Les deux points « : » introduisent ensuite une explication.
Ces hommes sont sauvages de même que nous appelons sauvages les fruits que la nature a produits d’elle-même et par sa marche ordinaire :
tandis que, en vérité, ce sont plutôt ceux que nous avons dégradés par notre artifice et détournés de l’ordre normal que nous devrions appeler sauvages
- La locution conjonctive « tandis que » introduit une proposition subordonnée circonstancielle d'opposition qui permet à Montaigne de poursuivre sa réflexion.- Le réseau lexical de la corruption se déroule avec les participes passés « altérés, détournés », (et étouffée à la fin de la démonstration). Montaigne pose ici un jugement critique : il affirme que l’acte de conquête, la prise de possession des terres et des hommes ne sont pas un signe de supériorité, car les Européens n’ont pas respecté la nature avec leur « artifice ». Ce sont les Européens qui sont en réalité les plus « sauvages » - La Renaissance célèbre la puissance et la vertu de la culture. Montaigne conteste cela au profit de la Nature. - En employant un registre polémique, Montaigne souligne le fait que c'est l’Homme dit civilisé qui a perverti et dégradé « l’ordre normal » incarné par la Nature. Les fruits cultivés sont selon lui plus sauvages que ceux qui poussent naturellement sans l'intervention des hommes.
Les reprises nominales « les premiers » / « les seconds » désignent respectivement les fruits qui poussent naturellement dans la nature et ceux que l'homme cultive artificiellement. Cette phrase est construite sur une opposition dialectique. En effet, l'antithèse premiers/seconds met en évidence l’opposition entre Nature et Culture. - L’allitération en [v] « vivantes, vigoureuses, vertus, véritables » sert le vocabulaire mélioratif. Montaigne décrit la vie des Amérindiens de manière idéalisée. On peut penser au mythe de l’âge d’or d’Hésiode. - « au plaisir de notre goût corrompu » : Montaigne blâme l’état de culture des Européens « nous » qui mènerait à la violence au travers du vocabulaire péjoratif : « abâtardies », « corrompu ». -[ Rousseau développera au XVIIIe siècle la même thèse (dans son « Discours sur les sciences et les arts », en 1750). Pour ce dernier, la civilisation a corrompu les Européens et fait leur malheur plutôt que leur bonheur. Une déclaration qui tranche avec l’esprit des Lumières, hérité des humanistes.] - Pour Montaigne, l’Homme est bon tant qu’il suit la Nature. Il ne devrait jamais s’en écarter. Tout au long du texte, il oppose ainsi la société des « sauvages » et celle des Européens, à travers une série d’antithèses : les hommes du Nouveau Monde possèdent des « vertus et propriétés » qui sont « les véritables », « les plus utiles», « les plus naturelles », - les superlatifs insistent sur ce point - alors que « nous » (les Européens) les « avons abâtardies » par « notre goût corrompu ».
Dans les premiers demeurent vivantes et vigoureuses les vertus et les propriétés véritables, les plus utiles et les plus naturelles, que nous avons abâtardies dans les seconds, et seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu.
-Registre épidictique Vocabulaire laudatif - « Et pourtant » : l'adverbe permet à Montaigne, par le biais d'une opposition, de renforcer son propos en continuant l’emploi du registre épidictique. En effet, il utilise un vocabulaire laudatif : « excellentes », « saveur », « finesse » : qui lui permet de faire l’éloge de l’état de Nature, c'est-à-dire de la vie en harmonie avec la nature et avec ses ressources naturelles « qui poussent […] sans culture ». Cela correspond à l’idée du bien et de la raison. - On peut voir dans l'évocation des « fruits » une référence au Paradis perdu de la Genèse, perdu par Adam et Eve pour avoir croqué le fruit interdit de la connaissance. - Il proclame donc la supériorité des Amérindiens qui profitent des fruits que la nature met à leur disposition. Ils se contentent et sont heureux de ce qu’ils ont. - Finalement, et implicitement, Montaigne critique l’appât du gain des Européens, qui se manifeste notamment dans leur frénésie à inventer des outils pour produire toujours plus.
Et pourtant, même notre goût trouve excellentes, en comparaison de nos propres fruits, la saveur et la finesse de certains de ceux qui poussent dans ces pays-là, sans culture.
- Par l’allégorie « Mère Nature », la Nature est comparée à une mère nourricière, qui pourvoit à tous les besoins des Hommes. - De manière surprenante pour un humaniste, Montaigne rejette le savoir, « l’art », acquis par les Européens, dans le sens où il ne mène pas au bonheur. - Pour Montaigne, la Nature doit donc prévaloir sur l’art et les créations humaines.
Il ne serait pas normal que l’art emporte le prix d’honneur sur notre grande et puissante mère Nature.
- La locution conjoonctive « tellement […] que » introduit une proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de conséquence, et ce lien de conséquence met en relief la responsabilité des Européens, qui ont « surchargé » et « étouffé » la Nature. - Le vocabulaire laudatif souligne encore la suprématie de la nature sur la culture.- L'adverbe suivi du participe passé « complètement étouffée » souligne le fait que la culture a corrompu la nature de façon quasi irrémédiable. Les Européens se sont montrés en réalité sauvages (par leur cupidité notamment…) - La mention des « inventions » qui ont « étouffé » les ouvrages de la nature est le signe d’une société éduquée qui a perdu sa « pureté » originelle. De même, « la beauté et la richesse » de la Nature ont été « étouffée[s] » par les Européens. Ce qui est mis en avant, c’est le parallèle entre homme civilisé et fruit cultivé, qu’il considère comme inférieurs à l’homme et aux fruits sauvages.
Nous avons tellement surchargé la beauté et la richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous l’avons complètement étouffée.
Troisième Mouvement
Montaigne développe enfin la conclusion de son argumentation.
- Montaigne poursuit en urilisant le lexique laudatif, « pureté resplendit » pour évoquer la suprématie de la nature sur la culture en l'opposant au lexique péjoratif caractérisant les entreprises humaines « vaines et frivoles entreprises ». Il met ainsi en évidence l’absurdité et la futilité de ce qui s’oppose à la Nature. - Montaigne se démarque donc de la tradition humaniste, en reprochant à la connaissance et au progrès leur manque de « pureté », et leur échec à nous rendre heureux. - Il remet donc en cause le système de valeurs européennes : valeurs éthiques, morales « honte » / valeurs intellectuelles « vaines et frivoles entreprises » / valeurs esthétiques « pureté » ; pour lui, les créations de la Nature sont supérieures aux produits de « l’art » humain. - Il déconstruit finalement les préjugés de son époque sur un sujet sensible, en démontrant que leurs fondements ne sont ni rationnels ni objectifs, donc non valables.
Toujours est-il que, partout où sa pureté resplendit, elle fait extraordinairement honte à nos vaines et frivoles entreprises,
- Afin de rendre son argumentation plus persuasive encore, Montaigne personnifie la nature, tout en s’appuyant sur une citation de Properce.La citation de Properce confirme cette image de la nature, puisqu’il s’agit d’un passage dans lequel l’auteur met en valeur la beauté des choses naturelles, comme le prouvent les comparatifs de supériorité « mieux de lui-même », « plus beau » et « plus gracieux » que propose la traduction. Ces deux procédés permettent à l’auteur de faire jouer la persuasion, en proposant au lecteur l’image d’une « mère Nature » supérieure à l’Homme, dont les interventions gâchent sa pureté. Cette citation souligne donc bien la suprématie de la nature sur la culture.
Et le lierre pousse mieux de lui-même, l’arbousier / Lui aussi croît plus beau dans les antres isolés, / Et les oiseaux, sans art, ont un chant plus gracieux.
- C’est ce que confirme le paragraphe qui clôt ce passage, dans lequel l’énumération de ce que l’homme est incapable de faire par rapport à une nature pourtant fragile met en avant notre incompétence. Ce sont les négations qui permettent de le souligner : « Tous nos efforts ne peuvent pas seulement / sans parler de la toile de la chétive araignée. » - Le substantif « oiselet » et l'ajectif « chétive » insistent sur cette fragilité de la nature, qui n’en demeure pas moins plus forte que nous lorsqu’il est question de beauté et de perfection. - Ici, Montaigne oppose deux notions traditionnelles du débat philosophique, que sont la nature et la culture, pour donner l’avantage à la première, à l’état originel de l’homme (ou du fruit) qui s’oppose à son état dégradé, civilisé.
Tous nos efforts ne peuvent même pas arriver à reproduire le nid du moindre oiselet, sa structure, sa beauté et l’utilité de ses services, sans parler de la toile de la chétive araignée.
- Montaigne cite enfin Platon dans Les Lois pour appuyer encore davantage sa thèse. Cet argument d'autorité se révèle incontestable. Le présent de vérité générale souligne la permanence de la pensée du philosophe antique. L'utilisation du déterminant indéfini « toutes » qui marque l'idée d'intégralité ne souffre aucune discussion. - Les deux superlatifs mélioratifs « les plus grandes » / « les plus belles », formules mélioratives, sont associés à la nature ou au hasard tandis que les superlatifs péjoratifs les plus petites / les moins parfaites sont associés à l'art, donc à une entreprise humaine. Ainsi, c’est bien du côté de la nature que se trouvent les valeurs positives, contrairement à ce que l’opinion générale semble croire et affirmer, ce que confirme d’ailleurs la citation de Properce , ainsi que la référence finale à Platon, qui jouent leur fonction d’arguments d’autorité. Le registre employé par l’auteur relève de l’épidictique, puisqu’il fait véritablement l’éloge de ces « sauvages » qui ont su rester proches de la nature, de sa pureté originelle.
Toutes choses, dit Platon, sont produites par la nature, par le hasard, ou par l’art ; les plus grandes et les plus belles, par l’une ou l’autre des deux premières causes ; les plus petites et les moins parfaites, par la dernière.
Ces peuples me semblent donc barbares uniquement dans la mesure où ils ont été fort peu façonnés par l’esprit humain, et sont encore très proches de leur simplicité originelle.
- Montaigne livre dans cette dernière phrase sa conclusion, il reprend le pronom personnel complément « me » de la première personne : les sauvages sont supérieurs aux Européens car ils sont proches de la nature, qu'il juge supérieure à la culture. Au contraire, l’art « façonné par l'esprit humain » ne produit que des choses imparfaites. La nature est pure, et c’est donc la dégrader, la corrompre et l’étouffer que de tenter de la corriger.
Conclusion
C’est donc ici une vision originale des « cannibales » que propose Montaigne dans ses Essais : en renversant le sens courant du terme, ce sont les hommes civilisés qu’il qualifie de « sauvages », car ils cherchent à tout prix à dégrader l’œuvre parfaite de la nature, alors que les hommes du Nouveau Monde vivent selon les lois naturelles, en harmonie avec elles. Il livre ainsi un éloge de la nature et du naturel, en opposition aux préjugés de son époque, selon lesquels la culture et la civilisation sont indispensables à l’homme pour une heureuse condition humaine. Montaigne considère plutôt la simplicité et l’authenticité comme source de bonheur. L’idée que les progrès de la civilisation sont en réalité des méfaits sert de fondement au mythe du « bon sauvage », qui sera repris bien plus tard, au XVIIIe siècle, par exemple par Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), où il soutient que l’état originel de l’homme le conduit à la vertu et au bonheur, puisqu’il ignore le mal.
Merci
Linda Romero - 2020