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© Catherine Meurisse, 2020
Catherine Meurisse a débuté sa carrière en travaillant à la fois pour la presse et l’édition jeunesse, publiant pour Charlie Hebdo et Les Échos

On pourrait croire qu’entre histoires pour enfants et dessins d’humour politique, elle se dispenserait d’une approche réaliste du dessin.

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Created on September 18, 2020

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© Catherine Meurisse, 2020

Catherine Meurisse a débuté sa carrière en travaillant à la fois pour la presse et l’édition jeunesse, publiant pour Charlie Hebdo et Les Échos. On pourrait croire qu’entre histoires pour enfants et dessins d’humour politique, elle se dispenserait d’une approche réaliste du dessin.

Or, la justesse des attitudes et des mimiques de ses personnages – jusque dans la caricature – et le soin qu’elle apporte au rendu des décors prouvent que Catherine Meurisse s’est toujours souciée d’un certain réalisme, sans jamais renoncer au caractère humoristique de son trait. En cela, elle se situe dans le droit fil de ses modèles en dessin : Tomi Ungerer, Quentin Blake, Claire Bretécher ou Cabu.

Catherine Meurisse, « Reportage à Sangatte » © Charlie Hebdo, 2005

Comme Cabu, grand maître du reportage dessiné dans les pages du Charlie Hebdo des années soixante-dix et quatre-vingt, Catherine Meurisse se livre volontiers à la pratique du dessin documentaire. Son premier travail, publié en 2001 dans l’hebdomadaire satirique, est d’ailleurs le compte rendu de la Foire du livre de jeunesse de Bologne, où elle se rend alors qu’elle est encore étudiante. Un exemple remarquable de son travail en ce domaine est sans doute le reportage qu’elle fait à Sangatte en 2005 au sein de la « jungle » où s’entassent des centaines de réfugiés venus d’Afrique. Elle dessine ici un groupe en train de déjeuner. Le cadre est large, mais on perçoit clairement les postures de chacun, saisies d’un trait vif, qui trahissent l’épuisement des réfugiés accroupis. La seule personne en position verticale est la bénévole qui distribue les repas, sur fond de structure métallique, symbole écrasant de l’étrangeté du lieu. Les touches d’aquarelle ajoutent à l’ensemble légèreté et harmonie.

Reportages dessinés

Catherine Meurisse, Ma tata Thérèse © Sarabacane, 2012

Dès ses premiers travaux, Catherine Meurisse montre son goût du détail juste, qui ancre l’histoire la plus farfelue dans une expérience commune. Par exemple, dans Ma tata Thérèse, le jeune héros est assis devant une table en bois dont le traitement graphique est à la fois enlevé et techniquement irréprochable. Les jeunes lecteurs peuvent attarder leur regard sur les pieds torsadés de la table, les lattes du parquet, les motifs du fauteuil en rotin, la chaise et la pile de livres... La couleur bleutée accentue la douceur de ce décor vieillot et plein de charme.

Le goût du détail

Catherine Meurisse, planche n°35 (extrait) des Grands Espaces © Dargaud, 2018

Dans Les Grands Espaces (2018), ample évocation de sa jeunesse campagnarde, les souvenirs de Catherine Meurisse sont nourris d’images mais aussi d’odeurs, de sons, de sensations de chaleur, de rugosité. Le soin pris à dessiner l’enchevêtrement de fleurs témoigne de la prégnance de ces sensations juvéniles. Il contraste, sans pour autant que cela choque, avec la simplicité malicieuse de la représentation de la jeune Catherine et sa sœur ailleurs sur cette planche. La précision et l’élégance de ce parterre fleuri, digne d’un travail scientifique, échappe au lecteur de l’album puisque cette première exécution au crayon graphite a été retravaillée à la palette graphique par la coloriste Isabelle Merlet.

Dessins à sensation

Catherine Meurisse, planche n°57 (extrait) de Drôles de femmes © Dargaud, 2010

Un autre aspect du talent documentaire de Catherine Meurisse, qu’on trouve en abondance dans les pages des Grands Espaces, apparaissait déjà dans Drôles de femmes (2010), suite d’interviews de femmes humoristes (comédiennes, écrivaines, dessinatrices) menées avec la journaliste Julie Birmant. Saisissant ces femmes dans leur décor quotidien, Catherine Meurisse prend un plaisir manifeste à restituer le cadre de vie qui les définit en creux. Elle dessine par exemple le village où vivait la comédienne Anémone, ses maisons de pierre, et ses trottoirs plantés de roses trémières. Il est vrai que ledit village est situé dans les Deux-Sèvres, non loin de là où a grandi la jeune Catherine…

Arrière-plans

Catherine Meurisse, planche n°97, La Légèreté © Dargaud, 2016

Œuvre de la reconstruction personnelle après le traumatisme de l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015, La Légèreté est la chronique des effets du choc post-traumatique et des étapes qui permettent d’en sortir. Pour Catherine Meurisse, la renaissance passe par le dessin. Avec l’aide de ses amis et de toutes les formes artistiques – peinture, littérature, sculpture… – qui la nourrissent, Catherine récupère ses capacités graphiques ; jusqu’à être en mesure, dans la dernière partie du livre, de livrer une paysage romain parfaitement maîtrisé. Dessin d’observation rehaussé d’aquarelle, il se situe dans la tradition des grands maîtres des 18ᵉ et 19ᵉ siècles que l’autrice aime à contempler dans les salles du Louvre.

Dessins d’observation

Catherine Meurisse, planche n°16 (extrait), Mes hommes de lettres © Sarbacane, 2008

Au sein de ses travaux les moins documentaires – et les plus échevelés –, Catherine Meurisse glisse des morceaux de réel, réinterprétés par son trait vif. Parcourant plusieurs siècles de littérature dans Mes hommes de lettres (2008), elle se livre à un exercice de saisie autant que de réinterprétation d’une certaine réalité, ici celle des visages, en caricaturant au fil des pages des dizaines d’écrivains. La planche présentée le prouve : faisant se côtoyer Sartre, Beauvoir, Camus, Vian, Queneau, Gary, Perec…, elle rejoint la longue tradition du portrait-charge, dont Cabu, encore lui, fut le maître des années cinquante jusqu’à sa mort tragique en 2015, dans l’attentat contre Charlie Hebdo.

Visages

© Catherine Meurisse, 2019

Au fil des années et des œuvres, Catherine Meurisse a élargi sa palette, passant du dessin au trait rehaussé de feutre ou d’aquarelle à des techniques beaucoup plus variées. Le récent Delacroix (2019) en témoigne avec éclat, qui met en récit le texte d’Alexandre Dumas sur son ami peintre. Au diapason du maître romantique, Catherine Meurisse remplit ses pages de couleurs vives et contrastées. Dans un registre plus apaisé, on trouve d’autres exemples de cette maîtrise chromatique dans des illustrations réalisées lors d’un récent séjour au Japon. Catherine Meurisse y rend compte d’une réalité exempte de tout exotisme en jouant sur une palette réduite de couleurs, disposées avec une remarquable sûreté.

Un réalisme haut en couleurs

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