Want to create interactive content? It’s easy in Genially!

Get started free

Le mythe d'Orphée

LEBLANC Marie

Created on May 10, 2020

Start designing with a free template

Discover more than 1500 professional designs like these:

Transcript

Le mythe d'Orphée

d'après une oeuvre d'Yvan Pommaux

Sommaire

1. Le talent d'Orphée

6. Un chant aux Enfers

2. La joyeuse Eurydice

7. L'épreuve d'Hadès

8. Un retour difficile

3. Le drame

9. La fin d'Orphée

4. Une folle décision

5. Le voyage aux Enfers

Dans les textes, glissez avec la souris sur les mots en rose pour avoir des informations supplémentaires

1. Le talent d'Orphée

Pour les anciens grecs, les Dieux et les Déesses habitaient un lieu enchanteur au-dessus des nuages : l’Olympe. En se penchant, ils pouvaient observer le monde des humains, dont le destin, contrairement au leur, était de mourir un jour. Parfois, ils descendaient sur la Terre et, pour quelques temps, se mêlaient aux humains. Un jour, la Muse Calliope tomba amoureuse du roi de Thrace et eut un fils de lui : Orphée. Orphée vécut une enfance solitaire au palais de son père, où sa mère ne venait le voir que rarement. Mais elle lui avait donné le don de l’éloquence et de la poésie. Il chantait. Il apprit très tôt à pincer les cordes de la lyre. La musique, le chant et la poésie se fondirent chez lui en un seul art, un art nouveau, dont le charme était si puissant que tout mortel en était fasciné. Les animaux s’approchaient et venaient se coucher aux pieds du poète. Prodige, les pierres, les objets bougeaient et venaient à lui. Les arbres s’inclinaient sur son passage. On vit une rivière sortir de son lit et s’imposer un détour pour pouvoir capter le reflet d’Orphée. Apollon, se voyant surpassé en virtuosité par le fils de Calliope, lui offrit sa lyre. A cet instrument incomparable, Orphée ajouta deux cordes.

2. La joyeuse Eurydice

Orphée ne chantait pas seulement pour charmer. Il tentait d'expliquer le monde, et plaidait pour une façon de vivre, une morale : accepter sa part d'ombre, la violence qu'on a en soi, mais la contrôler, ne jamais l'exercer. Il parcourait ainsi les chemins de Thrace, exaltant la douceur et la beauté du monde... Très beau, excellent chanteur, il enflammait le cœur des jeunes filles, mais, tout à son art, il les regardait à peine. Un soir, à l'orée d'un village, Orphée se tient devant un public exclusivement féminin. Parmi les regards chavirés fixés sur lui, il en remarque un différent des autres : deux yeux bleu améthyste où danse une lueur rieuse. Dès cet instant, il ne chante plus que pour ces yeux-là. Après son récital, il invite la jeune fille au regard malicieux à boire un rafraîchissement. Ils bavardent jusqu'à la nuit. Orphée est un jeune homme grave. Cette jeune fille possède la fantaisie qui lui manque. Son nom est Eurydice. Orphée et Eurydice se revoient. Ils se plaisent. Ils s’aiment. Ils se marient et donnent une fête. L’atmosphère est joyeuse, et chacun souhaite aux nouveaux époux un avenir radieux. Mais Eurydice n’a plus que quelques heures à vivre.

3. Le drame

Pendant la fête, Orphée chante pour ses invités, et personne ne remarque le jeune homme qui vient de se glisser parmi les invités. Il est amoureux d'Eurydice depuis longtemps. Il profite de ce qu'Orphée n'est pas auprès d'elle pour lui faire des avances. « Aristée, laisse-moi, lui dit sèchement Eurydice. Je ne t'aime pas. Je ne t'aimerai jamais. Comment oses-tu me tenir de tels propos le jour de mon mariage ! » Aristée, un peu ivre, tente d'éloigner Eurydice de la fête. « Aristée, si tu continues, je crie ! — Crie donc. Tous sont sous le charme de ton époux. Personne ne t'entendra. » En reculant, Eurydice trébuche, perd une sandale et marche sur un serpent qui mord son pied nu. Aristée s'enfuit. Orphée entend les cris d'Eurydice et accourt. Il aperçoit le serpent, il colle sa bouche sur la morsure rouge au pied de sa bien-aimée, et aspire de toutes ses forces. Trop tard. Le poison dans le sang d'Eurydice remonte jusqu'à son cœur et la tue.

4. Une folle décision

Depuis des siècles, les aèdes racontent que jamais on n'entendit chant plus bouleversant que les lamentations d'Orphée à la mort d'Eurydice. Doucement les animaux sauvages, les rochers s'approchent, les arbres les plus majestueux s'inclinent... Orphée lui-même s'étonne de son pouvoir. Il a l'impression que son corps abrite un inconnu, capable de prodiges. « Si je charme les tigres, les pierres et les chênes, se dit-il, pourquoi pas les créatures et les dieux du royaume des Morts ?... » Cette idée lève un ouragan dans son esprit : Oui, il trouvera le chemin du monde souterrain, il charmera les divinités infernales, les suppliera de lui rendre Eurydice. Il la ramènera au jour. « J'arracherai ma femme aux ténèbres, elle revivra ! » Les Enfers avaient des entrées cachées, difficiles d’accès. Les âmes des morts les trouvaient naturellement, pas les vivants. Des passages existaient, disait-on, dont un près du cap Ténare, en Laconie. Orphée se décide et commence son long voyage. En chemin, il remarque que des oiseaux l'accompagnent. Mieux, ils le guident. Ils le conduisent à l'entrée d'une caverne, et disparaissent.

5. Le voyage aux Enfers

Tenant fermement sa lyre, Orphée pénètre dans l’anfractuosité qui ne cesse de rétrécir. Il doit marcher courbé. Il marche pendant des heures, et trébuche parfois, car la pente est de plus en plus abrupte. Au bout du passage, Orphée découvre un paysage morne. Rien ne bouge, rien ne bruit. Il traverse un bois d'arbres morts. Pas un brin d'herbe ne bouge dans la vaste prairie qui s'étend à présent devant lui et descend en pente douce vers un fleuve aux reflets de métal. Ce fleuve, c'est le Styx, qui entoure le royaume des Enfers. En s'approchant de la berge, Orphée distingue de vagues formes humaines, des enveloppes corporelles impalpables, transparentes. « Ames perdues, se dit-il, condamnées à errer devant le fleuve à jamais. » Une barque émerge du brouillard, conduite par Charon, le passeur. Il demande à Orphée : « As-tu ta pièce ? » Orphée sort une pièce de sa bourse. « Approche ! dit Charon, plus près ! Mais, tu es vivant ! _ Je suis le mari d’Eurydice. _ Et tu crois que tu peux venir la chercher ? Pour qui te prends-tu ? Crois-tu qu'on puisse inverser le cours d'un destin ? Va-t'en ! Retourne d'où tu viens ! » Orphée ferme les yeux, se concentre et chante. Aimer... Aimer toujours, envers et contre tout, que l'on soit vivant, mort, jeune, vieux, poète ou nautonier des Enfers... Charon a été jeune, il a aimé lui aussi. Il ploie comme ploient les chênes sous le chant d'Orphée. Il prend le poète dans sa barque et lui fait franchir le Styx. Orphée met pied à terre. Le voilà arrivé au royaume des Morts. Il entend le vieux Charon bougonner derrière lui : « Qu'est-ce qui m'a pris de convoyer un mortel ? On ne m'y reprendra plus ! »

6. Un chant aux Enfers

Là-bas sur le chemin, entre deux rochers se profile la terrifiante silhouette du chien Cerbère, gardien des Enfers. Un seul corps, mais trois têtes aux cous puissants, hérissés de serpents. On dit qu'il a pour mission d'empêcher les damnés du Tartare de s'enfuir, qu'il laisse passer les âmes qui arrivent. Mais les âmes n'ont pas d'odeur. Alerté par son triple odorat, Cerbère sait avant de le voir qu'Orphée est un vivant et ne devrait pas se trouver là. Il s'approche et grogne, les babines retroussées sur ses crocs. Les serpents se dressent, menaçants autour de ses trois têtes. Orphée caresse les cordes de sa lyre et chante une berceuse. Le monstre s'apaise dès les premières notes, et bien vite, il s'endort. Orphée avance sur un sentier escarpé qui longe les paysages désolés du Tartare. Au détour du chemin se dresse un palais de pierre. Orphée, résolu, en pousse la porte. L'intérieur est sombre et traversé de brumes. Orphée suit une colonnade dont les chapiteaux, noyés d'obscurité, semblent soutenir une nuit sans étoiles. Architecture austère et nature pétrifiée se mêlent ici. Hadès, roi des Enfers, et son épouse Perséphone, sont assis sur un trône arborescent, sculpté dans la roche. Ils posent sur Orphée un regard de glace. Orphée commence à chanter, plongé dans un état de transe qu'il domine pourtant. Oser dire qu'on aime au-delà de tout, le dire haut, fort, avec feu et poésie, quand l’ordre habituel des mots n'y suffit plus... Orphée maîtrise son art. Le chant qui réclame Eurydice s'élève, emplit le palais, fait vibrer la pierre et transperce le cœur de ceux qui l'écoutent. Puis il s'apaise, sublime jusqu'au silence.

7. L'épreuve d'Hadès

Hadès et Perséphone échangent un regard. La reine, d'un battement de cils, invite son époux à la clémence. Sur un signe du roi, Thanatos et Hypnos, qui incarnent la Mort et le Sommeil, s'éloignent et reviennent en guidant Eurydice, ou plutôt son fantôme. Le cœur d'Orphée se serre. Sa femme adorée ne semble pas le reconnaître, ni même le voir. Ses yeux sont vides, comme ceux des créatures qui errent au bord du Styx. C'est pourtant à elle que le roi s'adresse. « Va, lui dit-il. Suis ton mari, mais sache cependant... » Orphée retient son souffle. « … sache que s'il te ramène à la vie, ce sera par la grâce d'un don qu'aucun autre mortel ne possède. Et je dois, en toute justice, équilibrer cet avantage par une épreuve. Ton époux ne devra ni te regarder, ni te parler avant que tu ne sois entrée dans la lumière du jour terrestre. S'il désobéissait, tu reviendrais aussitôt parmi nous, il te perdrait de nouveau, et cette fois, sans retour. » Pas le moindre frémissement sur le visage d'Eurydice, comme si elle n'avait rien entendu des mots prononcés par le roi.

8. Un retour difficile

Orphée s'incline devant les maîtres des Enfers, tourne les talons et part, suivi, du moins l'espère-t-il, de sa transparente bien-aimée. Sur le chemin du retour, il fait plus froid et plus sombre. Le silence exaspère Orphée. Il guette en vain le froissement d'une étoffe. Eurydice le suit-elle ? En allant à rebours de la mort à la vie, reprend-elle couleur et chair ? Ses yeux perdent-ils leur fixité mortelle ? Que devient l'esprit après qu’il a quitté le monde des vivants ? Que deviennent les sentiments ? L'aime-t-elle encore ? À combien de pas le suit-elle ? Si elle était là, derrière lui, ne sentirait-il pas à présent la chaleur d'un corps ? Le chemin est long et difficile. Orphée respire avec peine. Mais dans son dos, nul souffle ne se fait entendre. Le chien Cerbère est endormi. Sans dire un mot, Charon le nautonier remplit son office. Il faut encore marcher, longer le marécage, puis suivre l'étroit passage en pente raide qui mène à la caverne, entre les deux mondes. La voilà enfin, traversée par un rayon de soleil oblique, le soleil du monde des vivants. Orphée sent déjà sa chaleur bienfaisante. Ivre de joie, il se retourne trop tôt. Eurydice a repris vie, couleur et chair ; elle est là, mais encore dans l'ombre du monde souterrain, à dix pas de la lumière du jour. Ses lèvres dessinent un « Non ! » inaudible tandis qu'elle s'efface pour disparaître à jamais. Orphée, éperdu, redescend aux Enfers, mais il ne franchira pas le Styx. Cette fois, Charon lui refuse sa barque.

9. La fin d'Orphée

Orphée regagne sa terre natale. Il erre sans but et pleure jour et nuit la perte de sa bien-aimée. Son chant n’est plus qu'une plainte. Ses plus fervents admirateurs se détournent de lui. Les femmes et les jeunes filles de Thrace, autrefois jalouses d'Eurydice vivante, le sont plus encore d'Eurydice morte. Elles ne supportent pas le deuil interminable d’Orphée. Ce poète que les Dieux ont paré de tous les charmes, et qui ne s’intéresse à aucune d’elles, leur devient odieux. Un jour, un groupe de furies le surprend sur un chemin. Elles le mettent en pièces. Les furies jettent dans l’Hèbre la tête et la lyre d’Orphée, que le fleuve emporte vers la mer. Les courants les font dériver jusqu'à l'île de Lesbos. Là, échouée sur le sable, la tête d'Orphée chante encore. Sur l'île sera bâti un sanctuaire. Les Muses, éplorées, recueillent les membres d'Orphée et les enterrent à Libéthra, au pied du mont Olympe, où le chant du rossignol est plus beau que partout ailleurs. Voilà la légende d'Orphée.