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Created on March 17, 2019

Canabae, revue numérique académique d'histoire-géographie

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Transcript

N°2, Mai 2019

Expérimenter la démarche prospective pour enseigner la géographie

Edito

Les enseignants ont ainsi pu découvrir et transposer différents types de démarches, d’abord utilisées dans le champ de l’aménagement, du développement des territoires, ou de l’urbanisme. Parmi ces démarches, celle de la prospective exploratoire a été retenue, consistant en une pratique et une enquête du terrain, l’élaboration d’un diagnostic territorial, l’écriture de scenarii exploratoires, empruntant ainsi aux travaux de prospective territoriale de la DATAR (Territoires 2040) puis du CGET. La mise en place de cette démarche innovante au service des programmes représente la deuxième ambition. Les articles qui suivent rappellent que de manière constante, la démarche prospective est mise au service des contenus et des acquis dans la discipline, quel que soit le cycle. Les expérimentations s’ancrent aisément sur les programmes de géographie des cycles 3 et 4 qui ont introduit explicitement une dimension prospective, autour des questions d’habiter et d’aménager les territoires. La prospective est d’ailleurs décrite comme l’une des modalités permettant à l’élève de « construire un nouveau rapport au futur en imaginant des alternatives à ce que l’on pense comme un futur inéluctable ».La revue souligne tout autant les possibilités plus grandes encore offertes par le lycée, dans le cadre des programmes actuels ou des nouveaux programmes [2] en application à la rentrée 2019. Le préambule des programmes [3] rappelle que « l’étude de la France est aussi l’occasion de faire comprendre aux élèves que le territoire français est concerné par les transformations étudiées et que cela touche leur vie quotidienne. Comme futurs citoyens les élèves auront à agir dans une monde et une France en mutation» « Etudier la France, chaque année en la replaçant dans un contexte plus large, est l’occasion que les futurs citoyens aient conscience des enjeux et de leurs possibilités d’action ». Les programmes invitent ainsi explicitement les professeurs à intégrer des démarches se prêtant pour l’étude de la France « à des visites sur le terrain, à l’utilisation de supports pédagogiques variés, à l’usage de l’outil numérique, ainsi qu’à l’intervention en classe d’acteurs de la vie économique et publique ».

La prospective en géographie, à la croisée de l’enseignement, de la recherche et de la formation au territoire.

Par Catherine Biaggi, inspectrice générale de l’Education nationale

Il faut saluer l’heureuse initiative de l’inspection pédagogique régionale d’histoire-géographie et des formateurs de l’académie de Lyon de proposer le bilan de l’expérimentation de la géographie prospective. Dans ce numéro de la revue CAN@BAE sont proposées des restitutions des expériences menées en ce domaine depuis plusieurs années, dans différents établissements de l’académie, du collège et du lycée. Et c’est une chance offerte aux professeurs ainsi qu’à l’ensemble des acteurs de l’éducation qui y trouveront une mise au point sur la question de la prospective en géographie, largement évoquée sur un plan théorique, mais également des éléments d’analyse de sa portée didactique, précisant ses objectifs, ses méthodes et ses passages obligés.Ainsi, plus qu’une simple définition de la prospective, cette publication représente un apport utile pour l’enseignement de la géographie, au service d’une triple ambition.La première ambition est de lier l’enseignement dans le second degré et la recherche scientifique. Les articles éclairent en effet le cadre et les apports d‘une expérimentation de géographie prospective dans le secondaire fortement liés à la recherche scientifique, jouant notamment de la proximité intellectuelle et géographique avec les géographes de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon. Les professeurs qui se sont lancés dans l’expérience avec leurs classes ont pu bénéficier, dans la durée, de l’accompagnement de chercheurs français et étrangers, tels que Michel Lussault (ENS Lyon), Bernadette Mérenne (Bruxelles), ou encore Emmanuel Vigneron (Montpellier) ainsi que de l’appui et du conseil du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et de ses experts comme Stéphane Cordobes [1] .

Mise au point

L'édito

Sommaire

Comprendre la prospective territoriale - S. Cordobès Les enjeux de la prospective territoriale - S. Cordobès

Pour aborder les transformations majeures des territoires de France aux différentes échelles (du proche au niveau régional, national, et européen), inégalement concernés par les différentes transitions, mais aussi les choix possibles dans l’avenir, la prospective se révèle particulièrement porteuse. Parce qu’elle place les élèves en situation d’imaginer le futur des territoires, elle aide à la formulation de problématiques, à mobiliser des savoirs, des repères et des notions, à élaborer des scenarii exploratoires, à manier des langages dont le langage graphique en lisant des cartes et en réalisant des schémas et croquis. Les études de cas, qui demeurent toujours une démarche recommandée par les futurs programmes du lycée peuvent utilement être investies pour conduire des expérimentations de prospective.Enfin, la troisième ambition est de rendre l’enseignement de la géographie politiquement plus efficace. Les analyses proposées par la revue soulignent à quel point la prospective peut aider à développer une connaissance des territoires et compter dans la formation de citoyens, conscients des enjeux et en capacité d’agir. Les balades urbaines, l’enquête de terrain et les scenarios prospectifs sont des démarches qui répondent à ces objectifs. On retrouve ainsi pleinement les finalités de l’enseignement de la géographie, telles que définies par les programmes scolaires mais également les grandes étapes du parcours citoyen.Ce numéro s’adresse aux enseignants et aux formateurs du premier comme du second degré. En les aidant à cerner les grands objectifs d’une démarche de prospective, à identifier des problématiques pour aborder des territoires, les inspectrices de l’Académie de Lyon et les professeurs proposent des pistes sûres au service d’un enseignement de la géographie renouvelé et répondant aux orientations des programmes et des parcours. Que ces équipes soient vivement remerciées. Catherine Biaggi, inspectrice générale de l’Education nationale

Partage de pratiques

La géographie prospective : une démarche qui redéfinit la géographie scolaire - C.Lauer

La prospective territoriale : quelques éléments de méthode - S.Cordobes

Des étudiants ingénieurs de l'INSA expérimentent la prospective territoriale- M.P Escudié

La prospective territoriale : 5 pistes pour la classe - S.Cordobes

Se soigner en Ardèche en 2070 ! - P.Mériaux

Focus

La nature en ville -C.Barruel-khodja

Gaston Berger, père de la prospective territoriale - C.Vidal

L’aire urbaine de Lyon demain : quelles nouvelles pratiques de la ville en 2040 ? P.Pasqualini, C.Bion, T.Domenichini

Un autre regard

La prospective : instrument de pouvoir et fabrique de la citoyenneté -C..Vidal

Imagine la ville du futur - O.Marrel

Pour une prospective diplomatique - C.Vidal

La ville de demain : des élèves acteurs de l’aménagement de leur territoire ? F.Pons

Lire, écouter, voir

Idée pratique

1- Stéphane Cordobes est conseiller « recherche et prospective » au Commissariat général à l’égalité des territoires, après avoir été responsable de la prospective et des études dans la même administration, tout comme précédemment à la DATAR. À ce titre, il a conçu et dirigé des dispositifs nationaux comme Territoires 2040 ou la Fabrique de prospective de cohésion des territoires. 2- Programmes d’enseignement parus au BO du 22 janvier 2019 3- Programmes du tronc commun d’histoire-géographie de Seconde et de Première, BO 22 janvier 2019

8 bonnes raisons d'utiliser Edugéo pour faire de la prospective territoriale - P.Mériaux

Bibliographie, sitographie; filmographie....

Mise au point

La prospective territoriale : quels enjeux !

Par Stéphane Cordobes, conseiller recherche et prospective (CGET) et chercheur associé à l'école urbaine de Lyon.

Comprendre la prospective territoriale

Mise au point

Par Stéphane Cordobes, conseiller recherche et prospective (CGET) et chercheur associé à l'école urbaine de Lyon.

La prospective territoriale : 5 pistes pour la classe

La prospective territoriale : quelques éléments de méthode

Focus Gaston Berger

Père de la prospective territoriale

Découvrez l'institut Gaston Berger - INSA Lyon

Par Chloé Vidal, docteure en géographie (ENS - Lyon, directrice de recherche en Prospective et déléguée permanente à l'Intitut Destrée

Un autre regard

Pour une prospective diplomatique : comment anticiper dans un monde en changement ?

Par Chloé Vidal, docteure en géographie (ENS - Lyon, directrice de recherche en Prospective et déléguée permanente à l'Intitut Destrée

La Prospective : Instrument de pouvoir et fabrique de la citoyenneté

Par Chloé Vidal, docteure en géographie (ENS - Lyon, directrice de recherche en Prospective et déléguée permanente à l'Intitut Destrée

A voir : Les ateliers numériques du FIG 2018 "La France de demain "

Lire, écouter, voir,

Bibliographie (sélective)

Berger, Gaston, Étapes de la prospective, Presses universitaires de France, 1967

Télécharger la brochure des ateliers numériques

Stéphane Cordobes, « Prospective : de l’ingénierie territoriale et urbaine à la pédagogie scolaire », Géoconfluences, septembre 2017. URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/programmes/outils/prospective-ingenierie-pedagogie.

A voir en vidéo, 4 ateliers

- Le projet du Grand Paris : étudier le prolongement du métro à l'est parisien avec Édugéo - Classe de CM2 - Des ressources à gérer et à renouveler : la narration multimédia pour raconter la France de demain - Classe de 5e - Cartographie sonore d'un territoire en devenir : le quartier de l'Union à Roubaix-Tourcoing-Wattrelos - Classe de 3e - Évaluer une démarche prospective avec un SIG : déconstruire le discours sur la ville de demain. Les JOP de Paris 2024 - Classe de 2nde

Vanier, Martin. « 28 scénarios de prospective territoriale pour la France : relecture transversale », L'Information géographique, vol. vol. 79, no. 2, 2015, pp. 79-91.

Vidal Chloë, La prospective territoriale dans tous ses états. Rationalités, savoirs et pratiques de la prospective (1957-2014). Thèse de doctorat dirigée par Michel Lussault et Jean-Jacques Wunenburger, université de Lyon, 2015

A découvrir :

A réécouter !

Ce site de la métropole lyonnaise offre de nombreuses ressources de réflexion sur la démarche prospective : des articles, des dossiers thématiques, des vidéos...

La géographie prospective : une démarche qui redéfinit la géographie scolaire

Partage de pratiques

Par Christine Lauer, IA-IPR d'Histoire-Géographie - Acdémie de Lyon

Le mot territoire en géographie est d’un usage récent et son sens reste polysémique. « Le dictionnaire de la géographie de l’espace et des sociétés » publié sous la direction de Jacques Levy et de Michel Lussault, Belin, réédition de 2013, recense huit définitions.Le traitement des programmes repose sur deux grandes approches du territoire : l’une relève de la pratique par les habitants et les acteurs, l’autre de la gestion et de l’administration. L’étude des modes d’habiter au cycle 3 « doit faire entrer simplement et concrètement les élèves dans le raisonnement géographique par la découverte, la compréhension des relations dynamiques que les individus-habitants et les sociétés entretiennent à différentes échelles avec les territoires et les lieux qu’ils pratiquent, conçoivent, organisent, représentent ». Au cycle 4, « espaces et territoires, dans le cadre de leur aménagement par les sociétés sont questionnés au regard de la durabilité de leur développement et des effets géographiques de la mondialisation contemporaine » (Bulletin officiel spécial n°11 du 26 novembre 2015). Le paragraphe consacré à l’enseignement de la géographie au lycée , précise que « la discipline doit pouvoir répondre à des questions : Où ? Quels acteurs ? Comment ? Pourquoi ici et pas ailleurs ? -pour décrire et expliquer le fonctionnement des territoires à différentes échelles et mettre en évidence les interactions entre les sociétés et leur environnement ». Ces questions, déjà posées par Antoine Bailly et Hubert Béguin dans Introduction à la géographie humaine, Paris, Masson, 1982, reprennent les principales questions que pose l’analyse géographique telle qu’elle s’est formalisée peu à peu à partir des questionnements de l’histoire. L’originalité géographique réside là tout entière dans la question du où, de la même façon que la question du quand reste, en histoire, la toute première.

Ajouter un sous-titre

L’enseignement d’une géographie prospective des territoires a pour finalité :·d’apprendre à faire de la géographie et pas seulement d’apprendre la géographie en amenant les élèves à :- donner concrètement du sens aux notions (mobilité, accessibilité, urbain et péri-urbain, développement et inégalités...) et à les remobiliser,- s’emparer des outils du géographe (outils de géolocalisation, SIG, cartes et croquis, sites de données, traitement des images, maniement des échelles et compréhension de leur interconnection : situation des habitants qui ont plusieurs territoires de vie...),- mobiliser internet pour un usage savant et pas seulement ludique,- réaliser des productions. La dimension spatiale constitue un cadre méthodologique fort dans l’étude prospective, tant pour l’analyse du territoire que pour explorer le futur. Les représentations graphiques des territoires et des scénarios (croquis, schémas), les maquettes sont à encourager pour rendre visibles et lisibles les interactions et les dynamiques spatiales,· d’engager l’élève à s’imaginer comme un futur citoyen et à agir comme tel. Pour Stéphane Cordobes, la démarche a pour objectif « d’initier une dynamique collective, d’identifier les enjeux engageant l’avenir d’un espace géographique et d’élaborer, pour les relever, des stratégies pouvant se traduire en politiques publiques d’aménagement ou en projet de territoire » ("Le dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés", de Jacques Lévy et Michel Lussault).Plus simplement, à l’échelle des élèves, cette dynamique collective s’inscrit dans un apprentissage de la citoyenneté et du vivre ensemble. « Penser différents scénarios et œuvrer pour le meilleur » témoigne un lycéen, en classe de première S, à la Martinière Duchère à Lyon.L’élève prend et apprend à prendre la parole dans l’espace public, comprend que le territoire n’est plus un « donné » hérité et figé mais un espace produit pas les sociétés, par les choix – objectifs ou subjectifs - des acteurs, qu’il peut donc évoluer sans cesse et notamment en lien avec d’autres territoires dans le cadre d’un espace de plus en plus ouvert et aujourd’hui mondialisé. L’élève peut mettre à distance ses représentations, questionner son ancrage territorial. Quelques enseignants s’engagent aujourd’hui dans un travail sur des territoires plus éloignés afin d’amener les élèves à s’emparer de territoires qui ne sont pas leurs territoires de vie, ce qui constitue un apprentissage à leur vie future.

Partage de pratiques

La démarche prospective utilisée en géographie mais aussi en urbanisme, en aménagement (travaux du Cget et précédemment de la DATAR ou DIACT et désormais des régions auxquelles les lois de décentralisation ont dévolu la compétence) favorise la rencontre de l’élève avec le territoire et l’incite à se projeter comme un acteur pouvant agir :- en recensant et en organisant des données en lien avec un enjeu territorial et sociétal (comment améliorer les mobilités ? Comment favoriser l’accès aux soins pour tous ? Comment aménager durablement les villes ? etc.)-en sortant de la classe pour rencontrer des habitants et des acteurs du territoire (parfois aux représentations et aux intérêts divergents) pour observer les paysages, arpenter les lieux et donc apprendre à écouter et à voir le territoire, s’interroger sur son fonctionnement au regard de l’enjeu retenu.- en élaborant un diagnostic territorial (forces/faiblesses/potentialités), qui nécessitera d’être dans le prospectif tout en étant rétrospectif pour comprendre les évolutions sur un temps plus ou moins long et identifier les évolutions pouvant infléchir, accentuer les tendances au sujet de l’enjeu identifié (cf. Evaluation et territoires, Sandrine Haas et Emmanuel Vigneron, étude commanditée par la DIACT, Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité́ des territoires, La documentation française, Paris, 2007).- en formulant et en confrontant ses hypothèses à celles des autres ; en analysant les conséquences des choix que l’on pourrait opérer.- en rédigeant des scénarios souhaitables ou possibles, en produisant des productions graphiques pour rendre compte en argumentant.

Partage de pratiques

Des étudiants ingénieurs de l'INSA expérimentent la prospective territoriale

Les enseignants de collège et de lycée qui ont adopté la démarche dans notre académie, pensent des mises en œuvre renouvelées des programmes, développent des pratiques de classe ancrées dans une pédagogie active et fortement participative. Ils constatent que la démarche peut apaiser le climat scolaire en réconciliant l’élève avec son territoire. Pour amener les professeurs nouvellement affectés au collège Aimé Césaire de Vaulx-en Velin, à découvrir le territoire de vie des élèves, des collégiens ont conduit la ballade urbaine proposée par la Métropole.La démarche prospective, par définition collective, peut engager les professeurs à travailler en interdisciplinarité (lien avec les lettres, les sciences économiques et sociales, les mathématiques, la philosophie etc.). Elle les incite à se former, à confronter leurs travaux, à évaluer autrement. Les journées de regroupement organisées en présence de l’équipe qui a travaillé sur « territoires 2040 » ou de géographes universitaires ayant participé à ou dirigé des travaux de prospective (Bernadette Merenne- Schoumaker, Michel Lussault, Emmanuel Vigneron) sont des moments attendus. Le Léa (Lieu d’éducation associé)[1] est aussi l’occasion de rencontres entre les six équipes engagées (les collèges Paul Eluard à Vénissieux (REP+), Aimé Césaire à Vaulx-en-Velin (REP+),de la Tourette à Lyon, d’Artemare dans l’Ain, le lycée général et technologique de la Martinière Duchère à Lyon et le lycée professionnel de Dardilly).

Par Marie-Pierre ESCUDIE, INSA - Institut Gaston Berger

Partage de pratiques

Se soigner en Ardèche en 2070 !

Par Pascal Mériaux, professeur au Lycée la Martinière Duchère, Lyon 9e.

NB : Cette proposition pédagogique a été expérimentée dans le cadre des anciens programmes de première des séries technologique (ST2S) et générale. "Les territoires de santé" ne font plus partis des nouveaux programmes de Lycée applicables en septembre 2019. Cependant, cette thématique interroge les questions de métropolisation, d'espaces productifs ou encore de ruralité abordées dans les nouveaux programmes de première.

Partage de pratiques

Futurica, le magazine créé par les élèves

La nature en ville !

Par Catherine Barruel-Khodja, professeure au Lycée du Parc, Lyon 6e.

Partage de pratiques

1- Territoire et échelle choisis Le premier sous-thème du thème 1 du programme de géographie vise à présenter la géographie des aires urbaines qui « permet de sensibiliser les élèves à la diversité des espaces (centraux, péricentraux, périurbains, suburbains) concernés parl’urbanisation et aux relations entre les aires d’influences urbaines ». La fiche ressources eduscol consacré à ce thème préconise d’entrer « par l’étude de cas d’une aire urbaine significative ou par celle dans laquelle le collège est situé ». Il nous a semblé pertinent de travailler dans un premier temps à l’échelle du territoire de proximité de nos élèves, de manière à construire la notion d’aire urbaine. En effet, la localisation de nos trois collèges (collège André Lassagne en ville-centre, collège Pierre Valdo en banlieue et collège Georges Charpak en couronne périurbaine) permet aux élèves de découvrir, caractériser et différencier les espaces qui composent l’aire urbaine de Lyon et leurs dynamiques. Cela permet de soulever les questionnements autour de l’étalement urbain, des ségrégations socio-spatiales, …Notre projet vise à développer le questionnement et le raisonnement des élèves autour d’une problématique centrale : quelles nouvelles pratiques de la ville ?

UNE EXPERIMENTATION INTER-ETABLISSEMENT L’aire urbaine de Lyon demain : quelles nouvelles pratiques de la ville en 2040 ?

Par Patrice Pasqualini – Collège Georges Charpak, Brindas, Catherine Bion – Collège André Lassagne, Caluire-et-Cuire, Thomas Domenichini - Collège Pierre Valdo, Vaulx-en Velin

Au début de l’année scolaire 2017-2018, nous avons imaginé et programmé un projet filé sur l’année afin de mobiliser nos élèves de 3eautour de leur territoire de vie, avec une double mission : éduquer par le territoire (éducation centrée sur l’élève dans son territoire) et pour le territoire (éducation centrée sur l’acquisition et la construction de connaissances sur le territoire). Il s’agit ainsi non seulement d’améliorer la compréhension par nos élèves du fonctionnement de leur territoire mais aussi de les préparer en tant que futurs citoyens à se mobiliser autour d’un projet de territoire commun et à s’emparer de manière positive de l’avenir de leur territoire de proximité face à un certain catastrophisme diffusé par de nombreux médias. Pour son analyse des territoires et son objectif citoyen, une discipline, le géographie, était naturellement convoquée pour mener à bien ce projet. Le programme de géographie de 3e (BO spécial n°11 du 26 novembre 2015) invite à utiliser «les représentations et l’expérience géographiques des élèves pourconforter les apprentissages »ainsi que « les ressources de la réflexion prospective, qui permet, pour tous les thèmes proposés, de poser desquestions pertinentes sur les ressources et les contraintes géographiques que des sociétés connaissentet sur les perspectives de développement qu’elles peuvent envisager, et d’engager de nombreusesactivités de type projet avec les élèves.»Le thème 1 (Dynamiques territoriales de la France contemporaine) et le thème 2 (Pourquoi et comment aménager le territoire ?) du programme de géographie se prêtent particulièrement bien à la conduite d’une démarche de prospective territoriale, démarche de la géographie d’aujourd’hui qui permet de comprendre les territoires et donne des moyens d’action. Le thème 2, qui ne comporte que deux sous-thèmes, permet de dégager du temps afin de déployer cette démarche innovante avec les élèves.

2- Notre démarche La lecture de certains travaux comme ceux de François de Jouvenelle et Bernadette Mérenne-Schoumaker nous a guidé dans la compréhension et la mise en œuvre de la méthodologie de la géographie prospective. Dans la revue Futuribles, François de Jouvenelle explique que « faire de la prospective consiste à explorer quels sont les futurs possibles en germe dans la situation actuelle, pour aider à la détermination des futurs souhaitables et à l‘identification des moyens à mettre en œuvre pour les atteindre ».Tout en les adaptant à notre cadre scolaire, nous nous sommes particulièrement inspirés des propositions de Bernadette Mérenne-Schoumaker, pour qui la démarche de prospective s’organise autour de trois grandes phases : - la recherche de données, le diagnostic, l’enquête de « connaissance directe » ; - la délibération, le débat entre acteurs ; -la construction des visions du futur dénommées « scénarios », suivies par l’élaboration d’objectifs et de stratégies d’action.

Partage de pratiques

2. Analyser le territoire et chercher à comprendre comment il fonctionne afin de dresser un bilan en termes de forces, faiblesses et enjeux (présents et futurs), en s’inspirant de la grille AFOM.

Etape 1 –La réalisation du diagnostic territorial Il existe plusieurs voies et plus ou moins de difficultés pour dresser un diagnostic territorial, selon le territoire dont il est question, les données dont on dispose, le temps imparti à l’exercice ou encore le niveau de nos élèves. En tenant compte de ces préalables, nous avons décidé de faire travailler nos élèves selon les deux temps et objectifs suivants : 1. Découvrir le territoire en précisant sa localisation et situation dans l’aire urbaine de Lyon et la Région Auvergne-Rhône-Alpes.Dans chaque collège, les élèves sont amenés à nommer, représenter et situer leur territoire de vie (Ouest Lyonnais, Caluire-et-Cuire, Vaulx-en-Velin)

Notre démarche a été de placer les élèves en position activede manière à ce qu’ils se forment au mieux à la connaissance et au fonctionnement de leur territoire de proximité et puissent en appréhender les dynamiques et enjeux. Les élèves des trois collèges ont ainsi reçu une première lettre de mission, identique, émanant de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, précisant les attentes (établir un diagnostic de son territoire de vie) et un calendrier. Pour mener à bien cette mission, ils ont été invités à exploiter un corpus documentaire et à rencontrer des acteurs locaux, publics et privés, afin de pouvoir ensuite, en autonomie et en groupe, réaliser un diagnostic de leur territoire. Les diagnostics territoriaux sontrenseignés dans des livrets vierges communs aux trois établissements scolaires. On trouvera en annexe 1 des exemples de corpus documentaires et en annexe 2 des exemples de diagnostic territorial rédigés par les élèves.

Partage de pratiques

Etape 2 – La mutualisationdes diagnostics territoriaux et l’exploration des hypothèses d’évolution possible Dans un premier temps, chaque professeur a piloté la mutualisation des travaux réalisés par ses élèves, qui ont souvent identifié les principaux atouts et handicaps de leur territoire ; dégager les grands enjeux s’est révélé parfois plus complexe pour eux. Puis, les diagnostics territoriaux réalisés dans les trois collèges ont été échangés et croisés. La lecture et l’analyse des différents diagnostics territoriaux a permis aux élèves d’observer que l’aire urbaine de Lyon se compose d’espaces variés, aux fonctions diverses ; les inégalités socio-spatialesont été soulignées et les enjeux à l’échelle de l’aire urbaine ont pu être dégagés.Ce travail qui a permis de construire et approfondir la notion d’aire urbainea conduit à la réalisation d’un croquis sur les espaces et dynamiques de l’aire urbaine de Lyon.

Enfin, à partir de l’éclairage sur la situation actuelle et ses dynamiques, les élèves guidés par leur professeur ont initié une réflexion sur les hypothèses d’évolution possible et les choix qui attendent leur territoire de vie dans l’avenir.

Partage de pratiques

Etape 3 – L’élaboration de scénarios La démarche de prospective territoriale semble distinguer les scénarios exploratoires et les scénarios normatifs. La prospective exploratoire consiste à explorer les futurs possibles, à moyen ou long terme, en se fondant sur le diagnostic en dynamique du territoire et de ses relations avec son environnement : que peut-il advenir de ce territoire ? A partir d’une même base, des mêmes ingrédients de départ, mais avec des choix stratégiques divergents, il s’agit de présenter différentes histoires de futurs possibles : ces histoires montrent le cheminement de la situation présente à telle ou telle situation future, en lien avec le jeu des divers acteurs : les scénarios doivent montrer qui intervient, quand et pour faire quoi. Pour nos élèves de 3e, il nous a semblé plus facilitant de s’orienter vers l’écriture de scénarios de type normatifs. La prospective normative ou stratégique vise à déterminer des futurs souhaitables (des futurs choisis plutôt que des futurs subis) et identifier les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre : que pouvons-nous faire ? Que voulons-nous faire ? Les élèves des trois collèges ont ainsi reçu une seconde lettre de missionémanant de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui les invite à «à réfléchir et à déterminer les aménagements souhaitables en réponse aux problématiques actuelles : comment assurer un développement durable ? Comment réduire les inégalités observées dans les diagnostics territoriaux ? Comment habiter ensemble l’aire urbaine de Lyon en 2040 ? ». Les élèves, en groupes, doivent réaliser un scénario à l’échelle de leur choix (quartier, commune, Grand Lyon, aire urbaine, …) et selon la forme de leur choix, donnant à voir dans quel territoire ils souhaiteraient habiter en 2040 lorsqu’ils seront âgés d’une trentaine d’années.Chaque production sera accompagnée d’un écrit explicatif et argumentatif. Un nouveau dossier de ressources est remis à chaque équipe d’élèves. .

Partage de pratiques

4- Evaluation On peut concevoir une évaluation formative, « au fil de l’eau » : tout au long du projet, le professeur observe ses élèves en cours d’apprentissage, les éclaire et les encourage. Par exemple, dans le cadre d’une évaluation des compétences sous forme d’un code couleur, il peut valoriser d’un point vert un élève qui démontre une maîtrise satisfaisante de telle ou telle compétence. En fin de projet, on peut envisager aussi une évaluation sommative, à l’oral, basée sur trois principaux critères :- Imaginer et concevoir un scénario- Maîtriser le projet/sujet présenté- Maîtriser l’expression orale Cette évaluation finale offre aussi l’opportunité de préparer les élèves à l’épreuve orale du DNB. D’ailleurs, ce projet de prospective territoriale peut être retenu par certains élèves comme l’objet d’étude présenté lors de l’épreuve orale de soutenance du DNB. .

3- Les principaux apports du projet Il nous semble que ce projet, relevant d’une géographie citoyenne, permet de poursuivre quatre finalités principales : - Donner aux élèves un sens du futur, les initier à penser dans le temps long et à les faire raisonner de manière constructive- Apprendre aux élèves à être de futurs acteurs du développement durable de leur territoire et préparer leur épanouissement professionnel et citoyen- Faire comprendre aux élèves qu’ils peuvent s’emparer de manière positive de l’avenir de leur territoire de proximité-Construire les savoirs géographiques et compétences du programme. Dans le cadre des missions successives qui leur sont confiées, les élèves vont devoir mettre en œuvre des compétences et c’est parce qu’elles sont mises en œuvre qu’elles se construisent progressivement. Par exemple, les élèves vont devoir se repérer dans l’espace, à différentes échelles, analyser et comprendre des documents, s’informer dans le monde du numérique ou encore pratiquer différents langages. L’engagement des élèves dans les apprentissages est d’ailleurs souvent facilité par les missions proposées qui font davantage sens pour eux car reliées au réel et à des situations concrètes et inédites ; ils apprécient aussi fortement toute marge de liberté, que ce soit pour le choix de l’échelle ou la forme de la production. Placés en autonomie et dans de réelles situations de recherche, ils doivent concevoir la méthodologie à suivre pour mener à bien leurs missions. Les questionnements, les échanges et débats entre pairs sont nombreux. Les compétences « raisonner, justifier une démarche et les choix effectués » et « coopérer et mutualiser » sont ainsi particulièrement mobilisées. Il peut être intéressant de prévoir des activités métacognitives à certains moments : faire s’exprimer les élèves sur ce qu’ils font, ont fait ou comment ils l’ont fait. De même, on peut proposer périodiquement aux élèves une auto-évaluation en rapport avec telle ou telle compétence. .

Partage de pratiques

Imagine la ville du futur

Par Olivia Marrel, urbaniste et professeure d’histoire-géographie au collège Alice Guy à Lyon (69008), collège REP.

« La ville de demain » s’inscrit dans le thème 1 du programme de géographie de 6e « habiter une métropole ». Il invite à mener une démarche de prospective urbaine pour imaginer la ville durable du futur et comment l’habiter. La mise en œuvre de cette démarche est complexe pour un élève de 6e. Toutefois, le chapitre précédent « les métropoles et leurs habitants » a permis l’acquisition d’un certain nombre de notions géographiques (métropole, espaces périurbains, migrations pendulaires, densité, étalement urbain) qui sont réactivées. Les élèves ont travaillé diverses compétences nécessaires à la mise en œuvre de la démarche de prospective urbaine, notamment comment expliquer les transformations de la ville et établir des liens entre l’espace et l’organisation des sociétés. Avant toute chose et pour faire comprendre ce que nous allions faire, les élèves ont d’abord été sensibilisés à la prospective urbaine à travers un documentaire «Et si on vivait dans 1 m2 » de Isabelle Foucrier et Nathalie Van Batten. Ce documentaire de France 5 de la collection « Portraits d'un nouveau monde » propose des visions futuristes d’architectes et urbanistes de la ville via les interrogations et conversations d’un enfant de 11 ans sur la ville de demain. Ce visionnage a été l’occasion pour les élèves de découvrir des utopies urbaines et de comprendre les enjeux de la tâche qu’ils allaient accomplir.

Partage de pratiques

Imagine la ville du futur : productions des élèves

Le diagnostic urbain et les enjeux territoriaux Pour imaginer la ville durable du futur, il faut comprendre la situation d’un territoire, la ville. A partir du chapitre précédent (études de cas sur Tokyo et Mumbaï et leurs mises en perspectives), les élèves ont pu établir des constats pour faire le diagnostic urbain, saisir les problèmes et enjeux de la ville de demain. Les scénarios de la ville durable du futur Une fois le diagnostic urbain fait, les élèves ont dû imaginer et construire des actions, des projets qui permettent de répondre à ces enjeux, faire des scénarios pour devenir des acteurs de la ville. Travail de groupe : la formation de « cabinets d’experts » Pour imaginer les futurs possibles d’une ville durable, les élèves ont été regroupés en « cabinets d’experts » par quatre. Cette démarche avait pour but de les sensibiliser sur la place et le rôle des acteurs de la ville. Ils ont bénéficié de l’expérience de leur professeur, urbaniste avant d’enseigner l’histoire géographie, spécialisée dans les projets urbains. Afin de permettre aux élèves d’entrer dans cette phase créative propice à une démarche de projet, le professeur a proposé la situation suivante : « vous êtes projeté(e)s en 2050 dans la peau d’experts (architecte / urbaniste, gestionnaire des flux, ingénieur). Vous travaillez pour le ministre de la Ville, qui vous charge d’élaborer un projet de ville durable. En groupe, vous allez développer, dessiner et raconter votre espace urbain ! À quoi ressemblera-t-il ? Le ministre vous demande de prévoir des logements accessibles à tous, de réfléchir aux transports, de permettre l’utilisation d’énergies renouvelables, le traitement des déchets, de réfléchir à des solutions pour nourrir les citadins et comment mieux cohabiter »

Partage de pratiques

Pour illustrer et partager leur vision de la ville de demain, chaque cabinet d’experts devait préparer un poster qui mette en mots et en images la manière dont il imagine la ville de demain. Cette tâche mobilise également des compétences orales. Oral et présentation des villes du futur Chaque groupe a présenté sa production à l’ensemble de la classe. Un cabinet d’experts a proposé une smart city avec un grand quartier en forme de nénuphar et des quartiers secondaires reliés par des tunnels souterrains transparents où l’on voit les poissons. On y prend aussi sa voiture électrique souterraine accrochée sur des plateformes qui bougent sans cesse. Un autre cabinet d’experts a proposé une ville végétalisée au bord du littoral avec des transports volants et des fermes urbaines. Certaines tours y deviennent des lieux de sociabilité qui prennent la forme de parcs en hauteur avec des balcons et des terrasses végétalisées. Pour que la ville puisse accueillir une population nombreuse sans consommer trop d’espace, un cabinet d’experts s’est servi du prototype d’appartement vertical de 1m2 Concernant la localisation des métropoles, deux villes sont sur l’eau et une ville sous l’eau. Pour un groupe, c’est parce qu’il n’y a plus de place sur terre, pour un autre, c’est parce que le niveau des océans monte et qu’il faut adapter la forme urbaine. On remarque que dans les propositions des cabinets d’experts, les villes sont multipolaires avec des centres secondaires. La ville prend par deux fois la forme de plusieurs nénuphars, les élèves étant influencés par les projets qu’ils ont consultés. Le diagnostic a fait émerger le fait que l’étalement urbain est dû à une spécialisation des usages en ville : le centre est le lieu où l’on travail, la périphérie le lieu où l’on dort. Un des enjeux du territoire était donc de faire des lieux (quartiers, immeubles) multifonctionnels, avec des espaces pour travailler, se loger, des loisirs et des services. Un groupe a travaillé plus spécifiquement sur l’aspect multifonctionnel d’un quartier en proposant une configuration socio spatiale avec 5 gigantesques immeubles où seraient concentrés au même endroit tous les différents usages d’une ville (se loger, travailler, se divertir, s’équiper). Cela favoriserait les échanges et la cohabitation au sein de la métropole. Toutes les problématiques n’ont pas été abordées par les élèves, notamment celle des de la ségrégation spatiale et de la ville fragmentée.

Chaque groupe était donc composé d’un architecte-urbaniste, d’un gestionnaire des flux, d’un ingénieur et d’un sociologue urbain. C’est le professeur qui a formé des groupes hétérogènes et choisi les rôles de chacun en fonction de sa connaissance des élèves. Afin de les aider à rentrer dans leurs rôles d’experts, le professeur a proposé un lien padlet avec un corpus documentaire. Dans ce corpus, les élèves disposaient de toutes sortes de ressources autour de quatre thèmes : inventer la ville durable de demain, mieux se déplacer, mieux cohabiter et nourrir les citadins de demain. Les élèves ont étudié des expériences déjà en cours dans d’autres villes ou des projets futuristes. Les architectes-urbanistes ont commencé leur mission en étudiant plusieurs quartiers urbains durables pour s’inspirer et choisir comment la ville du futur devait se développer. Ils ont réfléchi s’il fallait la densifier ou continuer à l’étaler. Les spécialistes en déplacement urbain devaient travailler sur les moyens de transport du futur : à quoi ressembleront-ils ? Où seront les routes ? Les sociologues ont réfléchi à l’intérêt de faire des lieux multifonctionnels pour réduire les déplacements et favoriser le lien social. Comment proposer une meilleure cohabitation des usages ? Les ingénieurs ont travaillé sur les smart cities, villes intelligentes. Des pistes leur ont été fournies pour ramener la nature en ville et nourrir les habitants de la ville de demain. Chaque groupe disposait d’un tableau qu’il devait remplir avec les éléments prélevés dans les documents. Il a sélectionné des mots-clés pour décrire la ville durable. Ensuite les élèves ont dû se concerter entre experts et faire des choix d’aménagement. La ville étant un lieu qui se pratique, les éléments de scénario de leur ville du futur devaient transparaître à travers la vie quotidienne d’un habitant dans un récit géographique. Pour les aider à entrer dans cette phase d’écriture, le professeur a proposé la situation suivante : « Nous sommes un vendredi matin, comme d'habitude vous quittez votre lieu de résidence pour partir au travail, puis vous devez aller faire les courses et ensuite vous détendre dans un café avec vos amis. Décrivez les espaces que vous fréquentez (de votre maison au café en passant par votre lieu de travail et les lieux où vous faites vos courses). Vous devez aussi caractériser vos déplacements (quels transports vous utilisez, le temps passé dedans etc.). »

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On remarque aussi que dans tous les cabinets d’experts, les routes telles que nous les connaissons disparaissent : elles deviennent souterraines (inspiration du projet d’autoroute souterraine d’Elon Musk) et les véhicules sont parfois volants. Un groupe a interdit les voitures et développé les transports en commun. Tous les élèves ont insisté sur les énergies durables (panneaux solaires pour produire de l’électricité, usine de recyclage à l’extérieur de la ville, système de turbines pour recycler l’air). Un cabinet d’experts a imaginé une smart city qui utilise différents capteurs de collecte de données électroniques pour fournir des informations permettant de gérer efficacement les ressources et les actifs. Tous les cabinets d’experts ont proposé des solutions pour ramener la nature en ville : potagers sur les toits, végétalisation des immeubles, fermes verticales, ruches pour polliniser et produire de la biodiversité.Tous les projets sont disponibles sur un mur collaboratif padlet alimenté par le professeur et les élèves. Certaines présentations orales ont été enregistrées avec un dictaphone et mises en ligne.

Des élèves peuvent-ils penser l’aménagement du territoire dans la ville de demain ? Leur travail peut-il avoir un écho dans les politiques d’aménagement de la ville ? Un élève de collège peut-il être un acteur de l’aménagement du territoire ? Ce premier thème introduit le terme de métropole, dans un monde en voie d’urbanisation rapide. La transposition didactique représente en soi une complexité. Comment faire appréhender et comprendre les dynamiques métropolitaines à des élèves de 11 ans tout en abordant la notion d’habiter ? Sur 24 élèves, tous avaient déjà abordé la géographie urbaine en primaire. Les élèves n’étaient donc pas en situation de découverte “pure”, leurs représentations avaient déjà été travaillées même si tous les élèves n’avaient pas compris ce que signifie « la ville de demain », certains le prenant au sens littéral du terme (la ville de mardi...). Le territoire de proximité , territoire vécu quotidiennement par les élèves a été choisi comme lieu du projet après un débat en classe . La place Ferber est juste devant le collège, cela a favorisé ce choix car il était concret pour les élèves.

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La ville de demain en 6e : des élèves acteurs de l’aménagement de leur territoire ?

Par Florian PONS, professeur d’histoire-géographie au collège Jean Verrazane, Lyon 9e.

Comme de nombreux enseignant(e)s, j’essaye autant que possible de réfléchir à des modalités « innovantes » pour enseigner la géographie notamment par l’élaboration de projets sur plusieurs semaines, démarche concrète me semble-t-il pour donner du sens aux apprentissages et guider les élèves vers une plus grande autonomie tout en nourrissant leurs réflexions . Je propose ici un récit du projet mené en géographie par ma classe de 6e, au collège Jean de Verrazane, pendant l’année scolaire 2017-2018. Dans le cadre de la séquence sur la ville de demain , les 24 élèves ont été installés sur un temps long qui avait pour principal objectif de leur faire découvrir la méthode scientifique (problématiques, hypothèses, vérification, publication). L’objectif était de créer un cadre de travail collaboratif où les élèves pouvaient non seulement réfléchir au futur urbain mais également proposer des solutions durables d’aménagements pour leur espace proche. Celles-ci ne devaient pas seulement être des vues de l’esprit mais des solutions qu’ils pourraient proposer aux professionnels de l’aménagement du territoire et ainsi d’ouvrir la classe au « monde réel ». Offrir de la crédibilité aux travaux des élèves sous tendait la compréhension que la géographie est une discipline scientifique (adjectif souvent utilisé pour désigner les maths-svt-physique chimie) et que par conséquent, une méthode rigoureuse de travail devait être mise en place pour justifier leurs choix. Si les problématiques du programme de la classe de 6e s’articulent autour de l’identification des problèmes actuels des métropoles, des défis que celles-ci doivent relever et de ce à quoi elles pourraient ressembler dans vingt à trente ans , fondamentalement je cherchais à poser les questions suivantes :

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On peut d’ailleurs la voir de la salle de cours, ce qui a été pratique à plusieurs reprises pour l’observer des fenêtres. Cette place n’est pas vraiment « enthousiasmante », elle est peu esthétique, peu fonctionnelle, souvent squattée, elle invite guère à flâner ou à y passer du temps. Elle n’est pas un lieu de référence du quartier, elle ne rayonne pas. Tout cela lui donne un côté très intéressant pour le projet car il y a beaucoup de choses à faire. Elle est pourtant un des éléments centraux du quartier Valmy, au cœur du 9e arrondissement de Lyon, quartier traditionnellement industriel et commerçant, populaire et ouvrier qui se transforme progressivement en un territoire gentrifié notamment avec l’installation d’un campus universitaire et le développement de nouveaux programmes immobiliers, attirant de nouveaux habitants (sans d’ailleurs vraiment changer la population du collège majoritairement issue des classes populaires.) Méthode scientifique et « ouverture » de la classe : Pour ce projet de travail je souhaitais intégrer un partenaire extérieur à la classe avec les Savanturiers , programme éducatif qui a été développé à partir de 2012, d’abord dans le périscolaire, en lien avec le Centre de Recherches Interdisciplinaires et qui « mobilise et fédère les communautés éducatives et scientifiques qui co-créent et innovent au service de l’École ».En fait, l’intérêt des Savanturiers est d’intégrer au projet de l’enseignant un mentor, un chercheur qui accepte bénévolement de guider le projet. J’ai donc travaillé avec Vincent Jaillot , doctorant au LABEX IMU, qui a pu introduire la démarche scientifique par la présentation de ses travaux. Une belle rencontre pour les élèves et pour Vincent. Le partenariat avec les Savanturiers a aussi permis de structurer le calendrier, notamment avec des dates butoirs : une présentation sous forme de « soirée géo » au collège devant les parents d’élèves fin mai et un congrès de jeunes scientifiques début juin dans un amphithéâtre de l’université Lyon 3.

Vincent Jaillot , doctorant au LABEX IMU, qui a pu introduire la démarche scientifique par la présentation de ses travaux.

Ci-contre le visuel de la démarche scientifique utilisée en classe, initiée par Vincent Jaillot et que j’ai schématisée ainsi. Ce schéma a l’avantage d’être visuel et simplifié. C’est aussi son défaut, notamment car il présuppose qu’il n’y pas de va-et-vient entre les étapes, ce qui est fondamentalement faux. Et c’est justement un écueil important d’autant que je souhaitais mettre en avant le droit à l’erreur ou le droit à l’impasse, intrinsèque aux travaux de recherche.

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Par exemple les élèves du groupe qui travaillait sur les énergies renouvelables imaginaient installer une éolienne sur la place mais en se confrontant à leur corpus documentaire ils ont pris conscience des mesures de sécurité qui doivent être respectées en ville. Celles-ci empêchaient leur projet. Ils ont rebondi en se dirigeant vers l’installation de panneaux solaires. Ce rebond a été vécu comme un échec et un moment de flottement important dans le groupe de travail, déjà pas très dynamique et assez conflictuel (avec un élève absolument pas investi voire délétère). J’ai pourtant insisté sur le fait que ils avaient précisément bien travaillé et se confrontant à une impasse. La proximité de la place nous a permis de faire une sortie de terrain. C’est très agréable pour les élèves qui sortent des murs et qui peuvent adopter une démarche de « petits géographes », ils ont pu dessiner, photographier les différentes parties de la place et annoter leurs remarques, cahiers à la main. La consigne était d’observer, de regarder des éléments intrigants, des espaces vides, de chercher à identifier les modes de déplacements autour de la place et sur la place, de regarder le sol, la végétation, la gestion des déchets...Le projet a été l’occasion de mener une collaboration avec Mme Duprez, documentaliste du collège qui a guidé les élèves dans la recherche d’ouvrages sur la ville de demain. Ce temps de recherche bibliographique a été assez long. Il a même stagné lorsque nous avons remonté toutes les ressources (livres et magazines) récupérées au CDI dans la salle de classe.En classe, mon rôle était de passer de groupe en groupe pour les guider dans leurs recherches. Si j’avais préparé tout le corpus documentaire, la recherche bibliographique des élèves n’aurait pas eu de sens. Mais en laissant une totale autonomie aux élèves il fallait accepter de ne pas avoir la main sur leurs lectures et leurs annotations. Je rajoute à cette réflexion qu’il est très compliqué pour des élèves de 6e, notamment ceux en difficulté, « d’éplucher » » des livres ou des magazines même si quelques élèves ont reproduit la recherche bibliographique à la médiathèque du quartier. Je pense aussi que la totalité des élèves a passé du temps à lire autre chose dans les magazines, ce qui peut représenter un frein majeur pour cette méthode de travail. Je pense aussi que la limite de la recherche libre bibliographique prend énormément de temps et que l’on se perd dans le projet. En somme, cette méthode est peu efficace par rapport à la contrainte forte des emplois du temps.

les élèves travaillant au CDI

Les projets des élèves : Des observations et de l’imagination des élèves ont découlé les idées d’aménagement. Les problématiques et les hypothèses ciblaient les thèmes suivants : mobilités et pollution, nature en ville et pollution, gestion des déchets, énergies renouvelables.Les lectures visaient à vérifier les hypothèses. Les hypothèses et les problématiques ont été mises en place en plusieurs temps : après la sortie de terrain et en lien avec Vincent Jaillot (avec qui nous avons échangé par téléphone pendant les séances, Skype étant bloqué sur le réseau local). J’avais aussi insisté pour que ces problématiques « bougent » avec les lectures. Cela a été le cas pour quelques groupes.

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Le projet a évidemment montré ses limites. Il s’agirait désormais de mieux interroger le rapport au territoire. Les élèves devaient réaliser des enquêtes auprès des habitants ou des personnes côtoyant la place. Il y a eu quelques questions posées mais de manière informelle qui n’ont pu se concrétiser en données exploitables. J’ai passé beaucoup de temps à me demander comment restituer les projets des élèves. Comme nous avions deux « conférences » j’ai opté pour un support visuel. Beaucoup trop de temps a été passé à créer les présentations informatiques, support du travail des élèves . Cela a été compliqué car je n’étais plus géographe. Ici, l’interdisciplinarité aurait été bienvenue. Idéalement je voulais modéliser le travail des élèves. Je me suis perdu à vouloir faire cela sur Minecraft ou Minetest et je pense que c’était une fausse route car je ne maitrise pas du tout ces outils et j’ai dépensé trop d’énergie à essayer de mettre ça en place alors que les contraintes étaient trop fortes. Là aussi, l’interdisciplinarité aurait été une solution. Il y aussi eu des choses très positives. Le projet, même d’un niveau assez complexe, a vraiment permis à de nombreux élèves de s’épanouir intellectuellement et de prendre du plaisir à travailler en géographie.Ce projet a aussi permis de développer de nombreuses compétences en parallèle : prélever des informations, s’exprimer à l’oral, coopérer, mutualiser, raisonner, vérifier, justifier, travailler avec le numérique, dessiner (très bien pour les élèves avec difficultés à l’écrit).

Les thèmes retenus pour le projet se sont centrés sur l’environnement et les solutions proposées sont des solutions fonctionnelles et qui n’insistent pas vraiment sur « l’habiter ». Je suis en partie responsable car un des premiers documents que j’ai projeté en classe au moment d’ouvrir la séquence a été le projet architectural des tours végétalisées de Stefano Boeri à Milan. En somme je trouve l’approche que j’ai proposée aux élèves trop superficielle, car trop centrée sur l’environnement. Peut-on mieux envisager des approches sociales et économiques du développement durable dans une perspective de la ville de demain auprès des 6e ? Je constate toutefois que le développement durable, avec les thématiques sur le recyclage par exemple, sont majoritaires dans l’approche géographique à l’école primaire . Le manuel scolaire ne propose pas non plus de pistes très concrètes vers le social et l’économique. Quelques remarques : L’avantage de ce genre de projet est qu’il n’y a pas de bonnes ou mauvaises réponses , ce qui favorise la réflexion et l’imagination. C’est un peu déstabilisant pour les élèves habitués à des travaux qualifiés de « basse tension intellectuelle » (peu de réflexion, « système de pensée » faible) où ils cherchent la « bonne réponse » car elle est déjà écrite et que notre travail est de les emmener à celle-ci . Ici les élèves ont pu s’investir et réfléchir à la ville de demain, qui sera aussi la leur en insistant sur une méthode scientifique (prouver que le projet est possible).Voici les 7 projets (7 groupes de travail en classe) : installer des bacs potagers, améliorer les mobilités sur la place, aménager un jardin zen, végétaliser la place (mur végétal) pour absorber la pollution, renforcer l’éclairage et créer une animation artistique sur la façade du collège (vidéoprojecteur), installer des panneaux solaires sur le toit du collège et proposer un système de tri intelligent avec des récompenses pour les habitants.

Délégation d’élèves (désormais en 5e) reçus à la mairie du 9e arrondissement par Mme El Hadri-Leguet et Mickaël Sabatier, adjoints pôle Environnement – Voirie – Espaces verts, Octobre 2019

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Références

1.Par opposition au modèle dit « traditionnel » : cours magistral ou dialogué, c’est-à-dire faussement magistral. 2.. A l’opposé d’une accumulation de connaissances, de chapitres en chapitres. 3. Thème 1 : habiter une métropole. Chapitre 2. La ville de demain. 4. Le thème invite ainsi à appréhender les caractéristiques principales des métropoles par la notion d’habiter ainsi qu’à conduire une réflexion sur la possibilité d’un développement urbain durable. 5 La notion découle des travaux de Mathis Stock ou Olivier Lazzarottidans les années 2000 ou récemment de Jacques Levy sur le « cohabiter ». 6. Thème passé à la première année du cycle 3 depuis la réforme de 2015. 7. Pour une fois j’ai réussi à m’effacer. C’est une élève qui a pris en charge le débat. 8. Désormais je cherche plusieurs partenaires extérieurs pour enrichir la démarche et la connexion de la classe. 9. https://les-savanturiers.cri-paris.org/10.https://www.researchgate.net/publication/318318467_A_generic_approach_for_sunlight_and_shadow_impact_computation_on_large_city_models 11. Deux élèves avaient été autorisés à prendre des photos avec leur smartphone. 12.https://immobilier.lefigaro.fr/article/les-forets-verticales-de-milan-un-enorme-succes-international_504e0b6a-b27d-11e7-9cde-2ebd52d813ae/ 13.J’ai interrogé les élèves sur les travaux qu’ils avaient menés lors des deux premières années de cycle 3 (cm1/cm2) sur le thème de la ville de demain. Certains avaient réalisé une pièce de théâtre sur la ville de demain en imaginant des dialogues entre des enfants de 1980, 2017, 2050, 2100, d’autres avaient réfléchi à comment faire pour que Lyon et son neuvième arrondissement soient moins pollués, d’autres avaient imaginé la ville avec davantage de nature. 14.l faut l’expliciter aux élèves. 15. Sophie Gaujal, thèse « Une géographie à l’école par la pratique artistique », p 57. 16. Système de pensée à plus forte tension intellectuelle, émancipatrice : pourquoi cette réponse et pas une autre ? 17. J’avais fait le choix de laisser les fautes d’orthographe pour plus de réalisme. 18Lors de la première restitution (publication) un élève a préféré aller à son entrainement de sport plutôt que présenter son travail.19 Un élève s’était interrogé au début du projet « Comment la mairie pourrait faire confiance à des enfants de 11 ans ? »

Enfin le projet, sur le long terme, a marqué de nombreux élèves (quand d’autres ne sont pas investis ), dont les plus volontaires ont pu rencontrer M. Sabatier, élu du 9e arrondissement donnant un formidable écho à leur travail. En lien avec la géographie, les élèves ont ainsi appréhendé les décisions politiques à l’échelle locale, et surtout ils ont été écoutés et pris au sérieux . Ils ont eu la possibilité de comprendre que les projets avaient deux freins majeurs : les coûts et la faisabilité avec de nombreuses contraintes structurelles et techniques que les élèves n’envisageaient pas assez dans leurs projets (même si le coût était apparu dans la plupart des projets come un verrou bien identifié).Ce projet, totalement imparfait, m’a permis aussi de mieux penser celui de cette année et de dépasser le stade de «bricolage » . Je suis rentré cette année dans un projet plus ambitieux : je souhaite faire intervenir plus d’acteurs de l’aménagement du territoire pour davantage décloisonner la classe. Il s’agit également de mieux gérer l’aspect chronophage du projet en établissant ce que je peux faire et surtout ce que je ne suis pas en mesure de réaliser. J’ai adopté une démarche plus prospective en établissant une chronologie du projet plus précise et plus facilement identifiable pour les élèves. La recherche bibliographique sera un dossier que j’ai préparé en amont, et qui sera accès sur des verrous, des contraintes, des réalités. Nous quittons la place Ferber pour imaginer le quartier Valmy en 2040. Dans un premier temps les élèves ont mis en place en questionnaire pour faire l’état des lieux du quartier (nous essayons de le diffuser largement). Il s’agira ensuite de traiter ces données et de proposer plusieurs visions du quartier tout en argumentant des trajectoires pour y parvenir.

Idée pratrique

8 bonnes raisons d'utiliser Edugéo pour faire de la prospective territoriale

P.Mériaux, Interlocuteur Académique au Numérique (I.A.N) d'Histoire-Géographie, Académie de Lyon

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