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Short Ride in a fast machine
olivier.gavignaud
Created on August 17, 2018
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Transcript
John Adams Short ride in a fast Machine
Présentation d'Olivier Gavignaud -Lycée Lapérouse d'Albi
John Adams, éléments Biographiques (source site de l'Ircam)
Né en 1947, John Adams a grandi dans le Vermont et le New Hampshire où il reçoit sa première éducation musicale de son père, avec qui il étudie la clarinette et joue dans des fanfares locales. Adams a souvent dit combien les sonorités exubérantes et le rythme puissant de la marche ont profondément influencé sa personnalité musicale — parcours semblable à celui de Charles Ives à la fin du siècle dernier. En 1971, après avoir terminé ses études à Harvard avec Leon Kirchner, Adams quitte la Nouvelle Angleterre pour la Californie. Il réside depuis dans la baie de San Francisco.Pendant dix ans, il enseigne et dirige au Conservatoire de Musique de San Francisco, et, de 1978 à 1985, il est très étroitement associé au San Francisco Symphony, dont le directeur musical Edo de Waart sera le premier défenseur de sa musique.Bien qu'elles n'aient jamais suivi les strictes formules du minimalisme « classique », les premières pièces instrumentales d'Adams — comme les deux pièces pour piano solo de 1977 : Phrygian Gates et China Gates, ou encore le septuor à cordes Shaker loops de 1978 — utilisent de brèves cellules répétitives. Elles rendent ainsi hommage non seulement à Reich et Glass mais aussi à Terry Riley et à quelques-uns des compositeurs expérimentaux des années soixante. Mais, même dans ses compositions les plus purement minimalistes, ce qui rend les œuvres d'Adams incomparables est le haut degré d'imagination et d'invention apporté à l'écriture, ainsi que la longue et puissante progression dramatique en arche qui va bien au-delà du minimalisme.
Au cours des années soixante-dix et quatre-vingt, la musique d’Adams joue un rôle décisif dans la constitution et la diffusion d’un courant post-moderne à l’intérieur de la tradition savante contemporaine. Réactivant le thématisme et l’harmonie issus du post-romantisme, s’appropriant le rythme des musiques traditionnelles ou l’énergie euphorisante du jazz et du rock, sa musique, tout autant imprégnée de l’esprit expérimental californien des seventies, cherche à rassembler les influences multiples traversant la culture américaine, sous une signature identifiable et en renouvellant constamment les voies d’un langage de synthèse. C’est sans doute dans le domaine symphonique que s’exprime le mieux tour à tour sa verve humoristique, faite de sauts d’humeur et de contrastes grinçants ou sa veine élégiaque teintée de nostalgie.La collaboration, à partir de 1985, avec Alice Goodman et Peter Sellars donne naissance aux opéras les plus joués dans le monde des deux dernières décennies : Nixon In China (1984-1985) et The Death of Klinghoffer (1990-1991). Ce dernier sera porté à l'écran en 2003 par Penny Woolcock. Suivent d'autres œuvres réalisées avec Peter Sellars : en 1995, le "songplay" I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky, en 1999-2000, El Niño, sur un livret multilingue célébrant le millénium et Doctor Atomic (2005). En 2006, est créé à Vienne A Flowering Tree, opéra inspiré de la Flûte enchantée de Mozart, en 2012, John Adams compose l'oratorio The Gospel According to the Other Mary, et en 2017, l'opéra sur la ruée vers l'or, Girls of the Golden West est créé à l'Opéra de San Francisco.John Adams est également chef d'orchestre. En 2013-2014, il dirige les orchestres suivants : le Houston Symphony, le Toronto Symphony, le Los Angeles Philharmonic et le New World Symphony ou dernièrement le philharmonique de Berlin.
Contexte et création
«Savez-vous l’effet que cela procure lorsqu’on vous offre une virée dans une voiture de sport sensationnelle, et que vous regrettez d’avoir accepté ?» John Adams.
C’est une virée nocturne débridée dans la voiture de sport Lamborghini d’un membre de sa famille qui donne l’inspiration de Short Ride in a Fast Machine au compositeur. : il traduira en musique le mélange d’excitation, de terreur et de sidération qui l’avait alors ressenti. L’œuvre est une commande du chef d’orchestre Michael Tilson Thomas pour l’orchestre de Pittsburgh à l’occasion du concert d’ouverture du Great Wood Festivals à Mansfield dans le Massachusetts (près de Boston) en 1986. Adams était chargé d’écrire une fanfare brillante pour l’ouverture du festival.Adams s’est retrouvé confronté aux modèles du genre comme la Fanfare for a Common Man d’ Aaron Copland (père fondateur de la musique classique américaine) devenue une emblème patriotique.
Aaron Copland, Compositeur, chef d’orchestre, pianiste et pédagogue américain 1900-1990) ,chef de file de l’école américaniste qui ouvre la voie à l'affranchissement progressif des compositeurs américains de l'influence européenne.La musique d’Aaron Copland est fortement imprégnée du folklore américain. Soucieux de la place de la musique dans la société, il multiplie les références à son pays dans ses œuvres dès les années 1930, afin de rendre sa musique plus accessible: elles sont d’abord musicales - chansons de cow-boys dans « Billy the Kid » ou ballades populaires dans « John Henry » - puis extra-musicales avec l’évocation de grands espaces dans «Appalachian Spring » ou du mode de vie des pionniers américains
D'autres fanfares figurent parmi les modèles du genre comme les œuvres de Paul Dukas (Fanfare pour la Péri-1911) et Debussy (Fanfares du Martyre de Saint-Sébastien-1911) portiques grandioses invitant l’auditoire à écouter et prendre place au concert.
C'est deux pièces révèlent un sens harmonique très français qui privilégie des harmonies , faites d'accords enrichis, alternant avec des tournures archaïsantes et modales.
John Adams choisit quand à lui une formation symphonique complète (auxquels s’ajoutent deux synthétiseurs) pour se démarquer des œuvres évoquées précédemment uniquement pour cuivres et percussions. Au moment de commencer son travail il vient justement de s’atteler à une fanfare intitulée Tromba lontana, ou il maintient une nuance douce et élégiaque où les appels lointains des trompettes répondent à la mouvance des basses et au scintillement d’un ostinato, prenant ainsi le contre-pied des fanfares d’ordinaire éclatantes.Short ride in a fast machine sera une étude de rythme débridée et virtuose et constituera avec Tromba lontana un bref diptyque de « Deux fanfares pour orchestre ».
Mondialisation culturelle : diversité, relativité et nouvelles esthétique
« Je voulais créer un langage musical prêt à tout accueillir, constituant vraiment un environnement bâtard (…) J’aime le caractère ethnique de certaines œuvres et j’aime l’ethnicité américaine de ma propre musique, et indubitablement ce que j’appelle mon « filtre à large maille », c'est-à-dire que je suis prêt à incorporer tout ce que je découvre que ce soit Debussy, Chuck Berry, Les gamelans, le Jazz, le folk, la Latino… »
- Adams, compositeur américain vivant le plus joué incarne avec une certaine désinvolture le dialogue et l’imbrication entre musique populaire et savante.- Le journaliste et musicologue Renaud Machard, auteur d’un essai sur le compositeur (« John Adams » éditions Acte Sud) intitule un chapitre de son oeuvre « Docteur Jeckyll et Mr Hyde pour rendre compte de cette dichotomie dans le style et la personnalité de John Adams.- Contrairement à la majorité des avant-gardes européennes d’après 1945, les compositeurs américains comme Reich et Adams revendiquent l’influence des musiques jazz et pop, source d’énergie rythmique et qui n’ont jamais renié tonalité et modalité. Il suffit pour cela d’écouter Steve Reich évoquer l’influence du jazzman Coltrane . Adams clarinettiste dans sa jeunesse, a joué dans de nombreux ensembles avec son père musicien amateur et a beaucoup pratiqué le répertoire populaire.- Cette imbrication du populaire et du savant, reflet d’un melting-pot originel semble caractériser l’ADN des grands compositeurs américains comme Charles Ives, Léonard Bernstein ou Copland.
Deux exemples révélateurs
Charles Ives (1874-1954) « Central Park in the dark » (1906)
Aaron Copland « El Salon Mexico » (1947)
Ce morceau adapté d’une musique de film témoigne de l’inspiration folklorique de Copland, ici un folklore mexicain réinventé et arrangé sous le prisme d’une orchestration acérée très stravinskienne, avec ses sonorités claires et ses rythmes tranchants et syncopés.
Dans cette pièce Ives juxtapose deux univers, la texture harmonique mystérieuse des cordes de la première section que l’on retrouve à la fin de la pièce (constituée d’harmonies polytonales et d’accords de quartes empilées) et la partie centrale qui est un crescendo en forme d’irruption de musiques de rue : piano ragtime suivi d’une tonitruante fanfare.John Adams rendra hommage à ce compositeur avant-gardiste au style naïf et résolument hétérogène dans sa pièce My father knew Charles Ives
- Chez John Adams cette double inspiration populaire et savante se conjugue avec des ruptures de ton et voltes-faces.
« Je continue d’être une sorte de Dr Jekyll et Mr Hyde… j’ai des tendances de mauvais garçon, contre lesquelles je ne peux lutter. Certaines personnes considèrent Grand Pianola Music comme une sorte de mauvaise blague, et préfèrent The Wound-Dresser, mais je ne peux résister à cette polarité, car cela serait très négatif et destructeur pour mon équilibre artistique et humain. Dans Fearful Symmetries, il ya une grand influence des dessins animés et de la musique de film muet, ce qui n’est pas du goût de tout le monde… »
En effet des œuvres citées comme Fearful Symmetries et The Wound-Dresser bien que présentes dans un même album dirigé par le compositeur sont aux antipodes. L’agitation ludique et cartoonesque de la première , qualifiée de "Boogie-woogie de 25 minutes" par son auteur, en « Technicolor sursaturé » montre une dimension ironique et s’oppose au ton profondément élégiaque et introspectif de la seconde, cycle de chant pour baryton et orchestre sur des textes de Walt Whitman.
Le catalogue de John Adams est coutumier de ces écarts stylistiques Le compositeur rejette d’ailleurs cette manière très européenne et un peu sectaire de séparer les styles :
« Paris aime les tiroirs bien rangés (musique « sérieuse », musique « légère », musique « populaire ») ; il y en a même qui sont à tout jamais fermés à clé… »Contrairement à la pensée dominante européenne Il défend même l’idée que :« ... nous sommes dans une période postérieure aux styles. On pourrait dire « poststyle « comme on dit « postminimaliste », « postmoderne ».
- Dans Short ride in a fast machine, le style post-minimaliste d’Adams associe un grand raffinement orchestral issu de la tradition symphonique occidentale à des procédés compositionnels typiques de la musique répétitive (ostinati, boucles, variations…).- Adams est parvenu a donner un nouveau souffle à la musique minimaliste américaine en lui donnant une nouvelle dimension symphonique et dramatique personnelle.
Le son, la musique, l'espace et le temps
La pièce s'organise autour de trois sections principales.
- Organisation Formelle :
Comme on peut le remarquer, tout en progressant dans une sorte de narration continue et évolutive, la pièce est aussi structurée par des rappels (fanfares) et une certaine unité tonale (début/fin en ré majeur).
Turbulences et dissonances rythmiques...
2. Traitement rythmique:
- La pièce d'Adams, traduction musicale d'une course frénétique déploie une grande énergie qui repose sur un jeu de dissonances rythmiques et de polyrythmie.
- La pulsation initiale du wood-block donne selon Adams une sorte de "Click" fondamental et omniprésent (sauf dans la section finale où il est emporté par le souffle mélodique des cuivres).
- le jeu rythmique déployé par le compositeur à partir de cet ostinato initial s'inscrit parfaitement dans l'esthétique minimaliste qui joue sur la métamorphose et transformation progressive d'une figure d'ostinato. - Cette pulsation va être constament chahutée par les fanfares de cuivres dans une jeu de dissonances rythmiques de plus en complexes et trépidantes. -D'abord homorythmique, la scansion rythmique des cuivres se décale progressivement:
-- La débit rythmique s'accèlère avec l'apparition des croches
- Il devient de plus en plus syncopé, agité et irrégulier
-Dans la partie centrale B de la pièce les basses de l'orchestre créent une polyrythmie en déroulant une nouvelle pulsation rythmique plus rapide .
--Le temps est doublement strié et le retour des accents violents et irréguliers des cuivres et percussions, donnent une violence quasi cinétique à ce passage et contribuent à son caractère dramatique et paroxystique.
La suite de la pièce exploite ces même procédes rythmiques. Dans la partie C la perception est modifiée par la polyphonie mélodique des cuivres. Le large phrasé des trompettes, cors et trombones contribue à une sensation d'étirement du temps même si les percussions, bois et cordes maintiennent en staccato un scintillement rythmique. La coda brillante et abrupte retrouve l'énergie jubilatoire des fanfares initiales
Jeux de timbres
S’il est un domaine où Adams excelle c’est bien celui de l’orchestration. Steve Reich qualifie lui même Adams de "maître" en la matière. A l’instar d’un Maurice Ravel sa maîtrise des timbres orchestraux révèle une mécanique de haute précision. Brillance du détail, gestion des crescendos et effets de masses, le succès de Short ride in a fast machine ne doit rien au hasard. Comme le Boléro pour Ravel, le succès et la popularité de la pièce a étonné son auteur.
La formation instrumentale
La pièce est composée pour une grande formation symphonique, qui correspond grosso modo au standard des grands orchestres actuels :• 2 Piccolos, 2 Flûtes, 2 Hautbois, 1 Cor anglais, 4 clarinettes, 3 bassons, 1 contrebasson• 4 cors, 4 trompettes, 3 trombones, 1 Tuba• Timbales et diverses percussions ( Glock., Xylo., crotales, tr, wood blocks, triangle, cymbales..)• 2 synthétiseurs (optionnel)• CordesOn remarque la présence des deux synthétiseurs dont le timbre doit se fondre dans la masse.
L' orchestration dans la pièce
En choisissant une formation complète la pièce d’Adams dépasse l’archétypeconventionnel de la fanfare de cuivres. Adams joue sur la superposition des plans sonores et des textures tout en conservant une clarté remarquable.
Exemple de la section A
4 plans sonores qui se superposent progressivement - Le pulsation du wood block, battement et pulsation originelle de la pièce - - L’ostinato tourbillonnant des clarinettes et synthés (sur une harmonie de quarte : re,mi,la en sons réels), agité mais statique mélodiquement, il constitue un pôle harmonique autour duquel vont graviter les harmonies de la première section.
- Les fanfares de cuivres : elles s’enrichissent progressivement harmoniquement et se complexifient progressivement sur le plan rythmique.
- Les fusées des piccolos, flûtes et hautbois : traits fulgurants qui envahissent l’extrême aigu du spectre sonore. Elles se parent de sonorités étincelantes des glockenspiel et crotales (petites cymbalettes accordées) .
A noter que les cordes ne jouent pas dans cette section a1, et n’interviennent qu’à partir de a2 en homorythmie et doublure des vents. Cela a pour effet de graduer le crescendo et souligner la modulation (vers SiB).
Cette première section montre donc un exemple remarquable d’orchestration dans la capacité à superposer et différencier des plans sonores tout en conservant une certaine individualisation des timbres et clarté à l’intérieur de la masse orchestrale. Elle illustre aussi l’art du crescendo orchestral. Sans prétendre réaliser une analyse exhaustive de l'orchestration de la pièce on pourra s'intéresser aux points suivants: - Le thème polyrythmique des basses dans la partie B. Adams sait ménager ses effets avec l'entrée des contrebasses de l'orchestre qui n'avaient pas joué dans la première partie de la pièce... -Dans la transition (mes. 122), on remarque les effets de pédales dans l'extrème grave (Tuba et basses de l'orchestre) créant un élargissement du spectre et des effets de polytonalité. - Dans l'apothéose finale, la sonorité épique des cuivres avec ces motifs aux larges intervalles, signature très américaine dans l'esprit de "l'Hollywood sound"...
Interprétations et arrangements
L'oeuvre de John Adams fait partie du grand répertoire des orchestre symphoniques, ce qui est très rare pour une oeuvre d'une compositeur vivant. Pour cette raison elle a connu de nombreuses interprétations et enregistrements. Pour se faire une idée des multiples versions vous pouvez écouter l'émission " La tribune du disque" de France Musique qui lui a été consacrée. ( La partie sur Short ride in fast machine débute à 1h23,17sec)
Quelques interprétations de référence...
Divers arrangements...
De plus fidèle au plus improbable, l'oeuvre existe sous de nombreux arrangements. Cette diversité est le reflet de sa popularité Le plus fidèle: l'arrangement pour orchestre d'harmonie. Très proche de l'original car l' oeuvre fait la part belle aux vents et percussions. On oublie presque l' absence des cordes (remplacées par les saxophones) qui apportent juste plus de densité et de texture à l'original.
Le plus kitch... l'arrangement pour marching band
Beaucoup moins fidèle à l'original, cet arrangement pratique ajouts et coupures au point de rendre certaines sections méconnaissables... On est dans une tradition typiquement américaine de défilés musicaux chorégraphiés avec ses instruments à vents spécifiques: méllophones, euphoniums, sousaphones...
Le plus inattendu.... l'arrangement pour orchestre de Gamelan
Cette version pour Gamelan (orchestre traditionnel de percussions javanaises ou balinaises), la plus éloignée de l'original a le mérite de mettre en évidence les structures rytmiques de la pièce au point de la transformer en pure étude de rythme.